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Date : 20041202

Dossier : IMM-9014-03

Référence : 2004 CF 1689

Toronto (Ontario), le 2 décembre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

                                                      IYOHA, PRECIOUS TAIWO

demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu qu'il y avait eu désistement de la demande d'asile de Mme Precious Taiwo Iyoha en raison de son omission de déposer un formulaire de renseignements personnels (le FRP) dans le délai de 28 jours prévu par les Règles de la Section de la protection des réfugiés.

[2]                Mme Iyoha ne s'est pas présentée lors de l'audience relative au désistement. Sa requête visant la réouverture de sa demande a par la suite été rejetée par la Commission, laquelle a conclu qu'il n'y avait aucune violation des principes de justice naturelle dans le cadre de la procédure de désistement.

[3]                Mme Iyoha vise maintenant à obtenir le contrôle judiciaire du refus de la Commission de rouvrir sa demande d'asile, alléguant qu'elle n'a jamais eu l'intention de se désister de sa demande. Mme Iyoha affirme qu'elle n'a jamais été avisée de la procédure de désistement, cela occasionnant une violation des principes de justice naturelle.

La chronologie des événements

[4]                Il est très difficile d'obtenir un portrait clair de l'historique de cette affaire, puisque les affidavits de Mme Iyoha sont déroutants et, sur certains points, clairement inexacts. En outre, les affidavits sont également quelque peu vagues et imprécis, ainsi que parfois intrinsèquement contradictoires.

[5]                Pour établir la chronologie des événements, j'ai tenu compte des affidavits de Mme Iyoha et j'ai aussi examiné attentivement le dossier certifié du tribunal.

[6]                Mme Iyoha est citoyenne du Nigéria. Le 28 mars 2003, elle a quitté le Nigéria, fuyant ce qui constituait, selon elle, une relation de violence avec son mari. Mme Iyoha déclare qu'elle est arrivée au Canada le 11 avril 2003, bien que son FRP mentionne comme date de son arrivée le 1er avril 2003.

[7]                Mme Iyoha a demandé l'asile le 11 avril 2003. On lui a remis un FRP à remplir et à retourner à la Commission au plus tard le 9 mai 2003.

[8]                C'est ici que la preuve de Mme Iyoha devient très vague. Dans l'affidavit que Mme Iyoha a souscrit à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire, elle affirme que le 11 avril 2003, elle a apporté le FRP à M. Christian Chijindu, qui la représentait à ce moment-là. Toutefois, dans l'affidavit qu'elle a souscrit à l'appui de sa requête visant la réouverture de sa demande d'asile, Mme Iyoha déclare qu'elle a apporté le FRP à Mme Gladys Aghimien le 11 avril 2003. Mme Iyoha identifie Mme Aghimien comme étant le conseil dont elle a retenu les services en remplacement de M. Chijindu.


[9]                Dans l'affidavit que Mme Iyoha a souscrit à l'appui de sa requête visant la réouverture de sa demande d'asile, elle ajoute que Mme Aghimien n'a pas été en mesure de préparer son FRP à temps, en raison des difficultés encourues avec l'aide juridique. Mme Iyoha affirme ensuite qu'elle s'est présentée au bureau de Mme Aghimien [traduction] « en mai 2003 » pour signer le FRP. Mme Iyoha ne mentionne dans aucun de ses affidavits à quelle date, en mai, elle a signé son FRP.

[10]            Mme Iyoha déclare que, lorsqu'elle s'est présentée au bureau de Mme Aghimien pour signer le FRP, on lui a dit que celui-ci avait déjà été déposé. Elle ajoute : [traduction] « J'ai alors dû signer une autre copie le 2 juin 2003 » . Aucune explication n'est fournie quant à la raison pour laquelle on lui a demandé de signer un autre FRP et ses affidavits sont vagues quant à la question de savoir si elle était au courant que son FRP n'avait pas été déposé dans les délais.

[11]            Ce qui déroute encore plus dans l'affaire, c'est une lettre datée du 22 mai 2003 qui se trouve dans le dossier certifié du tribunal et qui provient de M. Chijindu. Cette lettre mentionnait qu'on venait de retenir ses services et qu'il visait à obtenir une prorogation de délai pour le dépôt du FRP de Mme Iyoha. À ce moment-là, le FRP était en retard d'environ deux semaines. M. Chijindu justifiait la demande de prorogation en affirmant qu'il avait besoin de plus de temps pour interroger Mme Iyoha et préparer le document.

[12]            Aucun des affidavits de Mme Iyoha ne traite de cette lettre, laquelle va apparemment à l'encontre de sa prétention selon quoi elle avait révoqué le mandat de M. Chijindu et engagé Mme Aghimien plusieurs semaines auparavant.

[13]            Mme Iyoha affirme qu'elle n'a jamais reçu d'avis de la Commission selon lequel une audience relative au désistement avait été fixée dans le cadre de sa demande d'asile. Selon le dossier du tribunal, un avis de l'audience relative au désistement a été expédié à Mme Iyoha le 13 mai 2003, à une adresse de la rue Queen.

[14]            Mme Iyoha déclare qu'elle a toujours résidé sur l'avenue Finch et que son adresse n'a jamais changé. Toutefois, un examen du dossier du tribunal révèle que pendant la période où sa demande se trouvait devant la Commission, Mme Iyoha a fourni à celle-ci au moins trois adresses différentes.

[15]            Chacun des avis expédiés par la Commission, y compris l'avis de l'audience relative au désistement, l'a été à l'adresse la plus récente fournie par Mme Iyoha. En fait, celle-ci a donné l'adresse sur la rue Queen à la Commission le 17 avril 2003, soit moins d'un mois avant qu'on lui envoie l'avis de l'audience relative au désistement.

[16]            Mme Iyoha déclare également que ni M. Chijindu ni Mme Aghimien n'ont reçu l'avis de l'audience relative au désistement. Cela n'est pas surprenant, vu qu'aucun des deux conseils n'était au dossier à titre de représentant de Mme Iyoha lorsque l'avis lui a été signifié par courrier le 13 mai 2003.

[17]            Le 9 juin 2003, la Commission a conclu qu'il y avait désistement de la demande d'asile de Mme Iyoha. Dans une lettre datée du 30 septembre 2003, celle-ci a été avisée qu'elle faisait l'objet d'une mesure de renvoi. Elle déclare que c'est la première fois qu'elle a pris connaissance du fait qu'il y avait eu une audience relative au désistement dans son dossier et qu'on avait prononcé le désistement de sa demande d'asile.

[18]            Le 14 octobre 2003, Mme Iyoha a présenté une requête visant la réouverture de sa demande. La requête a été rejetée par la Commission.

La décision de la Commission

[19]            La Commission a conclu que Mme Iyoha n'avait pas été suffisamment diligente pour aviser la Commission de ses changements d'adresse. À cet égard, la Commission a fait remarquer qu'aucun renseignement n'avait été enregistré relativement au changement d'adresse dans le dossier de la Commission et que les avis transmis à Mme Iyoha avaient été réexpédiés parce que non livrables.

[20]            Selon la Commission, M. Chijindu a été avisé qu'une demande de prorogation de délai pour le dépôt d'un FRP devait être traitée lors de l'audience relative au désistement. Cela étant, la Commission a conclu : [traduction] « Je n'ai donc aucune raison de croire que le conseil et la demanderesse auraient dû être avisés de l'audience de justification du 9 juin 2003 » .


[21]            Bien que, en fait, elle affirme le contraire, lorsqu'on replace ses propos dans le contexte, je comprends que la Commission était d'avis que Mme Iyoha et son conseil auraient dû être avisés de l'audience relative au désistement du 9 juin 2003.

[22]            La Commission n'a pas non plus accepté l'explication offerte par Mme Iyoha concernant le retard à déposer son FRP, laquelle portait sur les difficultés qu'elle a encourues pour obtenir l'aide juridique.

[23]            Enfin, ayant conclu qu'il n'y avait aucune violation des principes de justice naturelle dans le cadre de l'audience relative au désistement, la Commission a rejeté la demande de Mme Iyoha visant la réouverture de sa demande d'asile.

La question en litige

[24]            Y a-t-il eu violation des principes de justice naturelle dans le cadre de l'audience de Mme Iyoha relative au désistement?


Analyse

[25]            C'est Mme Iyoha qui a le fardeau de démontrer que la Commission a commis une erreur dans sa conclusion selon laquelle sa demande d'asile ne devrait pas être rouverte. Vu l'état tout à fait inadéquat du dossier dont je dispose, je conclus que, en l'espèce, Mme Iyoha ne l'a pas fait.

[26]            Mme Iyoha soutient qu'elle est une victime innocente et que M. Chijindu ainsi que Mme Aghimien l'ont tous les deux bêtement laissée tomber.

[27]            Toutefois, il ne ressort pas clairement du dossier dont je dispose qui précisément, à un moment ou à un autre, représentait Mme Iyoha ou quand les services des conseils ont été retenus. Les conseils n'ont présenté aucun affidavit et, comme je l'ai déjà fait remarquer, les propres affidavits de Mme Iyoha sont truffés d'erreurs, d'omissions et de contradictions. En outre, les affidavits ne sont pas conformes aux documents qui se trouvent dans le dossier du tribunal, y compris ceux déposés par Mme Iyoha elle-même.


[28]            Le paragraphe 4(3) des Règles de la Section de la protection des réfugiés impose aux demandeurs d'asile l'obligation d'informer la Commission de tout changement de coordonnées. À cet égard, je souscris aux commentaires du juge Kelen dans la décision Serrahina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 622, dans laquelle il a fait remarquer qu'il n'incombait pas à la Commission de retracer l'endroit où se trouvent les demandeurs. (Voir aussi le paragraphe 55(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228.)

[29]            Si j'ajoute foi à l'affidavit de Mme Iyoha, il semble qu'elle vivait sur l'avenue Finch en mai 2003. Toutefois, elle n'a fourni cette adresse à la Commission que le 2 juin 2003, lors du dépôt de son FRP, soit plus de deux semaines après que l'avis d'audience relative au désistement lui avait été expédié.

[30]            Tout en affirmant que, dans les faits, M. Chijindu ne la représentait pas en mai 2003, Mme Iyoha soutient que, à tout le moins, une fois que la Commission a reçu la lettre du 22 mai 2003 de M. Chijindu, elle aurait dû revoir ses dossiers et s'assurer que tous les documents pertinents soient transmis au conseil.

[31]            Il faut d'abord noter que M. Chijindu n'a fait aucune demande visant à obtenir des copies des documents se trouvant dans le dossier de la Commission relatif à Mme Iyoha. En outre, rien dans les Règles de la Section de la protection des réfugiés n'exige une telle chose de la part de la Commission.

[32]            Pour ces motifs, la présente demande est rejetée.


Certification

[33]            L'avocate du défendeur a proposé une question en vue de la certification, laquelle portait sur le fait de savoir si la Commission est tenue de fournir à un nouveau conseil les documents expédiés précédemment à un demandeur d'asile.

[34]            Même si je concluais qu'il pourrait s'agir d'une question appropriée en vue de la certification, vu l'état insatisfaisant du dossier en l'espèce, je refuserais de certifier la question.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

    « A. Mactavish »

                                                                                                                                                     Juge                         

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-9014-03

INTITULÉ :                                                                IYOHA, PRECIOUS TAIWO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 1er DÉCEMBRE 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                               LE 2 DÉCEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Mercy Dadepo                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Mary Matthews                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mercy Dadepo

Avocate

Toronto (Ontario)                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DÉFENDEUR


                               COUR FÉDÉRALE

Date : 20041202

Dossier : IMM-9014-03

ENTRE :

IYOHA, PRECIOUS TAIWO

                                                                        demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                               défendeur

                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                      


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