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     Date : 19980416

     Dossier : IMM-4803-97

Ottawa (Ontario), le 16 avril 1998.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

ENTRE :

     SHAHRZAD ARIA,

     demanderesse,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     À LA SUITE D'UNE DEMANDE d'autorisation relative à l'introduction d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par la Section du statut de réfugié en date du 24 octobre 1997; et

     APRÈS LECTURE des documents déposés;

LA COUR STATUE que :

1.      L'autorisation est accordée, et la demande de contrôle judiciaire est réputée avoir été introduite.

2.      L'audition de la demande de contrôle judiciaire est fixée par les présentes au 15 juillet 1998; elle commencera à 10 h 00, en la ville de Toronto (Ontario), et sa durée maximale sera de deux heures.

3.      L'audition peut être tenue dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada, au choix de chaque partie;

4.      Le tribunal doit envoyer des copies certifiées de son dossier aux parties et au greffe de la Cour avant le 7 mai 1998 inclusivement;

5.      Les affidavits supplémentaires de la demanderesse, s'il y en a, doivent être signifiés et déposés avant le 19 mai 1998 inclusivement;

6.      Les affidavits supplémentaires du défendeur, s'il y en a, doivent être signifiés et déposés avant le 26 mai 1998 inclusivement;

7.      Les contre-interrogatoires, s'il y en a, sur les affidavits doivent être terminés avant le 8 juin 1998 inclusivement;

8.      L'exposé supplémentaire des points d'argument de la demandeure, s'il y en a, doit être signifié et déposé avant le 18 juin 1998 inclusivement;

9.      L'exposé supplémentaire des points d'argument du défendeur, s'il y en a, doit être signifié et déposé avant le 29 juin 1998 inclusivement;

10.      La transcription des contre-interrogatoires, s'il y en a, doit être déposée avant le 6 juillet 1998 inclusivement.

                             F.C. Muldoon

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Delon, LL.L.

     Date : 19980416

     Dossier : IMM-4803-97

ENTRE :

     SHAHRZAD ARIA,

     demandeure,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      La décision contestée du 24 octobre 1997 (dossier nE 3708-31103405), ainsi que l'appui que manifeste sans réserve l'avocat du défendeur à l'égard de cette dernière, font un peu penser à " Alice aux pays des merveilles ". La décision est inique, comme si le décisionnaire était incapable de saisir le sens des mots " humanitaire " et " compassion ". L'attitude du défendeur à l'endroit de la demandeure, ainsi que le traitement qu'il lui a fait subir, ne sont ni humanitaires ni marqués par la compassion.

[2]      L'avocat du défendeur, au paragraphe 20, page 5 de son exposé, allègue ce qui suit, au moyen de la déclaration suivante de la Cour suprême du Canada :

         Les critères selon lesquels il faut juger l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi font jurisprudence et il est admis que si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, sans influence d'aucune considération étrangère, ni de façon arbitraire ou illégale, aucune cour n'a le droit d'intervenir, même si cette cour eût peut-être exercé ce pouvoir discrétionnaire autrement s'il lui avait appartenu.                 
         Boulis c. M.M.I., [1974] R.C.S. 875, p. 876, 26 D.L.R. (3d) 216 (C.S.C.)                 
         Bell Canada c. Canada(CRTC), [1989] 1 R.C.S. 1722, p. 1745-1746, 38 Admin.L.R. 1 (C.S.C.).                 

[3]      Le problème, c'est que la décision et l'argumentation à l'appui comportent toutes ces erreurs et que la décision va à l'encontre de tout raisonnement juste, du bon sens et de la compassion.

[4]      La présente Cour fait sienne et ratifie tout ce que déclare l'avocat de la demandeure dans l'exposé du droit et des points d'argument de sa cliente. Ce qui expose cette dernière à un risque mortel est la shari'a, le code de droit islamique que l'on applique avec une sévérité fanatique dans son pays d'origine, un aspect dont les décisionnaires du défendeur devraient prendre note et être bien informés. Ils devraient savoir aussi qu'il s'agit du code qui prescrit diverses peines fort sévères : l'amputation, la décapitation et la lapidation (tuer à coups de pierres), et qui accorde à la parole de l'homme deux fois plus de poids qu'à celle de la femme.

[5]      L'auteur de la décision contestée a manifestement omis de prendre note de la mise en garde apparaissant dans le passeport iranien délivré à la demandeure :

         [TRADUCTION]

         ATTENTION :                 
         SI LE TITULAIRE DU PRÉSENT PASSEPORT OU DES DOCUMENTS CONNEXES COMMET À L'EXTÉRIEUR DE L'IRAN UN ACTE CONTRAIRE AUX PRINCIPES DE CETTE RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE, IL LUI SERA DORÉNAVANT INTERDIT DE QUITTER LE PAYS.                 
             (Dossier de la demandeure, p. 38)                 

Compte tenu des allégations malveillantes de l'époux de la demandeure, le fait qu'elle se soit trouvée seule en compagnie d'hommes qui n'étaient pas son époux, son père ou son frère (un fait qui est sans importance dans l'État séculier qu'est le Canada) et que deux des trois personnes qui ont écrit des lettres de référence en sa faveur sont des hommes (et les inférences paranoïdes qu'il est possible d'en tirer) sont tous des aspects qui pourraient mener à sa lapidation sur l'ordre d'un vulgaire mullah fanatique si elle était renvoyée en Iran, indépendamment de ses opinions pro-monarchistes. Ces faits transcendent la relation matrimoniale, et montrent l'existence d'un véritable risque de persécution de la part de l'État théocratique. Tout cela, qu'aurait dû savoir une agente d'immigration un tant soit peu éveillée, n'a manifestement pas été pris en compte. Envoyer cette femme dans son pays d'origine théocratique où elle serait probablement emprisonnée, torturée de nouveau ou lapidée n'est ni un geste humanitaire ni un geste de compassion.

[6]      L'autorisation est accordée.

                             F.C. Muldoon

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 16 avril 1998

Traduction certifiée conforme

Christiane Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :               IMM-4803-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      SHAHRZAD ARIA c. MCI

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :              16 avril 1998

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Me Peter J. Krochak                  POUR LA DEMANDEURE

Me Brian Frimeth                  POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Abrams & Krochak                  POUR LA DEMANDEURE

Toronto (Ontario)

Me George Thomson                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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