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Date : 20210917


Dossier : IMM-6844-19

Référence : 2021 CF 964

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2021

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

IBRAHIM OLANREWAJU LAWAL

JEMILA ABIOLA LAWAL

ZAINAB AYOMIDE LAWAL

FUAD ABOLAJI LAWAL

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Ibrahim Olanrewaju Lawal, son épouse, Jemila Abiola Lawal, et leurs deux filles sont des citoyens nigérians. Ils affirment craindre d’être persécutés par des membres de la famille élargie de M. Lawal qui insistent pour que la fille de 13 ans subisse une mutilation génitale féminine (MGF). La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a jugé que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable au Nigéria, à Benin City, et que, par conséquent, ils n’avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté l’appel des demandeurs et a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle Benin City est une PRI viable.

[2] Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs soutiennent que la décision de la SAR est déraisonnable et devrait être annulée. Ils allèguent que la SAR a commis une erreur dans son appréciation de la question de savoir s’il serait raisonnable pour eux de déménager dans la ville proposée comme PRI compte tenu de leur situation (c.-à-d. le second volet du critère de la PRI) puisqu’elle n’a pas évalué de façon indépendante s’il serait raisonnable pour la fille de 13 ans de déménager à Benin City étant donné qu’elle est mineure et qu’elle est la cible des demandes de MGF provenant de la famille élargie. Bien que les demandeurs n’aient pas soulevé cette question en appel devant la SAR, ils soutiennent que la SAR était néanmoins tenue de la prendre en compte et de l’analyser puisque la question de savoir s’il existe une PRI fait partie intégrante de la définition de réfugié au sens de la Convention. Ils soutiennent par ailleurs qu’il incombait à la SAR de décider si les conditions de la définition étaient remplies, et que le défaut de la SAR d’appliquer la loi aux faits dont elle était saisie constitue une erreur susceptible de contrôle.

[3] Pour les motifs qui suivent, les demandeurs n’ont pas démontré que la décision de la SAR est déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Question en litige et norme de contrôle

[4] Les parties conviennent que la Cour doit appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable, conformément aux principes directeurs énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La seule question en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la conclusion tirée par la SAR au sujet de l’existence d’une PRI viable à Benin City est raisonnable.

[5] Le contrôle selon la norme de contrôle de la décision raisonnable est rigoureux et fondé sur le principe de la retenue judiciaire : Vavilov, aux para 12-13, 75 et 85. La cour de révision doit déterminer si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, au para 99. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

III. Analyse

A. Les positions des parties

[6] Les demandeurs font valoir que la décision de la SAR quant à la PRI n’est pas justifiée par les motifs fournis ni par le raisonnement suivi, car la SAR a omis de prendre en compte certaines considérations pertinentes (Vavilov, aux para 86-87) en ne procédant pas à un examen axé sur la situation particulière de la fille en tant qu’enfant fuyant une MGF.

[7] Les demandeurs reconnaissent que le concept de l’intérêt supérieur de l’enfant (l’ISE) n’est pas incorporé à l’article 96 de la LIPR et ne modifie pas la définition de réfugié au sens de la Convention; toutefois, ils soutiennent que le concept de l’ISE devrait guider l’analyse de la PRI. À cet égard, les demandeurs soutiennent que le paragraphe 3(1) de la Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, 1577 RTNU 3, RT Can 1992 no3 (entrée en vigueur le 2 septembre 1990) précise que l’ISE doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants, y compris celles qui sont le fait des autorités administratives. De même, les paragraphes 53 et 55 des Principes directeurs sur la protection internationale : Les demandes d’asile d’enfants dans le cadre de l’article 1A(2) et de l’article 1(F) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (HCR/GIP/09/08, 22 décembre 2009) du HCNUR prévoient que le caractère raisonnable d’une PRI peut différer selon qu’il s’agit d’un adulte ou d’un enfant, et que l’ISE doit guider l’analyse. Les demandeurs soutiennent que l’alinéa 3(3)f) de la LIPR prévoit que les dispositions de cette loi doivent être interprétées et mises en œuvre de manière à respecter les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. De plus, la Cour suprême du Canada a reconnu que les valeurs exprimées dans le droit international des droits de la personne peuvent être prises en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois, même lorsque les conventions et les traités internationaux ne font pas partie du droit canadien parce qu’ils n’ont pas été rendus applicables par une loi : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux para 69-71, 1999 CanLII 699.

[8] De plus, les demandeurs soutiennent que le raisonnement de l’arrêt Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CSC 61 — selon lequel les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire doivent être évaluées en tenant compte de l’ISE — devrait s’appliquer au deuxième volet du critère de la PRI étant donné que le critère de la PRI n’est pas lié à la définition de la persécution et tient compte d’un large éventail de circonstances.

[9] Selon les demandeurs, étant donné que la SAR a pour mandat d’évaluer et de trancher les demandes d’asile, le fait que cette question n’ait pas été soulevée devant la SAR ne limite pas la portée de l’appel. Les demandeurs soutiennent qu’il incombait à la SAR de procéder à un examen axé sur l’ensemble de la situation de la fille en tant qu’enfant fuyant une MGF afin de déterminer si elle répondait à la définition de réfugié au sens de la Convention. Ils s’appuient sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, à la p 745, 1993 CanLII 105 [Ward], où la Cour a statué qu’« [i]l incombe à l’examinateur de déterminer si les conditions de la définition figurant dans la Convention sont remplies ».

[10] Les demandeurs soutiennent que, même si l’affirmation de la SAR concernant la capacité de fréquenter l’école est probablement une référence à la situation de la fille, elle ne constitue pas un examen axé sur la situation de cette dernière. Les demandeurs s’appuient sur la décision Elmi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 7688, au para 13, [1999] ACF no 336 (C.F. 1re inst.), où la Cour a déclaré qu’au regard des circonstances particulières d’un demandeur, « [c]e qui représente un simple inconvénient pour un adulte risque fort bien de constituer une “épreuve indue” pour un enfant ».

[11] Selon les demandeurs, la preuve montrait que les agents de persécution cherchaient à localiser la fille puisqu’ils les ont retrouvés après qu’ils aient quitté Lagos pour déménager à Zaria (dans un autre État), là où résident les parents de Mme Lawal. Bien qu’il n’y ait aucune preuve qui démontre que la fille utilise les médias sociaux, les demandeurs estiment qu’il est raisonnable de supposer qu’une adolescente en fait usage et que cela pourrait l’exposer aux agents de persécution. Selon eux, il serait déraisonnable de s’attendre à ce que la fille s’abstienne d’utiliser les médias sociaux puisque cela porterait atteinte à son droit à la liberté d’expression (article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, AG Rés. 217 A (III), Documents officiels de l’Assemblée générale, 3e session, Supplément no 13, Doc. de l’ONU A/810 (1948) 71, et l’article19.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976, adhésion du Canada le 19 mai 1976)). Les demandeurs affirment que la SAR était tenue de déterminer s’il était raisonnable de proposer Benin City comme PRI compte tenu de la définition évolutive de la liberté d’expression sur les médias sociaux.

[12] En outre, les demandeurs soutiennent que la SAR aurait dû se demander s’il était raisonnable de croire qu’une jeune fille de 13 ans pouvait déménager au Nigéria avec une [traduction] « épée de Damoclès au-dessus de la tête », et qu’elle était tenue d’évaluer la peur qu’une jeune adolescente pouvait nourrir et de déterminer si cette peur pouvait rendre une PRI déraisonnable. Même s’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant que les agents de persécution pouvaient la retrouver à Benin City, et même si elle ne risquait pas sérieusement de subir une MGF, la peur de la fille et le fait que ses parents puissent ne pas être en mesure de contrôler la situation auraient dû être pris en compte dans sa capacité à vivre sans crainte.

[13] Les demandeurs soutiennent que si la SAR avait déterminé que l’emplacement proposé pour la PRI était déraisonnable à la lumière des circonstances particulières de la fille, elle aurait pu conclure qu’aucun d’entre eux ne disposait d’une PRI raisonnable étant donné l’incapacité de la fille à vivre seule.

[14] Le défendeur fait valoir que le fait de ne pas soulever une question devant la SAR a une incidence sur la portée d’un appel, car il appartient au demandeur de relever les erreurs commises par la SPR et de formuler des observations en conséquence, comme l’exige l’alinéa 3(3)g) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 [Règles de la SAR]; Broni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 365, au para 15. Le défendeur affirme que M. Lawal a été nommé représentant désigné de sa fille et qu’il a été informé de son devoir d’agir dans l’intérêt supérieur de celle-ci; pourtant, ni les demandeurs ni leur avocat n’ont soulevé de question devant la SPR ou la SAR concernant l’utilisation des médias sociaux par la fille ou la crainte qu’elle avait d’aller dans la ville proposée pour la PRI. La SAR n’était pas tenue d’effectuer des recherches dans le dossier pour aider les demandeurs à faire valoir leur point de vue, et les demandeurs ne peuvent pas reprocher à la SAR de n’avoir pas pris en compte ou abordé des arguments qui n’ont pas été soulevés ou étayés par des éléments de preuve : Cruz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 22, au para 30.

[15] De plus, le défendeur affirme que le deuxième volet du critère de la PRI exige une « preuve réelle et concrète » de l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité des demandeurs s’ils devaient voyager ou se réinstaller temporairement en lieu sûr : Hamid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 145, au para 55 citant Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164, au para 15, 2000 CanLII 16789 CAF) [Ranganathan]; Mansour c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 40, au para 52 citant Ranganathan, au para 15. Les demandeurs n’ont pas présenté d’élément de preuve concernant l’activité de la fille sur les médias sociaux ni d’élément de preuve démontrant son incapacité à se réinstaller à Benin City en raison de sa crainte. Le défendeur fait valoir que la décision de la SAR est fondée sur les éléments de preuve dont elle dispose et qu’elle répond aux arguments présentés par les demandeurs en appel.

B. Analyse

[16] Le critère permettant de déterminer s’il existe une PRI viable est bien établi. Comme on peut le lire dans la décision Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), [1992] 1 CF 706, à la p 711, 140 NR 138 (CAF) :

[...] la Commission se devait d’être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant ne risquait pas sérieusement d’être persécuté [dans la ville proposée comme PRI] et que, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, la situation [dans la ville proposée comme PRI] était telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour l’appelant d’y chercher refuge.

[17] Les demandeurs ne contestent pas la conclusion du « premier volet » de la SAR selon laquelle ils ne risquent pas sérieusement d’être persécutés dans la ville de Benin City proposée comme PRI. La SAR a jugé que les allégations des demandeurs concernant la capacité de la famille élargie à les retrouver à Benin City étaient vagues et spéculatives, et a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir la capacité de la famille élargie à retrouver les demandeurs à Benin City.

[18] Pour ce qui est du second volet du critère de la PRI, il ressort clairement de la jurisprudence qu’il incombe au demandeur d’asile d’établir qu’il serait déraisonnable de chercher refuge dans une ville proposée comme PRI. S’il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils seraient à l’abri de la persécution établie en application du premier volet du critère de la PRI, ces derniers sont tenus de s’en prévaloir à moins qu’ils puissent démontrer qu’il serait objectivement déraisonnable de leur part de le faire : Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), [1994] 1 CF 589, à la p 7, 1993 CanLII 3011 (CAF) [Thirunavukkarasu].

[19] Les demandeurs soulignent à juste titre que le deuxième volet du critère de la PRI est un critère souple qui tient compte de la situation particulière du demandeur et du pays particulier en cause : Thirunavukkarasu, à la p 7. Toutefois, la SAR est limitée par les preuves admissibles et les faits dont le tribunal peut prendre connaissance : Vavilov, au para 106. Il incombait aux demandeurs de présenter des éléments de preuve et des arguments à l’appui de leur position selon laquelle il était déraisonnable de proposer Benin City comme PRI compte tenu de la situation particulière de la fille, et ils ne l’ont pas fait. L’affirmation des demandeurs selon laquelle les agents de persécution pourraient découvrir où se trouve la fille par le biais des médias sociaux n’est pas fondée sur les éléments de preuve et il ne s’agit pas d’un fait que la SAR aurait dû reconnaître d’office — d’autant plus que les demandeurs n’ont pas soulevé la question des médias sociaux devant la SPR ou la SAR, au titre de l’un ou l’autre volet du critère de la PRI (comme indiqué ci-dessus, les demandeurs ne contestent pas la conclusion du « premier volet » selon laquelle ils ne sont pas exposés à une possibilité sérieuse d’être persécutés dans la ville proposée comme PRI). De même, les demandeurs n’ont soulevé aucun élément de preuve établissant les craintes particulières de la fille ou le fait qu’elle devrait vivre avec une [traduction] « épée de Damoclès au-dessus de la tête » à Benin City. Par exemple, comme le souligne le défendeur, les demandeurs n’ont pas présenté d’évaluation psychologique. Les demandeurs ne relèvent aucun élément de preuve négligé par la SAR.

[20] En outre, les motifs de la SAR doivent être lus en fonction de l’historique et du contexte de l’instance dans laquelle ils ont été rendus, y compris les observations des demandeurs : Vavilov, au para 94. Comme l’expliquait notre Cour dans Kanawati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 12, au para 23, la décision de la SAR doit être examinée dans le contexte de la manière dont les demandeurs ont formulé leurs motifs d’appel, et la SAR n’est pas tenue d’examiner les erreurs potentielles qui n’ont pas été soulevées. La SAR a pris en compte et examiné le seul argument avancé par les demandeurs concernant le deuxième volet du critère de la PRI, à savoir si les demandeurs devraient vivre perpétuellement cachés à Benin City par crainte que la famille élargie de M. Lawal ne les trouve. La SAR a également pris en compte et examiné l’argument des demandeurs selon lequel la SPR n’avait évalué qu’un seul des risques signalés pour la fille, soit la circoncision, et n’avait pas tenu compte de deux autres risques qui avaient été signalés : les marques faciales et les rituels de purification. Je suis d’accord avec le défendeur quant au fait que la SAR ne peut être blâmée pour avoir omis d’examiner des arguments que les demandeurs n’ont pas soulevés ou étayés par des éléments de preuve en appel : alinéa 3(3)g) des Règles de la SAR; Ghauri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 548, au para 34.

[21] Je ne suis pas convaincue par l’argument des demandeurs, qui s’appuient notamment sur la décision Ward, selon lequel il incombait à la SAR de prendre en considération l’ISE et de procéder à un examen axé sur la situation de la fille en tant qu’enfant fuyant une MGF, même si les demandeurs n’ont pas soulevé cette question en appel devant la SAR. La SAR n’a pas pour rôle de combler les lacunes d’un appel dont elle est saisie : Dhillon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 321, aux para 18-20. En outre, il ne s’agit pas là de la question déterminante quant au présent contrôle judiciaire, car le dossier de la preuve ne fournit aucun élément factuel pour justifier l’évaluation qui, selon les demandeurs, aurait dû être effectuée par la SAR. Les demandeurs sont tenus de fournir des « éléments de preuve réels et concrets » pour étayer leurs arguments selon lesquels une PRI proposée serait déraisonnable : Ranganathan, au para 15. Le dossier ne comporte aucun élément de preuve — que ce soit relativement à l’utilisation faite par la fille des médias sociaux ou à ses craintes — qui rendrait la PRI proposée déraisonnable, et les demandeurs ne font état d’aucun autre facteur permettant de conclure que la réinstallation à Benin City est déraisonnable compte tenu de la situation particulière de la fille. En l’absence d’un fondement factuel qui permettrait à la SAR de conclure que la réinstallation à Benin City serait déraisonnable compte tenu de la situation particulière de la fille, les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait d’établir une lacune suffisamment grave pour que l’on puisse dire que la décision de la SAR ne satisfait pas aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov, au para 100.

IV. Question dont la certification est proposée

[22] Les demandeurs ont proposé la question suivante pour certification lors de l’audience :

[traduction] Lorsqu’un demandeur ne soulève aucune erreur de droit devant la SAR dans le cadre d’un appel d’une décision de la SPR, la SAR est-elle tenue de corriger cette erreur lorsque celle-ci est fondée sur le défaut d’appliquer correctement la définition de réfugié au sens de la Convention au dossier dont elle est saisie?

[23] Les demandeurs n’ont soulevé aucune question aux fins de certification dans leur mémoire écrit ni avisé le défendeur conformément aux Lignes directrices de cette Cour sur la pratique dans les instances intéressant la citoyenneté, l’immigration et les réfugiés, lesquelles sont datées du 5 novembre 2018. Le défendeur s’oppose à la question puisqu’il subirait un préjudice et qu’il n’y a aucune raison pour laquelle les demandeurs n’auraient pas pu soulever la question plus tôt. À titre subsidiaire, le défendeur demande la possibilité de présenter des observations en réponse. J’ai réservé ma décision quant à l’objection et mentionné à l’audience que si j’autorisais les demandeurs à soulever la question proposée, je réfléchirais à la possibilité de permettre au défendeur de présenter des observations écrites.

[24] Je me suis penchée sur la question de savoir si je devais certifier la question proposée à titre de question de portée générale au titre de l’alinéa 74a) de la LIPR. Le défendeur n’a pas à me fournir d’observations, car je ne crois pas que la question proposée par les demandeurs devrait être certifiée.

[25] La seule observation des demandeurs concernant la question proposée est que celle-ci répond aux exigences énoncées dans l’arrêt Lunyamila c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2018 CAF 22, aux para 3 et 46 [Lunyamila]. Je ne suis pas de cet avis.

[26] Pour qu’une question soit dûment certifiée aux termes de l’article 74 de la LIPR, la question proposée doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale : Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au para 36 [Lewis]. La question doit avoir été examinée par la Cour et doit découler de l’affaire elle-même, et non de la manière dont la Cour peut avoir tranché celle-ci : Lewis, au para 36.

[27] La question proposée pour certification ne répond pas à ce critère. La question proposée n’est pas déterminante pour la présente demande de contrôle judiciaire et ne serait pas déterminante quant à l’issue de l’appel : Lewis, au para 36; Lunyamila, aux para 3 et 46. La certification proposée constitue un renvoi de cette question à la Cour d’appel et il ne s’agit pas d’une question qu’il convient de certifier : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89, au para 12.

V. Conclusion

[28] Les demandeurs n’ont pas établi que la décision de la SAR était déraisonnable et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[29] J’ai examiné la question proposée pour certification et je refuse de la certifier .


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-6844-19

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6844-19

 

INTITULÉ :

IBRAHIM OLANREWAJU LAWAL, JEMILA ABIOLA LAWAL, ZAINAB AYOMIDE LAWAL, FUAD ABOLAJI LAWAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 MAI 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 SEPTEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Maureen Silcoff

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nick Continelli

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Silcoff, Shacter

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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