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Date : 20050426

Dossier : T-1134-04

Référence : 2005 CF 570

Vancouver (Colombie-Britannique), le mardi 26 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

TED AIRD, VIVIEN AIRD, GLENN ALSIP, SHIRLEY ALSIP, SHIRLEY BEATTIE, AL BOSSERT, ROGER BOYCE, PAT BOYCE, JIM COLLINS, OLIVE COLLINS, REG COOPER, PATRICIA COOPER, BILL DAVIES, JESSIE DAVIES, ED DAVIES, ELAINE DAVIES, TONY DAVIS, JACKIE DAVIS, WILLARD EDWARDS, ETHNA EDWARDS, PATRICIA ELLIOT, ARCHIBALD ELLIS, KURT FENGLER, ANNA FENGLER, LARRY FENGLER, RENATE FENGLER, THOMAS GLANCY alias TOM GLANCY, SHIRLEY GLANCY, JOE GRZYB, DOLORES GRZYB, JOHN GIULIANI, BRITT GIULIANI, ED HOLMES, ETHEL HOLMES, HELEN HOLZWORTH, HERB HOLZWORTH, KATHY HRISCHUK, MIKE HRISCHUK, PETER JOHNER, ERNIE KAHLER, HILDA KAHLER, GERRY McCARTHY, MARILYN McCARTHY, RON McCOMB, ROSE McCOMB, PETER MEISTER, INGRID MEISTER, DIANE MOORE, JOHN MOORE, DAISY NEFF, NELLIE OSTENDORF, ROXIE PARKER, JEFFREY PUNSHON, DOREEN PUNSHON, EILEEN EBY, DOROTHY REID, ED ROGOZINSKY, DELORES ROGOZINSKY, DEREK ROLPH, BEATRICE ROLPH alias BETTE ROLPH, DAVID SCHELLENBERG, JOHN SNIJDERS, JANNIE SNIJDERS, RUDY SNIJDERS, MACHIEL ADRIAAN SONNEVELDT alias JOHN SONNEVELDT, WILLY SONNEVELDT, TOM SPANN, HENRI STRYD, ADRIANA STRYD, STAN TURNER, HAL WESTON, DOLORES WESTON, DON WHITTAKER, MARYANN WHITTAKER, CATHERINE KNUDSEN, HOWARD KNUDSEN, MARGARET MAKI, LEO MAKI, LORENZ LOHNINGER, HANNELORE LOHNINGER, MARGARET TIBBEN, RALPH CHURCHILL, SANDRA CHURCHILL, JANET REED, CHRIS SEABROOK, MARGARET SEABROOK, FRED HOWSE, PHYLLIS HOWSE, MACE HARRISON, IRENE HARRISON, JOHANNA AUBERTIN, GORDON SIDDONS, ROSEMARY SIDDONS, RUSS GRILLS, DIANE GRILLS, BILL MILLER, GERRY MILLER, DEBORAH INNES, ARLEE MISFELDT, JANET MISFELDT, STANLEY BAXTER, HARRY CHAPLIN, MARION REDMAN, JOAN OLLIFFE et GRACE BALES

demandeurs

                                                                            et


                              COUNTRY PARK VILLAGE PROPERTIES (MAINLAND) LTD.

défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande d'injonction visant à interdire à la défenderesse de résilier tout sous-bail tant et aussi longtemps que les demandeurs paient à la défenderesse un loyer de :

a)          247 $ par mois pour un lot entier;

b)          172 $ par mois pour un demi-lot.

[2]                Les demandeurs représentent 75 des 135 sous-locataires de la défenderesse, qui est elle-même locataire de la Couronne. La défenderesse exploite un village-retraite installé sur une propriété qu'elle loue de la Couronne. Les demandeurs sont chacun liés à la défenderesse par des sous-baux de 40 ans pour des lots sur lesquels ils ont installé des maisons mobiles préfabriquées.

[3]                Chaque sous-bail prévoit que :

2.1            Le sous-locataire versera au sous-locateur, en argent canadien, sans aucune compensation ou déduction, le loyer de base suivant : ...

b)             Pour la période commençant le 1er mars 1996 et prenant fin le 27 février 2041, le loyer sera payable d'avance le premier jour de chaque mois, et pour chaque année de location, entre le 1er mars 1996 et le 27 février 2041, ce loyer sera composé de l'ensemble des montants déterminés ci-dessous conformément aux sous-alinéas (i) et (ii) :


(i)             le juste loyer économique déterminé par le sous-locateur pour chacune des onze (11) périodes de location de quatre (4) ans, à compter du 1er mars 1996 jusqu'au 27 février 2041 (les « périodes de quatre ans » ); et

(ii)            l'augmentation annuelle d'IVC.

c)          « Juste loyer économique » s'entend, pour une période particulière de quatre ans, du montant du loyer annuel auquel un locateur sérieux et informé louerait les lieux loués sur le marché ouvert et libre à un locataire sérieux et informé, sans se limiter à les comparer aux autres terres de réserve disponibles aux fins de la location au début de chaque période de quatre ans, à supposer qu ce moment-là :

(i)          les lieux loués appartiennent à un locateur en pleine propriété et ne soient pas grevés de charge;

(ii)                 les lieux loués comprennent les améliorations qui y ont été apportées avant le début du présent sous-bail, mais ne comprennent pas les améliorations qui y sont subséquemment apportées;

(iii)               les lieux loués soient loués aux fins permises par le présent sous-bail; et

(iv)                le locateur et le locataire n'aient entre eux aucun lien de dépendance.

[4]                Le bail entre la Couronne et le demandeur (bail principal) comporte la clause suivante de détermination du juste loyer économique, qui est incorporée en renvoi dans chaque sous-bail :

4.8            Si le locataire reçoit un avis du ministre qui détermine le juste loyer économique et que le locataire est en désaccord avec cette détermination, il peut, à ses propres frais, dans les soixante (60) jours suivant la réception de l'avis du ministre sur la détermination du juste loyer économique, demander le renvoi de l'affaire devant la Cour fédérale du Canada pour qu'elle procède à une nouvelle détermination du juste loyer économique comme le prévoit l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale.


[5]                Lorsque, en vertu de cette clause, la défenderesse a tenté d'augmenter les loyers pour quatre années à partir de 2000, la plupart des demandeurs actuels ont invoqué la clause 4.8 du bail principal et ont demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour fédérale du Canada (action Aird initiale).

[6]                Par un jugement en date du 13 avril 2004 (Aird c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd., [2004] C.F. 551) et subséquemment révisé le 25 juin 2004, la juge Layden-Stevenson a fixé les loyers mensuels à 234 $ pour les lots entiers et à 175,50 $ pour les demi-lots.

[7]                Avant le jugement, les demandeurs dans l'action Aird initiale avaient obtenu, le 3 décembre 2001, une injonction du juge Blanchard (Aird c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd., [2001] A.C.F. no 1843) interdisant à la défenderesse de résilier (jusqu'à ce que le jugement relatif au litige entourant le rajustement des loyers ait été rendu) tout sous-bail pour non-paiement du loyer tant et aussi longtemps que les demandeurs payaient le loyer qui avait cours avant le rajustement.

[8]                Pour la période de quatre ans commençant le 1er mars 2004, la défenderesse veut maintenant rajuster les loyers mensuels à 372 $ pour les lots entiers et à 267 $ pour les demi-lots.


[9]                Les demandeurs ont encore une fois invoqué la clause 4.8 du bail principal et laissent entendre qu'après rajustement approprié, les loyers mensuels devraient être de 247 $ pour les lots entiers et de 172 $ pour les demi-lots. Ils ont intenté la présente action le 11 juin 2004, afin que la Cour confirme les montants qu'ils proposent.

[10]            Aucune date de procès n'a encore été fixée mais, dans le cadre d'un rajustement auquel ont consenti les parties en attendant l'audition de la présente demande d'injonction, le juge Beaudry a, le 1er février 2005, ordonné :

2.              En attendant l'audition de la requête des demandeurs, ces derniers devront payer un loyer de base comme suit :

a)             lot entier                 - 234 $ par mois;

b)             demi-lot - 175 $ par mois;

3.              Chaque demandeur devra payer un supplément de loyer comme le prévoit la clause 3.02 de chaque sous-bail.

4.             Si un demandeur ne paie pas son loyer mensuel pour les mois de février, mars ou avril 2005, la défenderesse, moyennant un avis de 72 heures au demandeur défaillant, peut demander à la Cour que cette ordonnance provisoire soit modifiée ou annulée, si elle s'applique au demandeur défaillant.


[11]            Se basant sur la décision du juge Blanchard dans Aird c. Country Park Village Properties (Mainland) Ltd. précitée, les demandeurs sollicitent encore une fois une injonction afin d'interdire à la défenderesse de résilier tout sous-bail en cas de non-paiement du loyer. Toutefois, plutôt que de geler les loyers au taux actuel, ils préféreraient que ces derniers le soient à un taux proposé par leur évaluateur, à savoir 178 $ pour un lot entier et 92 $ pour un demi-lot.

[12]            J'ai bien précisé, lors de l'audition, qu'une injonction est destinée à maintenir le statu quo, et non à améliorer la situation des demandeurs; si la requête est accueillie, ils pourront au mieux bénéficier du maintien de l'ordonnance du juge Beaudry. Toutefois, pour les motifs qui suivent, je ne suis pas disposé à accorder l'injonction.

[13]            Les deux parties s'accordent pour dire que l'arrêt de principe en matière d'injonction provisoire est RJR-MacDonald Inc c. Canada (P-G), [1994] 1 R.C.S. 311, où il a été établi que la personne sollicitant une injonction doit remplir un critère conjonctif à trois volets et prouver que :

a)          il existe une question sérieuse à juger;

b)          un préjudice irréparable sera subi si l'injonction n'est pas accordée; et

c)          la prépondérance des inconvénients favorise la délivrance de l'injonction.

[14]            La question sérieuse ou la prépondérance des inconvénients ne posent pas vraiment problème ici. La véritable question concerne le préjudice irréparable.

[15]            Dans l'action Aird initiale, le juge Blanchard a conclu au préjudice irréparable et a accordé l'injonction pour les motifs suivants :


8.                             Si le « juste loyer économique » contesté devait s'appliquer, certains demandeurs verraient leur loyer augmenter de 100 pour 100 (cas des propriétaires d'un demi-lot). Les demandeurs prétendent que la décision de la défenderesse concernant le « juste loyer économique » est erronée puisqu'elle est fondée sur une évaluation incorrecte. Ils allèguent que l'évaluation n'a pas été effectuée conformément aux conditions du bail principal et des sous-baux. Plus précisément, ils prétendent que :

a)             le marché immobilier est en forte baisse;

b)             les évaluations foncières aux fins de ltablissement des taxes sont à la baisse;

c)              lvaluation comprend un montant pour les taxes, alors que les propriétaires des lots paient leurs propres taxes;

d)             lvaluation est faite en « chiffres bruts » et vise aussi le « upplément de loyer » alors qu'il est stipulé dans les sous-baux que seul le loyer de base doit être révisé tous les quatre ans;

e)             et, contrairement aux conditions du sous-bail, lvaluation comprend une clause liée à la hausse du coût d'entretien des aires communes.

Enfin, les demandeurs prétendent que, d'après les observations orales de la défenderesse, le « juste loyer économique » ne devait augmenter que si la valeur des terrains dans la région de Chilliwack montait, et que ces observations font partie intégrante des sous-baux.

[16]            Aucun de ces facteurs ne s'applique aujourd'hui. Il n'y a eu aucune observation orale et la défenderesse a présenté plusieurs indicateurs de marché pour justifier les nouveaux loyers. Ces indicateurs de marché consistent en :

a)          données provenant d'un autre parc de maisons mobiles, dont le nom est Village retraite Cottonwood, et qui bien que censément d'un luxe inférieur, demande des loyers comparables;

b)          des données montrant que la défenderesse a demandé des loyers comparables pour 25 nouveaux baux consentis depuis 2002;


c)          des données montrant que les cessions de baux consenties par la défenderesse contenaient une reconnaissance par les cessionnaires des nouveaux loyers;

d)          une nouvelle évaluation effectuée par un évaluateur indépendant et qui fixait les loyers à 338 $ pour les lots entiers et à 220 $ pour les demi-lots; et

e)          une lettre provenant d'un évaluateur engagé par le ministère des Travaux publics au sujet du réexamen du juste loyer économique dans le bail principal et dont les commentaires sur les conditions générales du marché semblent justifier les augmentations préconisées.

[17]            En plus de se baser sur la décision du juge Blanchard, les demandeurs présentent deux arguments additionnels en ce qui a trait au préjudice irréparable :

a)          certains demandeurs ont un revenu si faible qu'ils ne peuvent se permettre une telle augmentation de loyer, laquelle les contraindrait à déménager; et

b)          la résiliation du bail et l'enlèvement des maisons mobiles les forceraient à débourser des sommes qu'ils ne récupéreraient jamais.


[18]            Ces deux arguments n'ont aucune pertinence quant à la détermination de la juste valeur marchande. Ils peuvent être une conséquence malheureuse d'un rajustement de loyer, mais de telles conséquences ne constituent pas un préjudice irréparable suivant l'arrêt RJR-MacDonald, précité. Le rajustement de loyer vise à refléter la valeur du marché, et non pas à établir des loyers équitables.

[19]            La clause 2.1 du sous-bail prévoit un rajustement de loyer tous les quatre ans et adopte, par renvoi, la clause 4.8 du bail principal qui prévoit un mécanisme de résolution des litiges. Environ 75 sous-locataires se sont prévalus de la clause de résolution des litiges. Par voie de conséquence, l'autre moitié des sous-locataires ont accepté les nouveaux loyers et ne les considèrent pas inadmissibles. Rien dans la preuve n'indique que ces loyers sont excessifs ou totalement déraisonnables.

[20]            La preuve présentée par la défenderesse pourrait, si elle est retenue, justifier les nouveaux loyers. Par contre, si les demandeurs ont gain de cause et qu'un tribunal ordonne la réduction des augmentations de loyer imposées par la défenderesse, la clause 4.10 du bail principal offre une compensation. Elle prévoit :

4.10          Après une décision rendue par la Cour fédérale du Canada, ou par toute autre Cour compétente, tout rajustement du montant annuel du loyer ordonné par la Cour devra être payé sans délai par la partie respective.

[21]            Ainsi, tout paiement en trop potentiel sera remboursé aux demandeurs.

[22]            À la lumière des faits précités, je suis d'avis qu'un préjudice irréparable n'a pas été établi. Tout préjudice temporaire causé par des augmentations de loyer potentiellement excessives sera réparé en application de la clause 4.10 du bail principal. Par conséquent, la présente demande ne peut être accueillie.


                                                          ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée, avec dépens en faveur de la défenderesse.

« K. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                T-1134-04

INTITULÉ :                                                                 TED AIRD et al.

c.         

COUNTRY PARK VILLAGE PROPERTIES (MAINLAND) LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L_AUDIENCE :                                     LE 25 AVRIL 2005

MOTIFS DE L_ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                              LE 26 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :


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