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                                                                                                                                 Date : 20040628

                                                                                                                    Dossier : IMM-2479-03

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 887

ENTRE :

                                             TOMAS HANDZO et EVA HANDZOVA

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 13 mars 2003, dans laquelle la Commission a conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention tel que cette expression est définie au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi).

[2]         Tomas Handzo et Eva Handzova sont des citoyens de la Slovaquie qui prétendent avoir une crainte fondée de persécution en Slovaquie en raison de leur origine ethnique rom.


[3]         La Commission a conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention tel que cette expression est définie au paragraphe 2(1) de la Loi parce qu'elle a conclu que leur demande n'était pas crédible.

[4]         D'abord, la Commission a constaté que même s'il est bien connu que les Roms sont traités comme des citoyens de deuxième classe en Slovaquie, les demandeurs étaient des Roms de la classe moyenne plutôt aisée, qui s'étaient assimilés à la société slovaque. Par conséquent, la Commission a conclu que les demandeurs ne faisaient pas partie de la catégorie de Roms qui sont normalement ciblés en Slovaquie. Comme ils s'étaient assimilés, les demandeurs vivaient à l'extérieur des peuplements roms de Slovaquie; il était donc raisonnable que, en l'absence d'éléments de preuve au contraire, la Commission tire la conclusion que les demandeurs n'avaient pas le profil des Roms qui s'exposent typiquement à un risque en Slovaquie.

[5]         En second lieu, la Commission a conclu que rien dans la demande des demandeurs n'appuyait leur prétention que les agressions perpétrées contre eux avaient une motivation raciste. Tout au long de la première audience, la Commission a entendu le témoignage de M. Robert Lee et l'a interrogé concernant l'apparence rom des demandeurs et leurs compétences linguistiques. C'est à bon droit que la Commission a évalué le témoignage de M. Lee comme elle l'a fait. Au cours de l'audience, la Commission a constaté que même s'il était un expert en ce qui concerne l'ethnicité rom, M. Lee n'avait aucune expérience particulière relativement aux Roms originaires de Slovaquie et qu'en fait, il ne s'était jamais rendu en Slovaquie. Par conséquent, après lecture des transcriptions de l'audience, je conclus que les prétentions des demandeurs selon lesquelles la Commission a ignoré le témoignage de M. Lee n'ont aucun fondement.


[6]         La Commission a également constaté que les demandeurs n'avaient réussi à fournir aucun élément de preuve corroborante au soutien des prétentions concernant la première agression, survenue en 1994. De plus, la Commission a constaté que le rapport médical concernant l'agression survenue en 1995 contredisait les prétentions des demandeurs de façon importante. En fait, les contradictions relevées par la Commission mettent sérieusement en doute les événements entourant l'agression survenue en 1995, laquelle se situe au coeur des prétentions des demandeurs. C'est à bon droit que la Commission a rejeté le rapport médical et a remis en question la crédibilité des demandeurs en se fondant sur ces contradictions importantes.

[7]         La Commission a retenu les mensonges entourant la résidence des demandeurs à Ottawa et leur séjour prolongé aux États-Unis comme une manifestation de la volonté des demandeurs de mentir à la Commission. Même si ces mensonges ne sont pas au coeur de la demande, je conclus que la Commission avait amplement de raisons de remettre en question la crédibilité des demandeurs en se fondant sur les incompatibilités décrites précédemment. Confrontés à ces nombreux doutes, les demandeurs ont été incapables de fournir des réponses satisfaisantes.


[8]         Enfin, la Commission a constaté que les demandeurs avaient passé dix-huit mois aux États-Unis immédiatement après les agressions alléguées et que, après leur séjour prolongé aux États-Unis, ils étaient rentrés en Slovaquie. Dans la décision Skretyuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 783 (C.F. 1re inst.) (QL), le juge Dubé a dit que la Commission doit tenir compte du comportement des demandeurs lorsqu'ils omettent de demander l'asile dans un pays signataire de la Convention. En effet, les demandeurs doivent demander l'asile le plus tôt possible, ou il se peut que la demande ne soit pas prise au sérieux (voir Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1758 (C.F. 1 re inst.) (QL)). Le fait que les demandeurs se soient retrouvés aux États-Unis pendant dix-huit mois immédiatement après les agressions alléguées et qu'ils n'aient jamais demandé l'asile permet en effet de remettre en question la crédibilité de leur crainte de persécution. De plus, le fait que les demandeurs soient rentrés en Slovaquie après leur séjour aux États-Unis donne à penser que les agressions alléguées n'ont pas donné lieu à une crainte subjective de persécution qui soit légitime. Il est important de rappeler que les demandeurs ont également attendu cinq mois avant de demander l'asile après leur arrivée au Canada. C'est un principe bien établi qu'un retard à présenter une demande d'asile peut avoir une incidence défavorable lors de l'évaluation de la crédibilité de la crainte subjective de persécution du demandeur; en effet, il est reconnu qu'une personne qui a une crainte fondée de persécution demanderait l'asile aussitôt qu'il lui serait possible de le faire. Dans la présente affaire, les demandeurs ont attendu cinq mois avant de présenter leur demande et la Commission pouvait à bon droit tenir compte de ce retard dans son évaluation de la crainte subjective de persécution des demandeurs.

[9]         Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                                    « Yvon Pinard »          

                                                                                                                                                     Juge                   

Ottawa (Ontario)

Le 28 juin 2004

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2479-03

INTITULÉ :                                                    TOMAS HANDZO et EVA HANDZOVA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 25 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                   LE 28 JUIN 2004

COMPARUTIONS:

Amina Sherazee                                                 POUR LES DEMANDEURS

Marcel Larouche                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Rocco Galati                                                     POUR LES DEMANDEURS

Galati, Rodrigues, Azevedo & Associates

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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