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Date : 20040519

Dossier : T-1426-03

Référence : 2004 CF 729

Calgary (Alberta), le mercredi 19 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON                               

ENTRE :

                                                       LESTER « CARL » PERCY

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                M. Percy est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale âgé de 83 ans qui souffre de platypodie (pes planus), une affection ouvrant droit à pension. Il souffrait déjà de cette affection au moment de son enrôlement, mais son état s'est considérablement aggravé par suite de son service actif. M. Percy a demandé au ministre des Anciens combattants de se prononcer sur son admissibilité à une pension pour sa platypodie et pour l'ostéoarthrose dont il souffrait aux genoux. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Percy conteste la décision la plus récente rendue par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) au sujet de sa demande.

[2]                Bien que dans sa décision du 23 février 2001 le ministre l'ait déclaré non admissible à une pension, M. Percy a obtenu gain de cause à la suite de la révision effectuée par le Tribunal (23 août 2001), qui l'a déclaré admissible à une pension pour sa platypodie. Il a toutefois essuyé un refus à tous les paliers en ce qui concerne ses genoux (Révision du Tribunal, 23 août 2001, Anciens combattants, 27 novembre 2001; révision ministérielle, 29 janvier 2002; une autre révision du Tribunal, 24 avril 2002 et appel de la décision du Tribunal sur son admissibilité à une pension, 20 février 2003).   

[3]                M. Percy a obtenu une lettre écrite par un médecin le 27 mars 2003 et il a demandé au Tribunal de réexaminer sa décision du 20 février 2003 au motif que cette lettre constituait un nouvel élément de preuve. Le Tribunal a estimé que la lettre ne pouvait pas être considérée comme un nouvel élément de preuve qui serait pertinent ou qui pourrait conduire à une conclusion différente. Le Tribunal a estimé que la lettre reprenait simplement la teneur de lettres antérieures écrites par le même médecin ainsi que par un autre médecin. Le Tribunal s'est par ailleurs dit d'avis que le demandeur aurait pu, avec diligence raisonnable, produire cet élément de preuve plus tôt. Le Tribunal a par conséquent refusé de réexaminer sa décision antérieure. C'est la décision qui fait l'objet de la présente demande.


[4]                Je n'ai pas à me lancer dans une analyse pragmatique et fonctionnelle de la norme de contrôle applicable à une décision comme celle-ci car j'en arrive à la conclusion que la décision du Tribunal est bien fondée. La question de la norme de contrôle applicable ne se pose donc pas.

[5]                Le paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la Loi) autorise le Tribunal, sur demande, à réexaminer une décision si l'auteur de la demande allègue que les conclusions sur les faits ou l'interprétation du droit étaient erronées ou si de nouveaux éléments de preuve sont présentés au comité d'appel du Tribunal. L'article 39 de la Loi précise les règles de preuve que le Tribunal doit appliquer. Plus précisément, le Tribunal tire les conclusions les plus favorables possible à l'auteur de la demande, il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence et il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande. L'article 3 pose le principe général que les dispositions de la Loi doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont servi leur pays et des personnes à leur charge.


[6]                La loi ne prévoit pas de critère précis en ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve. Le juge Teitelbaum s'est penché sur cette question dans le jugement Mackay c. Canada (Procureur général), (1997), 129 F.T.R. 286, dans lequel il a appliqué le critère régissant les nouveaux éléments de preuve énoncés dans l'arrêt Palmer & Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 759. En particulier, le juge Teitelbaum cite, au paragraphe 26, les principes suivants :

(1)                On ne devrait généralement pas admettre une preuve qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite plus tôt;

(2)         La preuve doit être pertinente, en ce sens qu'elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive;

(3)         La preuve doit être plausible, en ce sens qu'on puisse raisonnablement y ajouter foi;

(4)         La preuve doit être telle que, si l'on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu'avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

C'est le critère qu'a appliqué le Tribunal en l'espèce.

[7]         M. Percy fait valoir qu'il a soumis un nombre considérable de documents, provenant tant de médecins que d'établissements, qui démontrent le lien qui existe entre ses pieds plats et ses douleurs aux genoux. Selon lui, le Tribunal a jugé la preuve non crédible. Il n'arrive par ailleurs pas à comprendre comment on ne peut ajouter foi à la déposition non contredite d'un médecin spécialiste, d'autant plus que le Tribunal est censé interpréter la loi de façon large et tirer les conclusions qui lui sont les plus favorables possible. Il soutient que le Tribunal ne comprend pas les aspects médicaux de la question et que les Lignes directrices ne doivent plus être à jour parce qu'il est évident que tous les experts s'entendent sur l'existence d'un lien entre les pieds plats et les douleurs aux genoux.


[8]         Les nouveaux éléments de preuve soumis par M. Percy ne satisfont à aucun des critères sauf celui de la crédibilité. Le Tribunal n'a pas contesté la crédibilité de ces éléments de preuve, contrairement à ce que M. Percy prétend. Il a simplement conclu qu'ils n'étaient pas plus utiles pour l'aider à résoudre la question qu'il était appelé à trancher que les éléments de preuve déjà présentés. Le Tribunal n'a pas exprimé de réserves au sujet de la crédibilité des éléments de preuve antérieurs.

[9]         Le problème de M. Percy est sa demande de décision sur son admissibilité à une pension pour l'ostéoarthrose dont il souffre aux genoux. Suivant la preuve médicale, l'ostéoarthrose dont il est atteint est légère. Il se plaint davantage des fortes douleurs qu'il ressent aux genoux. Ces douleurs sont beaucoup plus aiguës que celles auxquelles on pourrait s'attendre dans un cas d'ostéoarthrose léger. Dans sa lettre du 27 mars 2003, le médecin déclare non pas que l'ostéoarthrose de M. Percy est attribuable à ses pieds plats, ni que l'ostéoarthrose est la cause de ses douleurs aux genoux, mais bien que ses douleurs aux genoux sont causées par sa platypodie. On retrouve également ce lien dans les autres documents médicaux soumis au ministre et aux divers tribunaux administratifs qui ont été saisis de l'affaire.


[10]       M. Percy devait également établir, aux termes du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-7, que l'ostéoarthrose dont il était atteint aux genoux résultait de sa platypodie. Certes, s'il ne conclut pas à un manque de crédibilité, le Tribunal doit accepter tout élément de preuve non contredit produit par le demandeur, tirer les conclusions qui lui sont les plus favorables possible et trancher en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de sa demande. M. Percy devait toutefois établir l'existence d'un lien de causalité entre sa platypodie et l'ostéoarthrose (Hall c. Canada, (1998), 152 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.) conf. à (1999), 250 N.R. 93 (C.A.F.)). Or, aucun des éléments de preuve, y compris la lettre du 27 mars 2003, n'aborde la question de l'ostéoarthrose ou de la dégénérescence.

[11]       Je suis d'accord pour dire que les éléments de preuve n'étaient pas nouveaux, qu'ils n'étaient pas pertinents et qu'ils n'auraient pas pu changer le résultat sur quelque question que ce soit et, finalement, que le Tribunal n'a pas commis d'erreur en concluant en ce sens. Qui plus est, vu la teneur de la lettre du 27 mars 2003, rien ne permet de penser qu'il n'était pas possible d'obtenir les renseignements qu'on y trouve au moment du premier appel que M. Percy a interjeté devant le comité d'appel du Tribunal. C'est donc à bon droit que le Tribunal a conclu que les nouveaux éléments de preuve n'étaient pas pertinents et qu'ils n'auraient pas pu conduire à une autre conclusion.

[12]       Bien que je compatisse à la situation de M. Percy, j'estime que mon intervention n'est pas justifiée pour ce qui est de sa demande d'admissibilité à une pension pour son ostéoarthrose. Il se peut fort bien que M. Percy soit frappé d'une affection aux genoux qui résulte de son pes planus. Si c'est le cas, il lui est loisible de requérir une décision sur son admissibilité à une pension relativement à cette affection.


[13]       Le défendeur n'a pas réclamé de dépens et aucuns ne seront adjugés.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                             « Carolyn Layden-Stevenson »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.                                                                                                                                                                             


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-1426-03

INTITULÉ :                                       LESTER « CARL » PERCY

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 18 mai 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                     Le 19 mai 2004

COMPARUTIONS :

Lester Carl Percy                                                                      LE DEMANDEUR

(pour lui-même)

Tracy J. King                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lester Carl Percy                                                                      LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)                                                                       (pour lui-même)

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                            POUR LE DÉFENDEUR


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