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TRÈS SECRET

Date : 20201231


Dossier : ||||||||||||||||||

Référence : 2020 CF 1190

[TRADUCTION FRANÇAISE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 décembre 2020

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE D’UNE DEMANDE DE MANDATS PRÉSENTÉE PAR |||||||||||||||||||||||||||| EN VERTU DES ARTICLES 12 ET 21 DE LA LOI SUR LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ, LRC (1985), c C-23

ET DANS L’AFFAIRE VISANT

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DANS L’AFFAIRE D’UNE DEMANDE DE MANDATS PRÉSENTÉE PAR |||||||||||||||||||||||||||| EN VERTU DES ARTICLES 12 ET 21 DE LA LOI SUR LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ, LRC (1985), c C-23

ET DANS L’AFFAIRE VISANT

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ORDONNANCE ET MOTIFS

TABLE DES MATIÈRES

I. Introduction et sommaire 3

II. Contexte 9

III. Secret professionnel de l’avocat 19

A. Étroitesse de la définition de « communication entre un avocat et son client » 20

B. Renforcement nécessaire des conditions pour minimiser l’accès, par le Service ou le procureur général, à des communications pouvant être protégées par le secret professionnel de l’avocat 22

C. Jurisprudence relative aux communications entre un avocat et son client 24

D. Nécessité de nommer des amici et des arbitres 38

E. Examen de documents dans les locaux sécurisés de la Cour fédérale 39

F. Non-implication du Barreau de la province quant à la probabilité d’interception de communications d’avocats de manière incidente 40

G. Ordonnances de mise sous séquestre et de conservation 42

H. Mise en œuvre, à l’automne de 2018, de la procédure ayant trait aux communications pouvant contenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat 43

I. Décisions relatives au caviardage des rapports préliminaires en vue de leur communication 47

IV. Obligation de franchise 48

A. En janvier et en février 2019, première interruption de l’examen et de la communication des rapports préliminaires intégraux ou caviardés en raison du signalement de possibles actes criminels par des sources humaines qui n’avaient pas été portés à l’attention de la Cour en octobre 2018 48

B. Ordonnance au Service de signaler le cas de non-communication au CSARS 50

C. De février à avril 2019, interruption de l’examen des rapports préliminaires et ordonnances relatives à leur communication en version exhaustive ou caviardée 50

D. En février 2019, communication d’une présomption relative au caractère illégal d’activités menées par des sources humaines 54

E. Articles 83.01 et suivants du Code criminel 55

F. Jurisprudence de la Cour suprême du Canada relative à la participation à des activités terroristes en général et à l’article 83.18 62

G. Jurisprudence de la Cour suprême ayant trait à la défense fondée sur le principe de minimis 66

H. Application de principes juridiques à la preuve additionnelle 70

I. Exercice de mise en balance exhaustif visant à déterminer si des informations devraient être supprimées de la demande visant les mandats de 2018 76

J. Le 10 avril 2019, reprise de l’examen des rapports préliminaires et ordonnances relatives à leur communication en version exhaustive ou caviardée 77

K. En septembre et en janvier 2019, seconde interruption de l’examen et de la communication des rapports préliminaires intégraux ou caviardés en raison d’éléments de preuve additionnels faisant état 1) de la non-communication de matériel ayant trait à la fiabilité et à la crédibilité de sources humaines et 2) du signalement d’autres possibles actes criminels par des sources humaines 79

L. Nouvelles informations relatives à la crédibilité et à la fiabilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| 84

M. Généralités sur la fiabilité et la crédibilité 87

N. Évaluation des informations susceptibles de remettre en question la crédibilité et la fiabilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| 93

O. Évaluation des nouveaux éléments de preuve pouvant être favorables à la crédibilité et à la fiabilité 99

P. Risque juridique élevé, mémoire au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et réunion du comité d’examen des mandats à l’été de 2018 105

V. Observations finales 124

I. Introduction et sommaire

[1] Les présents motifs comportent quatre parties : introduction et sommaire; contexte; secret professionnel de l’avocat; obligation de franchise et de communication complète. Ils s’inscrivent dans les démarches permanentes de la Cour pour, s’il y a lieu, faire connaître au public le rôle de la Cour relativement au Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS ou Service] ou son avocat, le procureur général du Canada [procureur général], en ce qui a trait aux activités menées en vertu de mandats eu égard à des menaces présumées pour la sécurité du Canada. Les présents motifs ont trait à des décisions relatives à deux questions soulevées au sujet de mandats que j’ai décernés en octobre 2018 [mandats de 2018].

[2] La première question a trait à la meilleure manière de protéger le secret professionnel de l’avocat dans le contexte des communications interceptées dans l’exécution de mandats décernés en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C-23 [Loi sur le SCRS], telle que modifiée. Elle a été soulevée parce qu|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| J’ai traité de la question du secret professionnel de l’avocat lorsque j’ai décerné les mandats en octobre 2018 ainsi que dans le cadre d’ordonnances et de directives subséquentes, dont quelques-unes sont abordées plus loin.

[3] La seconde question en l’espèce a trait aux obligations de franchise et de communication complète, que je considère comme une seule et même et que je désignerai dorénavant comme « l’obligation de franchise ». Le Service l’a portée à l’attention de la Cour pour la première fois en janvier et en début 2019, lorsqu’il a communiqué à la Cour des informations qu’il avait en sa possession, mais qui ne figuraient pas dans la demande de mandats faite en 2018. Au début d’octobre 2019, presque un an après la délivrance des mandats de 2018, le Service a présenté d’autres informations qui n’avaient pas été communiquées en janvier 2019. Encore une fois, le Service était en possession de la quasi-totalité de ces informations en octobre 2018, mais ne les avait pas présentées à la Cour à ce moment.

[4] Ces cas de non-communication mettent entièrement en cause l’obligation de franchise à laquelle est assujetti le Service, qui exige de ce dernier qu’il communique la totalité des informations lorsqu’il fait une demande de mandats en matière de sécurité nationale en vertu de la Loi sur le SCRS. Cette obligation découle du fait que, par nécessité et en vertu de la loi, le processus de demande de tels mandats par le Service se déroule en secret. En outre, le Service est généralement la seule partie qu’entend la Cour, c’est-à-dire qu’il présente ses demandes de mandats dans le cadre d’audiences à huis clos et ex parte.

[5] S’agissant des cas de non-communication signalés en janvier et en début 2019, et en octobre 2019, le Service a sincèrement reconnu – et je suis d’accord avec ce fait – avoir manqué à son obligation de franchise, ayant omis de faire état d’informations qu’il aurait dû communiquer en octobre 2018 dans sa demande visant les mandats de 2018. Les informations communiquées tardivement en janvier et en début 2019 portaient sur des actes peut-être illicites posés par des informateurs confidentiels, ou « sources humaines », du Service. Les informations communiquées tardivement en octobre 2019 avaient trait à des questions qui auraient pu avoir une incidence sur l’évaluation, par la Cour, de la crédibilité et de la fiabilité d’informations |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| sur lesquelles le Service avait fondé sa demande visant les mandats de 2018. Les informations communiquées en octobre 2019 ont aussi permis d’en apprendre davantage sur des actes peut-être illicites posés par des sources humaines.

[6] En résumé, en ce qui a trait à la question du secret professionnel de l’avocat, la Cour mettra en relief la mise en balance nécessaire ainsi que les mécanismes lui permettant de veiller, d’une part, à ce que le Service n’obtienne aucun accès non autorisé au produit d’interceptions qui contiendraient des communications protégées par le secret professionnel de l’avocat et, d’autre part, dans la mesure du possible, à ce qu’il puisse enquêter à point nommé sur les menaces pour la sécurité du Canada là où les mandats décernés par la Cour en vertu de la Loi sur le SCRS le lui autorisent.

[7] En ce qui a trait à la question de la non-communication, il est admis, et je conclus sans aucun doute, que le Service a manqué à son obligation de franchise, ayant omis de révéler que des informations fournies par des sources humaines, sur lesquelles il avait fondé sa demande de mandats, avaient pu être obtenues dans le cadre d’activités qui pouvaient avoir été des infractions au Code criminel, LRC (1985), c C-46 [Code criminel], particulièrement aux dispositions sur le terrorisme prévues à l’article 83.01 et suivants.

[8] La Cour conclut aussi que le Service a manqué à son obligation de franchise en omettant de faire état d’informations qui auraient pu mener à la remise en question de la fiabilité et de la crédibilité des informations de sources humaines qu’il avait présentées à la Cour, et sur lesquelles celle-ci s’était fondée, dans le cadre de la demande visant les mandats de 2018.

[9] Les deux manquements découlent d’une négligence qui est à la fois institutionnelle et systémique. Cependant, je ne peux constater aucune intention de tromper la Cour. La Cour ne conclut à aucune responsabilité personnelle des avocats ou des témoins qui ont comparu. Le manquement à l’obligation de franchise découle des nombreux facteurs dont il est question ci-dessous, et dont mon collègue, le juge Gleeson, a traité en profondeur dans Articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC 1985, ch. C-23 (Re), 2020 CF 616. Je souligne avoir entendu en formation réduite, avec les juges Kane et Gleeson, l’essentiel de la preuve dans l’affaire de nature générale dont était saisi ce dernier. Nous trois avons aussi participé à une instance en formation plénière en 2019. J’ai pris connaissance de la décision du juge Gleeson et, dans l’ensemble, je suis d’accord avec ses constatations, son analyse et ses conclusions.

[10] En particulier, l’espèce reprend certaines des questions abordées par le juge Gleeson, notamment la possibilité que la Cour puisse invalider les mandats décernés ou prendre d’autres mesures si elle se rend compte que des informations qui lui ont été présentées avaient probablement été recueillies illégalement.

[11] Je suis tout à fait d’accord avec le cadre analytique préconisé par le juge Gleeson dans sa décision, et je l’adopte : un juge de la Cour fédérale peut revenir sur une décision de décerner un mandat. Comme il le souligne au paragraphe 223 :

Pour des raisons d’ordre pratique et par souci d’utiliser à bon escient les ressources judiciaires, le juge désigné qui doit revoir un mandat déjà décerné en raison d’un manquement à l’obligation de franchise peut évaluer directement si les informations restantes suffisent, après avoir exclu d’emblée les informations contestées. […] Toutefois, si la suppression automatique mène à la conclusion que le mandat n’aurait pas pu être décerné, j’estime que le juge désigné devrait être tenu d’effectuer un exercice de mise en balance exhaustif avant de trancher la question de façon définitive.

[12] Le juge Gleeson explique que 1) la gravité de l’activité illégale, 2) l’équité et 3) l’intérêt de la collectivité sont à prendre en considération pour ce qui est de l’exercice de mise en balance visant à déterminer s’il y a lieu de supprimer des informations du dossier et, dans l’affirmative, lesquelles, dans le cadre de l’examen a posteriori d’un mandat dont la validité a été remise en question pour des motifs liés à un manquement à l’obligation de franchise.

[13] En l’espèce, j’ai choisi, en exerçant ma discrétion comme cela est permis dans le cadre analytique du juge Gleeson, de ne pas évaluer d’abord la validité des mandats après l’exclusion automatique des informations contestées et de passer directement à l’exercice de mise en balance exhaustif.

[14] J’ai tenu compte des facteurs susmentionnés dans l’examen des informations relatives aux activités des sources humaines fournies après coup. Je n’ai pas à me prononcer sur la question de savoir si les comportements signalés tardivement sont contraires au Code criminel. En l’espèce, il me faut déterminer s’il aurait été possible d’invoquer les informations de sources humaines obtenues par le biais d’actes potentiellement illégaux en appui de la demande visant les mandats de 2018, et si ces actes et d’autres informations présentées à la Cour une fois les mandats de 2018 déjà émis affectent la crédibilité des informations de sources humaines à un point tel que le mandat n’aurait pas pu être décerné.

[15] Je précise que le Service aurait dû communiquer ces informations de sources humaines à la Cour lorsqu’il a fait demande pour les mandats de 2018, comme l’exige l’obligation de franchise à laquelle il est assujetti. Par contre, à mon humble avis et selon la prépondérance des probabilités, il était possible d’invoquer la défense fondée sur le principe de minimis pour ce qui était de l’essentiel, voire de la totalité des actes des sources humaines en question. En effet, les – possibles – infractions au Code criminel étaient mineures et de nature technique et, dans certains cas, n’avaient pas de lien causal avec les informations ayant servi de fondement à la demande de mandats. J’ai conclu que les actes peut-être illicites n’auraient pas pu avoir eu d’incidence sur la délivrance des mandats de 2018. Partant, ceux‑ci auraient pu être décernés même si les informations avaient été communiquées.

[16] Je suis parvenu à la même conclusion quant aux informations susceptibles de mener à la remise en question de la fiabilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Je suis loin d’être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les mandats de 2018 n’auraient pas pu être décernés si les informations communiquées en octobre 2019 l’avaient été à la délivrance des mandats de 2018 en octobre 2018. À mon humble avis, selon mon examen a posteriori, les informations de sources humaines ne devraient pas être supprimées et, partant, les mandats de 2018 auraient pu être décernés même si les informations avaient été communiquées.

II. Contexte

[17] En vertu de l’article 12 et de la partie II de la Loi sur le SCRS, la Cour fédérale peut décerner des mandats autorisant le Service à intercepter des communications, si elle est convaincue qu’il existe des motifs raisonnables de croire que de tels mandats sont nécessaires pour permettre au Service de faire enquête sur une menace envers la sécurité du Canada, et lorsque d’autres méthodes d’enquête ont été utilisées sans succès ou auraient peu de chance de donner des résultats. À cet effet, il y a lieu de se reporter au paragraphe 21(1), aux alinéas 21(2)a), b) et c) ainsi que 21(3)a), b) et c), et à la définition de « menaces envers la sécurité du Canada » donnée à l’article 2 de la Loi sur le SCRS :

Définitions

Definitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 In this Act,

[…]

[…]

menaces envers la sécurité du CanadaConstituent des menaces envers la sécurité du Canada les activités suivantes :

threats to the security of Canada means

a) l’espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d’espionnage ou de sabotage;

(a) espionage or sabotage that is against Canada or is detrimental to the interests of Canada or activities directed toward or in support of such espionage or sabotage,

b) les activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque;

(b) foreign influenced activities within or relating to Canada that are detrimental to the interests of Canada and are clandestine or deceptive or involve a threat to any person,

c) les activités qui touchent le Canada ou s’y déroulent et visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique au Canada ou dans un État étranger;

(c) activities within or relating to Canada directed toward or in support of the threat or use of acts of serious violence against persons or property for the purpose of achieving a political, religious or ideological objective within Canada or a foreign state, and

d) les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement, par la violence.

(d) activities directed toward undermining by covert unlawful acts, or directed toward or intended ultimately to lead to the destruction or overthrow by violence of, the constitutionally established system of government in Canada,

La présente définition ne vise toutefois pas les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord qui n’ont aucun lien avec les activités mentionnées aux alinéas a) à d). (threats to the security of Canada)

but does not include lawful advocacy, protest or dissent, unless carried on in conjunction with any of the activities referred to in paragraphs (a) to (d). (menaces envers la sécurité du Canada)

Informations et renseignements

Collection, analysis and retention

12 (1) Le Service recueille, au moyen d’enquêtes ou autrement, dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les informations et renseignements sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au gouvernement du Canada et le conseille à cet égard.

12 (1) The Service shall collect, by investigation or otherwise, to the extent that it is strictly necessary, and analyse and retain information and intelligence respecting activities that may on reasonable grounds be suspected of constituting threats to the security of Canada and, in relation thereto, shall report to and advise the Government of Canada.

[…]

[…]

Demande de mandat

Application for warrant

21 (1) Le directeur ou un employé désigné à cette fin par le ministre peut, après avoir obtenu l’approbation du ministre, demander à un juge de décerner un mandat en conformité avec le présent article s’il a des motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire pour permettre au Service de faire enquête, au Canada ou à l’extérieur du Canada, sur des menaces envers la sécurité du Canada ou d’exercer les fonctions qui lui sont conférées en vertu de l’article 16.

21 (1) If the Director or any employee designated by the Minister for the purpose believes, on reasonable grounds, that a warrant under this section is required to enable the Service to investigate, within or outside Canada, a threat to the security of Canada or to perform its duties and functions under section 16, the Director or employee may, after having obtained the Minister’s approval, make an application in accordance with subsection (2) to a judge for a warrant under this section.

Contenu de la demande

Matters to be specified in application for warrant

(2) La demande visée au paragraphe (1) est présentée par écrit et accompagnée de l’affidavit du demandeur portant sur les points suivants :

(2) An application to a judge under subsection (1) shall be made in writing and be accompanied by an affidavit of the applicant deposing to the following matters, namely,

a) les faits sur lesquels le demandeur s’appuie pour avoir des motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire aux fins visées au paragraphe (1);

(a) the facts relied on to justify the belief, on reasonable grounds, that a warrant under this section is required to enable the Service to investigate a threat to the security of Canada or to perform its duties and functions under section 16;

b) le fait que d’autres méthodes d’enquête ont été essayées en vain, ou la raison pour laquelle elles semblent avoir peu de chances de succès, le fait que l’urgence de l’affaire est telle qu’il serait très difficile de mener l’enquête sans mandat ou le fait que, sans mandat, il est probable que des informations importantes concernant les menaces ou les fonctions visées au paragraphe (1) ne pourraient être acquises;

(b) that other investigative procedures have been tried and have failed or why it appears that they are unlikely to succeed, that the urgency of the matter is such that it would be impractical to carry out the investigation using only other investigative procedures or that without a warrant under this section it is likely that information of importance with respect to the threat to the security of Canada or the performance of the duties and functions under section 16 referred to in paragraph (a) would not be obtained;

[…]

[…]

Délivrance du mandat

Issuance of warrant

(3) Par dérogation à toute autre règle de droit mais sous réserve de la Loi sur la statistique, le juge à qui est présentée la demande visée au paragraphe (1) peut décerner le mandat s’il est convaincu de l’existence des faits mentionnés aux alinéas (2)a) et b) et dans l’affidavit qui accompagne la demande; le mandat autorise ses destinataires à intercepter des communications ou à acquérir des informations, documents ou objets. À cette fin, il peut autoriser aussi, de leur part :

(3) Notwithstanding any other law but subject to the Statistics Act, where the judge to whom an application under subsection (1) is made is satisfied of the matters referred to in paragraphs (2)(a) and (b) set out in the affidavit accompanying the application, the judge may issue a warrant authorizing the persons to whom it is directed to intercept any communication or obtain any information, record, document or thing and, for that purpose,

a) l’accès à un lieu ou un objet ou l’ouverture d’un objet;

(a) to enter any place or open or obtain access to any thing;

b) la recherche, l’enlèvement ou la remise en place de tout document ou objet, leur examen, le prélèvement des informations qui s’y trouvent, ainsi que leur enregistrement et l’établissement de copies ou d’extraits par tout procédé;

(b) to search for, remove or return, or examine, take extracts from or make copies of or record in any other manner the information, record, document or thing; or

c) l’installation, l’entretien et l’enlèvement d’objets.

(c) to install, maintain or remove any thing.

[…]

[…]

Contenu du mandat

Matters to be specified in warrant

(4) Le mandat décerné en vertu du paragraphe (3) porte les indications suivantes :

(4) There shall be specified in a warrant issued under subsection (3)

a) les catégories de communications dont l’interception, les catégories d’informations, de documents ou d’objets dont l’acquisition, ou les pouvoirs visés aux alinéas (3)a) à c) dont l’exercice, sont autorisés;

(a) the type of communication authorized to be intercepted, the type of information, records, documents or things authorized to be obtained and the powers referred to in paragraphs (3)(a) to (c) authorized to be exercised for that purpose;

b) l’identité de la personne, si elle est connue, dont les communications sont à intercepter ou qui est en possession des informations, documents ou objets à acquérir;

(b) the identity of the person, if known, whose communication is to be intercepted or who has possession of the information, record, document or thing to be obtained;

c) les personnes ou catégories de personnes destinataires du mandat;

(c) the persons or classes of persons to whom the warrant is directed;

d) si possible, une description générale du lieu où le mandat peut être exécuté;

(d) a general description of the place where the warrant may be executed, if a general description of that place can be given;

e) la durée de validité du mandat;

(e) the period for which the warrant is in force; and

f) les conditions que le juge estime indiquées dans l’intérêt public.

(f) such terms and conditions as the judge considers advisable in the public interest.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

[18] En l’espèce, en octobre 2018, le Service a présenté une demande de mandats relatifs à la sécurité nationale en vertu de l’article 12 et de la partie II de la Loi sur le SCRS, qui porte sur les pouvoirs demandés. La demande concernait une série de mandats différents portant sur les mêmes cibles.

[19] La demande était fondée sur la menace que des |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| feraient peser sur le Canada, c’est-à-dire un groupe dont les membres sont les auteurs avérés ou présumés de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[20] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[21] Je souligne que l’explication relative à la délivrance des mandats de 2018 est exposée succinctement à la partie I (l’énoncé) de chacun des mandats en cause. À ce moment, la Cour disposait d’une preuve considérable, qui provenait notamment de sources humaines, quant à la menace que représentaient |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| La Cour avait déjà décerné des mandats relativement à la même menace. La menace que représentent |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| y était soulignée, et les personnes dont les communications étaient visées par les mandats de 2018, ainsi que leurs activités, y étaient mentionnées.

[22] En outre, entre autres informations, la demande visant les mandats de 2018 mentionnait des personnes dont les communications pouvaient être interceptées de manière incidente.

[23] ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[24] J’ai décerné les mandats demandés en me fondant sur la preuve écrite complétée par les témoignages entendus le |||| octobre 2018 lors d’une audience secrète. Comme il a été souligné, la preuve déposée à la Cour comprenait des informations provenant de « sources humaines », c’est-à-dire d’informateurs, selon la terminologie utilisée par le Service et le législateur dans la Loi sur le SCRS. Les sources humaines du Service sont des personnes qu’il dirige et auxquelles il se fie, qui fournissent des informations utiles qui, en l’espèce, ont été communiquées à la Cour. Voici la définition qu’en donne la Loi sur le SCRS.

Définitions

Definitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 In this Act,

[…]

[…]

source humaine Personne physique qui a reçu une promesse d’anonymat et qui, par la suite, a fourni, fournit ou pourrait vraisemblablement fournir des informations au Service. (human source)

human source means an individual who, after having received a promise of confidentiality, has provided, provides or is likely to provide information to the Service; (source humaine)

[25] À l’audience tenue en octobre 2018, la Cour devait se convaincre que les conditions nécessaires à la délivrance des mandats étaient réunies, ce qui, à mon avis, était le cas.

[26] Ni le Service ni son avocat, le procureur général, n’ont donné à la Cour la moindre raison de s’inquiéter d’un manquement à l’obligation de franchise. Le déposant du Service a été appelé à témoigner de vive voix devant moi. Il m’a assuré connaître et respecter l’obligation de franchise. Il a été interrogé par l’avocat du Service, puis contre-interrogé par les amici curiae spécialisés que j’avais nommés pour appuyer la Cour.

[27] Bien que les documents présentés en appui à la demande visant les mandats de 2018 aient fait état d’informations de sources humaines figurant dans l’affidavit de l’employé du Service, rien ne laissait entendre que ces informations étaient liées à une ou à plusieurs infractions aux dispositions antiterroristes du Code criminel.

[28] En outre, rien ne remettait en question la fiabilité ou la crédibilité des informations de sources humaines, bien qu’il ait été mentionné au passage dans un précis de source humaine – résumé annexé par le Service à la demande de mandats décrivant des enjeux liés à la crédibilité et la fiabilité des informations provenant de la source humaine – qu’il existait des problèmes relatifs à la crédibilité et à la fiabilité d’informations d’une ou de plusieurs sources humaines qui avaient eu des [traduction] « démêlés » avec la justice.

[29] Il se peut que des informations présentées aient aussi trait à la moralité d’une source humaine. Je souligne cet état de fait, car, s’il va de soi qu’une preuve de moralité peut avoir une incidence sur la crédibilité ou la fiabilité des informations que fournit une source humaine, celle-ci n’est pas tenue d’être blanche comme neige ou de constituer un exemple de rectitude pour que la Cour accorde crédit aux éléments de preuve qu’elle apporte.

[30] Il suffit de dire que rien de ce qui figurait dans la demande présentée en octobre 2018 n’aurait pu empêcher la Cour de décerner les mandats de 2018.

[31] En revanche, dans sa demande visant les mandats de 2018, le Service a souligné d’entrée de jeu, très précisément et adéquatement, la question du secret professionnel de l’avocat. Il a révélé que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Je réitère que le Service, tel que l’exige l’obligation de franchise, a fait preuve d’une transparence totale sur la probabilité que les communications |||||||||||||||||||||||| soient interceptées de manière incidente dans l’exécution des mandats demandés.

III. Secret professionnel de l’avocat

[32] Depuis longtemps, la Cour fédérale prend des mesures particulières pour prévenir l’interception et l’utilisation non autorisées de communications protégées par le secret professionnel de l’avocat. Elles prennent la forme de conditions spéciales figurant dans chaque mandat qu’elle décerne en vertu de la Loi sur le SCRS.

[33] Les mandats qu’on m’a demandé de décerner contenaient notamment les dispositions ci‑dessous quant au secret professionnel de l’avocat, dans les parties consacrées aux définitions et aux conditions, respectivement.

[traduction]

« avocat » Toute personne autorisée à exercer la profession d’avocat ou de notaire dans la province de Québec ou celle d’avocat dans toute autre province ou tout territoire du Canada.

« communication entre un avocat et son client » Toute communication de nature confidentielle entre un client et son avocat qui vise directement à obtenir, à formuler ou à donner des conseils ou des services juridiques.

[…]

CONDITION 1

Il est interdit d’intercepter une communication ou une communication orale ou d’obtenir de l’information dans le cabinet ou au domicile d’un avocat ou dans tout autre endroit qu’utilisent habituellement des avocats pour conseiller leurs clients.

Toute communication entre un avocat et son client interceptée ou obtenue doit être détruite, à moins que le sous-directeur des Opérations ou la personne désignée ait des motifs raisonnables de croire qu’elle a trait à une menace pour laquelle il existe un mandat valide décerné en vertu de l’article 21 de la Loi, auquel cas le Service demande des instructions à la Cour avant d’utiliser, de conserver ou de divulguer la communication.

Toutefois, si le sous-directeur des Opérations ou la personne désignée détermine que la communication contient des informations suscitant de véritables craintes qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe, le sous-directeur des Opérations ou la personne désignée peut utiliser, conserver ou divulguer la communication dans la mesure strictement nécessaire pour faire face à ce danger. Le Service doit aviser la Cour, par écrit, de cette décision dans les 48 heures et lui demander des instructions pour continuer d’utiliser, de conserver ou de divulguer la communication.

[34] Deux problèmes découlent de ce qui précède.

A. Étroitesse de la définition de « communication entre un avocat et son client »

[35] En premier lieu, la définition d’« avocat » était trop étroite, car elle ne correspondait qu’aux personnes effectivement autorisées à pratiquer la profession d’avocat ou de notaire. Le Service semblait ainsi traiter différemment les communications entre un avocat et son client et celles entre le client et une personne qui assume un rôle de soutien au sein d’un cabinet d’avocats, comme un secrétaire, un assistant juridique, un parajuriste ou un stagiaire en droit. Toutefois, en droit, le secret professionnel de l’avocat ne touche pas seulement les communications de l’avocat (ou du notaire) lui-même avec son client, mais aussi celles des personnes qui assument un rôle de soutien au sein du cabinet.

[36] À ce propos, il y a lieu d’élargir les définitions qui figurent dans les mandats afin de protéger les communications entre un client et toute personne qui assume un rôle de soutien au sein d’un cabinet d’avocats. À cet égard, dans Descôteaux et autres c Mierzwinski, [1982] 1 RCS 860, sous la plume du juge Lamer, aux pages 892 et 893 [Descôteaux], la Cour suprême du Canada a clairement établi que toute communication visant l’obtention de conseils juridiques doit être tenue confidentielle, et ce, quel qu’en soit le destinataire (l’avocat ou l’un de ses employés) ou la nature (question administrative ou nature du problème juridique) :

En résumé, le client d’un avocat a droit au respect de la confidentialité de toutes les communications faites dans le but d’obtenir un avis juridique. Qu’ils soient communiqués à l’avocat lui-même ou à des employés, qu’ils portent sur des matières de nature administrative comme la situation financière ou sur la nature même du problème juridique, tous les renseignements que doit fournir une personne en vue d’obtenir un avis juridique et qui sont donnés en confidence à cette fin jouissent du privilège de confidentialité. Ce droit à la confidentialité s’attache à toutes les communications faites dans le cadre de la relation client-avocat, laquelle prend naissance dès les premières démarches du client virtuel, donc avant même la formation du mandat formel.

Le principe de la confidentialité des communications client-avocat connaît toutefois des exceptions. Ainsi, entre autres, ne jouiront pas du privilège de confidentialité les communications qui sont en elles-mêmes criminelles ou qui sont faites en vue d’obtenir un avis juridique devant faciliter la perpétration d’un crime.

[…]

[Non souligné dans l’original.]

[37] Deux étapes ont permis de régler le problème de l’étroitesse excessive de la définition d’« avocat ». En premier lieu, le Service et le procureur général ont convenu – et j’ai rendu une ordonnance en ce sens – que la définition englobait l’élément « communications entre un client et une personne qui assume un rôle de soutien au sein d’un cabinet d’avocats ». À la suggestion de l’avocat du procureur général, l’ajout a été apporté à l’énoncé au moyen d’une ordonnance. Ensuite, le 10 avril 2019, j’ai spécifiquement ordonné que ce segment soit ajouté à la définition de « communication entre un avocat et son client ». D’autres juges ont ensuite entériné ces modifications à la définition, qui s’applique présentement à tous les mandats décernés par la Cour en matière de sécurité nationale.

B. Renforcement nécessaire des conditions pour minimiser l’accès, par le Service ou le procureur général, à des communications pouvant être protégées par le secret professionnel de l’avocat

[38] En l’espèce, la version préliminaire de la condition posait un autre problème lié au secret professionnel de l’avocat : bien que le sous-directeur des Opérations [SDO] du Service soit autorisé à demander des instructions à la Cour fédérale quant aux communications protégées par le secret professionnel de l’avocat, il s’est avéré que de nombreuses autres personnes participaient à ce processus décisionnel.

[39] Sans entrer dans les détails qui figurent au dossier, selon la preuve présentée à l’audience, certaines de ces personnes occupaient des fonctions subalternes, tandis que d’autres avaient des responsabilités qui, selon moi, touchaient aux opérations et à la gestion en matière d’analyse et d’évaluation de la menace et du risque. En fait, selon la preuve, de huit à dix employés du Service, peut-être davantage, auraient eu accès à des communications pouvant être protégées par le secret professionnel de l’avocat tout au long de la chaîne allant du rapport initial de l’analyste sur l’interception jusqu’au rapport à l’intention du SDO.

[40] Conscient de l’obligation constitutionnelle et juridique de minimiser l’accès à ce qui est protégé par le secret professionnel de l’avocat ainsi que de la vaste portée de cette protection, j’ai déterminé d’emblée que trop de membres du personnel du Service pouvaient avoir accès à des communications pouvant être ainsi protégées. J’ai déterminé en outre qu’après avoir pris connaissance d’une communication pouvant être ainsi protégée dans le rapport de l’analyste, les personnes directement chargées d’analyser et d’évaluer le risque pouvaient difficilement, voire pas du tout, éviter de tenir compte de ce facteur dans toute évaluation future. Autrement dit, au moment où le SDO prend sa décision, il est possible que la protection ait été perdue.

[41] À ce moment, j’estimais qu’une telle situation pouvait très bien aller à l’encontre des précédents établis par la Cour suprême du Canada, ce qui s’est avéré (voir plus loin).

[42] Partant, le |||| octobre 2018, soit le lendemain de la délivrance des mandats de 2018, j’ai ordonné la mise sous séquestre de toute information susceptible d’être protégée par le secret professionnel de l’avocat.

[43] Il est ici utile d’établir la jurisprudence touchant aux dispositions relatives aux mandats prévues par la Loi sur le SCRS, sous l’angle du secret professionnel de l’avocat.

C. Jurisprudence relative aux communications entre un avocat et son client

[44] Tout d’abord, de nombreux éléments de jurisprudence constitutionnelle appuient l’hypothèse selon laquelle le régime de délivrance, par la Cour fédérale et en vertu de la Loi sur le SCRS, de mandats permettant l’interception de communications, respecte la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Charte]. En particulier, le régime de mandats prévu par la Loi sur le SCRS respecte tant les principes de justice fondamentale que l’interdiction de procéder à des fouilles et à des perquisitions abusives établis aux articles 7 et 8 de la Charte. Il respecte également les règles de common law qui régissent le secret professionnel de l’avocat, comme elles ont évolué : Atwal c Canada, [1988] 1 CF 107 (CAF); Mahjoub (Re), 2013 CF 1096, sous la plume du juge Blanchard, aux paragraphes 66 à 89 [Mahjoub, juge Blanchard]; Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, sous la plume du juge Stratas, aux paragraphes 311 à 319 [Mahjoub, CAF], autorisation d’interjeter appel refusée par la Cour suprême du Canada dans Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2017] CSCR n379.

[45] Selon ces éléments de jurisprudence, les communications entre l’avocat et son client peuvent être interceptées de manière incidente dans l’exécution de mandats en matière de sécurité nationale décernés en bonne et due forme par la Cour fédérale en vertu de l’article 21 de la Loi sur le SCRS. Comme il est énoncé dans Mahjoub, juge Blanchard :

La conclusion sur la première question en litige

[88] Les contestations que M. Mahjoub a soumises ainsi que les faits de l’espèce m’amènent à conclure que les dispositions contestées de la Loi sur le SCRS ne portent atteinte ni à l’article 7, ni à l’article 8, ni à tout autre article de la Charte.

[89] L’expression « menaces envers la sécurité du Canada » est définie de façon suffisante à l’article 2 de la Loi sur le SCRS pour donner avis au citoyen du genre d’activités qui feront l’objet d’une enquête ainsi que des limites au pouvoir discrétionnaire qu’a le Service de faire enquête sur des activités. Le législateur n’a pas envisagé que l’article 12 autoriserait des fouilles et des saisies abusives dans des circonstances où des droits à la protection de la vie privée seraient en jeu. Au lieu de cela, il fallait que les fouilles et les saisies attentatoires soient autorisées par les mandats décernés en vertu de l’article 21. L’article 6 ne met pas en jeu les droits de M. Mahjoub et ne peut pas être contesté par des allégations attaquant la constitutionnalité des politiques du Service qui sont établies en vertu de cette disposition. Les ententes avec des organismes étrangers qui sont établies en vertu de l’article 17 ne portent pas atteinte aux droits de M. Mahjoub, même si elles comportent l’échange d’informations personnelles que détient le Service à titre de renseignements. L’intérêt du public à l’égard du partage des informations en vue de favoriser le mandat du SCRS est supérieur au droit « résiduel » à la protection de la vie privée que M. Mahjoub détient dans les informations. Enfin les articles 21 à 24 de la Loi ne permettent pas de faire des fouilles et des saisies abusives juste parce qu’ils permettent à la Cour fédérale d’autoriser l’interception de communications entre avocat et client. Avant le début de n’importe quelle instance judiciaire visant une cible, il peut être nécessaire d’intercepter indirectement de telles communications dans l’intérêt de la sécurité nationale.

[Non souligné dans l’original.]

[46] Dans l’appel de la décision du juge Blanchard, la Cour d’appel fédérale a statué de la même manière, à savoir que des communications entre l’avocat et son client peuvent être interceptées de manière incidente, et ce, dans l’exécution de mandats visant quelqu’un d’autre que l’avocat. Dans Mahjoub, CAF, le juge Stratas s’est penché sur une situation où la cible de mandats décernés en matière de sécurité nationale était une personne qui, selon toute vraisemblance, allait prendre contact avec son avocat de temps à autre. Même si les mandats ne visaient pas l’avocat en question, il était raisonnable de s’attendre à ce que des communications établies avec lui puissent être interceptées et le soient effectivement, de manière incidente, dans le cadre des activités de surveillance des communications de la cible menées en vertu de mandats. En principe, cette situation est la même que pour le cas en l’espèce : même si l’avocat n’était pas la cible d’interceptions effectuées en vertu de mandats, il était raisonnable, à mon avis, de s’attendre à ce que ses communications puissent être interceptées et le soient effectivement, de manière incidente, dans le cadre des activités de surveillance des communications de la cible menées en vertu de mandats. À cet égard, dans une décision unanime de la Cour d’appel fédérale, le juge Stratas s’est ainsi prononcé :

[315] Dès le départ, il faut reconnaître qu’il est inévitable que les mandats de sécurité nationale autorisant l’interception de communications envoyées et reçues à l’aide du téléphone de M. Mahjoub entraîneraient l’interception de communications entre l’avocat et son client. Lorsqu’un avocat téléphone à M. Mahjoub et discute de l’instance, ces discussions seront inévitablement interceptées. Cette sorte d’« interception initiale », qui est inévitable, ne constitue pas des munitions pour une plainte d’abus de procédure en soi : arrêt Atwal, précité, aux paragraphes 15 et 30. La clé est ce qui survient à ces interceptions par la suite.

[316] Dans l’arrêt Atwal, notre Cour a conclu que les communications entre l’avocat et son client peuvent être interceptées et être examinées par un directeur ou un directeur général régional du Service de sécurité pour déterminer si la communication a trait à des « menaces envers la sécurité du Canada ». Sinon, la communication est détruite et aucune autre divulgation n’est faite : arrêt Atwal, aux paragraphes 15 et 30. Cette démarche a été intégrée dans une politique qui exige qu’un analyste se retire de la communication dès qu’il sait qu’il s’agit d’une communication entre l’avocat et son client. Cette politique exige ensuite la destruction de la communication. À l’exception d’un petit nombre d’appels pour lesquels l’épouse de M. Mahjoub agissait en tant que représentante, cette politique a été respectée.

[Non souligné dans l’original.]

[47] Le juge Blanchard a aussi invoqué la décision du juge Mosley dans Almrei (Re), 2008 CF 1216 [Almrei]. Selon ce dernier, bien qu’il soit permis d’intercepter et d’examiner des communications entre l’avocat et son client en vertu de mandats décernés en matière de sécurité nationale, il est uniquement possible de faire entorse au secret professionnel de l’avocat « dans la mesure où [cela] ne dépasse pas ce qu’exigent les circonstances ». Comme il est précisé dans Mahjoub, juge Blanchard :

[84] Dans la décision Almrei (Re), 2008 CF 1216, le juge Mosley a traité d’une contestation constitutionnelle visant la LIPR qui était fondée sur un prétendu manquement au privilège avocat‑client. Il a fait remarquer ce qui suit sur la question aux paragraphes 60 et 61 de ses motifs :

[60] Malgré son importance, le secret professionnel liant l’avocat et son client n’est pas absolu : R. c McClure, [2001] 1 RCS 445, paragraphes 34 et 35. La jurisprudence invoquée par les personnes désignées pour appuyer l’importance du secret professionnel de l’avocat n’exclut pas sa violation possible pour raisons de nécessité : Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c Department of Health, 2008 CSC 44, paragraphes 17 et 22; Lavallee, Rackel & Heintz c Canada (Procureur général), [2002] 3 RCS 209, 2002 CSC 6, paragraphe 36; Smith c Jones, [1999] 1 RCS 455, paragraphe 57.

[61] La volonté d’éviter une atteinte à la sécurité nationale, ce qui peut comprendre le risque d’une divulgation faite par inadvertance, constitue sans doute une nécessité qui justifie une entorse au privilège dans la mesure où elle ne dépasse pas ce qu’exigent les circonstances. C’est là une décision qui ne doit pas être prise dans l’abstrait.

[Non souligné dans l’original.]

[48] Dans Mahjoub, CAF, le juge Stratas a déclaré que « [l]a clé est ce qui survient à ces interceptions par la suite ».

[49] Cela est chose certaine en l’espèce, et cela constitue le prochain point des présents motifs.

[50] Dans ce contexte, il est impératif de reconnaître la nature, l’ampleur et la portée du secret professionnel de l’avocat. À cet égard, j’invoquerai plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada, de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale.

[51] En premier lieu, le secret professionnel de l’avocat est reconnu comme une règle de droit et un principe de justice fondamentale jouissant d’une protection constitutionnelle, tel qu’il a été établi dans Lavallee c Canada (Procureur général), 2002 CSC 61 [Lavallee], où la Cour suprême a invalidé des dispositions du Code criminel grâce auxquelles le législateur entendait créer un régime de mandats autorisant les perquisitions dans les cabinets d’avocats. Dans Lavallee, sous la plume de la juge Arbour, la majorité a établi des principes directeurs ayant trait aux perquisitions dans les cabinets d’avocats que je rapporte ici intégralement, car ils illustrent l’ampleur de la protection dont doit jouir le secret professionnel de l’avocat :

[49] Entre-temps, je formule les principes généraux régissant la légalité, en common law, des perquisitions dans des bureaux d’avocats jusqu’à ce que le législateur juge bon d’adopter de nouvelles dispositions législatives sur la question. Ces principes généraux doivent aussi guider les choix législatifs que le législateur peut vouloir examiner à cet égard. Comme celles qui ont été formulées dans Descôteaux, précité, les lignes directrices qui suivent visent à refléter les impératifs constitutionnels actuels en matière de protection du secret professionnel de l’avocat et à régir à la fois l’autorisation des perquisitions et la manière générale dont elles doivent être effectuées; à cet égard, cependant, elles ne visent pas à privilégier une méthode procédurale particulière en vue de respecter ces normes. Enfin, je tiens à répéter que, si le législateur décide de nouveau d’adopter un régime procédural dont l’application se limite à la perquisition dans des bureaux d’avocats, les juges de paix auront, par voie de conséquence, l’obligation de protéger le secret professionnel de l’avocat en appliquant les principes suivants concernant la délivrance des mandats de perquisition :

1. Aucun mandat de perquisition ne peut être décerné relativement à des documents reconnus comme étant protégés par le secret professionnel de l’avocat.

2. Avant de perquisitionner dans un bureau d’avocats, les autorités chargées de l’enquête doivent convaincre le juge saisi de la demande de mandat qu’il n’existe aucune solution de rechange raisonnable.

3. Lorsqu’il permet la perquisition dans un bureau d’avocats, le juge saisi de la demande de mandat doit être rigoureusement exigeant, de manière à conférer la plus grande protection possible à la confidentialité des communications entre client et avocat.

4. Sauf lorsque le mandat autorise expressément l’analyse, la copie et la saisie immédiates d’un document précis, tous les documents en la possession d’un avocat doivent être scellés avant d’être examinés ou de lui être enlevés.

5 Il faut faire tous les efforts possibles pour communiquer avec l’avocat et le client au moment de l’exécution du mandat de perquisition. Lorsque l’avocat ou le client ne peut être joint, on devrait permettre à un représentant du Barreau de superviser la mise sous scellés et la saisie des documents.

6. L’enquêteur qui exécute le mandat doit rendre compte au juge de paix des efforts faits pour joindre tous les détenteurs potentiels du privilège, lesquels devraient ensuite avoir une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège et, si cette objection est contestée, de faire trancher la question par les tribunaux.

7. S’il est impossible d’aviser les détenteurs potentiels du privilège, l’avocat qui a la garde des documents saisis, ou un autre avocat nommé par le Barreau ou par la cour, doit examiner les documents pour déterminer si le privilège devrait être invoqué et doit avoir une occasion raisonnable de faire valoir ce privilège.

8. Le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d’examiner les documents à l’avance. L’autorité poursuivante peut examiner les documents uniquement lorsqu’un juge conclut qu’ils ne sont pas privilégiés.

9. Si les documents scellés sont jugés non privilégiés, ils peuvent être utilisés dans le cours normal de l’enquête.

10. Si les documents sont jugés privilégiés, ils doivent être retournés immédiatement au détenteur du privilège ou à une personne désignée par la cour.

Le secret professionnel de l’avocat constitue une règle de preuve, un droit civil important ainsi qu’un principe de justice fondamentale en droit canadien. Même si le public a intérêt à ce que les enquêtes criminelles soient menées efficacement, il a tout autant intérêt à préserver l’intégrité de la relation avocat-client. Les communications confidentielles avec un avocat constituent un exercice important du droit à la vie privée et elles sont essentielles pour l’administration de la justice dans un système contradictoire. Les atteintes au privilège injustifiées, voire involontaires, minent la confiance qu’a le public dans l’équité du système de justice criminelle. C’est pourquoi il ne faut ménager aucun effort pour protéger la confidentialité de ces communications.

[52] Fait à noter, la Cour suprême précise que les principes généraux et les lignes directrices énumérés dans Lavallee « ne visent pas à privilégier une méthode procédurale particulière » pour protéger le secret professionnel de l’avocat. Partant, le juge saisi de l’affaire doit établir au cas par cas les procédures ayant cet objectif, tout en prenant en considération les lignes directrices figurant dans Lavallee.

[53] En second lieu, dans Canada (Procureur général) c Chambre des notaires du Québec, 2016 CSC 20, la Cour suprême du Canada a confirmé la nécessité d’une atteinte minimale au secret professionnel de l’avocat, qui ne doit être enfreint qu’en stricte nécessité, car il doit demeurer aussi absolu que possible. La Cour suprême a aussi réitéré la nature fondamentale et constitutionnelle de ce privilège :

[28] Sur la première question, il convient de rappeler que, de simple règle de preuve à l’origine, le secret professionnel s’est transformé au fil du temps en une règle de fond (Solosky c La Reine, [1980] 1 RCS 821, p 837; Descôteaux c Mierzwinski, [1982] 1 RCS 860, p 875-876; Smith c Jones, [1999] 1 RCS 455, par 48-49; Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, par 10). La Cour lui reconnaît aujourd’hui une grande importance et une place exceptionnelle dans notre système juridique (R c McClure, 2001 CSC 14, par 28 et 31-33; Smith, par 46-47). Dans Lavallee, la Cour réaffirme que le droit au secret professionnel est maintenant devenu un droit civil important et que le secret professionnel de l’avocat ou du notaire est un principe de justice fondamentale au sens de l’art 7 de la Charte (par 49). Il est, au surplus, généralement considéré comme une règle de droit « fondamentale et substantielle » (R c National Post, 2010 CSC 16, par 39). En raison de son statut important, la Cour a souvent indiqué qu’on ne doit y porter atteinte que dans la mesure où cela est absolument nécessaire, étant donné que le secret professionnel doit demeurer aussi absolu que possible (Lavallee, par 36-37; McClure, par 35; R. c Brown, 2002 CSC 32, par 27; Goodis c Ontario (Ministère des Services correctionnels), 2006 CSC 31, par 15).

[Non souligné dans l’original.]

[54] La Cour suprême du Canada et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux abordé de manière très large la portée du secret professionnel de l’avocat, définissant en termes très généraux les communications qui y sont sujettes. Qu’ils soient communiqués à l’avocat lui-même ou à des employés, qu’ils portent sur des matières de nature administrative comme la situation financière ou sur la nature même du problème juridique, tous les renseignements que doit fournir une personne en vue d’obtenir un avis juridique et qui sont donnés en confidence à cette fin jouissent du privilège de confidentialité. Comme en fait état la Cour d’appel fédérale dans Telus Communications Inc c Canada (Procureur général), 2004 CAF 380, sous la plume du juge Linden, qui cite la Cour suprême du Canada dans Descôteaux :

[6] Monsieur le juge en chef Lamer a résumé comme suit le droit du secret professionnel de l’avocat aux pages 892 et 893 de l’arrêt Descôteaux c Mierzwinski, [1982] 1 RCS 860 :

En résumé, le client d’un avocat a droit au respect de la confidentialité de toutes les communications faites dans le but d’obtenir un avis juridique. Qu’ils soient communiqués à l’avocat lui-même ou à des employés, qu’ils portent sur des matières de nature administrative comme la situation financière ou sur la nature même du problème juridique, tous les renseignements que doit fournir une personne en vue d’obtenir un avis juridique et qui sont donnés en confidence à cette fin jouissent du privilège de confidentialité. Ce droit à la confidentialité s’attache à toutes les communications faites dans le cadre de la relation client-avocat, laquelle prend naissance dès les premières démarches du client virtuel, donc avant même la formation du mandat formel.

[Non souligné dans l’original.]

[55] La Cour suprême reconnaît aussi qu’il faut présumer que les faits liés à la relation entre l’avocat et son client bénéficient de l’application du privilège, sauf preuve du contraire. Comme elle l’énonce dans Canada (National Revenue) c Thompson, 2016 CSC 21, au paragraphe 19 :

[19] Même si, dans l’arrêt Descôteaux, elle paraît limiter l’application du privilège aux communications entre l’avocat et son client, la Cour écarte désormais l’interprétation du secret professionnel de l’avocat qui se fonde sur la distinction entre le fait et la communication pour déterminer l’objet de la protection (Maranda, par 30). Tous les éléments de la relation entre le client et l’avocat ne constituent pas des communications privilégiées, mais il faut présumer que, sauf preuve contraire, les faits liés à cette relation (tels les comptes d’honoraires en cause dans l’affaire Maranda) bénéficient de l’application du privilège (Maranda, par 33-34; voir aussi Foster Wheeler, par 42). Cette règle est applicable quel que soit le contexte dans lequel elle est invoquée (Foster Wheeler, par 34; R c Gruenke, [1991] 3 RCS 263, p 289).

[Non souligné dans l’original.]

[56] À mon humble avis, il est essentiel au rôle de la Cour fédérale qu’elle soit l’instance chargée de déterminer à quels produits des activités menées en vertu de mandats décernés en matière de sécurité nationale le Service peut avoir accès. À cet égard, la Cour joue – doit jouer – le rôle de gardienne. Cela s’avère en général, et en particulier quant aux communications qui peuvent contenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat. J’estime que le caractère essentiel de ce rôle découle de la jurisprudence susmentionnée. Ce rôle de gardienne, ou de « pare‑feu », est nécessaire à la protection du secret professionnel de l’avocat. Conformément aux lignes directrices établies dans Lavallee, tout document susceptible d’être protégé par le secret professionnel de l’avocat doit être scellé (point 4), et toute question relative au secret professionnel de l’avocat doit être tranchée par les tribunaux (point 6). J’estime que cela signifie « par des juges », c’est-à-dire, dans le contexte, des juges de la Cour fédérale.

[57] Je souligne aussi que, selon le point 8 : « Le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d’examiner les documents à l’avance », ce qui a été le cas en l’espèce.

[58] Dans Lavallee, en plus de souligner le rôle essentiel du tribunal d’origine, la Cour suprême du Canada affirme aussi que toute entorse au privilège ne se justifie que dans la mesure où elle ne dépasse pas ce que permettent les circonstances. Comme elle l’indique dans Maranda c Richer, 2003 CSC 67, le fait d’autoriser et d’exécuter une perquisition dans un cabinet d’avocats entraîne l’obligation de minimiser les atteintes au secret professionnel de l’avocat. Cette obligation s’applique aux communications interceptées qui sont ainsi protégées ou qui peuvent l’être :

[14] Le premier problème posé est celui de l’existence et de l’effet, en droit pénal canadien, d’une obligation de minimisation des atteintes au secret professionnel lors de l’autorisation et de l’exécution d’une perquisition dans un cabinet d’avocats. Dans l’état actuel du droit, tel que l’exprime la jurisprudence de notre Cour, cette obligation ne fait pas de doute. Elle s’impose au dénonciateur qui sollicite un mandat de perquisition, au juge qui autorise la perquisition et aux personnes chargées de son exécution.

[59] Je tiens à ajouter un élément à prendre à considération eu égard aux mandats en matière de sécurité nationale. Les mandats que décerne la Cour fédérale au titre de l’article 12 de la Loi sur le SCRS peuvent uniquement concerner des menaces pour la sécurité du pays. Cela peut sembler aller de soi, mais, à mon humble avis, il y a lieu d’examiner de telles demandes de mandats et de se prononcer à leur sujet avec toute la diligence qui convient à l’intérêt à protéger, à savoir la sécurité du Canada. Une fois chargée de se prononcer, la Cour ne devrait pas faire attendre le Service indument; il n’y a pas lieu que des retards dans le processus décisionnel judiciaire nuisent à des enquêtes sur la sécurité du Canada.

[60] En bref, et dans le contexte factuel en l’espèce, je suis parvenu à plusieurs conclusions. D’abord, la Cour fédérale elle-même est tenue de protéger le secret professionnel de l’avocat. Elle ne peut pas déléguer cette responsabilité, que ce soit à un amicus ou à un arbitre, par exemple, peu importe l’expérience de la personne. Cela dit, comme cela a été le cas en l’espèce, la Cour peut devoir nommer un amicus ou un arbitre et le charger d’examiner les communications susceptibles de contenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat, puis de faire rapport de ses opinions et de ses conseils à la Cour. Toutefois, la Cour elle-même doit trancher.

[61] Par conséquent, il est nécessaire, notamment en l’espèce, que la Cour et que tout amicus ou arbitre puissent prendre connaissance des communications afin de déterminer celles qui sont susceptibles d’être protégées par le secret professionnel de l’avocat. Cela dit, comme il est énoncé dans les lignes directrices établies dans Lavallee : « Le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d’examiner les documents à l’avance. » À mon avis, cela signifie qu’à titre d’avocat pour le Service, le procureur général peut présenter, de manière générale, des arguments quant au secret professionnel de l’avocat, mais ne peut consulter aucune des communications susceptibles de contenir des informations ainsi protégées, et ce, jusqu’à ce que la Cour fédérale détermine que le secret professionnel de l’avocat ne s’applique pas à elles.

[62] Partant, en pratique, le Service et le procureur général pourront consulter en entier toute communication qui, selon la Cour, ne contient pas d’informations protégées par le secret professionnel de l’avocat. Comme il en a été question plus haut, cette autorisation devrait être accordée avec toute la diligence possible. Dans le cas contraire, le Service et son avocat n’auront accès qu’à des copies des communications dans lesquelles les passages susceptibles d’être protégés auront été caviardés. En outre, pour déterminer si le Service peut prendre connaissance d’une communication dont le contenu pourrait être ainsi protégé, la Cour tiendra compte de ce qui a été établi par la Cour suprême du Canada, à savoir qu’il y a lieu de présumer que, sauf preuve contraire, les faits liés à la relation entre l’avocat et son client bénéficient de l’application du privilège.

[63] En l’espèce, la Cour devait également veiller à ce que l’atteinte au secret professionnel de l’avocat soit aussi minimale que possible. Elle doit reconnaître que, compte tenu de la jurisprudence applicable, le Service peut intercepter et examiner les communications entre l’avocat et son client interceptées en vertu de mandats en matière de sécurité nationale, et ce, peu importe si ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[64] Toutefois, il n’y pas lieu que le Service procède automatiquement à un tel examen, encore moins par un grand nombre de ses employés. Comme l’établit Lavallee, l’examen doit être aussi minimal que possible. De toute évidence, quelqu’un doit lire les communications pour déterminer si elles peuvent contenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat. À mon avis, il doit s’agir de l’analyste de première ligne ou, peut-être, de son supérieur. Toute communication que cette personne estime susceptible de contenir des informations protégées ne saurait être consultée par des employés plus haut placés. C’est à ce moment que le Service doit demander à la Cour l’autorisation de procéder à d’autres examens. Le procureur général n’a aucun rôle à jouer dans l’examen d’une communication lorsqu’il a été déterminé qu’elle pouvait contenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat. En outre, comme il a été mentionné, en raison du rôle important confié au Service par le législateur relativement à la sécurité nationale, la Cour doit prendre ces décisions avec diligence, ce qui permet aux personnes chargées d’assurer la sécurité nationale de prendre connaissance aussi rapidement que possible des communications interceptées légalement qui ne sont pas protégées par le secret professionnel de l’avocat.

[65] J’ajoute qu’en cas de danger imminent de mort ou de blessures graves, le SDO peut utiliser, conserver ou divulguer une communication susceptible d’être protégée par le secret professionnel de l’avocat, mais seulement dans la mesure strictement nécessaire, comme en fait foi l’extrait ci‑dessous des mandats eux-mêmes. À mon humble avis, cette disposition est manifestement réservée à des circonstances exceptionnelles. Elle est assujettie à ses propres conditions, formulées et sanctionnées par la Cour au fil des ans, notamment l’existence d’un danger de mort ou de blessures graves et l’obligation d’aviser la Cour fédérale et de lui demander des instructions :

[traduction]

Toutefois, si le sous-directeur des Opérations ou la personne désignée détermine que la communication contient des informations suscitant de véritables craintes qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe, le sous-directeur des Opérations ou la personne désignée peut utiliser, conserver ou divulguer la communication dans la mesure strictement nécessaire pour faire face à ce danger. Le Service doit aviser la Cour, par écrit, de cette décision dans les 48 heures et lui demander des instructions pour continuer d’utiliser, de conserver ou de divulguer la communication.

D. Nécessité de nommer des amici et des arbitres

[66] Par ailleurs, dans le cas de la demande de mandats complexe en l’espèce, il était évident dès le début que la Cour devait demander à un amicus, c’est-à-dire un ami de la Cour, de l’aider à traiter les questions relatives au secret professionnel de l’avocat, d’analyser les communications susceptibles d’être ainsi protégées et de formuler des recommandations à cet égard. Peu après avoir été saisi du dossier, j’ai donc nommé à ce titre Barbara McIsaac, c.r., avocate expérimentée et compétente qui détient les habilitations de sécurité nécessaires et qui a également été nommée « avocate spéciale » en vertu de l’article 87.1 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. Mme McIsaac figure aussi sur la liste des avocats que la Cour fédérale autorise à agir à titre d’amicus dans les affaires de sécurité nationale.

[67] En outre, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| j’ai nommé à titre d’arbitres deux criminalistes expérimentés et compétents qui détiennent les habilitations de sécurité nécessaires, à savoir Howard Krongold et Ian Carter. Bien qu’ils ne soient pas des avocats spéciaux, MM. Krongold et Carter figurent aussi sur la liste des avocats que la Cour fédérale autorise à agir à titre d’amicus dans les affaires de sécurité nationale.

[68] Ces trois personnes, qui résident dans la région de la capitale nationale, pouvaient donc se rendre rapidement dans les locaux sécurisés de la Cour, au besoin. Grâce à la nomination de deux arbitres, la Cour s’assurait que l’un ou l’autre de ces criminalistes pouvait lui donner des conseils rapidement; s’ils n’étaient pas disponibles, l’amicus McIsaac pouvait s’en charger. J’ai tenu les trois intervenants au courant de l’espèce grâce à des copies de diverses décisions et ordonnances. Ils ont pu prendre connaissance des documents et discuter entre eux dans les locaux sécurisés de la Cour.

E. Examen de documents dans les locaux sécurisés de la Cour fédérale

[69] J’ai aussi estimé qu’il valait mieux que l’amicus ou les arbitres examinent les documents dans les locaux sécurisés de la Cour plutôt que, par exemple, à l’Administration centrale du Service, et j’ai donné des instructions à cet effet. En effet, il est impératif qu’il ne puisse y avoir aucun doute que ces personnes, à titre d’officiers de justice, relèvent exclusivement de la Cour. En outre, le fait de procéder à l’examen dans les locaux sécurisés de la Cour protège l’indépendance judiciaire. De cette façon, la Cour respecte au mieux son obligation prévue à l’article 27 de la Loi sur le SCRS, c’est-à-dire entendre les demandes de mandats « à huis clos », ce qui, à mon avis, signifie « sous le sceau du secret » :

Audition des demandes

Hearing of applications

27 Une demande de mandat faite en vertu des articles 21, 21.1 ou 23, de renouvellement de mandat faite en vertu des articles 22 ou 22.1 ou d’ordonnance présentée au titre de l’article 22.3 est entendue à huis clos en conformité avec les règlements d’application de l’article 28.

27 An application under section 21, 21.1 or 23 for a warrant, an application under section 22 or 22.1 for the renewal of a warrant or an application for an order under section 22.3 shall be heard in private in accordance with regulations made under section 28.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

F. Non-implication du Barreau de la province quant à la probabilité d’interception de communications d’avocats de manière incidente

[70] Je n’ai pas jugé nécessaire d’impliquer le Barreau de la province dans la nomination de l’amicus ou des arbitres, mesure prévue dans les lignes directrices établies dans Lavallee. J’en suis arrivé à cette conclusion en raison du caractère sensible des questions en l’espèce, qui touchent à la sécurité nationale, de la nécessité que les trois avocats aient les habilitations de sécurité nécessaires et des délais très serrés auxquels la Cour devait faire face. Autres différences : les mandats dont il était question dans Lavallee touchaient à une perquisition dans un cabinet d’avocats, ce qui n’était pas le cas des mandats de 2018, qui avaient trait à des activités d’interception au cours desquelles il était possible que soient interceptées, de manière incidente, des communications pouvant contenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat. En outre, le régime de mandats en cause dans Lavallee n’impliquait aucun élément de sécurité nationale et ne concernait pas la disposition relative au secret prévue à l’article 27 de la Loi sur le SCRS.

[71] À cet égard, je souligne que le juge Downs, de la Cour supérieure du Québec, dans Rizzuto c R, 2018 QCCS 582, après un examen approfondi, en est arrivé à la même conclusion : il n’a pas jugé nécessaire d’impliquer le Barreau du Québec relativement aux mandats décernés au titre de l’article 186(2) du Code criminel quant à l’interception de communication dans un cabinet d’avocats. Selon le juge Downs :

[123] Même si le Tribunal écarte une transposition pure et simple des principes de Lavallee dans le cadre d’une autorisation d’écoute électronique, il reste néanmoins pertinent de se demander si une autorisation d’écoute électronique dans un cabinet d’avocats devrait néanmoins prévoir un mécanisme de contrôle par un représentant du Barreau aux différentes étapes de l’interception comme le propose [sic] les requérants.

[124] La Cour suprême s’est déjà prononcée sur le fait que l’article 186(3) C. cr., n’oblige pas le juge autorisateur à imposer des modalités. La Cour suprême ne semble donc pas considérer qu’une autorisation d’écoute électronique comprenne obligatoirement un mécanisme de représentations par un membre du Barreau pour assurer la protection du privilège.

[125] De plus, il n’apparait pas au Tribunal que la présence d’un représentant du Barreau soit aussi judicieuse dans le cadre d’écoutes électroniques que dans le cadre d’une perquisition physique.

[126] Tout d’abord, l’implication d’un ou de plusieurs représentants du Barreau se concilie difficilement avec la nature particulièrement sensible et secrète d’une telle enquête. La présence d’un ou plusieurs membres du Barreau pourrait interférer avec la nature subreptice et délicate de l’opération.

[127] Ensuite, le Tribunal ne croit pas que la présence d’un représentant du Barreau aurait évité les problèmes d’exécution invoqués par les requérants. À titre d’exemple, il est difficile de concevoir en quoi l’implication d’un membre du Barreau aurait permis que les sessions 143-144 et 195, judiciairement classées privilégiées, ne soient pas débloquées.

[128] Les problèmes soulevés par les requérants comme le déblocage de conversations classées privilégiées par la juge, sont des problèmes d’exécution causés par une certaine négligence et non pas par une autorisation défectueuse.

[129] Enfin, le Tribunal rejette la proposition qu’un représentant du Barreau serait mieux placé qu’un juge pour déterminer si une conversation est ou non privilégiée.

[130] En toute hypothèse, même si l’implication de représentants du Barreau pourrait être indiquée dans certaines autorisations d’écoutes électroniques, les « pare-feux » prévus par la juge autorisatrice en l’espèce étaient suffisants pour assurer la protection du privilège avocat-client.

[Renvois omis.]

G. Ordonnances de mise sous séquestre et de conservation

[72] À compter du |||| octobre 2018, il a fallu mettre en place une procédure adéquate quant aux questions susmentionnées. Parallèlement, j’étais très soucieux de veiller à ce qu’aucune communication en la possession du Service et susceptible de contenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat ne demeure sans protection adéquate contre la consultation par des employés non autorisés du Service ou du procureur général.

[73] Partant, comme je l’ai mentionné, j’ai rendu une ordonnance de mise sous séquestre qui a pris effet sur‑le‑champ. Elle s’appliquait à toutes les communications |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| interceptées de manière incidente par le Service en vertu de mandats antérieurs, en attendant que la Cour détermine si elle-même ou le demandeur devait se pencher sur le contenu de ces communications pour établir s’il était protégé par le secret professionnel de l’avocat.

[74] Bien que j’aie laissé dans les mandats la condition susmentionnée qui permet au SDO du Service d’utiliser de telles communications en cas de danger imminent de mort ou de blessures graves, j’ai demandé au Service et à son avocat (le procureur général) ainsi qu’à l’amicus (les arbitres n’avaient pas encore été nommés) de présenter des observations quant à la procédure à mettre en place.

[75] Peu après, j’ai ordonné la conservation de toute communication obtenue en vertu de mandats antérieurs |||||||||||||||||||||||||||||| À Mme McIsaac, que j’ai nommée arbitre en plus de son rôle d’amicus j’ai donné l’instruction d’examiner tous les rapports relatifs à des communications interceptées |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| en vue d’y relever toute communication qui pourrait comprendre des communications entre un avocat et son client. Elle a conclu qu’il n’y en avait pas. Son rapport en main, j’ai personnellement examiné les communications et, me ralliant à ses conclusions, j’ai ordonné la levée du séquestre visant toutes les communications interceptées en vertu de mandats antérieurs, puis autorisé le Service à les utiliser dans le cours normal de ses enquêtes, conformément aux conditions figurant dans les mandats antérieurs.

H. Mise en œuvre, à l’automne de 2018, de la procédure ayant trait aux communications pouvant contenir des informations protégées par le secret professionnel de l’avocat

[76] En fin de compte, après plusieurs audiences, observations et ordonnances provisoires et connexes, la procédure suivante a été mise en place relativement aux communications interceptées en vertu des mandats de 2018 : après avoir examiné une communication impliquant un avocat ou l’un de ses employés obtenue en vertu des mandats de 2018, l’analyste du Service rédige un rapport préliminaire. Son superviseur est autorisé à l’examiner à des fins de contrôle de la qualité.

[77] J’ai autorisé |||||||||||||||||||| du secrétariat du SDO de prendre la responsabilité pour la préparation des cartables contenant les rapports préliminaires préparés par l’analyste. Ces cartables sont ensuite acheminés de façon hebdomadaire (cette période pouvant être plus courte) directement au personnel administratif du procureur général. L’intention est que les rôles du secrétariat du SDO et du procureur général soient entièrement de nature administrative. Le personnel administratif envoie ensuite le cartable directement aux locaux sécurisés de la Cour fédérale sans qu’aucun autre employé du Service ni du procureur général en ait pris connaissance. Autrement dit, personne d’autre au Service ou au Bureau du procureur général ne voit le contenu du cartable.

[78] À ce moment, l’arbitre ou l’amicus examine le cartable contenant les rapports préliminaires dans les locaux sécurisés de la Cour, puis prépare des observations écrites pour aviser la Cour, s’il y a lieu, que toute partie de tout rapport préliminaire contient des communications susceptibles d’être visées par le secret professionnel de l’avocat.

[79] La Cour examine alors le rapport préliminaire et détermine si l’une ou l’autre communication est protégée par le secret professionnel de l’avocat. Selon le résultat de l’examen, la Cour donne les instructions nécessaires.

[80] Je souligne que la Cour n’a pris aucune de ces décisions unilatéralement : elle a toujours demandé et obtenu l’avis de l’amicus ou des arbitres avant de se prononcer. En effet, compte tenu des circonstances de l’espèce |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||| l’intervention de l’amicus ou d’un arbitre qui peut formuler des commentaires offrait une protection additionnelle relativement à de telles communications.

[81] En pratique, les cartables étaient livrés le vendredi. Habituellement, un arbitre ou l’amicus effectuait l’examen et préparait un rapport à la Cour rapidement, parfois le jour même, parfois le lundi suivant. Il est arrivé que la Cour ait pu examiner les communications susceptibles d’être visées par le secret professionnel de l’avocat, prendre acte du rapport de l’amicus ou de l’arbitre et communiquer le rapport préliminaire à l’avocat du Service et du procureur général, avec accès complet ou restreint, le même jour ou le premier jour ouvrable de la semaine suivante.

[82] Les procédures susmentionnées ont été appliquées pendant de nombreux jours d’audience et pour nombre de communications et d’observations écrites. Dans les présentes, je ne fais pas état de l’ensemble des nombreuses ordonnances rendues et directives formulées, et je ne résume pas les différentes positions qui, en fin de compte, comportaient fort peu de désaccords. Je tiens à remercier le procureur général et le Service pour le rôle utile qu’ils ont joué ainsi que pour leur franchise dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une procédure qui a permis de protéger le secret professionnel de l’avocat, de prendre des décisions avec diligence et de communiquer au Service des informations non visées par le secret professionnel de l’avocat.

[83] Je tiens à souligner qu’avant la mise en œuvre de la procédure, le procureur général et le Service avaient le droit de présenter des observations sur le système à instaurer, sur ce qui devait être protégé par le secret professionnel de l’avocat et d’autres questions pertinentes, droit dont ils se sont prévalus. Le procureur général, le Service, l’amicus et les arbitres ont eu la possibilité de formuler des commentaires et de collaborer en vue d’élaborer la procédure susmentionnée, et j’en suis très reconnaissant.

[84] Fait à souligner, hormis les analystes du Service qui ont préparé les rapports préliminaires, leurs superviseurs et les membres du personnel administratif du procureur général qui ont assemblé, organisé et livré les cartables scellés contenant ces rapports aux locaux sécurisés de la Cour, personne au Service ni au bureau du procureur général n’avait accès aux rapports préliminaires jusqu’à leur communication éventuelle, en tout ou en partie, sur ordonnance de la Cour. Les fonctions relatives à l’interception des communications et à la préparation des rapports préliminaires étaient nécessaires et, à mon avis, n’auraient pas pu être minimisées davantage. D’entrée de jeu, j’étais dubitatif quant à l’octroi de l’accès aux superviseurs. J’ai toutefois déterminé que cela était nécessaire, à des fins de contrôle de la qualité.

[85] En outre, il n’y avait aucun moyen d’éviter les étapes nécessaires de la préparation et de la livraison des cartables. À mon avis, la procédure élaborée a permis, dans la mesure du possible, de restreindre l’accès du Service et du procureur général aux communications susceptibles d’être visées par le secret professionnel de l’avocat.

I. Décisions relatives au caviardage des rapports préliminaires en vue de leur communication

[86] En fin de compte, dans certains cas, après avoir pris connaissance des commentaires des arbitres ou de l’amicus et au moyen d’une ordonnance, j’ai décidé que le séquestre devait être levé dans son intégralité sur le rapport, qui était alors transmis au Service pour qu’il l’utilise dans le cours normal de ses enquêtes, c’est-à-dire conformément aux mandats de 2018 en vertu desquels ces informations avaient pu être obtenues.

[87] Dans d’autres cas, de la même manière, j’ai autorisé que le séquestre soit levé sur des versions caviardées des rapports, empêchant ainsi que les parties caviardées puissent être consultées par le Service ou le procureur général. La Cour s’est prononcée conformément à Lavallee, après avoir entendu l’amicus ou les arbitres, selon le cas, lors d’audiences tenues en l’absence du Service et de son avocat, le procureur général (à huis clos et ex parte). Comme il a été souligné, la Cour a consulté le Service et le procureur général au sujet de cette approche excluant leur participation, et ceux-ci n’ont pas soulevé d’objections.

[88] Il est important de retenir qu’en fin de compte, les parties des rapports préliminaires caviardées par la Cour parce qu’elles contenaient des communications protégées par le secret professionnel de l’avocat ou susceptibles de l’être, en vertu d’une ordonnance de la Cour rendue le 19 décembre 2018, ont été assujetties à la condition 1 des mandats, qui en exigeait la destruction par le Service.

IV. Obligation de franchise

A. En janvier et en février 2019, première interruption de l’examen et de la communication des rapports préliminaires intégraux ou caviardés en raison du signalement de possibles actes criminels par des sources humaines qui n’avaient pas été portés à l’attention de la Cour en octobre 2018

[89] La procédure susmentionnée a été appliquée jusqu’en janvier 2019. Le 18 janvier 2019, l’avocat du Service a avisé la Cour par écrit que le Service, ayant manqué à son obligation de franchise en négligeant de communiquer des informations faisant état d’actes peut-être illicites posés par des sources humaines sur lesquelles il s’était appuyé pour présenter sa demande de mandats en octobre 2018, avait pris des mesures pour isoler tout produit de la collecte effectuée en vertu des mandats de 2018 et tout rapport connexe.

[90] À cet égard, il y a lieu de considérer mon exposé circonstancié comme un complément aux motifs du juge Gleeson susmentionnés (2020 CF 616).

[91] En même temps, le Service a présenté à la Cour des éléments de preuve faisant état d’actes peut-être illicites posés par des sources humaines qu’il ne lui avait pas communiqués dans sa demande de mandats en octobre 2018. À ce moment, et peu après, le Service a aussi communiqué de nouvelles informations provenant, d’une part, de l’employé qui avait fourni les éléments de preuve sur lesquels je m’étais fondé et, d’autre part, de l’avocat du procureur général qui avait représenté le Service dans le cadre de la demande visant les mandats de 2018. Pour les fins des présents motifs, ces nouvelles informations constituent la « preuve additionnelle ».

[92] Je tiens à souligner qu’en ce qui a trait à la preuve additionnelle, l’avocat nommé par le procureur général n’était pas le même que celui qui avait représenté le Service quant à la question du secret professionnel de l’avocat.

[93] Le 13 février 2019, après la présentation d’autres observations et la tenue d’une audience, j’ai ordonné que, [traduction] « [j]usqu’à ce que la Cour rende une nouvelle ordonnance, le Service ne fourni[sse] aucun rapport préliminaire aux arbitres, comme le prévoyait l’ordonnance rendue le 19 décembre 2018 ». Cette ordonnance était nécessaire pour que soit respectée la décision du Service d’isoler tout produit de la collecte effectuée en vertu des mandats de 2018 et tout rapport connexe. En effet, elle libérait le Service de la procédure applicable aux rapports préliminaires dont il a été question plus haut. Je souligne que la mesure d’isolement ne s’appliquait pas aux activités des analystes des communications du Service, qui ont continué d’examiner les communications interceptées, et ce, expressément pour déterminer si elles faisaient état d’un danger de mort imminent et pouvaient ainsi mettre en cause les dispositions spéciales figurant dans les mandats de 2018. Ce faisant, ils marquaient aussi les communications susceptibles de figurer dans les rapports préliminaires à la fin de la mise en séquestre (qui a fini par être levé). J’ajoute que tout danger de mort serait porté à l’attention du directeur général régional qui, au besoin, le signalerait directement au SDO mentionné dans les mandats de 2018.

B. Ordonnance au Service de signaler le cas de non-communication au CSARS

[94] À ce moment, j’ai ordonné au Service de signaler le problème soulevé par la preuve additionnelle au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (le CSARS, remplacé par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, l’OSSNR), pour m’assurer que celui-ci était au courant de la situation, ce qu’il a fait.

C. De février à avril 2019, interruption de l’examen des rapports préliminaires et ordonnances relatives à leur communication en version exhaustive ou caviardée

[95] Fin février 2019, j’ai nommé deux autres amici dans l’affaire en cause. Ils avaient été aussi été nommés à ce titre par mes collègues, les juges Catherine Kane et Patrick Gleeson, dans le cadre d’autres affaires de mandats qui mettaient en cause un manquement à l’obligation de franchise eu égard à des actes peut-être illicites, dans les dossiers de la Cour nos |||||||||||||||||||||||||| et |||||||||||||||||||||||||||||| Les deux amici, Gordon Cameron et Matthew Gourlay, détiennent les habilitations de sécurité nécessaires et figurent sur la liste des avocats que la Cour fédérale autorise à agir à titre d’amicus dans les affaires de sécurité nationale. M. Cameron figure également sur la liste d’avocats spéciaux.

[96] À ce moment, en l’espèce et dans les deux affaires susmentionnées, les projecteurs ont quitté la question du secret professionnel de l’avocat pour se braquer sur le nouvel enjeu, à savoir le manquement à l’obligation de franchise ayant trait à des actes peut-être illicites posés par des sources humaines. De nombreuses audiences ont été tenues, dont une qui rassemblait tous les juges désignés disponibles, le Service et le procureur général. Dans ses motifs susmentionnés (2020 CF 616), mon collègue, le juge Patrick Gleeson, expose en détail cette étape de l’instance.

[97] Il est devenu de plus en plus manifeste que l’examen, par la Cour, des conséquences de la non-communication de possibles actes criminels allait prendre beaucoup de temps. Cela s’est avéré : les dernières observations écrites à ce sujet n’ont été présentées qu’en novembre 2019, et le juge Gleeson a présenté ses motifs le 15 mai 2020.

[98] Ainsi, à la suite de la séance en formation plénière susmentionnée, la question générale de l’obligation de franchise a fait l’objet de multiples audiences en formation réduite présidées conjointement par les juges Kane et Gleeson et par moi-même, qui ont mené le juge Gleeson à présenter des motifs sur des questions générales et sur des points particuliers à l’affaire dont il était saisi.

[99] Toutefois, à diverses reprises au cours de ces audiences et par la suite, j’ai eu à traiter de questions découlant des mandats de 2018. Je souligne que la juge Kane a aussi dû traiter de questions découlant de mandats qu’elle avait décernés.

[100] En l’espèce, d’autres affidavits ont été déposés et pris en considération avant et après que le juge Gleeson ait présenté ses motifs. En fait, j’ai reçu des observations en l’espèce jusqu’au 21 octobre 2020, date à laquelle les amici nommés relativement à la question de l’obligation de franchise ont présenté leurs observations définitives.

[101] Comme il en a été question plus haut, à compter de janvier 2019, le Service a continué avec les interceptions et la collection, mais a suspendu tout rapport en lien avec les présumés |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| mentionnés dans les mandats de 2018, et ce, même si ces derniers étaient toujours valides.

[102] Cette décision n’était pas la mienne, mais celle du Service. À mon avis, elle engendrait une situation qui laissait à désirer et qui devait être corrigée. Les mandats avaient été décernés parce qu’en ce qui concernait la menace pour la sécurité du Canada, les conditions pour ce faire avaient été réunies. Je ne souhaitais ni mettre fin ni nuire aux enquêtes nécessaires que la Cour avait déjà approuvées. Je voulais déterminer rapidement l’incidence de la preuve additionnelle sur les mandats de 2018, surtout que, pour les obtenir, le Service avait fait valoir que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| représentait une menace pour la sécurité du Canada. Je ne voulais pas que la mise sous séquestre d’informations ou de renseignements recueillis en vertu des mandats de 2018 nuise indument ou sans nécessité à l’enquête du Service sur cette menace présumée.

[103] C’est ainsi que, pour régler ces préoccupations urgentes, j’ai demandé et reçu des observations du procureur général et des amici nouvellement nommés, MM. Cameron et Gourlay, relativement à l’incidence possible de la preuve additionnelle sur les mandats de 2018. Devaient-ils être écartés? Y avait-il lieu de retarder la décision jusqu’à la conclusion – peut-être très tardive – de l’audition des trois affaires? La Cour devait-elle reprendre l’examen et la communication possible de rapports préliminaires faisant état de communications susceptibles d’être protégées par le secret professionnel de l’avocat?

[104] Pour répondre à ces questions, il était nécessaire d’analyser la preuve additionnelle et son incidence sur les mandats de 2018.

[105] Le principal élément de preuve additionnelle ayant trait à des actes peut-être illicites a été établi dans un affidavit déposé le 8 février 2019 par un représentant haut placé du Service qui supervisait les employés chargés des sources humaines en cause. On peut dire que cet élément de preuve faisait état de quatre types de crimes possibles en lien avec les informations de sources humaines en l’espèce.

[106] Outre cela, le représentant haut placé du Service a fourni des éléments de preuve soulignant l’importance des informations de sources humaines dans l’enquête |||||||||||||||||||||||||||||| |||||| – importance considérable, à mon humble avis – et portant sur la nature des directives données aux sources humaines par le Service, notamment l’interdiction de mener des activités illégales.

[107] Les éléments de preuve présentés par le Service tant en octobre 2018 qu’en février 2019 s’accordaient sur ce point : les sources humaines en cause fournissaient des informations utiles à l’enquête que le Service jugeait « partiellement confirmées », c’est-à-dire, selon sa propre définition, [traduction] qu’« en général, un grand nombre des informations étaient exactes ou corroborées par d’autres sources ».

[108] Le Service a bien précisé qu’il considérait que les informations fournies par les sources humaines en cause étaient fiables et crédibles|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Rien dans les éléments de preuve présentés le 8 février 2019 par le Service ne donnait à penser que les informations de sources humaines en question manquaient de fiabilité ou de crédibilité. Au contraire, elles y étaient présentées comme émanant de la (des) principale(s) source(s) humaine(s) du Service dans l’enquête |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et comme des informations de première importance dans les enquêtes |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

D. En février 2019, communication d’une présomption relative au caractère illégal d’activités menées par des sources humaines

[109] J’estime ne pas être tenu d’évaluer si une personne qui a fourni des informations de sources humaines a effectivement commis des crimes; il ne s’agit pas d’un tribunal pénal. Aux fins de l’espèce, j’examine la preuve additionnelle pour évaluer la gravité de l’activité illégale alléguée comme l’un des facteurs dans l’exercice de mise en balance établi par le juge Gleeson dans son jugement. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve ne devrait pas être exclue. Un autre point me préoccupe, à savoir la non-communication d’activités de sources humaines qui auraient pu affecter la fiabilité ou la crédibilité des informations à un point tel que les mandats de 2018 n’auraient pas pu être décernés. Je conclus que la preuve additionnelle, si elle avait été dument communiquée, n’aurait pas empêché ceux‑ci d’être décernés. Voici les motifs détaillés de cette conclusion.

[110] Le présumé caractère illégal des activités a été plaidé dans le contexte des articles 83.01 et suivants du Code criminel et de la jurisprudence connexe de la Cour suprême du Canada, qui donne une orientation quant au principe de minimis non curat lex [de minimis], expression latine signifiant « la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance ».

[111] En premier lieu, je vais établir les dispositions du Code criminel et la jurisprudence pertinentes en l’espèce, pour mieux décrire ensuite en quoi elles s’appliquent aux quatre types de possibles activités criminelles mentionnées par le Service en janvier 2019 dans une lettre et le 8 février 2019 dans un affidavit.

E. Articles 83.01 et suivants du Code criminel

[112] Voici les articles 83.02, 83.03, 83.08, 83.18 et 83.19 du Code criminel :

Fournir ou réunir des biens en vue de certains actes

Providing or collecting property for certain activities

83.02 Est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, directement ou non, fournit ou réunit, délibérément et sans justification ou excuse légitime, des biens dans l’intention de les voir utiliser – ou en sachant qu’ils seront utilisés – en tout ou en partie, en vue :

83.02 Every one who, directly or indirectly, wilfully and without lawful justification or excuse, provides or collects property intending that it be used or knowing that it will be used, in whole or in part, in order to carry out

a) d’un acte – action ou omission – qui constitue l’une des infractions prévues aux sous-alinéas a)(i) à (ix) de la définition de activité terroriste au paragraphe 83.01(1);

(a) an act or omission that constitutes an offence referred to in subparagraphs (a)(i) to (ix) of the definition of terrorist activity in subsection 83.01(1), or

b) de tout autre acte – action ou omission – destiné à causer la mort ou des dommages corporels graves à une personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, notamment un civil, si, par sa nature ou son contexte, cet acte est destiné à intimider la population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque.

(b) any other act or omission intended to cause death or serious bodily harm to a civilian or to any other person not taking an active part in the hostilities in a situation of armed conflict, if the purpose of that act or omission, by its nature or context, is to intimidate the public, or to compel a government or an international organization to do or refrain from doing any act, is guilty of an indictable offence and is liable to imprisonment for a term of not more than 10 years.

Fournir, rendre disponibles, etc. des biens ou services à des fins terroristes

Providing, making available, etc., property or services for terrorist purposes

83.03 Est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, directement ou non, réunit des biens ou fournit – ou invite une autre personne à le faire – ou rend disponibles des biens ou des services financiers ou connexes :

83.03 Every one who, directly or indirectly, collects property, provides or invites a person to provide, or makes available property or financial or other related services

a) soit dans l’intention de les voir utiliser – ou en sachant qu’ils seront utilisés –, en tout ou en partie, pour une activité terroriste, pour faciliter une telle activité ou pour en faire bénéficier une personne qui se livre à une telle activité ou la facilite;

(a) intending that they be used, or knowing that they will be used, in whole or in part, for the purpose of facilitating or carrying out any terrorist activity, or for the purpose of benefiting any person who is facilitating or carrying out such an activity, or

b) soit en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou en partie, par un groupe terroriste ou qu’ils bénéficieront, en tout ou en partie, à celui-ci.

(b) knowing that, in whole or part, they will be used by or will benefit a terrorist group,

« en blanc »

is guilty of an indictable offence and is liable to imprisonment for a term of not more than 10 years.

[…]

Blocage des biens

Freezing of property

83.08 (1) Il est interdit à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger :

83.08 (1) No person in Canada and no Canadian outside Canada shall knowingly

a) d’effectuer sciemment, directement ou non, une opération portant sur des biens qui appartiennent à un groupe terroriste, ou qui sont à sa disposition, directement ou non;

(a) deal directly or indirectly in any property that is owned or controlled by or on behalf of a terrorist group;

b) de conclure ou de faciliter sciemment, directement ou non, une opération relativement à des biens visés à l’alinéa a);

(b) enter into or facilitate, directly or indirectly, any transaction in respect of property referred to in paragraph (a); or

c) de fournir sciemment à un groupe terroriste, pour son profit ou sur son ordre, des services financiers ou tout autre service connexe liés à des biens visés à l’alinéa a).

(c) provide any financial or other related services in respect of property referred to in paragraph (a) to, for the benefit of or at the direction of a terrorist group.

Immunité

No civil liability

(2) Nul ne peut être poursuivi au civil pour avoir fait ou omis de faire quoi que ce soit dans le but de se conformer au paragraphe (1), s’il a agi raisonnablement et pris toutes les dispositions voulues pour se convaincre que le bien en cause appartient à un groupe terroriste ou est à sa disposition, directement ou non.

(2) A person who acts reasonably in taking, or omitting to take, measures to comply with subsection (1) shall not be liable in any civil action arising from having taken or omitted to take the measures, if they took all reasonable steps to satisfy themselves that the relevant property was owned or controlled by or on behalf of a terrorist group.

[…]

Participation à une activité d’un groupe terroriste

Participation in activity of terrorist group

83.18 (1) Est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, sciemment, participe à une activité d’un groupe terroriste, ou y contribue, directement ou non, dans le but d’accroître la capacité de tout groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter.

83.18 (1) Every one who knowingly participates in or contributes to, directly or indirectly, any activity of a terrorist group for the purpose of enhancing the ability of any terrorist group to facilitate or carry out a terrorist activity is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding ten years.

Poursuite

Prosecution

(2) Pour que l’infraction visée au paragraphe (1) soit commise, il n’est pas nécessaire :

(2) An offence may be committed under subsection (1) whether or not

a) qu’une activité terroriste soit effectivement menée ou facilitée par un groupe terroriste;

(a) a terrorist group actually facilitates or carries out a terrorist activity;

b) que la participation ou la contribution de l’accusé accroisse effectivement la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter;

(b) the participation or contribution of the accused actually enhances the ability of a terrorist group to facilitate or carry out a terrorist activity; or

c) que l’accusé connaisse la nature exacte de toute activité terroriste susceptible d’être menée ou facilitée par un groupe terroriste.

(c) the accused knows the specific nature of any terrorist activity that may be facilitated or carried out by a terrorist group.

Participation ou contribution

Meaning of participating or contributing

(3) La participation ou la contribution à une activité d’un groupe terroriste s’entend notamment :

(3) Participating in or contributing to an activity of a terrorist group includes

a) du fait de donner ou d’acquérir de la formation ou de recruter une personne à une telle fin;

(a) providing, receiving or recruiting a person to receive training;

b) du fait de mettre des compétences ou une expertise à la disposition d’un groupe terroriste, à son profit ou sous sa direction, ou en association avec lui, ou d’offrir de le faire;

(b) providing or offering to provide a skill or an expertise for the benefit of, at the direction of or in association with a terrorist group;

c) du fait de recruter une personne en vue de faciliter ou de commettre une infraction de terrorisme ou un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait une telle infraction;

c) recruiting a person in order to facilitate or commit

« en blanc »

(i) a terrorism offence, or

« en blanc »

(ii) an act or omission outside Canada that, if committed in Canada, would be a terrorism offence;

d) du fait d’entrer ou de demeurer dans un pays au profit ou sous la direction d’un groupe terroriste, ou en association avec lui;

(d) entering or remaining in any country for the benefit of, at the direction of or in association with a terrorist group; and

e) du fait d’être disponible, sous les instructions de quiconque fait partie d’un groupe terroriste, pour faciliter ou commettre une infraction de terrorisme ou un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait une telle infraction.

(e) making oneself, in response to instructions from any of the persons who constitute a terrorist group, available to facilitate or commit

« en blanc »

(i) a terrorism offence, or

« en blanc »

(ii) an act or omission outside Canada that, if committed in Canada, would be a terrorism offence.

Facteurs

Factors

(4) Pour déterminer si l’accusé participe ou contribue à une activité d’un groupe terroriste, le tribunal peut notamment prendre en compte les faits suivants :

(4) In determining whether an accused participates in or contributes to any activity of a terrorist group, the court may consider, among other factors, whether the accused

a) l’accusé utilise un nom, un mot, un symbole ou un autre signe qui identifie le groupe ou y est associé;

(a) uses a name, word, symbol or other representation that identifies, or is associated with, the terrorist group;

b) il fréquente quiconque fait partie du groupe terroriste;

(b) frequently associates with any of the persons who constitute the terrorist group;

c) il reçoit un avantage du groupe terroriste;

(c) receives any benefit from the terrorist group; or

d) il se livre régulièrement à des activités selon les instructions d’une personne faisant partie du groupe terroriste.

(d) repeatedly engages in activities at the instruction of any of the persons who constitute the terrorist group.

Facilitation d’une activité terroriste

Facilitating terrorist activity

83.19 (1) Est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque sciemment facilite une activité terroriste.

83.19 (1) Every one who knowingly facilitates a terrorist activity is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding fourteen years.

Facilitation

Facilitation

(2) Pour l’application de la présente partie, il n’est pas nécessaire pour faciliter une activité terroriste :

(2) For the purposes of this Part, a terrorist activity is facilitated whether or not

a) que l’intéressé sache qu’il se trouve à faciliter une activité terroriste en particulier;

(a) the facilitator knows that a particular terrorist activity is facilitated;

b) qu’une activité terroriste en particulier ait été envisagée au moment où elle est facilitée;

(b) any particular terrorist activity was foreseen or planned at the time it was facilitated; or

c) qu’une activité terroriste soit effectivement mise à exécution.

(c) any terrorist activity was actually carried out.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

F. Jurisprudence de la Cour suprême du Canada relative à la participation à des activités terroristes en général et à l’article 83.18

[113] L’arrêt de la Cour suprême du Canada R c Khawaja, 2012 CSC 69 [Khawaja], sous la plume de la juge McLachlin, aux paragraphes 41 à 54, fait autorité en ce qui concerne la participation aux activités d’un groupe terroriste en général et à l’article 83.18 en particulier :

(b) La portée de la loi

[41] Le paragraphe 83.18(1) criminalise la participation ou la contribution à une activité d’un groupe terroriste. Pour être déclaré coupable, l’accusé doit avoir a) sciemment b) participé ou contribué, c) directement ou non, d) à quelque activité d’un groupe terroriste e) dans le but d’accroître la capacité de tout groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter. Le paragraphe (2) précise que, pour obtenir une déclaration de culpabilité, le ministère public n’a pas à prouver que a) le groupe terroriste s’est effectivement livré à une activité terroriste ou l’a facilitée, que b) les actes de l’accusé ont effectivement accru la capacité d’un groupe terroriste de ce faire ou que c) l’accusé connaissait la nature exacte de toute activité terroriste à laquelle s’est livré un groupe terroriste ou que ce dernier a facilitée. Comme le conclut la Cour d’appel de l’Ontario dans United States of America c Nadarajah (No. 1), 2010 ONCA 859 :

... l’art 83.18 vise la personne qui, par ses actes, participe ou contribue consciemment aux activités d’un groupe dont elle connaît les visées terroristes. De plus, les actes doivent être accomplis dans le but précis d’accroître la capacité du groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste au sens défini, ou de la faciliter. [par 28]

[42] Les appelants prétendent que la portée de l’art 83.18 est excessive parce qu’elle englobe l’acte qui ne contribue pas concrètement à la création du risque de terrorisme, telle la participation, directe ou non, à des activités légitimes, inoffensives ou de bienfaisance menées par un groupe terroriste. Ils font valoir que, [traduction] « [à] défaut de s’être explicitement dissociée de l’idéologie terroriste du groupe, la personne qui participe à toute activité de ce dernier est susceptible de se voir imputer l’intention d’accroître la capacité de ce groupe de se livrer à une activité terroriste » (mémoire de l’appelant Nadarajah, par 35 (je souligne)). Ainsi, une personne innocente, qu’elle partage ou non les visées terroristes d’un groupe, pourrait être accusée sur le fondement de l’art 83.18 pour le seul motif qu’elle a assisté à une activité visant à accroître la visibilité organisée par le volet caritatif d’un groupe qui s’adonne par ailleurs au terrorisme. Le professeur Roach estime que même l’avocat ou le médecin qui offre légitimement ses services professionnels à un terroriste connu pourrait tomber sous le coup de l’art 83.18 : voir K. Roach, « The New Terrorism Offences and the Criminal Law », dans R. J. Daniels, P. Macklem et K. Roach, dir., The Security of Freedom : Essays on Canada’s Anti-Terrorism Bill (2001), 151, p 161. Les appelants soutiennent que ces éventualités étayent leurs allégations de portée excessive de la Loi.

[43] L’appréciation de leur thèse exige d’abord d’interpréter l’art 83.18 afin d’en déterminer la portée véritable : Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 RCS 1031, le juge en chef Lamer, par 10.

[44] Comme toutes autres mesures législatives, les dispositions sur le terrorisme du Code criminel doivent être interprétées à la lumière de leur objet, lequel est de « fournir des moyens de prévenir et de punir les actes de terrorisme » (Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), par 39) –, non pas de punir la personne qui prend part à une activité inoffensive, socialement utile ou spontanée et contribue sans le vouloir et de manière indirecte à une activité terroriste.

[45] Étant donné cet objet, la perpétration de l’infraction exige un degré élevé de mens rea. Pour obtenir une déclaration de culpabilité, il faut démontrer non seulement que la personne a « sciemment » participé ou contribué à l’activité terroriste, mais que ses gestes ont été accomplis « dans le but » d’accroître la capacité du groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter. L’emploi des mots « dans le but » à l’art 83.18 peut donner à penser qu’il incombe au poursuivant d’établir [traduction] « un degré particulièrement élevé d’intention subjective d’accroître la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste » : K. Roach, « Terrorism Offences and the Charter : A Comment on R. v. Khawaja » (2007), 11 RCDP 271, p 285.

[46] Pour démontrer que l’accusé avait l’intention subjective d’accroître la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter, il faut établir qu’il entendait précisément que ses actes aient un tel effet général. Point n’est besoin de prouver l’intention liée à la nature précise de l’activité terroriste, telle la mort d’une personne lors d’un attentat à la bombe (al 83.18(2)c)). Il suffit de prouver l’intention que ses actes accroissent la capacité du groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter.

[47] Cette exigence accrue au chapitre de la mens rea a pour effet de soustraire à une accusation fondée sur l’art 83.18 la personne qui prête son appui à un groupe terroriste à son insu ou pour une raison valable. Les rapports sociaux ou professionnels avec des terroristes – lors, par exemple, d’interactions normales avec des amis ou des parents – n’emportent pas la perpétration de l’infraction créée à l’art 83.18 lorsque l’intention spécifique d’accroître la capacité du groupe terroriste n’est pas démontrée. La disposition exige une faute subjective et non seulement l’omission, par négligence, de prendre des mesures raisonnables pour éviter d’aider involontairement des terroristes : voir K. Roach, « Terrorism Offences and the Charter : A Comment on R. v. Khawaja », p 285. Par exemple, il se peut que l’avocat qui représente un terroriste connu sache que, si son client a gain de cause, il continuera de contribuer au terrorisme. Cependant, l’avocat ne peut être déclaré coupable en application de l’art 83.18 que s’il a l’intention spécifique de permettre à son client de poursuivre ses activités terroristes, et non s’il entend simplement le faire bénéficier d’une défense pleine et entière devant la justice.

[48] Avant de déclarer une personne coupable de l’infraction prévue à l’art 83.18, le juge doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que la personne avait l’intention d’accroître la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter. L’intention se démontre par preuve directe ou s’infère de la preuve de ce que savait l’accusé et de la nature de ses actes.

[49] Selon les appelants, même si la portée de l’art 83.18 est circonscrite par l’exigence d’un degré élevé de mens rea, elle demeure excessive, car la disposition criminalise le comportement qui, même s’il est motivé par l’intention d’accroître la capacité d’un groupe terroriste, n’en est pas moins foncièrement inoffensif. Par exemple, la personne qui participe à une manifestation pacifique organisée par le volet caritatif d’un groupe terroriste, dans l’intention spécifique de conférer une crédibilité à ce dernier et d’accroître de ce fait la capacité du groupe de se livrer à des activités terroristes, ne contribue pas nécessairement de manière importante au terrorisme. Pourtant, il ressort du sens ordinaire des mots employés à l’art 83.18 que cette personne pourrait se voir reconnaître coupable de participation à une activité de terrorisme.

[50] Leur thèse tient à une interprétation erronée de la disposition. Le comportement qui présente au plus un risque négligeable d’accroître la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter ne correspond pas à l’actus reus de l’infraction. Bien que le par 83.18(1) sanctionne quiconque « participe à une activité d’un groupe terroriste, ou y contribue », il ressort du contexte que l’intention du législateur n’était pas de criminaliser le comportement qui présente un risque négligeable de préjudice ou qui n’en présente aucun. En effet, l’auteur de l’infraction encourt un emprisonnement maximal de 10 ans et s’expose à une stigmatisation importante. Cette disposition a pour objet de criminaliser le comportement qui présente un risque véritable pour la société canadienne.

[51] Suivant une interprétation téléologique et contextuelle de l’art 83.18, la « particip[ation] » ou la « contribu[tion] » à une activité terroriste ne peut s’entendre que d’un comportement qui présente un risque de préjudice dépassant le seuil minimal. Si presque toute interaction avec un groupe terroriste comporte un certain risque d’accroître indirectement sa capacité malfaisante, la portée de l’art 83.18 exclut le comportement qui, pour une personne raisonnable, ne serait pas susceptible d’accroître sensiblement la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter.

[52] L’issue d’une telle appréciation fondée sur l’optique d’une personne raisonnable dépend de la nature du comportement et des circonstances en cause. Par exemple, le restaurateur qui sert un repas à un terroriste connu n’accroît pas sen sensiblement la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter : K. E. Davis, « Cutting off the Flow of Funds to Terrorists : Whose Funds? Which Funds? Who Decides? », dans The Security of Freedom : Essays on Canada’s Anti-Terrorism Bill, 299, p 301. Par contre, donner des leçons de pilotage à un terroriste connu est nettement de nature à accroître sensiblement la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter : Débats de la Chambre des communes, vol.137, no 95, 1re sess., 37e lég., 16 octobre 2001, p 6165 (hon Anne McLellan).

[53] Je conclus de l’interprétation téléologique de l’actus reus et de la mens rea exigés à l’art 83.18 qu’il ne peut y avoir déclaration de culpabilité (i) pour un acte innocent ou socialement utile accompli sans intention d’accroître la capacité d’un groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste ou de la faciliter, ni (ii) pour un acte qu’une personne raisonnable ne tiendrait pas pour susceptible d’accroître sensiblement cette capacité.

[Non souligné dans l’original.]

G. Jurisprudence de la Cour suprême ayant trait à la défense fondée sur le principe de minimis

[114] La Cour suprême du Canada reconnaît la défense fondée sur le principe de minimis; à titre d’exemple, se reporter au paragraphe 51 de Khawaja, précité. À mon humble avis, le précédent relatif à cette défense a été établi par la juge Arbour dans ses motifs dissidents (la dissidence portait sur un autre sujet) dans Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c Canada (Procureur général), 2004 CSC 4 [Canadian Foundation for Children], aux paragraphes 203 et 204 :

(6) Le moyen de défense fondé sur le principe « de minimis »

[200] La Juge en chef refuse, à juste titre, de s’en remettre uniquement au pouvoir discrétionnaire de la poursuite pour écarter les affaires ne justifiant pas des poursuites et des sanctions. En matière de droit criminel, le poursuivant doit faire montre de discernement lorsqu’il s’agit d’écarter des affaires sans importance, mais ce n’est pas suffisant. La loi doit empêcher les déclarations de culpabilité relatives à un comportement qui ne mérite pas d’être puni, et c’est ce qu’elle fait. Si le système judiciaire n’est pas confronté à une multitude de poursuites insignifiantes pour des comportements qui ne font que remplir les conditions théoriques nécessaires pour qu’il y ait « crime » (par exemple, le vol d’un sou), c’est grâce à l’efficacité du pouvoir discrétionnaire de la poursuite et parce que les juges peuvent appliquer le moyen de défense de common law fondé sur le principe de minimis non curat lex (la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance).

[201] L’emploi d’une certaine force contre autrui n’indique pas toujours l’existence de voies de fait au sens du droit criminel. [traduction] « Bien au contraire, nombreux sont les exemples de contacts accessoires qui ne sauraient être considérés comme des actes criminels » (R c Kormos (1998), 14 CR (5th) 312 (C Ont (Div prov)), par 34).

[202] Le concept de common law de minimis non curat lex a été formulé de la manière suivante dans la décision anglaise The « Reward » (1818), 2 Dods 265, 165 ER 1482, p 1484 :

[traduction] La cour n’est pas tenue à une sévérité à la fois dure et pédantesque dans l’application des lois. La loi permet la qualification qui était implicite dans l’ancien adage De minimis non curat lex. – En présence d’irrégularités entraînant de très légères conséquences, elle ne vise pas à infliger des peines inéluctablement sévères. Si l’écart est une vétille qui, advenant qu’elle se poursuive, n’aurait que peu ou pas d’incidence sur l’intérêt public, on pourrait légitimement l’ignorer.

[203] Certes, la jurisprudence relative à l’application du moyen de défense est limitée. L’application rare du moyen de défense fondé sur le principe de minimis par les tribunaux peut s’expliquer par le fait que les policiers et les poursuivants passent au crible toutes les accusations criminelles de sorte que seules celles qui le méritent donnent lieu à un procès. Le principe de minimis peut, malgré tout, être invoqué en tant que moyen de défense de common law maintenu par le par 8(3) du Code, et il appartient aux tribunaux de l’appliquer et de le développer à leur guise (J. Hétu, « Droit judiciaire : De minimis non curat praetor : une maxime qui a toute son importance! » (1990), 50 R du B 1065, p 1065-1076). En fait, ce moyen de défense veut seulement que l’actus reus ait été [traduction] « pour ainsi dire » accompli et que [traduction] « le comportement en cause correspond à la définition d’une infraction, mais qu’il soit trop anodin pour être compris parmi les actes fautifs que cette définition est censée viser » (E. Colvin, Principles of Criminal Law (2e éd 1991), p 100). Le moyen de dépense fondé sur le principe de minimis ne signifie pas que l’acte en cause est justifié, cet acte reste illégal, mais en raison de son caractère anodin, il ne sera pas puni (S. A. Strauss, « Book Review of South African Criminal Law and Procedure par E. M. Burchell, J. S. Wylie et P. M. A. Hunt » (1970), 87 So Afr LJ 471, p 483).

[204] Les raisons données pour justifier l’excuse « de minimis » sont généralement les suivantes : (1) le droit criminel ne doit s’appliquer qu’à l’inconduite grave, (2) l’accusé doit échapper au stigmate d’une déclaration de culpabilité criminelle et à l’infliction d’une peine sévère pour un comportement relativement anodin, et (3) les tribunaux ne doivent pas se retrouver ensevelis sous un nombre considérable de dossiers sans importance (K. R. Hamilton, « De Minimis Non Curat Lex » (décembre 1991), document de travail mentionné dans le rapport du groupe de travail sur la nouvelle codification du droit pénal de l’Association du Barreau canadien, Principes de responsabilité pénale : Proposition de nouvelles dispositions générales du Code criminel du Canada (1992), p 206). Le principe repose en partie sur l’idée que le mal que la disposition créant l’infraction vise à prévenir n’a pas vraiment été fait. Cela est compatible avec le double principe fondamental de justice pénale selon lequel il ne saurait y avoir de culpabilité pour un comportement inoffensif et irrépréhensible (voir mes motifs dans l’arrêt R. c. Malmo-Levine, 2003 CSC 74, par 234-235 et 244).

[205] Dans la jurisprudence canadienne, le moyen de défense fondé sur le principe de minimis a été invoqué dans des affaires de stupéfiants où la quantité de drogue saisie était minime (R c Overvold (1972), 9 CCC (2d) 517 (C mag TN-O.), p 519-521; R c S (1974), 17 CCC (2d) 181 (C prov. Man.), p 186; R c McBurney (1974), 15 CCC (2d) 361 (CSC-B), conf par (1975), 24 CCC (2d) 44 (CAC-B)), dans des affaires de vol où la valeur des biens volés était très peu élevée (R c Li (1984), 16 CCC (3d) 382 (HC Ont), p 384), ou dans des affaires de voies de fait ayant causé tout au plus un préjudice très mineur (R c Lepage (1989), 74 CR (3d) 368 (BR Sask); R c Matsuba (1993), 137 AR 34 (C prov); opinion incidente dans la décision Kormos, précitée); voir aussi : Ministère de la Justice du Canada, Projet de réforme de la Partie générale du Code criminel : Document de consultation (1994), « Les violations mineures », p 29-30). Même si la jurisprudence laisse quelque peu à désirer, le moyen de défense a été invoqué avec succès à plusieurs reprises (voir Stuart, op cit, p 594-599) et la Cour a expressément omis de statuer sur son existence (voir R c Cuerrier, [1998] 2 RCS 371, par 21, et R c Hinchey, [1996] 3 RCS 1128, par 69). En examinant, dans l’arrêt Hinchey, précité, par 69, l’actus reus de l’infraction de « fraude envers le gouvernement » prévue à l’al 121(1)c) du Code, la juge L’Heureux-Dubé n’a pas écarté la possibilité d’invoquer le moyen de défense fondé sur le principe de minimis en matière criminelle :

Cette interprétation enlève, selon moi, toute possibilité que l’alinéa vise des violations involontaires et minimes. Néanmoins, en supposant qu’il puisse y avoir encore des cas qui ne justifient pas une sanction pénale, il y a peut-être une autre méthode permettant d’éviter qu’une déclaration de culpabilité soit prononcée : le principe de minimis non curat lex, soit que « la loi ne s’occupe pas de choses insignifiantes ». Cette solution pour les cas où un accusé a, « strictement parlant », violé un article du Code a été proposée par l’Association du Barreau canadien, dans Principes de responsabilité pénale : Proposition de nouvelles dispositions générales du Code criminel du Canada [...], et par d’autres : voir le professeur Stuart, Canadian Criminal Law : ATreatise (3e éd 1995), aux pp 542 à 546. Je sais, toutefois, que notre Cour ne s’est pas encore prononcée sur l’application éventuelle de ce principe comme moyen de défense permettant de repousser la responsabilité criminelle, et que cette question fait l’objet de certains débats devant les instances inférieures. Comme il n’est pas strictement nécessaire de trancher cette question pour résoudre l’affaire dont nous sommes saisis, il y a lieu de laisser la question en suspens. [Je souligne.]

[206] Une codification du moyen de défense a été proposée à l’art 2.12 du Model Penal Code (1985) de l’American Law Institute, sous la rubrique « De Minimis Infractions » (dans Stuart, op cit, p 598). Dans son rapport, le groupe de travail de l’A.B.C. a examiné l’état incertain du droit et a recommandé la codification d’un pouvoir d’ordonner l’arrêt des procédures relatives à des violations minimes (voir Stuart, op cit, p 598). La codification du moyen de défense peut contribuer à éliminer la réticence des tribunaux à se fonder sur le principe de minimis; cependant le moyen de défense de common law fondé sur ce principe, que maintient le par 8(3) du Code, suffit à soustraire à des sanctions pénales sévères les parents et autres personnes qui commettent des infractions négligeables.

[Non souligné dans l’original.]

[115] À ce propos, je souligne que, dans R c JA, 2011 CSC 28, la juge en chef McLachlin a en outre cité et approuvé la description faite par la juge Arbour de la défense fondée sur le principe de minimis dans Canadian Foundation for Children :

[63] Le ministère public a fait valoir que la Cour pourrait ne pas sanctionner les attouchements sexuels légers commis sur une personne inconsciente, suivant le principe de minimis non curat lex : « la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance » : Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4, par 200, la juge Arbour, dissidente. Sans émettre l’hypothèse que le principe de minimis ne trouve jamais application en matière d’agression sexuelle, je juge utile de souligner que même des attouchements légers non consensuels de nature sexuelle peuvent avoir de lourdes conséquences pour le plaignant.

H. Application de principes juridiques à la preuve additionnelle

[116] La preuve additionnelle déposée en février 2019 fait état de quatre types de crimes ayant trait aux sources humaines en cause. Je vais maintenant passer en revue chacun d’entre eux en fonction de la jurisprudence susmentionnée.

[117] Le premier type a trait à des paiements |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||| réciproque |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il ne s’agissait pas de |||||||||| dispendieux, et il semble que les bénéfices éventuels auraient été relativement modestes. Se fondant sur l’arrêt R c Hinchey, [1996] 3 RCS 1128 [Hinchey], le procureur général a soutenu qu’en droit, il n’y a pas bénéfices en l’absence de bénéfices nets – comme en l’espèce – et que, partant, il n’y a pas crime. Dans les circonstances, je suis enclin à être d’accord avec cet argument.

[118] Dans Hinchey, deux chefs d’accusation de fraude pesaient sur l’appelant et sa femme, et l’appelant lui-même était accusé d’avoir contrevenu à l’alinéa 121(1)c) du Code criminel, selon lequel commet une infraction le fonctionnaire ou employé du gouvernement qui accepte d’une personne qui a des relations d’affaires avec le gouvernement un bénéfice de quelque nature, directement ou indirectement, de lui-même ou par l’intermédiaire d’un membre de sa famille, à moins d’avoir obtenu, du chef de la division du gouvernement qui l’emploie un consentement écrit. Aux paragraphes 63 à 69, la juge L’Heureux-Dubé a déclaré, au nom de la majorité :

[63] Même si le public n’est pas concerné par le déjeuner ou le dîner gratuit offert occasionnellement, la conclusion pourrait être fort différente dans un cas où cet ami offre un repas quotidiennement ou pendant une longue période. Les activités qui peuvent susciter des doutes sur l’apparence d’intégrité dépendront vraisemblablement de nombre de facteurs variés. Je désire signaler qu’imposer une restriction, comme l’a fait selon moi mon collègue, qui mette toutes ces activités hors de la portée de l’alinéa équivaut à récrire cet alinéa, à faire ce que le législateur s’est précisément abstenu de faire. À mon avis, en autant que ce soit possible en respectant les limites du texte de la loi et en l’absence de considérations constitutionnelles au contraire, il convient de respecter la volonté du législateur à cet égard et de ne pas imposer d’obstacles non souhaités.

[64] Je crois que les termes « avantages ou bénéfices » peuvent être interprétés de manière à ne pas inclure la personne qui se voit offrir une tasse de café. Dans Hoefele c The Queen, 94 DTC 1878 (CCI), la cour a conclu que, pour constituer un bénéfice appréciable, il doit s’agir d’un « avantage économique important » (p 1880). Il a donc été reconnu que des avantages négligeables ne satisfont pas aux exigences de la loi. Dans le domaine de l’impôt, aucun avantage n’est conféré lorsque le paiement est un remboursement ou n’améliore pas de façon appréciable la situation de la personne qui le reçoit.

[65] L’arrêt R c Dubas, [1992] BCJ No 2935 (C.S.), confirmé sans référence à ce point (1995), 60 BCAC 202, est aussi instructif en ce qu’il restreint l’application de l’alinéa. Dans cette affaire, des accusations avaient été portées contre le sous‑ministre de la Santé de la Colombie-Britannique après qu’on eut appris qu’il avait accepté que les coûts d’une chambre d’hôtel et les frais afférents lui soient payés par une compagnie qui fabriquait du matériel hospitalier de haute technologie et qui vendait souvent ce matériel à des représentants du ministère. Le juge MacDonell a adopté l’approche suivante pour statuer sur l’affaire (aux par 29 et 30) :

[traduction]

Il ressort de la jurisprudence et de la doctrine qu’il faut prendre en considération toutes les circonstances pour décider si M. Dubas a reçu un bénéfice. À cette fin, il faut examiner le but du voyage : s’agissait-il essentiellement d’un voyage pour affaires officielles et, le cas échéant, quel était l’avantage de M. Dubas à être hébergé gratuitement? Est-ce le gouvernement ou les contribuables de la Colombie-Britannique qui ont reçu le bénéfice parce qu’ils n’ont pas eu à payer les frais de voyages qu’aurait normalement dû acquitter le Ministère, ou est-ce Siemens qui en a tiré un avantage? …

Quant au premier chef d’accusation, j’estime que M. Dubas n’a reçu aucun bénéfice de Siemens Electric Ltd. en ce qui concerne son voyage de février/mars 1986. Seul l’hébergement a été fourni et le ministre était au courant et avait donné son approbation. Monsieur Dubas était là-bas pour affaires officielles; si le voyage avait été autorisé et que l’hébergement n’avait pas été offert gratuitement, il aurait eu le droit de demander le remboursement des dépenses ainsi engagées. Dans aucun de ces cas, il ne tire un avantage personnel. Par conséquent, je conclus que le ministère public n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé relativement au premier chef d’accusation.

[66] À mon avis, ce raisonnement est tout à fait approprié. Même si un comportement analogue à celui dont il était question dans l’arrêt Dubas peut faire l’objet d’une sanction aux termes d’un code régissant les conflits d’intérêts au sein du gouvernement, il n’est pas visé par l’objet ou le libellé de l’al 121(1)c). Il est vrai qu’un tel comportement peut porter atteinte à l’apparence d’intégrité, mais ce n’est pas parce que le fonctionnaire retire un bénéfice personnel. Cet alinéa est conçu pour empêcher un employé de retirer un tel bénéfice. Lorsque cela ne se produit pas, une sanction pénale n’est pas justifiée.

[67] Cette interprétation est aussi de nature à répondre à un bon nombre des situations présentées par le juge Cory. Lorsque des amis s’offrent mutuellement des repas, il est injuste de dire que l’un d’eux « est avantagé » lorsqu’il accepte un repas en une occasion donnée. Dans une telle situation, l’accusé pourrait soumettre des éléments de preuve indiquant que cela faisait partie d’une relation suivie entre amis qui s’offrent l’un à l’autre périodiquement des repas. Toutefois, lorsqu’un seul des amis est avantagé, la conclusion pourrait être différente. Il incomberait alors au juge des faits de prendre en considération tous les faits ainsi que les circonstances particulières de l’affaire.

[Non souligné dans l’original.]

[119] Je souligne que le Service a aussi remboursé de petites dépenses effectuées par des sources humaines (ou une source humaine) pour aider des cibles |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Les frais relatifs à |||||||||||||||||||||||||||||||||| réciproque de |||||||||| ainsi que d’autres petites dépenses, en ce qui a trait aux sources humaines en cause, peuvent aussi faire l’objet de la défense fondée sur le principe de minimis. En outre, ces paiements sont négligeables, bien que, techniquement, ils puissent être de nature criminelle. En outre, il me semble qu’il s’agit simplement d’actions anodines qui, en l’absence d’intention, ne sauraient contribuer que très indirectement, voire pas du tout, à l’activité terroriste dont fait état la Cour suprême du Canada au paragraphe 44 de Khawaja.

[120] Le deuxième type de crimes possibles concerne l’aide |||||||||||||||||||||||||||||||||||| fournie à des cibles par des sources humaines|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Dans ce cas, les sources humaines ont |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Si, techniquement, il pouvait s’agir d’infractions, il n’en reste pas moins que les cibles auraient très bien pu |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Le procureur général a essentiellement soutenu que cette question relevait du principe de minimis et que, dans les circonstances, il ne devrait pas y avoir responsabilité criminelle. Il été soutenu qu’en tout état de cause, le manquement à l’obligation de communication ne pouvait avoir eu aucun lien avec la décision relative à la délivrance des mandats en cause. Je suis d’accord avec cet argument et souligne que cette catégorie a aussi trait à des éléments négligeables ne comportant que très peu de bénéfices, voire aucun.

[121] Le troisième type de crimes possibles implique |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| par des sources humaines pour des cibles. Cependant, dans le cas |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| en particulier, le Service a |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||| Il me semble que, si les cibles ont effectivement obtenu un bénéfice, cela a été le cas également pour le Service|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Bien que cela puisse techniquement constituer une infraction, il s’agissait d’une activité ponctuelle négligeable, qui relève manifestement du principe de minimis et qui met aussi en cause le droit ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[122] Il en va de même pour le quatrième type, c’est-à-dire l’aide apportée à l’occasion à des cibles |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| À mon avis, cette question négligeable bénéficie probablement aussi de la défense fondée sur le principe de minimis en plus de ne pas comporter l’intention nécessaire mentionnée dans Khawaja. En outre, à cet égard et en lien avec les trois autres catégories susmentionnées, le lien causal entre les activités et la preuve ayant servi à fonder les mandats semble très indirect.

[123] Les amici ont présenté des observations en la matière lors d’une audience tenue le 8 avril 2019. Ils ont souligné que la Cour pouvait tenir compte de la gravité des crimes présumés, s’il y avait lieu, ainsi que du caractère direct du lien causal entre ces crimes et la collecte d’informations. Je suis d’accord.

[124] Le lendemain, soit le 9 avril 2019, le procureur général et les amici MM. Cameron et Gourlay ont présenté, d’un commun accord, des observations portant sur les préoccupations de la Cour qui permettraient aussi de terminer la présentation de la preuve et des observations en l’espèce, en coordination avec les deux autres affaires. Selon les amici et le procureur général, dans l’état actuel des choses, il n’est pas possible d’établir avec certitude que les actes peut-être illicites mentionnés dans la preuve additionnelle constituaient des infractions au Code criminel. En outre, si elles l’étaient effectivement, leur lien causal avec la preuve à l’appui des mandats semblerait pour le moins indirect. Je suis d’accord avec ces observations présentées d’un commun accord.

[125] En outre, l’application du cadre analytique établi par le juge Gleeson dans 2020 CF 606 me permet de conclure sans aucun doute que les mandats de 2018 auraient tout de même pu être décernés si ces activités peut-être illégales avaient été signalées.

[126] En fait, même si j’avais estimé que les mandats de 2018 n’auraient pas pu être décernés – faute de substance – si les informations de sources humaines avaient été supprimées automatiquement, comme l’a souligné le juge Gleeson, il m’aurait quand même fallu réaliser un exercice de mise en balance exhaustif pour déterminer si les mandats auraient pu être décernés, compte tenu 1) de la gravité de l’activité illégale, 2) de l’équité et 3) de l’intérêt de la collectivité.

I. Exercice de mise en balance exhaustif visant à déterminer si des informations devraient être supprimées de la demande visant les mandats de 2018

[127] Comme je l’ai expliqué plus haut, il s’agit d’activités bénignes, et leur caractère illégal ne témoigne pas d’une tendance générale; elles relèvent plutôt du sens commun dans le contexte de la facilitation de l’accès, par des sources humaines, auprès de cibles d’enquêtes du Service approuvées par la Cour en vertu de la Loi sur le SCRS.

[128] En ce qui a trait à l’équité, les activités peut-être illégales n’étaient pas liées de près à la collecte d’information et n’ont pas eu une grande incidence sur des droits ou des intérêts individuels. Je suis également d’avis que les activités, surtout en raison de leur caractère bénin, ne jettent pas de doute sur la crédibilité ni la fiabilité des informations de sources humaines fournies. J’ajoute qu’il m’est impossible de distinguer un lien de causalité réel entre la non-communication avouée et la délivrance (ou la non-délivrance) des mandats de 2018, et ce, même si ces incidents, pris individuellement ou dans leur ensemble, avaient été des crimes pouvant faire l’objet de poursuites.

[129] Enfin, comme les présents motifs l’établissent clairement, la Cour estime que le recours aux mandats pour enquêter sur la menace alléguée pour la sécurité du Canada présentait un intérêt véritable pour la collectivité. Aucune circonstance atténuante ayant trait aux activités peut-être illégales n’aurait justifié la suppression des informations fournies par les sources humaines.

[130] Pour les raisons susmentionnées, l’exercice de mise en balance que j’ai réalisé dans le cadre de mon examen a posteriori me permet de conclure qu’aucune information obtenue d’activités peut-être illégales ne devrait être supprimée du dossier. Partant, les mandats de 2018 auraient pu être décernés, malgré le manquement à l’obligation de franchise et les informations additionnelles fournies à la Cour après leur délivrance.

J. Le 10 avril 2019, reprise de l’examen des rapports préliminaires et ordonnances relatives à leur communication en version exhaustive ou caviardée

[131] Le 10 avril 2019, après avoir entendu les observations présentées d’un commun accord susmentionnées, j’ai rendu une ordonnance permettant la reprise de la préparation, et de l’examen des rapports préliminaires ainsi que la possible levée du séquestre les concernant. Cette ordonnance relançait le processus d’examen applicable aux communications susceptibles d’être visées par le secret professionnel de l’avocat. En voici un extrait :

[traduction]

ATTENDU QUE la Cour s’inquiète de la possibilité que, tandis qu’elle examine l’espèce et d’autres affaires qui soulèvent des questions similaires – examen qui semble maintenant devoir se prolonger et être approfondi –, la mise en isolement susmentionnée des informations et des renseignements nuise à l’enquête du Service sur la menace pour laquelle les mandats ont été décernés à l’origine, et ce, au détriment de la sécurité nationale;

ET QUE, lors d’une audience en formation collégiale tenue le 21 février 2019, la Cour a appris que le procureur général n’allait affirmer devant aucun des juges saisis de l’espèce ou d’une des affaires susmentionnées qu’il ne s’agissait pas d’infractions, de sorte que le 20 mars 2019, dans ses instructions, le juge en chef a déterminé que la commission d’actes illégaux avait été reconnue en l’espèce et dans les autres affaires;

ET QUE le procureur général et les amici curiae conviennent maintenant que la preuve présentée jusqu’à maintenant ne permet pas d’établir avec certitude que les actes mentionnés dans la preuve additionnelle constituaient des infractions au Code criminel du Canada et qu’en outre, si elles l’étaient effectivement, leur lien causal avec la preuve à l’appui des mandats semblerait pour le moins indirect;

LA COUR ORDONNE :

1. que le Service, sous réserve du paragraphe 3 de la présente ordonnance, soit autorisé à continuer de recueillir des informations et des renseignements en vertu des mandats et d’en faire rapport, jusqu’à ce que la Cour se prononce sur les questions soulevées par la preuve additionnelle;

[132] L’ordonnance précisait en outre que la Cour demeurait saisie de l’affaire et pouvait rendre d’autres ordonnances, y compris au sujet de crimes possibles et de manquement à l’obligation de franchise.

[133] L’amicus nommée relativement à la question du secret professionnel de l’avocat ainsi que la Cour ont repris leur examen des rapports préliminaires et la communication de copies intégrales ou caviardées au Service pour qu’il les utilise conformément aux mandats de 2018.

[134] La procédure visant la protection du secret professionnel de l’avocat susmentionnée a continué d’être utilisée au cours du printemps et de l’été de 2019.

K. En septembre et en janvier 2019, seconde interruption de l’examen et de la communication des rapports préliminaires intégraux ou caviardés en raison d’éléments de preuve additionnels faisant état 1) de la non-communication de matériel ayant trait à la fiabilité et à la crédibilité de sources humaines et 2) du signalement d’autres possibles actes criminels par des sources humaines

[135] Dans une lettre datée du 16 septembre 2019, le procureur général a avisé la Cour que le Service, après avoir de nouveau étudié les informations de sources humaines dans ses nombreux dossiers, avait trouvé des éléments susceptibles de remettre en question tant la fiabilité que la crédibilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| les mandats de 2018 avaient été décernés. Ces informations, dont le Service venait de constater l’existence pour la plupart, se trouvaient en sa possession dans différentes bases de données lorsqu’il avait présenté la demande visant les mandats en 2018; elles n’avaient pas été communiquées à ce moment.

[136] En outre, le Service a rendu compte d’autres actes peut-être illicites posés |||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| essentiellement de même nature que ceux communiqués en janvier et en février 2019 (voir plus haut), mais qui avaient été commis entre ce moment et septembre 2019.

[137] Le procureur général a avisé la Cour qu’en attendant des directives de celle-ci, le Service avait de nouveau l’initiative de mettre sous séquestre les informations recueillies en vertu des mandats de 2018 ainsi que les rapports connexes, sauf pour les fins de communication et de présentation d’observations à la Cour et d’examen interne du cas de non-communication.

[138] Le || octobre 2019, un employé haut placé du Service a déposé un long affidavit qui donnait une très grande quantité d’informations sur la fiabilité et la crédibilité |||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||| Certaines soulevaient des questions, d’autres confirmaient la fiabilité et la crédibilité |||||||||||||||||||||||||||| L’affidavit faisait aussi état d’autres actes peut-être illicites |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[139] Selon l’affidavit|||||||||||||||||||||||||| 2019, le Service a appris que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| adopté des comportements pouvant remettre en question |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ce qui l’a mené à approfondir l’examen de ses dossiers. Il était question de cas possibles de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||

[140] Cette situation a fini par amener le directeur général des Sources humaines du Service, qui relève du SDO, à demander au déposant de procéder à ce que j’appellerai l’« examen approfondi » d’un certain nombre de dossiers du Service contenant des éléments touchant |||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[141] L’examen, d’abord mené uniquement par le déposant, a vite pris de l’ampleur et a nécessité la participation de cinq autres employés du Service |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pour qu’un rapport adéquat puisse être remis à leurs supérieurs au Service ainsi qu’à la Cour.

[142] La Cour a pu prendre connaissance des résultats de l’examen approfondi dans l’affidavit déposé le || octobre 2019. Elle a également entendu le témoignage oral du déposant. La Cour a appris que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| de dossiers étaient ainsi passées au crible au moyen de recherches textuelles et manuelles et d’interrogations de documents remontant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Les employés ont cherché à corroborer les informations constatées par des informations tirées d’autres parties de dossiers et de bases de données.

[143] Je ne passerai pas en revue la totalité des éléments de preuve figurant dans l’affidavit et livrés de vive voix : ils figurent au dossier, et je discute de certains d’entre eux plus loin. L’affidavit fait quelque 65 pages à interligne double. Je tiens toutefois à souligner que l’examen approfondi a été fait avec diligence et, à mon humble avis, avec rigueur. Je rappelle que le nouvel affidavit qui a servi à porter ces questions à l’attention de la Cour a été déposé le || octobre 2019|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| après le début de l’examen approfondi le 17 septembre.

[144] À la lumière des observations écrites et orales du procureur général et des amici, présentées avant, à et après l’audience du |||| octobre 2019, et après avoir étudié la question, la Cour a ordonné de nouveau la mise sous séquestre et l’utilisation limitée des communications interceptées en vertu de mandats. Partant, le |||| octobre 2019, j’ai rendu une ordonnance, dont voici un extrait :

[traduction]

ATTENDU QUE, dans une lettre datée du 16 septembre 2019, le procureur général a avisé la Cour que d’autres informations n’avaient pas été communiquées dans la demande de mandats en 2018 et qu’en attendant des instructions de la Cour, le Service allait prendre des mesures pour mettre sous séquestre les informations recueillies en vertu des mandats de 2018 ainsi que les rapports connexes;

ET QUE le procureur général a aussi précisé que cette mise sous séquestre signifiait que le Service allait cesser d’utiliser les communications interceptées et les informations obtenues en vertu des mandats de 2018, ainsi que d’en faire rapport, sauf pour les fins de communication et de présentation d’observations à la Cour et d’examen interne du cas de non‑communication;

ET QUE, le || octobre 2019, le procureur général a présenté des éléments de preuve additionnels provenant d’un témoin du Service faisant état d’informations non communiquées à la Cour dans la demande de mandats en 2018;

ET QUE, le |||| octobre 2019, la Cour a entendu le procureur général ainsi que le témoin du Service;

ET QUE le procureur général a demandé qu’entre-temps, la Cour approuve la modification de la mise sous séquestre dans certaines limites afin qu’il soit possible de préparer une demande visant à remplacer les mandats de 2018;

ET QUE le procureur général a précisé que tout rapport préliminaire devant être examiné par un arbitre et que la Cour n’avait pas déjà retourné au Service à des fins de conservation restera en suspens et sera inaccessible en vertu de la modification proposée à la mise sous séquestre;

ET QUE la Cour demeure saisie de l’affaire et que la présente ordonnance provisoire ne porte atteinte à aucune mesure de redressement qu’elle pourrait juger adéquate dans sa décision définitive en l’espèce et au sujet des questions communes dans les dossiers nos |||||||||||||||||||||||||| (la juge Kane), |||||||||||||||||||||||||||| (le juge Gleeson) et |||||||||||||||||||||||||||| (le juge Brown) [affaire entendue en formation collégiale];

LA COUR ORDONNE :

1. qu’elle-même demeure saisie de l’affaire en vue de prendre toute mesure de redressement qu’elle pourrait juger adéquate dans sa décision définitive en l’espèce et dans l’affaire entendue en formation collégiale;

2. qu’en attendant une nouvelle ordonnance de la Cour et sous réserve du paragraphe 3 de la présente ordonnance provisoire, le Service soit autorisé à utiliser les communications ou les informations interceptées ou obtenues en vertu des mandats de 2018, et ce, aux seules fins de communication et de présentation d’observations à la Cour, d’examen interne du cas de non‑communication et de préparation d’une demande si le directeur ou tout employé désigné par le ministre à cette fin a des motifs raisonnables de croire que la délivrance d’un mandat en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le SCRS est nécessaire;

3. que tout rapport préliminaire devant être examiné par un arbitre et que la Cour n’a pas déjà retourné au Service à des fins de conservation reste en suspens et soit inaccessible en vertu de la modification proposée à la mise sous séquestre mise en œuvre par la présente ordonnance provisoire.

[145] Je souligne ici, peut-être un peu hors de propos, que la période de validité des mandats de 2018 était d’une année. Ils sont arrivés à échéance le |||| octobre 2019. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[146] Je vais maintenant évaluer les nouveaux éléments de preuve et témoignages présentés le || octobre 2019 et à l’audience du |||| octobre 2019.

[147] L’affidavit du || octobre soulignait la menace |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[148] L’affidavit donnait les grandes lignes de l’enquête du Service sur |||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||| à titre de menace pour la sécurité nationale. Il illustrait abondamment l’utilité des informations de sources humaines pour la collecte et relevait celles qui avaient été corroborées; puisqu’elles figurent au dossier, je n’y reviens pas ici. Il suffit de dire qu’à mon humble avis, les sources humaines en cause ont été considérées à juste titre comme des éléments clés de la collecte d’informations essentielles ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

L. Nouvelles informations relatives à la crédibilité et à la fiabilité ||||||||||||||||||||||||||||

[149] Bien que des bribes des informations nouvellement communiquées ayant trait à la crédibilité et à la fiabilité aient été présentées en octobre 2018, pratiquement aucun des éléments potentiellement négatifs qui se trouvent dans l’affidavit du || octobre 2019 ne figurait dans la demande visant les mandats de 2018. L’avocat reconnaît, et je suis d’accord avec lui, que toutes les informations communiquées en octobre 2019 étaient disponibles au moment de la demande visant les mandats 2018.

[150] Il a aussi reconnu, et je n’hésite aucunement à conclure en ce sens, que les informations nouvellement communiquées auraient dû l’être en octobre 2018, conformément à l’obligation de franchise à laquelle le Service est assujetti.

[151] La demande visant les mandats de 2018 présentée à la Cour contenait des informations sur les sources humaines, leur crédibilité et leur fiabilité, le tout présenté dans un précis de source humaine faisant une page et demie à interligne simple préparé pour chacune des sources humaines.

[152] Les juges de la Cour s’attendent à ce qu’un précis de source humaine porte à leur attention toutes les informations en la possession du Service pouvant leur être utile pour évaluer la crédibilité ou a fiabilité d’une source humaine. À cet égard, pour respecter son obligation de franchise, le Service est tenu de fournir à la Cour fédérale un portrait utile et complet de la crédibilité et de la fiabilité d’une source humaine sous la forme d’un précis de source humaine. L’employé du Service doit éviter de mettre des gants blancs, de dissimuler des informations, de donner des demi-vérités et de communiquer à la Cour des informations fausses ou trompeuses.

[153] La Cour présume que le Service a respecté son obligation de franchise. Pour rendre des décisions relatives à des mandats en matière de sécurité nationale, les juges de la Cour ont le droit de se fonder sur les informations relatives à des sources humaines que fournit le Service. Ce faisant, ce dernier doit respecter d’une manière pleine et entière son obligation de franchise.

[154] Bien entendu, cela est particulièrement important pour le Service et ses avocats, dans la mesure où ils demandent des mandats relatifs à la sécurité nationale en vertu de la Loi sur le SCRS lors d’audiences secrètes où les décisions se prennent uniquement sur la foi des informations présentées par le Service. La Cour ne dispose d’aucune autre information, ce qui donne une très grande importance au respect de l’obligation de franchise.

[155] Il est impératif que les informations que communique le Service sur ses sources humaines fassent état des éléments à l’appui de la demande de mandat, mais aussi de tout ce qui peut jeter un doute sur la fiabilité ou la crédibilité des informations de sources humaines ou du Service.

[156] Les précis des sources humaines qui faisaient partie de la demande visant les mandats de 2018 ne décrivaient que très brièvement les sources en question ainsi que leur utilité pour le Service en général et pour l’enquête et les mandats en cause. Ils survolaient l’historique des interactions entre elles et le Service |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ainsi que de l’évaluation de leur fiabilité par le Service.

[157] J’ai examiné les précis des sources humaines présentés dans le cadre de la demande de mandats en octobre 2018 ainsi que les nouvelles informations fournies dans l’affidavit déposé le || octobre 2019.

[158] Les informations communiquées dans le résumé préparé en appui à la demande de mandats en octobre 2018 et dans l’affidavit du || octobre 2019 ont été versées au dossier; je ne les répéterai donc pas ici.

[159] Cependant, à mon humble avis, un certain nombre d’éléments pouvant avoir une incidence sur l’évaluation, par la Cour, de la crédibilité et de la fiabilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ont été révélés pour la première fois en octobre 2019. Pratiquement aucun n’avait été communiqué en 2018.

[160] Je vais aborder les nouvelles informations présentées dans l’affidavit d’octobre 2019 sous les rubriques suivantes, intitulées par le Service : [traduction] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| « Actes peut-être illicites non dirigés par le Service|||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| « Actes peut-être illicites dirigés par le Service ».

[161] Je me permets toutefois, au préalable, de formuler les observations suivantes.

M. Généralités sur la fiabilité et la crédibilité

[162] D’abord, nombre des faits nouveaux ont trait à des comportements et des activités remontant à des années|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cela dit, tous les éléments nouvellement communiqués en octobre 2019 étaient en la possession du Service en octobre 2018, s’il s’était donné la peine de les chercher dans ses multiples dossiers. Autrement dit, ils n’étaient pas nouveaux pour le Service, mais seulement pour la Cour. Le Service y avait accès en entier en octobre 2018, exception faite du nombre relativement limité d’informations obtenues après la délivrance des mandats de 2018 et ayant trait à la preuve additionnelle présentée le 8 février 2019.

[163] Ensuite, à mon humble avis, lorsqu’il s’agit d’évaluer des informations de sources humaines dans le contexte d’une demande de mandats présentée en vertu de la Loi sur le SCRS, il faut s’attendre à constater que certaines d’entre elles ont un mode de vie que d’aucuns considéreraient comme peu recommandable. En outre, lorsqu’elle a décerné les mandats de 2018, la Cour savait |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| le Service s’était fié |||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[164] En l’espèce, les sources humaines ont été utiles, parce qu’elles ont fourni et ont continué de fournir, selon les observations du Service et à mon avis, des informations utiles sur les |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Leur utilité découle de leur accès auprès de personnes impliquées dans les activités de |||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il est de notoriété publique que, pour faire avancer leurs objectifs violents, ces derniers ont notamment recouru ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[165] Il serait naïf de croire que des extrémistes violents de cette espèce ne s’acoquinent qu’avec des membres de la communauté au comportement et à la réputation irréprochables. Je tiens pour acquis que de tels extrémistes violents se sentent à l’aise en compagnie de personnes aux mœurs semblables, c’est-à-dire des gens qui, souvent, décident de s’affranchir des normes morales et de la loi canadiennes. Partant, je m’attends à ce qu’à l’occasion, une source humaine utile soit, en fait, une personne peu recommandable. Il se peut même qu’en soi, ce trait de caractère lui permettre de gagner l’accès auprès de personnes encore plus douteuses, desquelles ou à propos desquelles elle pourrait obtenir des informations utiles sur le plan du renseignement.

[166] S’agissant d’une demande de mandats, la Cour cherche à obtenir des informations fiables et crédibles qui, à l’occasion, proviendront de sources humaines qui s’acoquinent avec des personnes peu – voire aucunement – recommandables. Je tiens pour acquis que des sources humaines ayant elles-mêmes des mœurs discutables peuvent fournir des informations valables.

[167] Il y a lieu d’évaluer avec un œil critique l’utilité des informations fournies par de telles sources humaines. La Cour doit demeurer vigilante et se méfier lorsqu’elle examine les informations de sources humaines peu recommandables; c’était le cas dans mon examen des informations de sources humaines fournies en octobre 2018. L’examen doit reposer sur des faits.

[168] Bien qu’il soit possible de faire preuve d’un degré de précaution plus ou moins élevé, l’exclusion de ces informations ne saurait être automatique, compte tenu des intérêts en cause, qui ont trait à des menaces pour la sécurité du Canada.

[169] Il est nécessaire de procéder à une analyse au cas par cas afin de déterminer si les informations de sources humaines sont suffisamment fiables et crédibles pour étayer la demande de mandats.

[170] Le mode de vie et les activités illégales d’une source humaine peuvent être des facteurs pertinents pour l’évaluation de sa crédibilité et de sa fiabilité. Puisqu’il revient à la Cour de se prononcer sur cette pertinence, le Service est tenu de lui communiquer ces informations lorsqu’il les connaît. Cependant, l’utilité réelle des informations de sources humaines en l’espèce découle de la capacité |||||||||||||||||||||||||| de s’infiltrer dans l’entourage des extrémistes présumés et d’obtenir des renseignements utiles qu’elles communiquent au Service. Il est bien évident que des informations de cette nature permettent au Service |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| de surveiller et de contenir adéquatement de telles menaces pour la sécurité du pays.

[171] Maintenant, en ce qui concerne les préoccupations particulières, il importe de souligner que le Service a porté à l’attention de la Cour les différentes questions relatives au mode de vie (notamment) qui pouvaient avoir une incidence sur la crédibilité et la fiabilité, et ce, dès qu’il les a tirées de ses différents dossiers, c’est-à-dire dans les jours suivant l’examen approfondi de septembre 2019. S’il est vrai que cet examen aurait dû être effectué bien avant la délivrance des mandats de 2018, j’estime toutefois qu’il a été fait avec rigueur, professionnalisme et, surtout, diligence. Cette action, bien que tardive, va dans le sens de la franchise.

[172] À ce propos, je souligne que le Service devait régler rapidement la question de la crédibilité et de la fiabilité des sources humaines s’il souhaitait présenter une nouvelle demande à l’échéance des mandats de 2018 le |||| octobre 2019.

[173] L’avocat a reconnu en toute franchise que la non-communication d’éléments relatifs à la fiabilité et à la crédibilité était inacceptable. J’abonde dans ce sens. Il a aussi affirmé que rien ne prouvait le caractère intentionnel de la non-communication. J’abonde dans ce sens. Selon l’avocat, je pourrais conclure que le Service a manqué de diligence raisonnable en ne communiquant pas ces éléments en 2018. Je tire effectivement cette conclusion en l’espèce, compte tenu de l’ensemble de la preuve présentée et de l’audience en formation plénière à laquelle j’ai participé en compagnie des juges Kane et Gleeson.

[174] Je remarque qu’en 2018, l’avocat du Service n’avait pas accès aux dossiers des sources humaines du Service pour préparer la demande de mandats. À cet égard, toutefois, je souligne que le Service aurait dû donner l’accès à ces dossiers à l’avocat du procureur général dès 2009, soit une décennie plus tôt. En ces circonstances, je ne saurais critiquer l’avocat pour ne pas avoir fait preuve de diligence raisonnable : la faute incombe entièrement au Service. Je l’affirme, parce que le Service a ignoré la décision de la Cour dans Harkat (Re), 2009 CF 1050, qui demandait au Service de s’assurer que son avocat, le procureur général, ait accès à toute l’information disponible, sans quoi il ne saurait conseiller judicieusement son client ni s’assurer d’agir dans l’intérêt de l’administration de la justice. Comme l’énonce mon collègue, le juge Simon Noël, aux paragraphes 48 et 49 :

[48] Dans une ordonnance antérieure (Harkat (Re), 2009 CF 204 au paragraphe 24), la Cour a reconnu l’importance pour la sécurité nationale du Canada des renseignements provenant de sources humaines, ainsi que la nécessité de protéger l’identité de ces sources. L’importance des sources humaines pour l’obtention de renseignements n’est pas mise en cause. Toutefois, lorsqu’on invoque des renseignements provenant de sources humaines à l’appui de graves allégations portées contre une personne, la Cour et les avocats spéciaux doivent être en mesure de bien vérifier la crédibilité et la fiabilité de ces renseignements. Cela est conforme à ce qu’a décidé la Cour suprême du Canada dans les arrêts Charkaoui (Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9 (Charkaoui 1); et Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38 (Charkaoui 2)), ainsi qu’à l’objectif législatif visé par les modifications prévoyant la nomination d’avocats spéciaux. Pour se conformer à la loi, le SCRS et les ministres doivent transmettre à la Cour tous les renseignements requis pour vérifier la crédibilité de la source, et pas seulement l’information qu’un témoin, ayant une formation d’agent de renseignements, juge nécessaire de divulguer sur le plan opérationnel.

[49] Le SCRS doit également s’assurer que rien n’empêche son avocat de bien s’acquitter auprès de lui de son rôle de conseiller juridique, et de bien agir comme auxiliaire de la Cour. Un avocat a l’obligation de faire tout en son pouvoir pour représenter au mieux son client, sous réserve toutefois de son devoir prédominant envers la Cour et la bonne administration de la justice. Faute d’avoir accès à toute l’information disponible, un avocat ne peut conseiller judicieusement son client, ni s’assurer d’agir dans l’intérêt de l’administration de la justice. Il est également manifeste que, même s’il a fait de son mieux, l’avocat du SCRS a été dépassé par l’ampleur du présent dossier. Des ressources administratives et juridiques suffisantes doivent être mises à contribution pour pareil dossier qui est si complexe et qui requiert tant de temps.

[Non souligné dans l’original.]

[175] Comme il en est question plus loin dans les présents motifs, le Service s’était bel et bien donné à l’époque des politiques préconisant une collecte étoffée quant aux informations relatives au processus de demande de mandats. Toutefois, en pratique, certaines politiques utiles avaient cessé d’être utilisées.

[176] Je reviens maintenant aux éléments susceptibles de remettre en question la crédibilité et la fiabilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| dont il est question dans l’affidavit déposé par le Service le || octobre 2019. Je me pencherai ensuite sur les éléments favorables. En résumé, voici mes conclusions.

[177] En revenant ainsi sur ces éléments, je me trouve à me pencher, pour des raisons liées à la franchise, sur la validité d’un mandat décerné. Partant, le cadre analytique appliqué par le juge Gleeson est aussi valable en l’espèce. Un manquement à l’obligation de franchise jette-t-il le doute sur l’ensemble des éléments de preuve fournis |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Quelle incidence ce manquement a-t-il sur la validité d’un mandat décerné? Pour me prononcer sur la possibilité que les informations non communiquées invalident les mandats de 2018, je dois d’abord déterminer s’il y a lieu de supprimer des informations |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| compte tenu 1) de la gravité des activités qui jettent le doute sur la crédibilité et la fiabilité des informations, 2) de l’équité et 3) de l’intérêt de la collectivité. Après avoir réalisé l’analyse sur la suppression, je dois déterminer si les mandats de 2018 auraient pu être décernés sur la foi du dossier ainsi expurgé.

N. Évaluation des informations susceptibles de remettre en question la crédibilité et la fiabilité ||||||||||||||||||||||||||||

[178] Je ne suis pas convaincu que les éléments de preuve relatifs à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||| ainsi qu’aux problèmes |||||||||||||||||||||||||| ont affecté de manière importante la fiabilité ni la crédibilité des informations de sources humaines ayant servi à étayer la demande de mandats en 2018. Bien sûr, tout élément de preuve lié à des événements postérieurs à octobre 2018 sera pris en considération dans le cadre d’une demande de renouvellement des mandats. Toutefois, ces événements ne sont pas suffisamment préoccupants pour me permettre de conclure que les mandats de 2018 n’auraient pas pu être décernés.

[179] En revanche, des éléments de preuve ayant trait à des activités antérieures à la délivrance des mandats de 2018 pourraient jeter un doute sur la validité desdits mandats. À cet égard, l’affidavit contenait des informations |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| qui faisaient état à la fois |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Certains de ces éléments, y compris |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| effectivement présentés à la Cour en octobre 2018, n’ont surpris personne.

[180] En particulier, des informations obtenues par le Service dans ses dossiers au cours de l’examen approfondi ont révélé qu’il arrivait |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| je ne saurais toutefois discréditer pour ce motif les éléments de preuve |||||||||||||||||| amenés, compte tenu, surtout, de la quantité impressionnante de renseignements – souvent corroborés – |||||||||||||||||| rassemblés et fournis au Service. À cet égard, je souligne également que le Service a offert des |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| en guise de récompense pour le travail accompli. En soi, cette information ne me convainc pas que les informations fournies |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| devraient être supprimées du dossier dans le cadre d’un examen a posteriori.

[181] De même, des éléments de preuve relatifs à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| n’auraient eu que peu d’effet, voire aucun, sur la délivrance des mandats de 2018, compte tenu |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| du manque d’éléments de preuve attestant qu’une telle |||||||||||||||||||||||||||||||||| a eu une incidence sur la fiabilité ou la crédibilité des informations obtenues.

[182] S’agissant des problèmes |||||||||||||||||||| l’affidavit du  |  octobre 2019 fait état |||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ainsi que de difficultés |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Bien franchement, s’agissant de leur fiabilité et de leur crédibilité, la Cour s’attarde d’abord à la possibilité que les sources humaines obtiennent et fournissent des informations utiles au Service. À cet égard, les sources humaines en l’espèce ont été très efficaces. À mon avis, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| fourni une quantité impressionnante de renseignements, y compris des informations corroborées et utiles. |||||||||||||||||| pu en faire davantage? Peut-être. En ce qui me concerne, les problèmes |||||||||||||||||| présumés n’enlèvent rien |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| des informations utiles, fiables et dignes de foi.

[183] S’agissant des |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| les éléments de preuve communiqués en octobre 2019 ont révélé |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il est arrivé que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ce qui n’a rien d’extraordinaire. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| parfois avoir eu |||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il n’est pas non plus surprenant de constater que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| du moins au cours des dernières années. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| À mon humble avis, ni cette conclusion ni les éléments de preuve concernant les |||||||||||||||||||||||||||||||||||| n’auraient pu avoir d’effet sur la délivrance des mandats de 2018, compte tenu surtout de la crédibilité et de la fiabilité des informations fournies au Service, qui ont été confirmées et reconfirmées |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Voir plus loin, dans la rubrique « Évaluation des nouveaux éléments de preuve pouvant être favorables à la crédibilité et à la fiabilité » (paragraphe 192).

[184] Les éléments de preuve déposés le  |  octobre 2019 ont aussi fait ressortir des problèmes relatifs à ce qu’il conviendrait d’appeler les « traits de caractère » des sources humaines, dont de possibles |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| À mon avis, de telles informations sont peu pertinentes en l’espèce, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| il y a toutefois lieu de les communiquer, lorsqu’elles sont connues.

[185] Je ne suis pas convaincu que les questions de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| signalées en octobre 2019 auraient pu entraîner le rejet de la demande visant les mandats en 2018. Comme il en a été question plus haut, je ne doute pas que les sources humaines étaient motivées en grande partie par |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||| Il est aussi vrai que d’autres motifs |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ont fini par jouer un rôle plus ou moins important au fil du temps. Il convient aussi de souligner que le Service a tenté de déterminer si les sources humaines |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| mais sans succès. Selon moi, les nouveaux éléments de preuve relatifs aux mandats de 2018 n’auraient fait aucune différence.

[186] J’ai aussi étudié de près de nouvelles allégations d’actes peut-être illicites, c’est‑à‑dire || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il s’avère que les allégations – qui ne sont rien de plus – || |||||||||||||||||||||||||||||||| semblent impliquer |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Un cas possible |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| a aussi été porté à l’attention de la Cour. D’autres informations concernaient des allégations |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| plus récentes fondées non sur des preuves, mais sur des accusations non appuyées. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Certains des éléments de preuve en la matière |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Je ne suis pas convaincu que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| reflétaient avec exactitude la situation en octobre 2018, lorsque les mandats ont été demandés. Bien que j’entretienne des soupçons || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| à cet égard, dans l’ensemble, les allégations étaient trop vieilles ou trop peu appuyées pour que je conclue que les informations |||||||||||||||||||||||||||||||||||| devraient être supprimées ou que les mandats de 2018 n’auraient pas pu être décernés.

[187] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| au moyen d’une lettre et d’un affidavit, le Service a avisé la Cour que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| En conséquence, le Service a laissé savoir qu’il procédait à une nouvelle évaluation des informations fournies |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Toutefois, en l’absence d’autres éléments de preuve, je ne suis pas convaincu que ces |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| reflètent l’état de la situation au moment de la délivrance des mandats de 2018, qui est la période importante à considérer pour déterminer si les mandats auraient pu être décernés.

[188] J’ai aussi examiné des éléments de preuve concernant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ainsi que des préoccupations plus récentes, dont des allégations |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||| La preuve en la matière aurait dû être communiquée, mais elle était ténue. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||| pour obtenir l’accès auprès de personnes et à des cercles sociaux. |||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Je ne suis pas convaincu que ces éléments de preuve ont une importance telle que leur communication dans la demande visant les mandats de 2018 aurait pu en bloquer la délivrance.

[189] D’autres éléments de preuve ont été présentés auxquels je ne saurais attacher une grande importance|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| encore une fois|||||||||||||||||||||||||||||| Ont aussi été mentionnées d’autres allégations portant sur des actes plus graves, allégations sans corroboration réelle, cependant. Il a été question d’autres problèmes |||||||||||||||||||||||||||||| ainsi que d’autres plaintes formulées par |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Quelques informations font état de la participation |||||||||||||||||||||||||||||||||||| aux activités || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||| un observateur extérieur aurait pu faire une telle observation. Cela ne me fait pas déroger de ma conclusion : les mandats auraient pu être décernés malgré ces allégations.

[190] Il a été question de deux cas où le Service aurait ordonné la commission d’actes peut‑être illicites, à savoir deux |||||||||||||||||||||||||||||||||| dont l’un avait d’abord été interdit, puis autorisé par le Service parce qu’il était plus ou moins conclu. Je ne saurais conclure que ces affaires ont une incidence sur la fiabilité ou la crédibilité des sources humaines, ne serait-ce que parce que le Service a été consulté au préalable dans les deux cas. En fait, cela démontre plutôt un certain degré de fiabilité et de loyauté envers le Service. En outre, je ne saurais conclure qu’il s’agit de crimes graves, puisque les deux opérations ont été réalisées avec l’appui du Service et sous sa surveillance, et compte tenu de mes doutes quant à l’intention |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||

[191] Avec un peu de recul, même s’ils auraient pu et dû être présentés à la Cour au moment de la demande visant les mandats de 2018, aucun des éléments de preuve révélés en octobre 2019 et par la suite, considérés individuellement ou dans leur ensemble, ne m’amène à conclure que les informations fournies |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| devraient être supprimées du dossier. À mon avis, les mandats de 2018 auraient pu être décernés même si les informations sur la fiabilité et la crédibilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||| avaient été communiquées.

O. Évaluation des nouveaux éléments de preuve pouvant être favorables à la crédibilité et à la fiabilité

[192] Les éléments de preuve présentés le  |  octobre 2019 par le Service contenaient non seulement des informations non communiquées qui auraient pu avoir une incidence négative sur l’évaluation, par la Cour, de la crédibilité et de la fiabilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| mais aussi des informations, qui, au contraire, auraient pu avoir un effet bénéfique sur une telle évaluation concernant des sources humaines. Dans l’ensemble, il s’agissait d’informations démontrant que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| avaient, au fil des ans, fourni un grand nombre de renseignements utiles. J’abonde dans ce sens.

[193] Voici ce que contenait notamment l’affidavit du Service en appui à la crédibilité et à la fiabilité ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[traduction]

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28. Selon le Service, différents mécanismes de validation ont régulièrement permis de corroborer un grand nombre (il ne s’agit cependant pas d’un chiffre énorme) |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

29. Voici des exemples de corroboration |||||||||||||||||||||||||||| et des mécanismes de validation ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[194] À ce propos, le déposant du Service a été contre-interrogé par les amici. M. Cameron a soulevé une erreur relative à l’identification ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Le Service a reconnu |||||||||||||||||||||||||| en fait |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Le déposant a affirmé qu’il s’agissait d’une erreur, explication que j’accepte. L’erreur pourrait aussi être |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cette information, découverte au cours de l’examen approfondi, aurait dû m’avoir été communiquée. Cela dit, il ne s’agit que d’un exemple qui n’enlève rien, dans l’ensemble, à la fiabilité et à la crédibilité des informations fournies ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[195] Dans l’ensemble, je suis d’accord avec le Service : les informations fournies |||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||| ont été exactes bien plus souvent que l’inverse, en plus d’avoir été vraiment utiles, véridiques et, très fréquemment, corroborées. Selon toute probabilité, il en va de même pour les renseignements fournis |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et c’est ce que je conclus.

P. Risque juridique élevé, mémoire au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et réunion du comité d’examen des mandats à l’été de 2018

[196] Dans sa décision 2020 CF 616 (dossier no ||||||||||||||||||||), mon collègue, le juge Gleeson, décrit les événements dans l’affaire dont il est saisi ainsi que les questions générales de manquement à l’obligation de franchise. Dans l’ensemble, j’abonde dans son sens. Pour ma part, je vais donner les grandes lignes d’une série d’événements préoccupants qui ont trait, en l’espèce, |||||||||||||||||||||||||||||||||| en cause.

[197] D’abord, une mise en contexte : un avocat du procureur général a présenté une évaluation du risque juridique, daté du 19 février 2018, ayant trait à |||||||||||||||| [traduction] « une source humaine qui a fourni des informations |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| y est décrit comme une source humaine productive qui a reçu||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| aurait entretenu des relations suivies et réciproques, c’est-à-dire qu’une personne payait |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||| puis se les faisait rembourser ou acceptait que, la fois suivante, quelqu’un d’autre paye. Dans l’ensemble, il a été estimé que la situation était paritaire et que |||||||||||||||| sur le plan financier, n’avait rien gagné ni perdu. Cela dit, selon l’évaluation, cet arrangement comportait un « risque juridique élevé » tant pour le Service que pour la source humaine.

[198] Plus tard en 2018, il est fait mention de la même source humaine |||||||||||||||||||||||||| dans la demande visant les mandats de 2018, mais sous l’appellation ||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[199] Partant, les appellations |||||||||||||||||||||||||| dans la demande visant les mandats de 2018, et |||||||||||||||| dans l’évaluation du risque juridique du 19 février 2018, désignent une seule et même source humaine.

[200] Conformément à des instructions du ministre de 2015, le Service est tenu de porter à l’attention du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [ministre], au préalable, les activités de collecte de renseignement comportant un risque juridique élevé.

[201] Toutefois, le 9 mars 2018, le directeur du Service, M. David Vigneault, a approuvé une opération impliquant la source humaine |||||||||||||||| et présentant un risque juridique élevé selon l’évaluation réalisée le 19 février 2018 par le procureur général.

[202] Le ministre n’a reçu aucun préavis à cet effet.

[203] En fait, il a fallu quelque quatre mois pour que le ministre en soit informé, même si le directeur l’avait assuré, dans un mémoire daté du 25 septembre 2017, qu’il [traduction] « l’aviserait immédiatement de toute opération à risque élevée qu’il approuverait. »

[204] Cela dit, le 3 juillet 2018, le directeur Vigneault a avisé le ministre par écrit de l’opération à risque juridique élevé impliquant |||||||||||||||| qu’il avait approuvée. Il lui a assuré que [traduction] « les activités qui présentent un risque juridique élevé dans le cadre de l’opération n’ont pas encore été menées ».

[205] Je fais ici remarquer que l’évaluation du 19 février 2018 faisait état |||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| à caractère [traduction] « suivi et réciproque », qui présentaient un risque juridique élevé. Il est manifeste que ces paiements et ces arrangements avaient eu lieu, se poursuivaient et n’allaient pas cesser. Dans son affidavit, le directeur du Service, M. Vigneault, a clairement précisé qu’il rendait compte au ministre des faits à sa connaissance, ce que j’admets. Toutefois, les mots-clés [traduction] « à ma connaissance », qui se trouvaient dans l’affidavit, ne figuraient pas dans le rapport au ministre.

[206] Le rapport du directeur au ministre, daté du 3 juillet 2018, a pris la forme d’un mémoire dont la préparation a requis la participation d’un assez grand nombre de personnes, peut-être une dizaine.

[207] Deux mois et demi plus tard, le 13 septembre 2018, la version préliminaire de la demande visant les mandats de 2018 a été soumise par des employés du Service à un comité d’examen aux fins de vérification et d’approbation.

[208] Le comité d’examen rassemblait un grand nombre d’employés du Service et d’autres personnes.

[209] Une dizaine d’employés du Service et autres personnes ont participé à la fois à la rédaction du mémoire au ministre, daté du 3 juillet 2018, et à la réunion du comité d’examen des mandats, le 13 septembre 2018.

[210] Malgré les recoupements entre l’équipe qui a participé à l’examen du mémoire au ministre et celle qui a participé à la réunion du comité d’examen des mandats, il semble – et j’admets ce que dit le directeur du Service, M. Vigneault, qui a présidé la réunion – que personne au comité n’ait soulevé le fait que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| était la même personne que |||||||||||||||| qui a fait l’objet du mémoire au ministre le 3 juillet 2018. De même, le risque juridique élevé que présentaient les activités de la source humaine, selon l’évaluation, n’a fait l’objet d’aucune discussion à la réunion du comité.

[211] Il s’agit d’une omission importante. Le Service aurait dû avoir avisé la Cour, dans le cadre de sa demande de mandats en 2018 que, le 3 juillet 2018, |||||||||||||||||||||||||||| avait fait l’objet d’un mémoire du directeur au ministre en raison du risque juridique élevé que posait l’opération. En outre, la Cour aurait dû être mise au courant que, le 19 février 2018, l’avocat du procureur général avait estimé que l’opération de |||||||||||||||||||||||||||| posait un risque juridique élevé.

[212] La Cour s’interroge sur la raison d’être de cette omission. Peut-être est-elle attribuable au fait que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| plutôt que les noms de codes, sont utilisés dans les demandes de mandats. Peut-être que les participants ne se sont pas attardés à l’identité de |||||||||||||||||||||||||||||| À ce moment, personne n’a soulevé la question, et il semble que personne n’ait accordé d’importance à l’identité et aux antécédents de |||||||||||||||||||||||||||||| L’omission pourrait aussi ne pas avoir été commise si l’avocat du procureur général qui devait aider à la demande de mandats avait pu avoir accès aux dossiers des sources humaines en cause, conformément à la décision du juge Noël dans Harkat, précité.

[213] Je me demande vraiment pourquoi personne n’a relevé cette omission à la réunion du comité d’examen des mandats, lorsque les documents à l’appui des mandats de 2018 ont été examinés en vue de la demande qui allait être présentée à la Cour fédérale.

[214] J’ai posé la question à Mme Michelle Tessier, qui était alors sous-directrice adjointe des Opérations (elle occupe maintenant le poste de SDO). Elle n’était pas présente à la réunion du comité d’examen des mandats, mais elle avait un rôle de supervision quant à la préparation de l’affidavit, des pièces et des autres documents présentés par le Service dans ce dossier.

[traduction]

LE JUGE BROWN : Avez-vous une idée quelconque du nombre de personnes qui auraient participé à la fois à la rédaction du mémoire au ministre et à la demande de mandats?

LE TÉMOIN : Le ministère de la Sécurité publique est aussi impliqué dans l’examen des mandats et dans la rédaction du mémoire. Je ne sais pas combien il y en aurait eu. Les cadres chargés des opérations, certainement… J’avance un chiffre comme cela, mais il s’agit probablement de six à dix personnes. Il y en aurait eu plusieurs, c’est certain.

LE JUGE BROWN : De six à dix personnes ont participé aux deux processus. Selon la preuve présentée par M. Coulombe… Disons-le comme cela : personne n’a fait le lien.

LE TÉMOIN : Non, personne n’a fait le lien.

LE JUGE BROWN : Éclairez-moi à ce propos.

LE TÉMOIN : Pour les raisons que j’ai données, je crois que notre attention se portait sur autre chose. Nous nous concentrions sur l’adoption de la disposition législative, le projet de loi C-59. Dans le cadre de cette demande, nous étions concentrés sur d’autres questions|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

LE JUGE BROWN : En effet.

LE TÉMOIN : Nous avons quelque peu perdu de vue le fait que le risque juridique était élevé. Je le répète, nous avons négligé de reconnaître qu’il s’agissait d’une question importante que nous aurions dû soulever, comme d’autres que nous avons soulevées dans d’autres situations de non‑conformité. Nous n’avons tout simplement pas reconnu cet état de fait. Ce qui aurait dû être soulevé, ce qui aurait dû faire dire : « voici une question qui devrait être portée à l’attention de la Cour », n’a pas fait l’objet de discussions. Il y a eu défaillance du système qui permet de faire ces liens, de soulever une telle question comme il se doit.

LE JUGE BROWN : Et ce n’est que cela, dites-vous?

LE TÉMOIN : En effet, je crois que… À mon avis, en tout cas, ce n’était pas plus que cela.

Évidemment, nous tentons actuellement de corriger le processus. Cela semble simple, aussi simple que de placer… et ce que nous recevons à titre de membre du comité. Lorsque nous recevons les documents relatifs à la demande ainsi que les pièces, nous ne disposons pas des précis des sources : nous n’avons que leurs numéros. Nous n’avons même pas les informations aussi fondamentales que les noms de code. Pour moi, le numéro d’une source humaine ne signifie rien, mais un nom de code pourrait être plus éloquent. C’est assez simple, mais c’est quelque chose qui… On serait porté à croire qu’il en faudrait davantage. Je comprends. Mais nous tentons simplement de veiller à soulever les questions de ce genre et à mettre en place un système qui nous permet de le faire à coup sûr.

Je crois simplement que nous ne considérions pas ainsi la question du risque juridique élevé. Manifestement, nous reconnaissons maintenant la situation et tentons de mettre en place les procédures nécessaires. Il n’en reste pas moins qu’à ce moment, la situation était ce qu’elle était.

LE JUGE BROWN : Je présume qu’un certain nombre de personnes auraient pu se rendre compte de cela.

LE TÉMOIN : En effet.

LE JUGE BROWN : Y compris le déposant.

LE TÉMOIN : Oui.

LE JUGE BROWN : Ainsi que l’avocat du ministère de la Justice, comme vous l’avez mentionné, je crois.

LE TÉMOIN : Oui.

LE JUGE BROWN : Et d’autres personnes qui ont participé aux deux processus.

LE TÉMOIN : En effet.

LE JUGE BROWN : Et, à votre connaissance, aucun facteur culturel ou hiérarchique n’est intervenu pour empêcher que la discussion ait lieu.

LE TÉMOIN : Non, pas à ma connaissance. Absolument pas.

LE JUGE BROWN : Vous vous rendez compte que cette explication, « personne ne s’en est rendu compte », est plutôt forcée? Je ne dis pas que vous la donnez sans justification pleine et entière ou de mauvaise foi. Je me demande cependant s’il n’y a pas mauvaise foi sous-jacente, voire un élément moral lié à la suppression d’informations ou à leur dissimulation à la Cour. Ce que vous me dites, c’est qu’à votre connaissance, ce n’est pas le cas.

LE TÉMOIN : Effectivement. Même qu’en août 2018, et c’est dans mon affidavit, j’ai diffusé une note de service sur ce que j’attendais des déposants. Nous avons diffusé une politique sur l’obligation de franchise. Dans le cadre d’une des demandes, je crois qu’il s’agissait du renouvellement dans |||||||||||||||||||||| notre directeur actuel a posé des questions sur l’obligation de franchise.

Donc, non, c’était vraiment… Je suis profondément convaincue de ce que j’ai affirmé dans mon affidavit.

LE JUGE BROWN : Merci, Madame Tessier. Merci beaucoup.

[215] J’ai posé la même question au directeur actuel du Service, M. Vigneault, c’est-à-dire que je lui ai demandé pourquoi personne n’avait fait le lien entre |||||||||||||||||||||||||||| et |||||||||||||||| Le 3 juillet 2018, le directeur Vigneault a signé le mémoire au ministre sur |||||||||||||||| et il a présidé la réunion du comité d’examen des mandats le 13 septembre.

[traduction]

LE JUGE BROWN : Merci.

Monsieur Vigneault, hier et aujourd’hui, j’ai posé une série de questions à M. Coulombe et à Mme Tessier au sujet |||| |||||||||||||||||||||||||||||||| de l’état |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| au Canada.

Ce que je comprends, et corrigez-moi si j’ai tort, c’est qu’il est juste de dire qu’en 2018, le Service surveillait|||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

LE TÉMOIN : Oui, c’est exact.

LE JUGE BROWN : Et il y a, ou pourrait y avoir, davantage de sources humaines, mais l’une d’elles |||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| à savoir ||||||||||||||||||||||||

LE TÉMOIN : ||||||||||||||||||||?

LE JUGE BROWN : ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

LE TÉMOIN : |||||||||||||||| oui absolument.

LE JUGE BROWN : J’ai parcouru la liste des personnes qui auraient participé à la rédaction du mémoire au ministre le 3 juillet. Les informations que j’ai recueillies en fin de compte… J’ai demandé combien de personnes auraient participé à l’élaboration de ce rapport que vous avez envoyé au ministre; bien sûr, le ministre aurait l’aide du sous-ministre, peut-être de chef de cabinet. Mais il y aurait un nombre fini de personnes, peut-être dix ou quinze, du Service||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

J’ai ensuite demandé combien de personnes auraient participé à la demande de mandats en vue de la réunion du comité à laquelle ont participé au moins dix personnes et quatre observateurs.

J’ai ensuite demandé combien d’entre elles avaient participé aux deux processus, c’est-à-dire, d’une part, à la préparation du mémoire et, d’autre part, à la préparation de la demande de mandats.

Selon ce que je comprends, les deux processus ont eu de six à dix participants en communs.

LE TÉMOIN : Cela me semble juste, en effet.

LE JUGE BROWN : Voici mon problème : le nombre de personnes. Certes, il y a l’analyste, qui aurait pu constater la situation en posant des questions. Le ministère de la Justice aurait pu la constater en faisant de même. Mais autour de la table, plusieurs personnes auraient pu donner une valeur ajoutée au processus. Ils voient ce qui, j’imagine, est un mémoire au ministre inhabituel sur une opération à risque élevé. Elle n’a pas encore eu lieu, mais j’imagine que ça ne se voit pas tous les jours.

Donc, en juillet, ils voient ce mémoire. Puis, ils se préparent pour une demande de mandats en août, assistent à une réunion en septembre, et aucun d’entre eux ne fait le lien. On a laissé entendre qu’il existait une lacune systémique quant à la compréhension de l’importance du lien entre le risque juridique et les mandats.

N’avez-vous pas une explication? En fait, je vous le demande : comment expliquez-vous qu’au cours d’une période aussi courte, aucune de ces personnes n’ait eu une illumination, n’ait demandé : « Attendez un peu… Ne s’agit-il pas de la même personne que celle dont nous avons parlé il y a six ou dix semaines? »

Juste pour retourner le fer dans la plaie : la demande de mandats dont j’ai pris connaissance comportait un affidavit et un précis de source humaine, et ce précis ne disait rien sur le risque juridique élevé.

Aidez-moi à comprendre. Comment analysez-vous cela, au meilleur de votre jugement? Qu’est-ce qui s’est passé?

LE TÉMOIN : Selon ma meilleure analyse, cela est dû… Voici comment je vois cela : à ce moment, le directeur approuvait une opération comportant un risque juridique élevé en fonction du principe de l’immunité de l’État. Cette information, nous l’avions en tête, mais le lien comme vous le décrivez, Monsieur le Juge, ce lien avec l’affidavit, n’a pas été fait.

Ce n’est pas que ces gens essayaient de dissimuler quelque chose, ou que… Simplement, le lien n’a pas été fait de ce point de vue. Même sans directive de la Cour, l’avis juridique selon lequel « en l’absence de protection juridique, ces opérations seront illégales » apporte une précision nouvelle qui, à mon avis, sera profitable à tous.

Je crois vraiment que l’approche adoptée envers le traitement des opérations fondées sur des sources humaines et l’accès dont disposent le déposant, l’avocat et l’analyste reflètent la nécessité permanente de veiller à ce que ces personnes jouissent de la meilleure préparation possible. Toutefois, je ne souhaite pas leur faire porter le blâme lorsqu’en fait, le Service n’a pas su leur dire comment ils devraient faire leur travail.

Il n’y a pas d’explication satisfaisante. Je ne vois pas de meilleure manière d’expliquer pourquoi personne n’a fait le lien. À mon avis, certains se sont dit : « L’opération comporte un risque juridique élevé, mais nous pouvons la réaliser », mais ils n’ont pas poursuivi leur réflexion jusqu’à envisager les conséquences possibles et leur incidence sur la demande de mandats. La deuxième et la troisième étape n’ont pas été suivies. Toutefois, Monsieur le Juge, il n’y a pas d’explication satisfaisante.

LE JUGE BROWN : Vous dites qu’il n’y a pas… Manifestement, vous n’avez pas donné une quelconque directive pour étouffer la discussion sur le risque juridique élevé et le lien avec la demande de mandats. À votre avis, la situation s’est produite par inadvertance.

LE TÉMOIN : C’était par inadvertance. Je pousse activement l’avocat et le déposant à décrire leur démarche, à dire comment ils communiqueraient les informations à la Cour; c’est la meilleure façon que j’ai de décrire la situation. Je suis content que ces comptes rendus existent. Ils rendent compte de mes préoccupations et assurent la Cour… Vous savez, que nous avons respecté notre obligation de franchise. Je ne peux que vous assurer que c’est clairement mon intention. Malheureusement, dans les circonstances précises que vous évoquez, Monsieur le Juge, cette intention ne s’est pas concrétisée comme elle aurait dû, manifestement.

[216] J’admets les témoignages de Mme Tessier et de M. Vigneault, et je conclus qu’il n’y a pas eu intention de dissimuler, et j’admets qu’il n’y a eu ni suppression d’éléments de preuve ni mauvaise foi de la part du Service ou du procureur général quant à l’omission.

[217] Toutefois, et malgré tout le respect que je dois au Service, j’ai du mal à croire que personne, parmi une dizaine – voire davantage – de professionnels du Service très bien formés et aguerris, n’a pensé qu’il pouvait y avoir un lien entre |||||||||||||||||||||||||||| et |||||||||||||||| Sans l’ombre d’un doute, le Service et le procureur général doivent respecter leur obligation de franchise à l’endroit de la Cour. Pourtant, personne n’a fait de lien entre le mémoire au ministre |||||||||||||||||||||||| daté du 3 juillet 2018, et |||||||||||||||||||||||||||||| dont les informations ont servi de fondement à la demande de mandats en 2018. Les deux personnes étaient des sources humaines |||||||||||||||||||||||| dans l’enquête sur la menace |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| sur le Canada.

[218] Comme il se doit, le directeur et le SDO ont reconnu leur responsabilité quant à la supervision et à la prise de décisions relativement à la demande de mandats faite à la Cour en 2018.

[219] Cependant, à mon humble avis, le Service aurait tout avantage à prendre des mesures pour veiller à ce que quiconque assiste à une réunion du comité d’examen des mandats ou d’un organe de même nature, ou figure sur une liste d’intervenants connexe, soulève toute question ou préoccupation qu’il pourrait avoir et donne ainsi, autant que possible, une valeur ajoutée au processus.

[220] À cet égard, il y aurait lieu de rappeler à ces personnes qu’une excellente manière de ne pas donner une valeur ajoutée à une décision est de se taire quand elles ont quelque chose à dire.

[221] Autrement dit, tous les intervenants du processus décisionnel ont la responsabilité de donner aux décisions un caractère éclairé. Tous doivent être encouragés à faire part de leurs préoccupations. Il me semble qu’il y a lieu d’insister sur cet élément à tous les échelons au Service et au Bureau du procureur général afin de mobiliser en ce sens tous les participants.

[222] Le Service a tout avantage à tirer des leçons du manquement en l’espèce et à prendre des mesures pour que les membres de son personnel qui participent aux demandes de mandats connaissent et comprennent bien l’obligation de franchise dans le contexte des opérations menées en vertu de mandats. Il en va exactement de même pour le procureur général et les membres de son personnel qui participent aux demandes de mandats.

[223] En conclusion, je souligne qu’en novembre 2019, le procureur général a avisé la Cour que le Service avait pris des mesures pour examiner ses pratiques de communication d’informations sur les sources humaines dans les demandes de mandats et, en particulier, |||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| À cette fin, le Service a chargé M. Morris Rosenberg, ancien sous-ministre principal, de réaliser cet examen. En mars 2020, la Cour a pu prendre connaissance de son rapport sous la forme d’une série de diapositives.

[224] Le procureur général a soutenu que le rapport Rosenberg n’a aucune incidence sur les mesures de redressement qu’ordonnera la Cour en l’espèce. Selon lui, le Service et le ministère de la Justice reconnaissent que les défaillances institutionnelles qu’ils ont admises exigent des mesures institutionnelles. Le 29 mai 2020, en réponse au rapport Rosenberg et aux observations connexes du procureur général, les amici ont déposé des observations écrites selon lesquelles le rapport Rosenberg ne réglait pas de façon exhaustive la question des mesures de redressement que la Cour devrait prendre, celle-ci ne disposant pas de la preuve nécessaire pour statuer sur le caractère intentionnel du manquement à l’obligation de franchise. En particulier, les amici ont soutenu que la Cour n’avait pas été mise au courant de manière adéquate des raisons pour lesquelles des informations qui auraient pu avoir une incidence sur son évaluation de la fiabilité et de la crédibilité |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ne lui avaient pas été présentées au moment de la demande de mandats.

[225] Le 15 juin 2020, le Service a présenté un affidavit du représentant haut placé qui avait aussi déposé l’affidavit accompagnant la demande visant les mandats d’octobre 2018. Il donnait d’autres détails sur la préparation de l’affidavit antérieur. En voici un extrait :

[traduction]

Rédaction des précis des sources humaines en 2018

8. Au cours de la période de référence, un analyste |||||||||||||||| à l’Administration centrale du Service rédigeait les précis des sources humaines. Il disposait de deux documents de référence : les Directives de préparation des précis des sources humaines [directives], ci-jointes à titre de pièce « B », et une page Web dans le système interne [page Web].

9. Les directives définissent les rôles et les responsabilités de quiconque participe à la préparation des demandes de mandats, énoncent les exigences relatives aux précis et donnent des lignes directrices sur le contenu. Ainsi, avant même de commencer à rédiger l’affidavit, l’analyste doit 1) vérifier s’il existe déjà un précis pour la source et, le cas échéant, l’utiliser comme point de départ, 2) vérifier |||||||||||| de la source |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||| 3) demander à l’officier traitant de la source en région si des informations n’ont pas encore été versées au dossier de celle-ci; 4) effectuer une recherche dans la base de données |||||||| (voir plus loin) et 5) fournir toutes les informations sur la source, même celles jetteraient le doute sur sa crédibilité ou sa fiabilité.

10. La page Web donne des directives sur l’accès à certaines bases de données. Des modèles et des exemples s’y trouvent aussi.

|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

11. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| m’a informé, et je le crois, que c’est par inadvertance, et non par suite d’un acte délibéré, que la Cour n’a pas été informée des problèmes relatifs aux ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

12. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| selon les pratiques habituelles en 2018. Selon les directives, ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Toutefois, si je me fie à mon expérience et à mes souvenirs, la démarche à l’époque consistait plutôt ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Par conséquent, toute information qui n’avait pas déjà été ajoutée n’aurait pas été découverte.

13. Les informations sur les sources humaines et celles qu’elles avaient fournies ne se trouvaient pas en un seul emplacement. Les informations portant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Celles qui avaient trait aux pouvoirs d’enquête prévus aux articles 12 et 21 de la Loi sur le SCRS se trouvaient dans |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||

14. Les différentes bases de données n’étaient pas structurées de la même manière et nécessitaient des méthodes de recherche différentes, et il n’existait pas de manière uniforme d’y accéder. Pour approfondir la recherche |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| dans l’une ou l’autre de ces bases, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il n’était alors pas habituel |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| dans les autres bases de données du Service, et ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||| moi-même n’étions pas au courant des problèmes; nous n’avons donc pas orienté nos recherches en ce sens.

15. À l’époque, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| il n’était pas habituel de consulter ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pas accès à l’ensemble des fonds de renseignement du Service. Dans ce cas-ci, nombre d’informations |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| n’avaient pas été consignées de façon régulière et n’étaient donc pas disponibles. En outre, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||

16. Dans le cadre de ma préparation au rôle de déposant dans le dossier no |||||||||||||||||||||| j’ai dû me familiariser avec les sources humaines d’informations qui allaient figurer dans l’affidavit. |||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| afin de relever tout problème susceptible de nuire à la crédibilité des informations utilisées en appui à l’affidavit.

17. Aucun des documents examinés ne faisait allusion |||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||| La base de données |||||||| a un |||||||||||| |||||||||||| Ainsi, pour trouver des documents relatifs à |||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| il m’aurait fallu savoir |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| N’ayant été au courant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| je n’ai donc pas procédé à cette recherche.

18. Dans mon affidavit d’octobre 2018 et lors de l’audience du || octobre 2018, j’ai communiqué les informations dont je disposais à ce moment |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Je n’étais pas au courant des problèmes soulevés dans les affidavits |||||||||||| |||||||||||||| J’estimais alors avoir respecté mon obligation de franchise envers la Cour. En aucune manière, je n’ai eu l’intention de tromper la Cour ou de lui dissimuler des informations.

[226] Le 3 juillet 2020, les amici ont répondu par une lettre adressée à la Cour, dans laquelle ils ont réitéré leur argument voulant qu’à leur avis, malgré l’affidavit du 15 juin 2020, la Cour n’avait toujours pas reçu d’éléments de preuve sur les circonstances menant à |||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| les informations susceptibles d’être défavorables |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| étaient fondés les mandats de 2018 qui figuraient dans la demande :

[traduction]

1. Essentiellement, il a été expliqué que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Malgré cet aveu, rien n’a été communiqué sur les détails de cette situation antérieure. En outre, à la connaissance des amici, le ou les juges |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| n’ont été mis au courant.

2. Le procureur général tente d’attribuer le manquement grave à l’obligation de franchise en l’espèce à des problèmes « systémiques et institutionnels » flous. En fait, la preuve mène à la conclusion suivante : le manquement est attribuable à la « pratique habituelle » de ne pas suivre des directives très claires et précises sur l’obligation de franchise. Dans ses observations, le procureur général minimise l’importance de ce troublant irrespect institutionnel envers l’obligation de franchise en le mêlant à des problèmes de gestion de l’information et de communications internes qui n’ont pas de lien et qui ne sont pas applicables.

[227] Selon les observations des amici, sans preuve additionnelle, puisque les informations défavorables |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| se trouvaient quelque part dans les bases de données du Service |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| intentionnellement déséquilibré, soit parce que le rédacteur estimait acceptable sur le plan institutionnel de ne pas y inclure les informations défavorables, soit parce qu’il avait l’intention de tromper la Cour.

[228] Sollicitée par le procureur général sur la marche à suivre, la Cour a fait savoir qu’aucun élément de preuve additionnel n’était nécessaire à ce moment.

[229] En septembre et en octobre 2020, des observations ont été présentées dans le dossier no |||||||||||||||||||| l’une des affaires connexes dont était saisie la juge Kane et pour laquelle les mêmes amici avaient été désignés. Elles contenaient une note d’information non communiquée datant de janvier 2017 ainsi qu’une annexe préparée par la Direction des sources humaines et de la sécurité des opérations du Service à l’intention du directeur. Celle-ci faisait état d’une évaluation du risque juridique (faible, modéré ou élevé) que présentaient les activités des sources humaines du Service. Selon l’évaluation, les activités de |||||||||||||||||||||||||||| (nommée |||||||||||||||||||||||| présentaient un risque « élevé ».

[230] Tant la communication tardive de la note d’information de janvier 2017 que le fait que son contenu montre que la haute direction du Service connaissait le risque juridique que posaient les activités de |||||||||||||||||||||||||||||| information qu’ignoraient les personnes chargées de préparer |||||||||||||| constituent des facteurs troublants qui mettent en relief les défaillances systémiques que mentionne le juge Gleeson dans 2020 CF 616.

[231] Les observations dans le dossier no |||||||||||||||||| ont mené les amici, le 21 octobre 2020, à réitérer leurs observations du 3 juillet 2020 dans une lettre à la Cour.

[232] Constitue une allégation très grave la proposition |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||| [traduction] « intentionnellement trompeur » |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| En toute déférence, je ne la retiens pas, et ce, pour plusieurs motifs. D’abord, elle trouve réponse dans les éléments de preuve dont fait état l’affidavit du 12 juin 2020 susmentionné, qui va dans le sens de ma conclusion antérieure, selon laquelle le manquement à l’obligation de franchise ne découlait pas d’une intention de tromper la Cour. Ensuite, rien n’appuie l’allégation voulant qu’il y ait eu intention d’induire la Cour en erreur. En effet, l’argument |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| « intentionnellement trompeur », en l’absence de fondement probant et d’apparence de vraisemblance, relève de la spéculation. Enfin, il est possible de soulever cet argument à propos de nombreux documents qui ont un rôle à jouer dans une instance judiciaire. Sans autre justification, cela pourrait donner lieu à des démarches pratiquement sans fin.

[233] En outre, ayant pris connaissance des observations dans le dossier |||||||||||||||||||||||||| je suis convaincu que l’affidavit du 15 juin 2020 ainsi que l’ensemble de la preuve qui m’a été présentée appuient ma conclusion selon laquelle le manquement à l’obligation de franchise ne découlait pas d’une intention de tromper la Cour. En particulier, l’affidavit du 15 juin 2020 met en relief les problèmes de cloisonnement des informations mentionnés par le juge Gleeson dans 2020 CF 616 (notamment aux paragraphes 152 à 156). En l’absence de tout élément de preuve donnant à penser qu’il y a eu intention de tromper, je ne prête aucune intention de ce genre aux personnes qui ont participé à la préparation |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[234] Partant, je suis convaincu que les présents motifs serviront à éveiller l’attention du Service, du procureur général, de la Cour et du public canadien sur le fait que, malheureusement, une fois encore, les nombreux avertissements et rapports d’experts commandés n’ont pas su faire naître le respect pour l’obligation de franchise au sein des cultures institutionnelles du Service et du ministère de la Justice.

[235] Cela dit, et en raison de la fréquence regrettable des manquements à l’obligation de franchise par le Service, j’ordonne au Service et au procureur général de tenir la Cour au courant de l’évolution des examens indépendants entrepris en réaction à 2020 CF 616, notamment les conclusions rendues, les recommandations formulées et les suivis effectués.

V. Observations finales

[236] S’agissant de l’obligation de franchise, je suis d’accord avec le juge Gleeson qui, au paragraphe 2 de son jugement dans 2020 CF 616, recommande « qu’un examen externe exhaustif soit effectué afin de relever l’ensemble des lacunes et des défaillances systémiques, culturelles et liées à la gouvernance qui ont eu pour conséquences que le Service canadien du renseignement de sécurité a mené des activités opérationnelles dont il a reconnu l’illégalité et a manqué à son obligation de franchise ».

[237] Par suite de la diffusion de la version publique de 2020 CF 616, le procureur général a avisé la Cour qu’en vertu de l’article 8(1)(c) de la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignements, LC 2019, c 13, art 2, le ministre de la Sécurité Publique et le ministre de la Justice avaient demandé que l’OSSNR examine et fasse rapport dès que possible sur ses conclusions et recommandations par rapport aux éléments identifiés dans la décision de la Cour fédérale. Les ministres ont également demandé à l’OSSNR de rendre compte de façon régulière au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) de ses progrès, et ont informé ce dernier qu’ils comprennent que ses membres pourraient vouloir examiner de façon plus approfondie les enjeux soulevés par les conclusions de la Cour. Le procureur général du Canada a aussi informé la Cour que le ministre de la Justice avait nommé Ian Binnie, ancien juge de la Cour suprême, pour qu’il fournisse au ministre et au ministère de la Justice des conseils opérationnels et stratégiques sur la prestation de services consultatifs et contentieux aux clients, ainsi que des conseils sur la mise en œuvre des recommandations formulées par l’OSSNR en ce qui concerne le ministère de la Justice.


ORDONNANCE dans ||||||||||||||||||||||

LA COUR ORDONNE que :

  1. Le Service canadien du renseignement de sécurité a manqué à son obligation de franchise envers la Cour dans le cadre de la demande de mandats dans le dossier |||||||||||||||||||||||||||| En effet, il a :

    1. omis de préciser que des informations de sources humaines sur lesquelles il s’était appuyé pouvaient avoir été obtenues lors d’activités susceptibles d’avoir enfreint le Code criminel;

    2. omis de communiquer des informations qui auraient pu mener à la remise en question de la fiabilité et de la crédibilité de certaines de ses sources humaines.

  2. Les mandats de 2018 ne sont pas annulés.

  3. Le Service et le procureur général tiendront la Cour au courant de l’évolution des examens indépendants entrepris en réaction à 2020 CF 616, notamment les conclusions rendues, les recommandations formulées et les suivis effectués.

  4. Dans les vingt jours suivant la date du présent jugement et des motifs qui l’accompagnent, les avocats du procureur général et du Service canadien du renseignement de sécurité les passeront en revue pour déterminer les parties qui peuvent être rendues publiques. Au cours des vingt jours suivants, les amici MM. Gordon Cameron et Matthew Gourlay examineront leurs recommandations. Tous les avocats collaboreront dans le respect du principe de la publicité des débats judiciaires. Toute question litigieuse sera portée à l’attention du soussigné dans les cinq jours suivants pour être tranchée.

« Henry S. Brown »

Juge désigné


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

||||||||||||||||||||

INTITULÉ :

DANS L’AFFAIRE d’une demande de mandats présentée par |||||||||||||||||||| en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), ch C 23

ET DANS L’AFFAIRE VISANT |||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

(IN CAMERA, EX PARTE)

|||||||||||||| octobre 2018; 2 ET 8 novembre 2018; 10 ET 19 DÉCEMBRE 2019; 21 janvier 2019; 13 et 21 février 2019; 13 ET 29 mars 2019; 1-3, 8, 12 17, 24, 26, 29 et 30 avril 2019; 13 et 29 mai 2019; 27 et 28 juin 2019; 30 juillet 2019; 28 août 2019; || OCTOBRE 2019; 1 novembre 2019.

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 31 décembre 2020

COMPARUTIONS

M. Robert Frater, Q.C.

M. Owen Rees

Mme Gabrielle White

Mme Helene Robertson

Mme Nathalie Benoit

Mme Jennifer Poirier

Mme Stéphanie Dion

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

M. Gordon Cameron

M. Matthew Gourlay

Mme Barbara McIsaac

Mr. Howard Krongold

Mr. Ian Carter

AMICUS CURIAE

AMICUS CURIAE

AMICUS CURIAE /ARBITRE

ARBITRE

ARBITRE

 

M. Brian Gover

M. Stephen Aylward

M. Donald Bayne

REPRÉSENTANT DÉPOSANT

À QUALITÉ RESTREINTE

POUR COMPARAÎTRE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

Blake, Cassels and Graydon

Ottawa (Ontario)

Henein Hutchison

Toronto (Ontario)

Barbara McIsaac Law

Ottawa (Ontario)

AMICI CURIAE

Abergel Goldstein & Partners, LLP

Ottawa (Ontario)

Bayne Sellar Ertel Carter

Ottawa (Ontario)

ARBITRES

 

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