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Date : 20210922


Dossier : IMM-6885-19

Référence : 2021 CF 975

Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2021

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

CARLES PUIGDEMONT CASAMAJO

demandeur

et

LE MINISTRE D’IMMIGRATION, RÉFUGIÉS ET CITOYENNETÉ CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Carles Puigdemont Casamajo, cherchait à venir au Canada à titre de visiteur. Plutôt que de requérir un visa de résident temporaire, il pouvait bénéficier de l’alinéa 190(1)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 qui, pour les citoyens de pays figurant à l’annexe 1.1 du Règlement, permet une exemption à l’obtention de visa. Étant un citoyen de l’Espagne, l’un des pays se retrouvant à l’annexe 1.1, l’exemption s’appliquait à lui. Par ailleurs, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [LIPR], fait en sorte qu’une autorisation de voyage électronique est quand même requise. C’est le paragraphe 11(1.01) de la LIPR qui prévoit le tout. Ce paragraphe est ainsi rédigé :

(1.01) Malgré le paragraphe (1), l’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander l’autorisation de voyage électronique requise par règlement au moyen d’un système électronique, sauf si les règlements prévoient que la demande peut être faite par tout autre moyen. S’il décide, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi, l’agent peut délivrer l’autorisation.

(1.01) Despite subsection (1), a foreign national must, before entering Canada, apply for an electronic travel authorization required by the regulations by means of an electronic system, unless the regulations provide that the application may be made by other means. The application may be examined by an officer and, if the officer determines that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act, the authorization may be issued by the officer.

[2] Le Demandeur a fait une telle demande, deux fois plutôt qu’une. Après de nombreux échanges avec les mandataires du Ministre, la demande d’autorisation de voyage électronique (AVE) a été refusée au Demandeur. C’est de ce refus dont il demande le contrôle judiciaire en vertu de l’article 72 de la LIPR.

[3] Comme on aura pu le constater à la lecture du libellé du paragraphe 1.01, l’agent d’immigration délivrera ladite autorisation si la personne demandant l’autorisation de voyager n’est pas interdite de territoire et se conforme à la présente Loi.

I. Les faits

[4] Bien avant la tenue d’un référendum sur l’indépendance de la Catalogne, de nombreuses péripéties judiciaires ont eu lieu en Espagne dans le but d’empêcher la tenue d’un tel référendum. À la suite du référendum tenu le 1er octobre 2017, les autorités espagnoles ont émis un mandat d’arrestation à l’égard du Demandeur. Il était alors le cent-trentième Président de la Catalogne et on lui reprochait diverses infractions. À la lecture des différents documents qui ont été déposés par le Demandeur aux fins d’obtenir l’autorisation de voyage électronique, on croit comprendre que ces infractions incluraient la rébellion, sédition, détournement de fonds, prévarication et désobéissance. C’est la teneur de ces différentes accusations qui, en fin de compte, est au cœur du débat qui amène cette affaire devant notre Cour. Il est aussi incertain s’il s’agit là des seules infractions et si elles pèsent toujours contre le Demandeur.

[5] Monsieur Puigdemont a quitté l’Espagne après le referendum. Il s’est au moins retrouvé en Allemagne où il a fait l’objet de procédures en extradition demandée par l’Espagne. Ces procédures ont échoué le 12 juillet 2018, alors que le Demandeur avait été arrêté en Allemagne le 25 mars de la même année.

[6] Il semble bien que le Demandeur ait trouvé résidence depuis en Belgique où, croit-on, il serait toujours.

[7] Il y eut un certain imbroglio autour de la demande d’autorisation de voyage électronique. Une première demande a été présentée le 26 février 2019. À la question de savoir si M. Puigdemont était accusé d’une infraction pénale quelconque dans n’importe quel pays, le formulaire répondait « non ». C’était inexact. Ultimement, une seconde demande d’autorisation de voyage électronique a été faite où, cette fois, le demandeur a répondu « oui » à cette même question. Cependant, dans les détails qui étaient fournis, le demandeur aura procédé à la qualification suivante:

Arrested on 2018/03/25 in Germany under an European Arrest Warrant issued by Spain. The EAW was turned down by Schleswig-Holstein Hight Court (Germany) on 2018/07/12 and I was released from all charges. This is part of a political Spanish prosecution against me as 130th President of Catalonia.

[8] L’impression qui se dégage de ce court extrait pouvait être que les accusations auraient été abandonnées. S’il est vrai que la demande d’extradition aura été refusée en Allemagne, il semble que les accusations portées en Espagne n’avaient pas été retirées. Comme on aurait pu s’y attendre, l’agent d’immigration a poursuivi ses recherches afin d’en savoir plus sur les accusations. Ainsi, il écrivait à l’avocat représentant les intérêts du demandeur au Canada, le 9 mai 2019, pour requérir plus d’information. Il notait qu’une recherche faite dans plusieurs médias publics établissait que les accusations criminelles ont été portées contre le Demandeur. Il notait de plus que de telles accusations doivent être revues plus attentivement afin d’établir si des correspondances pourraient exister avec le Code criminel canadien. Il serait possible que de telles accusations puissent se solder en un interdit de territoire en vertu de l’article 36 de la LIPR (criminalité et grande criminalité).

[9] L’agent d’immigration devait dans cette même lettre du 9 mai 2019 demander de façon expresse des informations officielles précises à l’égard des accusations. Il écrivait ceci :

Afin de poursuivre l’étude de votre demande nous avons besoin des documents suivants :

- Document(s) des autorités judiciaires espagnoles décrivant les accusations auxquelles vous faites face dans ce pays (exemples de documents qui pourraient contenir ces informations, sans être exhaustif : mise en accusation, mandat d’arrêt, etc…).

- Extraits des lois et règlements espagnols pertinents qui y sont cités.

- Vos explications en regard des faits qui vous sont reprochés.

[10] Il semble que le Demandeur n’ait eu pour réponse à la demande expresse de l’agent d’immigration que quelques 300 pages, sans ordre particulier, transmisses à l’aide de trois courriels. Cette réponse est venue le 28 mai.

[11] L’agent d’immigration aura commenté aux notes au dossier, qui font partie de la décision rendue (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 RSC 817, para 44), que malgré sa demande claire quant à l’information attendue, « Nous n'avons pas de document des autorités espagnoles nous permettant d'établir toutes les accusations et toutes les conséquences/peines possibles sous leur code criminel. Il est impossible d'effectuer une analyse d'équivalence correcte ». Le 7 juin 2019, l’agent d’immigration réitérait sa demande de renseignements; on y indiquait que 282 pages avaient été fournies. L’agent d’immigration remarquait que « bien que plusieurs documents fassent état des accusations en Espagne et permettent de faire des inférences, nous constatons l’absence d'un document unique, émis par une autorité compétente en la matière, qui listerait [sic] l’ensemble des accusations contre vous (souvent connus sous le terme mandat d'arrestation). » On peut comprendre la demande d’un document unique émis par une autorité compétente : l’envoi fait par le Demandeur de 282 pages, en vrac, à une demande initiale de renseignements ne permettait pas de déterminer toutes les accusations pendantes. L’agent d’immigration demandait donc un document émis par une autorité compétente en Espagne qui donnerait une liste des accusations portées. La demande réitérait la réquisition de l’envoi des extraits des lois et règlements espagnols pertinents. L’agent notait d’ailleurs qu’il existe une version anglaise du Code criminel espagnol.

[12] La réponse au courriel du 7 juin serait venue sous forme d’un autre envoi comptant 86 pages. Cet envoi ne fournissait aucune explication. Le premier envoi ne comportait pas d’index. Le second n’en avait pas non plus. Un accusé de réception était envoyé le 18 juillet 2019.

[13] Ce qui a été présenté comme étant une « lettre d’équité procédurale » était envoyée au nom du Ministre le 29 août 2019. Il s’agissait en fait d’un avis selon lequel la demande d’autorisation de voyage électronique ne remplissait pas les exigences afin d’obtenir celle-ci. On rappelait au Demandeur la lettre du 9 mai 2019 où des renseignements précis étaient requis. La réponse envoyée, comptant 282 pages, n’était pas suffisante selon l’auteur de la lettre. Le 7 juin 2019, une nouvelle demande était faite en rappelant les exigences originales du 9 mai 2019. On notait la réception d’une documentation supplémentaire mais, rappelant le principe que c’est au demandeur de prouver à un agent des visas qu’il n’est pas interdit de territoire et qu’il se conforme à la loi, l’agent des visas se déclarait insatisfait. Je reproduis le passage de cette lettre qui me semble le plus important :

Nous avons reçu et étudié attentivement tous les documents fournis. Les documents fournis font état des accusations auxquelles vous faites face en Espagne et indiquent que des procédures pénales sont toujours en cours. Je ne suis donc pas satisfait, sur la base de la prépondérance des probabilités, que vous n’êtes pas interdit de territoire en vertu du paragraphe 11(1) de la LIPR, au moment d’écrire cette lettre. Vous pouvez, avant que je rende une décision définitive, fournir des renseignements supplémentaires à ce sujet. Vous pouvez également fournir tout autre renseignement que vous jugez pertinent.

[14] Le Demandeur est ainsi prévenu que les envois de documents ne peuvent être suffisants. On doit bien inférer que c’est au Demandeur de fournir les accusations précises qui pèsent contre lui et les textes de loi qui auraient été violés. Cette lettre du 29 août 2019 est donc la troisième demandant de l’information précise. Cette fois le Demandeur faisait parvenir 72 pages provenant, disait-on, de la justice espagnole. Le Demandeur d’ajouter qu’aucun autre document n’est à soumettre au soutien de la décision à être rendue. Pas plus que pour les deux demandes précédentes, le Demandeur ne fournira d’explication.

[15] L’agent des visas notait dans le Système mondial de gestion de cas (SMGC) que la dernière réponse venant de l’avocat consistait en un document de 72 pages provenant de la Cour suprême et était daté de mars 2018. Ce document, dit-il, indique que le Demandeur fait face à des accusations de rébellion et de détournement de fonds. L’agent des visas déclarait la situation comme étant :

L’avocat n’a pas fourni de renseignement supplémentaire ou toute autre information en réponse à mon affirmation selon laquelle je ne suis pas satisfait que le client n’est pas interdit de territoire au Canada. L’avocat n’a soumis aucun document indiquant que les procédures pénales ont pris fin ou que le client ne fait plus face à des accusations criminelles en Espagne. Ainsi, mes préoccupations mentionnées dans la lettre du 29 août 2019 demeurent.

La note au dossier conclut que la décision a été prise; on n’est toujours pas satisfait « sur la base de la prépondérance des probabilités, que le client n’est pas interdit de territoire puisqu’il fait face à des accusations criminelles en Espagne et puisque les procédures pénales sont toujours en cours. »

[16] La lettre de refus est datée du 29 octobre 2019. Elle réfère aux deux demandes de renseignements, les 9 mai et 7 juin 2019, de même qu’à la « lettre d’équité procédurale. » Disant avoir étudié attentivement tous les documents soumis, l’agent d’immigration note en particulier le jugement du Tribunal central de première instance en date du 3 novembre 2017 où on y fait référence à des accusations auxquelles le Demandeur ferait face en Espagne : rébellion, sédition, détournement de fonds, prévarication et désobéissance. Mais l’agent ajoute qu’il n’y a aucune indication que ces procédures pénales ont pris fin. Ainsi, l’agent n’est pas satisfait que le Demandeur n’est pas interdit de territoire. Le tout est formulé ainsi :

Aux termes du paragraphe 11(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, l'étranger qui souhaite devenir résident temporaire au Canada doit prouver à un agent des visas qu'il n'est pas interdit de territoire au Canada et qu'il se conforme à la Loi.

[Souligné dans l’original]

II. Prétention du Demandeur

[17] Le Demandeur soumet que la décision de l’agent des visas n’est pas raisonnable. Pour le Demandeur, il s’accroche à la deuxième demande de renseignements où l’agent d’immigration requérait un document unique incluant l’ensemble des accusations auxquelles il fait face. Pour le Demandeur, une telle demande n’est pas raisonnable. Il indique que plusieurs documents dont ceux qu’il a transmis aux autorités canadiennes, font état des accusations portées, des articles de la loi espagnole pertinents ainsi que des peines possibles. Au soutien de cette affirmation, il réfère au jugement du tribunal central de première instance de Madrid, le 3 novembre 2017.

[18] Il faut dire que ce document réfère à des accusations et en donne le numéro d’article du code pénal espagnol. Mais nous ne retrouvons le libellé précis des infractions alléguées, non plus que du texte de loi lui-même. La demande d’information du 9 mai 2019 parlait, à titre d’exemple, de documents tels une mise-en-accusation ou des mandats d’arrêt qui pourraient fournir l’information précise demandée. Ce type de document ne se trouve pas dans les centaines de pages envoyées en vrac, par courriel.

[19] Pour le Demandeur, l’information devait se trouver dans les centaines de pages qui ont été produites. Mais il ne dit jamais où la trouver si tant est qu’elle s’y trouve. En fin de compte, le Demandeur n’atteste pas des accusations portées ni du stade où elles en seraient rendues. Le Demandeur dit aussi avoir fourni plusieurs pages d’arguments écrits que la Cour n’a pas trouvées au dossier. A l’audition de la demande de contrôle, le Demandeur a confirmé que les seules représentations se limitent à l’envoi initial de documentation qui ne tente en aucune façon de désigner les infractions précises et leur texte, pas plus que les textes de loi desquels il y aurait eu violation. Au lieu de cela, l’avocat du Demandeur se sera employé à traiter de la première demande d’autorisation de voyage électronique pour tenter d’en justifier le contenu. Dans la deuxième partie de son écrit, le Demandeur s’attaque de façon générale au caractère qu’il considère politique d’accusations portées contre lui. En aucune manière ces accusations et les textes de loi desquels les accusations seraient une contravention ne sont présentés, ce qui aurait peut-être permis des observations utiles au décideur administratif. En fin de compte, l’information élémentaire pourtant simple n’a pas été fournie. Le Demandeur ne l’a pas exhibée même lors de sa plaidoirie à l’audience.

[20] Le mémoire du Demandeur en réplique, daté du 20 janvier 2020, fait deux affirmations desquelles on peut disposer dès maintenant. D’abord, citant Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministère de la Citoyenneté d’Immigration), 1998 CanLII 8667 [Cepeda-Gutierrez] au paragraphe 17 où la Cour fédérale spécifie que « l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés », le Demandeur réfère avec une certaine insistance au passage suivant en le soulignant :

Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus, une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée "sans tenir compte des éléments dont il [disposait]"

[21] Ce passage bien connu de Cepeda-Gutierrez n’est d’aucune assistance au Demandeur. Le Défendeur recherche des renseignements très précis pour lui permettre de faire son examen d’équivalence entre les infractions espagnoles et le droit canadien.

[22] Il n’est pas clair pourquoi le Demandeur réfère à Cepeda-Gutierrez puisque la véritable question est de savoir s’il était raisonnable de rejeter la demande de AVE, étant donné que le Demandeur n’avait pas fourni les éléments d’information les plus élémentaires : les accusations effectivement portées, le texte du Code pénal espagnol qui décrit les éléments essentiels de l’infraction et les commentaires que le Demandeur pourrait faire à cet égard. Les échanges avec l’agent d’immigration et les notes au SMGC me semblent expliquer les raisons du refus.

[23] Deuxièmement, le Demandeur réfère la Cour à 24 documents soumis à l’agent d’immigration. Or, il ne s’agit que de références à différents médias et de décisions variées d’autorités judiciaires espagnoles. L’avocat déclare ne pas pouvoir soumettre des documents qu’il n’a pas. Mais la question était pourtant simple : fournir l’acte d’accusation, ou autres documents officiels semblables pour connaître officiellement les réelles accusations qui pèsent et les textes de loi qui donnaient lieu aux accusations effectivement portées. Il serait pour le moins étonnant que le Demandeur n’ait pas eu accès, par ses mandataires ou avocats, à un mandat d’arrêt qui aurait été émis contre lui le 27 octobre 2017, alors même qu’il semble qu’il cherchait à comparaître par voie de vidéoconférence, si on en juge par un écrit émanant du Demandeur qui proviendrait de la Central Court of Investigation on No. 3, à Madrid, le 3 novembre 2017. Il me semble évident que l’agent d’immigration est en droit de s’attendre à recevoir de la personne qui désire une autorisation de venir au Canada qu’elle lui fournisse l’information pour l’obtention de cette autorisation. C’est au Demandeur de porter le fardeau de fournir l’information aussi élémentaire que celle requise. Il est celui qui doit attester de sa situation juridique en Espagne. L’envoi en vrac de 400 pages ne constitue certes pas quoique ce soit qui atteste de sa situation au temps pertinent, celui où il recherche une autorisation de venir au Canada. Quoi qu’il en soit, on ne saurait toujours pas quelles accusations sont toujours pendantes.

[24] Quant aux articles de journaux ou des médias, il est loin d’être clair qu’est ce qui doit en être tiré quand l’agent est à la recherche de l’information officielle relative aux accusations et aux textes de loi pertinents à des accusations.

III. L’argument du Défendeur

[25] Le Défendeur insiste dès le départ que le Demandeur n’a pas été interdit de territoire. Ce n’est pas l’effet de la décision. Pour le Défendeur, notre affaire porte sur la suffisance, la pertinence et la précision de l’information requise du Demandeur afin de satisfaire l’agent des visas qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la LIPR. L’agent des visas ne s’est jamais prononcé sur le caractère raisonnable de l’équivalence entre les infractions en droit espagnol et en droit canadien. C’eut été difficile sans les textes. C’est tout simplement que les renseignements fournis, selon l’agent des visas, ne se prêtaient pas à un tel exercice qui est requis. Pour ce faire, il faut les textes officiels.

[26] En l’espèce, le Défendeur conteste la valeur de la documentation qui a été fournie. Il dit que ce ne peut être à lui de rechercher ce qui pourrait être utile. Le Demandeur est responsable de répondre aux questions posées et de donner les renseignements et les éléments de preuve pertinents (article 16 de la LIPR). Ainsi, il indique que plus de 400 pages étaient présentées en liasse. Pour plusieurs de ces documents, le nom du Demandeur ne se retrouve même pas dans le document fourni; pour d’autres, le document a une pertinence, même générale, douteuse. Par exemple lorsqu’un arrêt du 5 décembre 2017 retire le mandat d’arrêt européen lancé par les autorités espagnoles contre le Demandeur et d’autres personnes, on ne sait pas quelle inférence devait être tirée alors que la seule question est relative aux accusations telles que portées et des textes de loi qui s’y appliquent en Espagne. Au moins, dans le deuxième envoi fait par le Demandeur, comptant 86 pages, on y retrouve des versions de décisions qui concernent le Demandeur.

[27] Essentiellement, le Défendeur adopte la position selon laquelle le Demandeur n’a tout simplement pas produit la preuve qui était requise. L’agent des visas se serait satisfait d’une copie de la mise en accusation ou d’un mandat d’arrêt, et même d’autres documents de même nature auraient pu suffire et satisfaire. D’ailleurs, le Défendeur constate que le Demandeur n’a pas indiqué que le genre de documents requis par l’agent des visas n’existait pas ou n’était pas disponible. Il n’a été indiqué que ce qui a été fourni était ce que l’avocat du Demandeur au Canada avait en sa possession. De plus, le Défendeur argue qu’aucun principe n’exige qu’un agent de visas fouille dans des centaines de pages de documents pour extraire ce qu’il peut. Il en découle que le Demandeur n’a pas répondu adéquatement à la demande de renseignements.

[28] Le Demandeur n’a pas fourni, ou en anglais ou en français, les articles pertinents du Code pénal espagnol. Pourtant, l’agent des visas avait même fourni de l’information selon laquelle il existait une version anglaise de cedit code.

[29] Quant à l’argumentaire offert par le Demandeur dans son mémoire selon lequel des accusations de rébellion et de détournement de fonds ne sont pas fondés, ses explications auraient dû être présentées devant l’agent des visas et certainement pas devant cette Cour puisque la Cour agit en révision judiciaire. Le dossier ne peut être bonifié une fois rendue la décision administrative dont on demande le contrôle judiciaire. Ce qui est contestée est la décision administrative qui, elle, est fondée sur un dossier donné, et rien de plus (voir entre autres Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, 428 NR 297; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263; Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, 472 NR 171).

[30] Le Défendeur conclut en argumentant qu’il n’est pas nécessaire de conclure que le Demandeur est interdit de territoire pour appliquer le para 11(1) de la LIPR. En fin de compte, le Demandeur a une obligation de répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées, mais aussi de présenter les documents requis (paragraphe 16 (1) de la LIPR) Or, il a failli à cette tâche et il était tout à fait raisonnable pour le Défendeur de lui refuser l’autorisation de voyage électronique.

IV. Analyse

[31] Personne ne conteste que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. La Cour suprême dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] donne un sommaire de ce qui constitue l’exercice au paragraphe 15 :

[15] Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée. Ce qui distingue le contrôle selon la norme de la décision raisonnable du contrôle selon la norme de la décision correcte tient au fait que la cour de justice effectuant le premier type de contrôle doit centrer son attention sur la décision même qu’a rendue le décideur administratif, notamment sur sa justification, et non sur la conclusion à laquelle elle serait parvenue à la place du décideur administratif.

Cela se manifeste par une attitude de respect et de retenue judiciaire à l’égard du décideur administratif et de la décision rendue : la cour de révision ne cherche pas à rendre la décision qu’elle aurait préférée rendre. Elle n’intervient que là où c’est nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif.

[32] Ainsi, la cour de révision doit bien comprendre le raisonnement du décideur pour voir si la décision est raisonnable dans son ensemble. On recherche la justification, la transparence et l’intelligibilité des décisions dans un système où on est passé à une culture de la justification. Le fardeau repose sur les épaules du Demandeur qui doit démontrer le caractère déraisonnable de la décision attaquée. Pour cela, il faut convaincre la cour de révision de lacunes graves. Des lacunes superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision ne suffiraient pas. Quelles sont les lacunes fondamentales? La Cour dans Vavilov en identifie deux : celle où le tribunal administratif manque de logique interne dans son raisonnement et la décision qui est indéfendable compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes et ayant une incidence sur la décision. Or, aucune telle lacune n’a été dégagée, et encore moins démontrée, dans la présente affaire.

[33] Il faut bien voir en quoi consiste le litige. Il est plus étroit que ne semble le croire le Demandeur. Il voulait venir au Canada à titre de visiteur. Pour ce faire, le Demandeur a besoin aux termes de la LIPR d’une autorisation de voyage électronique. Telle autorisation pourra être délivrée « sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi » (para 11(1) et 1.01 de la LIPR). Il ne fait aucun doute qu’il est légitime de s’assurer qu’un étranger n’est pas interdit de territoire et qu’il se conforme à la LIPR. Depuis Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c Chiarelli, [1992] 1 RCS 711, les tribunaux supérieurs ne sont pas dédits que le « principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non‑citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer au pays ou d'y demeurer. » (p. 733).

[34] Pour procéder à ce contrôle, la LIPR fait une obligation à l’auteur d’une demande en vertu de la LIPR de répondre véridiquement aux questions posées et de donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents. Pour déterminer si le Demandeur est interdit de territoire au Canada, l’agent d’immigration est en droit de connaître les renseignements pertinents au devoir qu’il a de s’enquérir si le demandeur est interdit de territoire. De demander quelles sont les accusations précises portées contre quelqu’un qui veut entrer au Canada n’a rien d’extraordinaire. Vouloir savoir en quoi consistent ces accusations en étant en mesure de consulter les textes de loi espagnols me semble élémentaire. Permettre à l’étranger de faire part de ses observations n’est que faire preuve d’équité.

[35] Au lieu de répondre à des questions simples et de formuler des observations sur les renseignements demandés, le Demandeur a fourni une quantité considérable de papier sans même offrir une réponse simple à une question aussi simple. Il n’a en aucune manière attesté de sa propre situation en référant, par exemple, à un document particulier qui se serait trouvé dans les liasses envoyées à l’agent de visas. À mon avis, le Demandeur n’aura jamais fourni les renseignements et éléments de preuve pertinents, comme il est obligé de le faire en vertu de l’article 16 de la LIPR. En effet, ce n’est pas répondre à des demandes répétées de renseignements précis que de fournir plus de 400 pages sans réelle pertinence. Des pages et des pages de coupures de presse ne feront pas l’affaire. La production de jugements sur des personnes autres que le Demandeur ne peut qu’être inutile. La duplication de documents ne peut faire avancer les choses. On peut dire la même chose de ce qui semble être des représentations faites devant un tribunal belge et qui courent sur cent pages. Des documents rédigés en espagnol tombent évidemment dans cette même catégorie.

[36] À la suite de la dernière demande de l’agent d’immigration dans sa lettre du 29 août 2019, le Demandeur indiquait ne plus avoir de document à offrir. Il envoyait alors 62 autres pages, comme si elles étaient nouvelles. Ce n’était pas le cas. On les retrouve ailleurs parce que le document avait déjà été produit dans l’envoi précédent.

[37] J’ai tenté de voir si le Demandeur avait identifié certains documents comme répondant plus spécifiquement aux demandes répétées, quitte à offrir un argumentaire pour expliquer le tout. Le seul argumentaire offert par le Demandeur accompagnait son premier envoi et il ne traitait aucunement de ces questions. Dit autrement, le Demandeur n’a pas répondu aux demandes de renseignements qui lui ont été acheminés. C’était au Demandeur de répondre.

[38] Le Défendeur n’a pas eu tort de porter à l’attention de la Cour deux décisions qui sont pertinentes au dossier. Dans Moussa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 515, la question était de déterminer si les renseignements demandés aux termes de l’article 16 de la LIPR pouvaient entraîner le rejet de la demande s’ils n’étaient pas fournis; dans ce cas, il s’agissait d’une demande de résidence permanente dont il était question. En l’espèce, les documents demandés étaient précis : la traduction d’un certificat de bonne conduite délivré par la police saoudienne, des photographies récentes de M. Moussa et sa famille et une version mise à jour de formulaires d’immigration d’alors. Malgré des rappels et prorogations sur une période de plusieurs mois, lesdits documents n’ont pas été produits. Notre Cour a endossé la décision de rejet de la demande en ces termes :

[15] Dans ces circonstances, l’agent n’a pas manqué à son obligation d’équité envers le demandeur. Ce dernier a eu amplement l’occasion de satisfaire à la demande de l’agent concernant la production des documents. Je suis convaincu que les documents demandés étaient pertinents dans le cadre de la demande et qu’il était raisonnable pour l’agent de les exiger en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Le demandeur se trouvait dans l’obligation de produire les documents demandés. Comme il ne l’a pas fait, l’agent pouvait à juste titre rejeter la demande pour les motifs pour lesquels il l’a fait. En agissant ainsi, l’agent n’a pas manqué à son obligation d’équité envers le demandeur.

Des documents pertinents qui ne sont pas produits peuvent causer le rejet d’une demande faite en vertu de la LIPR.

[39] La décision dans l’affaire Ramalingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 278, [2012] 4 RCF 457 [Ramalingam] articule la relation entre les articles 11 et 16 de la LIPR. Dans cette décision, l’absence des renseignements demandés a fait en sorte que le Demandeur n’a pas satisfait la condition du paragraphe 11(1) de la LIPR, soit que le visa peut être délivré sur preuve que la personne n’est pas interdite de territoire et se conforme à la LIPR. Contrairement à l’argument de M. Ramalingam, la question n’est pas de déterminer si la personne est interdite de territoire. Il n’est pas nécessaire de conclure qu’un demandeur est interdit de territoire pour rejeter une demande sous l’article 11. Cet article déclare que les visas seront délivrés sur preuve que l’étranger n’est pas interdit de territoire et qu’il se conforme à la LIPR. Lorsque l’étranger demande un visa ou une AVE, il doit évidemment produire les renseignements nécessaires, à défaut de quoi sa demande sera rejetée. Comment l’agent d’immigration peut-il se satisfaire si les conditions sont remplies alors même que les renseignements propres à établir la conformité à la loi ou que la personne n’est pas interdite de territoire ne sont pas fournis?

[40] En fait, la conclusion à être rendue en vertu de l’article 11 est en amont de la décision concluant qu’une personne est interdite de territoire. Le fait de ne pas être interdit de territoire, mais de voir la demande seulement rejetée, emporte des conséquences sensiblement moins sévères pour un demandeur. Ce passage tiré de Shi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1224, reste vrai des années plus tard :

[7] Le principal défaut du raisonnement de M. Shi vient du fait que l'agent des visas n'a pas conclu qu'il était interdit de territoire; il a plutôt rejeté sa demande. Le paragraphe 11(1) prévoit qu'une demande de visa ou d'un autre document d'entrée peut être rejetée pour deux motifs différents : a) parce que l'étranger est interdit de territoire ou b) parce qu'il ne se conforme pas à la LIPR. En l'espèce, l'agent des visas a fondé sa décision sur deux conclusions :

_ il n'était pas certain de la manière dont M. Shi avait accumulé sa fortune;

_ il n'était pas convaincu que M. Shi s'était conforméaux [sic] paragraphes 11(1) et 16(1) de la LIPR.

[8] L'agent des visas n'a pas conclu que M. Shi était interdit de territoire suivant l'une des dispositions des articles 34 à 41. S'il l'avait fait, les conséquences auraient été beaucoup plus graves que le simple rejet de la demande de résidence permanente. Par exemple, M. Shi n'aurait pas pu, suivant l'article 179 du Règlement, obtenir un visa de résident temporaire au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants, car un étranger doit démontrer qu'il n'est pas interdit de territoire s'il veut obtenir un tel visa (alinéa 179e) du Règlement). Même si sa demande de résidence permanente a été rejetée, M. Shi peut toujours (sous réserve d'un contrôle et d'autres critères d'admissibilité) être autorisé à venir au Canada en qualité de visiteur.

[Je souligne]

Une conclusion que le Demandeur n’a pas prouvé qu’il n’est pas interdit de territoire n’est pas la même chose qu’une conclusion qu’une personne est interdite de territoire. C’est tout simplement qu’en l’absence des renseignements pertinents, il est impossible à l’agent de déterminer que l’étranger n’est pas interdit de territoire. La sanction est alors que la demande est rejetée. Qu’une demande soit rejetée parce qu’incomplète n’est pas la même chose que de rejeter une demande parce que la personne est interdite de territoire. De fait, celui qui ne répond pas aux questions légitimes posées en vertu de l’article 16 ne se conforme pas à la LIPR.

[41] Le citoyen canadien jouit du droit constitutionnel d’entrer et de sortir du pays; l’étranger qui veut entrer ne jouit pas de cette faculté. L’article 11 de la LIPR met des conditions à l’accès au pays. Dans Kumarasekaram c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1311, le juge Rennie, alors de notre Cour, disait ceci au sujet de l’article 11 de la LIPR :

[9] En vertu de l'article 11 de la LIPR, un agent des visas doit avoir la preuve que le demandeur « n’est pas interdit de territoire » et se conforme à cette loi. Il incombe toujours au demandeur de fournir une preuve suffisante afin de justifier l’exercice, en sa faveur, du pouvoir discrétionnaire : Kazimirovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1193. En l’espèce, le demandeur demande à la Cour de substituer son opinion quant à la franchise et à la sincérité dont il a fait preuve lors de l’entrevue, et quant à savoir s’il s’est acquitté de son fardeau de prouver qu’il n’était interdit de territoire. Ici, les divergences notées par l’agent étaient concrètes de même qu’objectives et justifieraient le doute chez n’importe quelle personne raisonnable.

[Je souligne]

[42] Il est bien certain que les renseignements demandés en vertu de l’article 16 doivent être pertinents et ne doivent pas faire l’objet d’abus par les autorités. Mais ici, le Demandeur n’a jamais même allégué que l’information recherchée n’était pas pertinente. Si cela avait été nécessaire parce que la question avait été soulevée j’aurais conclu que les 400 pages, et plus, qui ont été éventuellement produites pourraient tomber dans la catégorie des réponses évasives, comme dans Ramalingam (para 48). Les questions posées au Demandeur étaient simples et directes. Le Demandeur a choisi de dire des choses, mais il n’aura pas répondu aux questions, comme il devait le faire.

[43] Mais, au final, il n’est pas nécessaire de commenter davantage à cet égard puisque la question n’a pas été présentée expressément et que le Demandeur n’a jamais établi que la décision du Défendeur n’était pas raisonnable. La décision est justifiée, transparente et intelligible. Une cour de révision comprend très bien le raisonnement sous-jacent et on n’y trouve aucune faille ou lacune grave. Le Demandeur aurait pu tenter de démontrer que la décision pêche par un raisonnement intrinsèquement incohérent, ou que la décision est indéfendable compte tenu des contraintes factuelles et légales. Or, la cohérence de la décision me semble inattaquable. Le Demandeur n’a pas démontré en quoi elle pourrait être indéfendable eu égard aux articles 11 et 16 de la LIPR. Le Demandeur n’a tout simplement pas fourni les informations qui avaient été légitimement demandées à trois reprises. Le Défendeur pouvait ainsi refuser d’émettre l’autorisation électronique de voyager parce que la demande était incomplète.

[44] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties ont toutes deux conclu qu’aucune question ne doit être certifiée aux termes de l’article 74 de la LIPR. Je partage cet avis.


JUGEMENT au dossier IMM-6885-19

LA COUR STATUE:

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  2. Il n’y a pas de question à certifier aux termes de l’article 74 de la LIPR.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-6885-19

INTITULÉ :

CARLES PUIGDEMONT CASAMAJO c LE MINISTRE D’IMMIGRATION, RÉFUGIÉS ET CITOYENNETÉ CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

tenue par vidéoconférence entre Ottawa (Ontario) et Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER Septembre 2021

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

LE 22 septembre 2021

COMPARUTIONS :

Stéphane Handfield

Pour LE DEMANDEUR

 

Daniel Latulippe

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Handfield & Associés, Avocats

Montréal (Québec)

pOUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

pour le défendeur

 

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