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Date : 20040915

Dossier : IMM-5511-03

Référence : 2004 CF 1247

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                             MARSIDA SALIAJ

FATJON SALIAJ

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande présentée conformément l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) en vue du contrôle judiciaire d'une décision (la décision) rendue le 20 juin 2003 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal). Dans cette décision, le tribunal a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


HISTORIQUE

[2]                Les demandeurs sont frère et soeur; ils sont citoyens de l'Albanie. Ils affirment craindre avec raison d'être persécutés par le Parti socialiste du fait de leurs opinions politiques, en leur qualité de partisans du Parti démocratique, et du fait de leur appartenance à un groupe social, à savoir une famille de partisans du Parti démocratique. La demanderesse fonde également sa demande sur son sexe.

[3]                Les demandeurs allèguent ce qui suit :

[TRADUCTION] Leur père était membre du Parti démocratique; il a été nommé secrétaire du PD pour le quartier d'Apollonia, à Fier, en 1996. Par suite de ses activités politiques, des menaces ont été proférées contre la famille;

Le 23 mai 1998, la demanderesse est devenue membre du forum des jeunes du PD. Elle organisait des réunions et parlait aux gens de la menace présentée par les socialistes et par les communistes;

Le 12 juillet 1998, des agents de la police secrète ont fouillé leur maison et ont détruit leurs effets. Le père a été détenu pendant 24 heures;

Tous les membres de la famille ont fait l'objet de menaces de la part des socialistes dans les rues;

Le père a été arrêté après avoir protesté contre le meurtre d'Azen Hajdari et il a été détenu pendant deux jours;

Le 7 août 1999, deux individus ont attaqué le demandeur et son ami. Ils ont constamment mentionné que le père était un activiste membre du PD;

Les partisans du PS ont attaqué le père le 27 novembre 1999;

Le demandeur n'était pas membre du PD, mais il a parlé du PD à ses amis pendant la campagne électorale qui était organisée en prévision des élections locales, au mois d'octobre 2000. La demanderesse participait également activement à la campagne;


Le père a été nommé président de la commission électorale du quartier. Trois jours avant les élections, la famille a reçu une note dans laquelle on intimait le père de coopérer avec le PS et de truquer les élections. Le 28 septembre 2000, des inconnus ont enlevé la demanderesse. Ils ont menacé de la tuer si son père ne coopérait pas avec le PS. Le père a accepté de coopérer et la demanderesse a été mise en liberté le lendemain;

Le père craignait pour la sécurité de ses enfants; il a fait en sorte que les demandeurs quittent l'Albanie le 12 octobre 2000. Ils sont arrivés au Canada le même jour et ils ont demandé l'asile.

DÉCISION VISÉE PAR L'EXAMEN

[4]                Le tribunal a conclu que les demandeurs ne craignaient pas avec raison d'être persécutés en Albanie pour un motif reconnu par la Convention. Il a également conclu que les demandeurs n'étaient pas des personnes à protéger. Il a conclu que la preuve des demandeurs n'était pas crédible et que leur demande n'avait aucun fondement objectif.

LES POINTS LITIGIEUX

[5]                Les demandeurs soulèvent les questions ci-après énoncées :

Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit en tirant une conclusion de crédibilité défavorable fondée sur une conclusion d'invraisemblance injustifiée pour ce qui est du comportement de la demanderesse avant son enlèvement?

Le tribunal a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve non contredite des demandeurs?


Le tribunal a-t-il commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de la preuve documentaire montrant que d'autres personnes avaient été enlevées pour des motifs d'ordre politique?

Le tribunal a-t-il commis une erreur en omettant de définir le genre de profil qui donnerait lieu à de la persécution?

LES ARGUMENTS

Les demandeurs

Absence de preuve d'enlèvements fondés sur des motifs d'ordre politique

[6]                Le tribunal a conclu qu'il était peu probable que la demanderesse ait été enlevée puisque aucun autre cas d'enlèvement fondé sur des motifs d'ordre politique n'avait été signalé.

[7]                Il s'agissait d'une conclusion importante puisque le tribunal semble avoir fondé sa conclusion de crédibilité sur ce point particulier.

[8]                Le tribunal ne conteste pas par ailleurs la crédibilité des demandeurs. Aucun commentaire n'est fait au sujet de la cohérence de leur preuve, de leur comportement, de la question de savoir s'il y avait des contradictions ou de l'authenticité de la preuve soumise à l'appui.

[9]                Les demandeurs affirment que le tribunal a commis une erreur de fait sur ce point.

[10]            Dans ses motifs, le tribunal dit ce qui suit :

La preuve documentaire ne fait état d'aucun cas d'enlèvements motivés par des motifs politiques. [...] Selon la prépondérance des probabilités, [le tribunal] conclut qu'il est raisonnable de supposer que si des partisans du PS kidnappaient des enfants pour intimider les parents membres du PD et les forcer à coopérer avec le PS, les médias ou différentes organisations non gouvernementales (ONG) en rendraient compte dans leurs rapports. Le tribunal en est arrivé à cette conclusion malgré les graves atteintes à la liberté des médias dont le conseil a fait mention.

Motifs, aux pages 6 et 7

[11]            Les demandeurs signalent qu'un rapport d'Amnistie internationale qui avait été mis à la disposition du tribunal mentionne en fait un cas d'enlèvement politique. Le tribunal n'a pas tenu compte de cet élément de preuve et il a fondé sa conclusion sur une erreur de fait.

[12]            Dans l'arrêt Adu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 114 (C.A.), le juge Hugessen a dit, au nom de la Cour d'appel fédérale, que la « présomption » selon laquelle le témoignage sous serment d'un demandeur de statut est véridique peut toujours être réfutée et, dans les circonstances appropriées, peut l'être par l'absence de preuves documentaires mentionnant un fait qu'on pourrait normalement s'attendre à y retrouver.

[13]            Toutefois, en l'espèce, il existait des éléments de preuve au sujet des enlèvements et d'autres actes de violence fondés sur des motifs d'ordre politique. Le tribunal semble avoir omis de tenir compte de ces éléments de preuve.


[14]            De fait, les demandeurs affirment que le tribunal disposait d'éléments de preuve montrant que les membres ordinaires du PD (qui n'étaient pas des représentants haut placés du PD) étaient battus en Albanie pour leurs opinions politiques :

[TRADUCTION] Au mois de mars, la police a arrêté Gjon Gjonaj, résident de Lezhe et partisan du PD, et l'a détenu à des fins de vérification au centre de détention préventive du poste de police de Rreshen; Gjonaj a par la suite été trouvé mort dans la cellule de la prison. La police a affirmé avec insistance que Gjonaj s'était suicidé à l'aide d'un couteau qu'il possédait, que les agents de police n'avaient pas découvert. Un groupe d'experts en médecine et en droit du gouvernement a confirmé que Gjonaj s'était suicidé; toutefois, les membres de sa famille et du PD ont rejeté cette explication.

Aucune autre mesure n'a été prise en vue de faire enquête sur le meurtre, en l'an 2000, d'un activiste membre du PD à Vlorë à la suite d'un rassemblement du parti, ou de faire enquête sur les allégations selon lesquelles plus de 21 membres du PD, partisans, représentants du gouvernement local et anciens représentants du parti national avaient été tués entre 1997 et 1999. Le PD a accusé le gouvernement d'avoir omis d'enquêter sur ces crimes d'une façon adéquate, en faisant remarquer qu'aucun suspect n'avait subi de procès pour les meurtres. Le gouvernement a mené son enquête sur le meurtre du chef du PD, Azem Hajdari, en 1998, et pendant l'année, la police a arrêté plusieurs individus soupçonnés d'avoir été impliqués dans ce meurtre; leur procès était encore en cours à la fin de l'année.

Pièce E : Rapport du Département d'État américain sur les droits de la personne, pages 1 et 2

TORTURE ET MAUVAIS TRAITEMENTS INFLIGÉS AUX ACTIVISTES ET JOURNALISTES DE L'OPPOSITION

Les cas ci-dessous décrits mettent presque tous en cause des membres ou des partisans du Parti démocratique, qui est particulièrement fort dans le nord du pays. Comme les gouvernements passés, les autorités actuelles hésitent souvent à reconnaître que les droits de la personne ne peuvent pas être reconnus sans accorder à ceux qui ont des vues contraires les mêmes garanties et la même protection qu'à ceux qui partagent les convictions du parti au pouvoir. En plus du préjudice causé aux victimes, pareille intolérance a des répercussions plus néfastes sur la vie politique, et perpétue les griefs et les divisions [...]


Au mois de novembre et pendant une partie du mois de décembre 2000, il y a eu des manifestations quotidiennes à Tirana de la part de partisans du Parti démocratique et d'autres partis de l'opposition qui s'élevaient contre le tripotage électoral présumé. Les manifestants ont à plusieurs reprises lancé des pierres et d'autres objets sur les agents de police et sur les immeubles publics et il y a également eu des incidents où des objets incendiaires ont été lancés. La plupart des observateurs ont déclaré que la police faisait en général preuve de retenue au cours des manifestations elles-mêmes, même si on la provoquait parfois considérablement. Toutefois, lorsque les manifestations prenaient fin et que les participants quittaient le centre de la ville, les agents de police arrêtaient un nombre considérable de manifestants (on a signalé plus de 1 000 arrestations au cours de cette période) et, selon de nombreux comptes rendus, les agents de police battaient et maltraitaient les personnes qui étaient arrêtées et détenues aux postes de police de Tirana, un grand nombre des détenus semblant avoir été identifiés comme des partisans possibles du Parti démocratique compte tenu du lieu de naissance mentionné sur leurs cartes d'identité et de leurs accents nordiques. Il y a eu des manifestations et des arrestations dans d'autres villes, notamment à Korçë.

Pièce D : Rapport d'Amnistie internationale : Torture et mauvais traitements : la fin de l'impunité, pages 1 ainsi que 9 à 13.

[15]            Les demandeurs affirment que le genre de torture infligée ou la façon dont le mal est causé ne devrait pas entrer en ligne de compte.

[16]            Les demandeurs affirment également que l'idée selon laquelle la preuve documentaire doit expressément faire mention d'enlèvements est trop extrême. Ils ne sont pas tenus de mentionner des cas dans lesquels d'autres personnes ont été traitées d'une façon identique, mais ils sont uniquement tenus de mentionner des cas dans lesquels d'autres personnes ont été traitées d'une façon similaire.

[17]            Les demandeurs affirment qu'il est abusif de soutenir que les personnes qui se livrent à des abus en matière de droits de la personne doivent s'en tenir à une forme prescrite d'abus. Ces personnes peuvent à discrétion avoir recours à l'enlèvement, même si cela ne se produit qu'une seule fois.


[18]            La décision est fondée sur la conclusion selon laquelle il n'existe aucune preuve documentaire d'enlèvement en Albanie, de sorte que l'enlèvement de la demanderesse ne pouvait pas avoir eu lieu. Le tribunal n'a fait aucun cas de la preuve contradictoire et a commis une erreur susceptible de révision.

[...] Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont il n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

Mahmood c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 CFPI 270 (1re inst.)

[19]            Les demandeurs affirment que la conclusion que le tribunal a tirée sur ce point était erronée en fait et en droit.

Remise en question inéquitable de la crédibilité des demandeurs - vraisemblance de l'enlèvement de la demanderesse

[20]            Le tribunal a conclu qu'il était peu probable que la demanderesse ait été laissée seule avec sa mère à la maison étant donné la menace que présentait le PS.

[21]            La demanderesse a témoigné que sa mère et elle étaient de fait à la maison. Toutefois, la porte était verrouillée. Elles étaient à l'intérieur. Eu égard aux circonstances, elles ont pris des précautions adéquates.

[22]            Le tribunal croyait que les demanderesses auraient pu prendre des précautions additionnelles ou des précautions différentes, mais cela ne veut pas dire que les mesures qu'elles ont prises étaient en tant que telles déraisonnables ou irréfléchies.

[23]            Les demandeurs soutiennent que le simple fait que la demanderesse était seule avec sa mère dans une maison dont la porte était verrouillée ne permet pas de ne pas croire qu'elles étaient menacées.

[24]            Le tribunal n'a pas cru que la demanderesse était sortie pour aller chercher des médicaments lorsque sa mère était tombée malade.

[25]            La demanderesse a témoigné qu'elle ne s'attendait pas à ce que l'état de sa mère s'aggrave énormément ce jour-là. Lorsque l'état de la mère a empiré, cela a créé une urgence qui a obligé la demanderesse à sortir.

[26]            Les demandeurs soutiennent qu'il n'est pas invraisemblable que les gens tombent malades ou que des urgences médicales se produisent.

[27]            Il n'était donc pas invraisemblable que la demanderesse, lorsqu'elle a eu à faire face à une urgence médicale, se soit vue contrainte à sortir et à aller chercher des médicaments.

[28]            Le tribunal considérait comme une « coïncidence » le fait que la demanderesse avait été enlevée lorsqu'elle était sortie.

[29]            Toutefois, si l'on reconnaît que le PS menaçait d'enlever la demanderesse, il n'est pas déraisonnable d'inférer que la demanderesse a été enlevée puisqu'il y avait une menace véritable et que le PS cherchait une occasion de mettre ses menaces à exécution.

[30]            Selon les demandeurs, il s'agit d'un cas dans lequel le tribunal n'a tiré aucune conclusion défavorable au sujet du profil politique du père et de tous les actes passés de persécution.

[31]            Le tribunal n'a pas expressément mis en doute le fait que les demandeurs avaient fait l'objet de menaces par le passé ou que le père avait été battu si grièvement qu'il avait perdu un oeil.

[32]            La seule conclusion défavorable de crédibilité que le tribunal a expressément tirée se rapportait à la question de savoir si la demanderesse avait été enlevée après que tous ces événements se furent produits.

[33]            Le tribunal n'a pas conclu que la preuve était incohérente ou que le comportement des demandeurs n'était pas approprié, ou encore que la preuve sur ce point était contredite par d'autres éléments de preuve précis.

[34]            En l'absence d'incohérences, de contradictions ou de comportement inapproprié, rien ne permettait de rejeter le témoignage des demandeurs.

[35]            Les demandeurs soutiennent que l'appréciation d'invraisemblance que le tribunal a faite est superficielle et fort subjective et que cela constitue une erreur susceptible de révision. Voir Anwar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1077 (1re inst.); Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.); Nikolai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 CFPI 55 (1re inst.); Yukselir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 180.

[36]            Les demandeurs affirment également qu'ils ne se sont pas comportés d'une façon déraisonnable en s'enfermant dans une maison dont la porte était verrouillée à la suite des menaces dont ils avaient fait l'objet. En outre, la demanderesse ne s'est pas comportée d'une façon déraisonnable en allant chercher des médicaments lorsque sa mère était tombée gravement malade. Il n'y avait rien d'invraisemblable en soi dans leur témoignage.

Omission de tenir compte de la preuve relative au profil politique du père des demandeurs

[37]            Les demandeurs signalent que le père n'était pas un activiste ordinaire. Il occupait un poste important au sein du PD.

[38]            Le tribunal a donné à entendre que seuls les activistes bien connus étaient persécutés. Le tribunal a commis une erreur parce qu'il n'a pas cité d'exemples du genre de profil donnant lieu à des actes de persécution.

[39]            Les demandeurs affirment que le père avait sans aucun doute un profil plus important que celui de l'activiste ordinaire. L'activiste ordinaire n'est pas élu à un poste de direction au sein du PD.

[40]            La preuve documentaire dont disposait le tribunal traitait de la persécution [TRADUCTION] d' « activistes » ou de [TRADUCTION] « membres » et d'un secrétaire. Le profil de ces personnes n'était pas plus important que celui du père des demandeurs.

[41]            Les demandeurs affirment que l'absence d'explications de la part du tribunal au sujet de ce qui constitue un [TRADUCTION] « profil important » donne lieu à une erreur susceptible de révision. L'omission du tribunal de faire une distinction entre les demandeurs et les cas mentionnés constitue une erreur. Les demandeurs croient que la distinction que le tribunal a faite entre leur cas et ceux dans lesquels le tribunal estimait qu'il y avait un risque était arbitraire.


Conclusion des demandeurs

[42]            Les demandeurs affirment que le tribunal a commis une erreur de fait. Le tribunal a conclu que les documents ne renfermaient aucune preuve d'enlèvement fondé sur des motifs d'ordre politique. Or, il existait en fait une telle preuve.

[43]            Le tribunal a également commis une erreur de droit. Le tribunal n'aurait pas dû exiger la preuve d'autres enlèvements. L'absence de pareille preuve ne constituait pas un motif permettant d'attaquer la crédibilité des demandeurs. La preuve d'un milieu dans lequel les activistes de l'opposition étaient battus, illégalement arrêtés et même tués était suffisante pour étayer la possibilité selon laquelle la demanderesse avait été enlevée.

[44]            Le tribunal a commis une erreur de fait et de droit en attaquant la crédibilité des demandeurs. Leur preuve n'a pas été contredite. Au contraire, elle était étayée par les faits.


[45]            Le tribunal a également commis une erreur de fait et de droit lorsqu'il a examiné les profils politiques des demandeurs. Le père des demandeurs n'était pas un membre ordinaire. Il avait un profil politique. Le tribunal a laissé entendre que seules les personnes qui avaient un profil politique important étaient persécutées. Pourtant, le tribunal n'a pas tenu compte de la preuve selon laquelle les activistes dont le profil était semblable ou inférieur à celui du père étaient persécutés. En outre, le tribunal n'a pas défini le profil qui aurait mis les demandeurs en danger, de sorte que la décision est arbitraire.

Le défendeur

[46]            Le défendeur affirme que les demandeurs craignaient d'être persécutés par les partisans du PS parce que leur père était affilié au PD. Ils ont allégué que le père était membre et secrétaire du PD. Quant à leur propre profil politique, le demandeur n'a jamais été membre du PD; cependant, la demanderesse était activement membre du forum des jeunes du PD. Les demandeurs ont affirmé que la famille était harcelée parce qu'elle était associée au PD. Ils ont également allégué qu'au mois de septembre 2000, des inconnus avaient enlevé la demanderesse pour contraindre le père, qui avait été nommé président de la commission électorale locale, à coopérer avec le PS et à truquer les élections.

[47]            Le tribunal a tenu compte de la preuve des demandeurs dans son ensemble et a constaté que certaines questions avaient pour effet de laisser planer un doute sur son exactitude. Dans ses motifs, le tribunal a expressément traité du présumé enlèvement qui aurait eu lieu au mois de septembre 2000 et sur lequel portait la principale allégation. C'est après cet enlèvement que les parents ont conclu que les demandeurs ne seraient pas en sécurité en Albanie et ont décidé d'envoyer les demandeurs à l'étranger. Le tribunal a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le présumé enlèvement ne s'était pas produit, et ce, pour les raisons suivantes :

a) la preuve objective ne disait rien au sujet de l'enlèvement d'enfants ou de membres de la famille par le PS en vue d'intimider les membres et partisans du PD rival;


b) selon le propre témoignage des demandeurs, la famille était trop protectrice pour mettre la demanderesse dans une situation où elle serait contrainte à quitter la maison un jour après que sa sécurité et celle de son frère eurent été menacées.

[48]            Quant à la norme de contrôle qui s'applique à une conclusion de crédibilité, le juge Décary a dit ce qui suit dans l'arrêt Aguebor :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.), au paragraphe 4.

[49]            La présente cour a également statué que, pour qu'une appréciation de crédibilité puisse être mise de côté, il doit exister une erreur manifeste :

La Cour ne mettra pas de côté l'appréciation de crédibilité de la Section du statut, à moins qu'il n'y ait erreur manifeste de sa part. Le fait qu'une conclusion contraire ne serait pas plus déraisonnable que celle de la Section du statut n'aide pas le demandeur. Le fait que la Cour doute de la décision de la Section sur un point ou l'autre n'autorise pas celle-ci à substituer son opinion pour celle de la Section de statut.

Stoica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1466 (1re inst.).

[50]            Le défendeur soutient qu'il était avec raison loisible au tribunal de ne pas croire l'allégation d'enlèvement, compte tenu en particulier du fait que la preuve documentaire ne mentionnait pas l'utilisation de cette tactique d'intimidation de la part du PS et de ses partisans.

[51]            Les demandeurs affirment que le tribunal a commis une erreur en concluant qu'aucune preuve objective ne corroborait l'allégation d'enlèvement. Le défendeur soutient que la preuve documentaire mentionnée par les demandeurs ne corrobore pas leur histoire d'enlèvement. La preuve établit au mieux que la police et les autorités détiennent et harcèlent parfois illégalement les membres et partisans du PD.

[52]            Le tribunal pouvait avec raison s'attendre à ce que la preuve documentaire mentionne le recours à l'enlèvement comme tactique d'intimidation de la part du PS. Dans la décision Gomez-Carrillo, le juge Gibson a examiné la question de savoir si le tribunal, dans ce cas-là, avait commis une erreur en accordant plus de poids au silence de la preuve documentaire qu'au témoignage que le demandeur avait donné sous serment et à l'avis de trois experts :

[...] Il faut noter que l'absence de mention de la persécution de déserteurs militaires dans les suites d'une guerre civile où des violations de droits civils étaient si notoires dans les premières années de cette décennie, et où la surveillance et le compte rendu des violations des droits de la personne continuent d'être considérables, est une question, j'en suis convaincu, dont le tribunal était en droit de prendre note et sur laquelle il peut s'appuyer pour réfuter la présomption en faveur du témoignage sous serment du requérant. [...]

Gomez-Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1396 (1re inst.), au paragraphe 13.

[53]            Le juge Blais a adopté le raisonnement qui avait été fait dans la décision Gomez-Carrillo et a statué qu'il n'était pas manifestement déraisonnable pour un tribunal de la SPR de rejeter l'histoire de persécution d'un demandeur de statut lorsqu'il était raisonnable de s'attendre à trouver dans la preuve documentaire des mentions étayant la demande (Bodokia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 390 (1re inst.), au paragraphe 25).


[54]            Le défendeur affirme en outre que l'appréciation de la preuve objective est une question relevant du mandat du tribunal. Dans la décision Conkova, le juge Pelletier avait ceci à dire sur ce point :

La question litigieuse en l'espèce porte sur l'appréciation que la SSR a faite de la preuve, un aspect de l'affaire qui relevait clairement de son mandat et son champ d'expertise. Le point de vue que la SSR a adopté à l'égard de la preuve était raisonnable, tout comme l'aurait été le point de vue opposé. La preuve, comme c'est si souvent le cas, est ambiguë et équivoque. Certains éléments de preuve étayent le point de vue des demandeurs, alors que d'autres le minent. Il incombe à la SSR de tenir compte de tous les éléments de preuve (ce qui ne l'oblige toutefois pas à mentionner expressément chaque élément de preuve qu'elle examine), de les soupeser, et de parvenir à une conclusion. Toute conclusion qu'elle tire qui n'est pas erronée à première vue n'est pas manifestement déraisonnable.

Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (1re inst.), au paragraphe 5.

[55]            La présente cour a également statué qu'un demandeur ne peut pas « disséquer » la preuve et n'utiliser que des parties particulières isolément pour confirmer son point de vue (Juarez-Yarleque c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 57 (1re inst.), aux paragraphes 31 à 33).

[56]            Le défendeur soutient qu'il était avec raison loisible au tribunal de conclure à l'invraisemblance de l'allégation d'enlèvement. Le tribunal a fondé sa conclusion sur la preuve objective et sur le témoignage que les demandeurs avaient eux-mêmes présenté au sujet des mesures que leurs parents avaient prises depuis 1997 pour les protéger. Il a également noté que la demanderesse avait quitté la maison un jour après que son frère et elle eurent fait l'objet de menaces. Le défendeur soutient que ces raisons permettent de conclure que l'enlèvement n'avait pas eu lieu.


[57]            Le défendeur soutient également que le tribunal pouvait à bon droit tirer des conclusions de plausibilité en se fondant sur la façon dont il interprétait une conduite humaine plausible. Dans la décision Gonzalez, la juge Sharlow a fait les remarques suivantes à ce sujet :

[27]          La Cour est d'avis que la SSR était en droit d'évaluer la conduite de la demanderesse comme elle l'a fait, en tenant compte de son récit, de même que de la manière dont il a été livré et vérifié au cours de l'audience, avec comme arrière-plan les autres preuves et sa propre perception du comportement humain. L'opinion de la Cour est appuyée par les observations du juge O'Halloran dans l'affaire Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, à la page 357 (C.A.C.-B.) :

[TRADUCTION] En résumé, le véritable critère de la véracité du récit d'un témoin [...] doit être sa compatibilité avec la prépondérance des probabilités qu'une personne raisonnable et informée reconnaîtrait d'emblée comme étant raisonnable à cet endroit et dans ces conditions.

[28]          La Cour ne voit rien dans l'affaire Giron qui soit incompatible avec cette conclusion. Elle se réfère à cet égard aux commentaires du juge Décary dans l'affaire Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), aux pages 316 et 317 :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

[29]          Il ressort clairement de cet extrait que la SSR a compétence pour tirer des conclusions relatives à la plausibilité de la conduite humaine. Si une preuve pertinente quant à cette question est présentée, par exemple sous forme d'expertise par un psychologue ou un sociologue, la SSR se doit d'en tenir compte au même titre que les autres preuves qui lui sont soumises. Cependant, la Cour ne croit pas qu'une telle preuve soit requise dans tous les cas, ou dans le cas présent. [...]

Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 805 (1re inst.), aux paragraphes 27 à 29.


[58]            Les demandeurs soutiennent que le tribunal n'a pas tenu compte du profil politique de leur père. Le défendeur affirme que le tribunal était au courant du profil du père. Aux pages 1 à 3 des motifs de sa décision, il a résumé ce en quoi consistait la participation politique du père. Quoi qu'il en soit, le profil politique du père avait une pertinence restreinte en l'espèce. Il s'agissait de savoir si les demandeurs craignaient d'être persécutés et non de savoir à quel danger le père faisait face (De Busto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 262 (1re inst.), au paragraphe 4).

ANALYSE

Quelle est la norme de contrôle à appliquer à la décision du tribunal?

[59]            Dans l'arrêt Aguebor, aux pages 316 et 317, la Cour d'appel fédérale a traité de la norme de contrôle à appliquer aux décisions de la Section du statut :

4.              Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

[60]            Il est maintenant bien établi que la présente cour ne devrait pas chercher à soupeser de nouveau la preuve dont disposait le tribunal simplement parce qu'elle serait arrivée à une conclusion différente. Dans la mesure où certains éléments de preuve étayent la conclusion de crédibilité du tribunal et où aucune erreur dominante n'a été commise, la décision ne devrait pas être modifiée.


[61]            Le tribunal dit qu'il « a examiné la preuve des demandeurs d'asile dans son ensemble et a relevé certains aspects qui l'ont amené à douter de sa véracité en ce qui concerne des éléments importants des demandes d'asile » , mais dans sa décision il ne rejette pas les demandes pour le motif qu'elles ne sont en général pas crédibles; il met plutôt l'accent sur l'enlèvement et sur le bien-fondé des craintes des demandeurs « compte tenu de leur propre profil politique et du fait qu'ils sont les enfants d'un activiste du PD » .

[62]            En ce qui concerne l'enlèvement dont la demanderesse aurait fait l'objet, le tribunal a conclu ce qui suit : « Selon la prépondérance des probabilités, le tribunal conclut que la demandeure d'asile principale n'a pas été kidnappée le 28 septembre 2000. Il fonde cette conclusion sur le témoignage qu'a donné la demandeure d'asile principale pour décrire cet événement et sur les documents d'information dont il a été saisi. »

[63]            Les motifs invoqués à l'appui de la conclusion selon laquelle la demanderesse n'avait pas été enlevée figurent dans la décision :

1.          le témoignage de la demanderesse ne comportait pas de détails indiquant que l'événement s'était réellement produit;

2.          l'enlèvement était invraisemblable étant donné l'attitude protectrice de la famille envers la demanderesse;

3.          les pièces documentaires ne faisaient pas état de disparitions fondées sur des motifs d'ordre politique.

[64]            Le tribunal a cité avec raison l'arrêt Pedro Enrique Juarez Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, à l'appui de la thèse selon laquelle « [l]orsqu'un demandeur jure que certains faits sont véridiques, il existe une présomption qu'ils le sont, à moins qu'il y ait des raisons valables de douter de leur véracité » . Toutefois, le tribunal a conclu qu'il y avait lieu de douter que l'enlèvement avait eu lieu et il a donné à l'appui ses motifs en termes clairs.

[65]            Les demandeurs contestent chacun des motifs énoncés par le tribunal. Premièrement, ils invitent la Cour à examiner le dossier et à conclure que des détails adéquats avaient été donnés pour montrer que l'événement s'était réellement produit. Quant à la conclusion d'invraisemblance fondée sur le comportement protecteur de la famille, les demandeurs affirment [TRADUCTION] qu' « il n'est pas invraisemblable que les gens tombent malades ou que des urgences médicales surviennent » , de sorte qu'il n'était pas invraisemblable que la demanderesse, lorsqu'elle a eu à faire face à pareille urgence, se soit vue contrainte de sortir.


[66]            Quant au fait que le tribunal a mentionné qu'il existait fort peu d'éléments de preuve objectifs au sujet des disparitions fondées sur des raisons d'ordre politique, les demandeurs disent que ce point de vue est trop strict et que le tribunal aurait dû tenir compte de la preuve qui existait au sujet des mauvais traitements infligés par la police et du fait qu'on avait signalé un incident précis dans lequel un membre du PD auquel on avait mis des menottes avait été amené dans une fourgonnette jusqu'à un champ où il avait été battu par des agents de police. En d'autres termes, il existait une preuve d'enlèvement fondé sur des raisons d'ordre politique.

[67]            À vrai dire, chacun des motifs peut être ainsi remis en question. J'ai lu le compte rendu que la demanderesse a fait au sujet de l'enlèvement, lequel figure dans la transcription, et il semble être d'une certaine façon de nature générale. Encore une fois, l'aspect invraisemblable n'est pas dénué de fondement et la preuve documentaire, même s'il y est fait mention d'abus, n'étaye pas réellement fortement la version que la demanderesse a donnée au sujet de ce qui lui était arrivé. Il me semble que le tribunal n'a pas rejeté la preuve ou omis d'en tenir compte; il a simplement dit qu'il ne pouvait trouver dans les rapports aucun cas « d'enlèvement motivé par des raisons d'ordre politique » étayant le genre de problème que la demanderesse affirme avoir eu. Les demandeurs mentionnent le cas Tonin Kolthi mentionné dans le rapport d'Amnistie internationale, mais ce rapport ne porte pas sur une « disparition » ; il traite plutôt de la brutalité de la police.


[68]            Je me rends bien compte qu'il est possible d'arriver à une conclusion différente de celle à laquelle le tribunal est arrivé sur ce point. Toutefois, ce qui importe, c'est que tous les motifs pour lesquels on n'a pas cru que l'enlèvement avait eu lieu doivent être considérés cumulativement. Cela étant, et compte tenu du fait qu'une appréciation de la plausibilité du témoignage de la demanderesse elle-même relève pleinement de la compétence du tribunal (voir Aguebor), en ce qui concerne la preuve objective, la présente affaire est carrément visée par la situation que le juge Pelletier a décrite dans la décision Conkova, précitée, au paragraphe 5. Comme c'est souvent le cas, la preuve est ambiguë et équivoque.

[69]            J'ai examiné ce que le tribunal a fait en l'espèce et je ne puis dire que la conclusion qu'il a tirée au sujet du présumé enlèvement est manifestement déraisonnable, même si je reconnais qu'il est possible de remettre en question cette conclusion sur certains points et qu'une conclusion différente n'aurait pas été déraisonnable.

[70]            Cependant, les demandeurs vont plus loin et affirment qu'aucune conclusion défavorable de crédibilité n'a été faite dans la décision en ce qui concerne d'autres aspects de leur témoignage; pourtant, le tribunal a conclu que la crainte de persécution n'était pas fondée et que les demandeurs n'étaient pas des personnes à protéger contre le danger mentionné.

[71]            À mon avis, la décision indique d'une façon évidente la raison pour laquelle il n'était pas nécessaire de tirer une conclusion défavorable générale relative à la crédibilité pour arriver à cette conclusion. Le tribunal a examiné « les risques auxquels étaient exposés les demandeurs d'asile compte tenu de leur propre profil politique et du fait qu'ils [étaient] les enfants d'un activiste du PD » ainsi que « la preuve documentaire relativement au traitement réservé aux membres du PD et à leur famille, plus précisément en rapport avec les élections locales du 1er octobre et les élections générales de juin/juillet 2001 [et] d'autres rapports récents provenant d'une variété de sources indépendantes et fiables » .


[72]            Les conclusions tirées sont ci-après énoncées :

Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, le tribunal conclut qu'il n'existe pas de possibilité sérieuse que le gouvernement socialiste ou la police persécutent les demandeurs d'asile en raison de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe social, à savoir une famille de partisans du PD, s'ils retournent en Albanie.

[...]

Le tribunal a pris en considération d'autres risques auxquels pourraient être exposés les demandeurs d'asile, compte tenu notamment des témoignages de ces derniers relativement aux conditions de vie en Albanie. La preuve documentaire fournit également de l'information au sujet des violations des droits de la personne, des difficultés économiques et d'autres problèmes qui existent en Albanie. Le tribunal peut comprendre pourquoi un parent voudrait que ses enfants quittent l'Albanie. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal estime que les risques décrits ne sont pas exclusifs aux demandeurs d'asile. Il s'agit de risques généralisés. Par conséquent, le tribunal conclut que les demandeurs d'asile n'ont pas qualité de personnes à protéger puisqu'ils ne seraient pas personnellement, par leur renvoi en Albanie, exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. De plus, le tribunal conclut que les demandeurs d'asile n'ont pas qualité de personnes à protéger puisqu'il n'y a pas de motifs sérieux de croire qu'ils seraient personnellement, par leur renvoi en Albanie, exposés au risque d'être soumis à la torture.

[73]            Puisqu'il avait été conclu à l'absence d'enlèvement, le reste de la preuve dans son ensemble n'étayait pas les demandes.

[74]            En d'autres termes, il n'était pas nécessaire de tirer une conclusion générale de non-crédibilité. Le tribunal a soupesé toute la preuve; conformément aux décisions Aguebor et Stoica ainsi qu'à une série d'autres décisions, je ne puis conclure que les conclusions tirées par le tribunal étaient si déraisonnables qu'elles justifiaient l'intervention de la Cour.

[75]            Je me rends bien compte qu'on est loin de s'entendre sur ce que la preuve donne à entendre pour ce qui est du sort des demandeurs et, comme le tribunal l'a lui-même dit, il pouvait « comprendre pourquoi un parent voudrait que ses enfants quittent l'Albanie » , mais la détermination de la question de savoir si les demandeurs sont admissibles à titre de réfugiés ou à titre de personnes à protéger obligeait le tribunal à tenir compte de toute la preuve, à la soupeser et à tirer une conclusion. J'ai examiné la décision dans son ensemble et je suis d'avis que le tribunal n'a pas fondé ses conclusions sur des conclusions d'invraisemblance injustifiées et qu'il n'a pas omis de tenir compte d'éléments de preuve non contredits ou de la preuve documentaire montrant que d'autres personnes avaient été enlevées pour des raisons d'ordre politique. De plus, à mon avis, le tribunal a tenu compte comme il se doit des profils politiques des demandeurs et de leur famille. Il ne s'agissait pas d'une décision facile eu égard aux faits de l'affaire mais, en fin de compte, je ne puis dire que le tribunal s'est trompé de façon telle que l'intervention de la Cour est justifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est rejetée.

2.          Il n'y a pas de question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-5511-03

INTITULÉ :                                                                MARSIDA SALIAJ et al.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE LUNDI 21 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                               le 15 septembre 2004

COMPARUTIONS :

David Yerzy                                                                  pour les demandeurs

Tamrat Gebeyehu                                                          pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Yerzy

Avocat

14, avenue Prince Arthur, bureau 108

Toronto (Ontario)

M4R 1A9                                                                     pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20040915

                    Dossier : IMM-5511-03

ENTRE :

MARSIDA SALIAJ

FATJON SALIAJ

                                        demandeurs

                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                            

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