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                                                                                                                                           Date : 20020711

                                                                                                                                       Dossier : T-683-01

Ottawa (Ontario), le jeudi 11 juillet 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                               CONSTANCE AUCLAIR, MARIE-FRANCE MARLEAU

                                                           et SUZANNE WHITMORE

                                                                                                                                               demanderesses

                                                                              - et -

                                               LA BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

                                                                                                                                                            intimée

                                                                     ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 21 mars 2001 par l'arbitre Joseph W. Potter, désigné par la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.);

APRÈSlecture des documents déposés et audition des parties;

ET pour les motifs de l'ordonnance prononcés aujourd'hui;


LA COUR ORDONNE :

La demande est accueillie avec dépens, la décision de l'arbitre est annulée et l'affaire lui est renvoyée avec instruction lui commandant d'accueillir le grief.

                                                                                                                                     « Michael A. Kelen »     

                                                                                                                                                                 Juge                 

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                                                                                                           Date : 20020711

                                                                                                                                       Dossier : T-683-01

                                                                                                           Référence neutre : 2002 CFPI 777

ENTRE :

                               CONSTANCE AUCLAIR, MARIE-FRANCE MARLEAU

                                                           et SUZANNE WHITMORE

                                                                                                                                               demanderesses

                                                                              - et -

                                               LA BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

                                                                                                                                                            intimée

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par Joseph W. Potter, siégeant en qualité d'arbitre désigné par la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.C. (1985), ch. 33 (2e suppl.). L'arbitre a décidé qu'un « rajustement salarial spécial » accordé par le Conseil du Trésor à des employés de la fonction publique ne représentait pas un « rajustement fondé sur la parité salariale » dans le cadre des plaintes relatives à l'équité salariale. Pour cette raison, les employés de la Bibliothèque du Parlement n'ont pas droit à ce « rajustement salarial spécial » . La question à trancher est la suivante : La décision de l'arbitre est-elle manifestement déraisonnable?


LES FAITS

Le protocole d'entente de 1990

[2]         Le 20 septembre 1990, la Bibliothèque du Parlement (la Bibliothèque) et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'AFPC) ont conclu un protocole d'entente qui réglait la question du « rajustement fondé sur la parité salariale » . La Bibliothèque acceptait de verser à certains groupes de ses employés des paiements « fondés sur la parité salariale » équivalents aux paiements versés par le Conseil du Trésor à des groupes d'employés équivalents. Elle verserait également des rajustements futurs « fondés sur la parité salariale » équivalents à ceux versés par le Conseil du Trésor. En contrepartie, l'AFPC acceptait de retirer ses plaintes relatives à l'équité salariale portées contre la Bibliothèque.

[3]         Au chapitre des rajustements salariaux futurs fondés sur la parité salariale, le protocole d'entente prévoit en partie ce qui suit :

4)              En outre, l'employeur [la Bibliothèque] s'engage à voir à ce que tout rajustement futur fondé sur la parité salariale, qui pourrait être versé au groupe CR et au sous-groupe ST-OCE dans la fonction publique, soit versé aux employé(e)s susmentionnés de la Bibliothèque, de la même manière qu'il est versé aux employé(e)s du Conseil du Trésor.

La décision du Tribunal de 1998

[4]         Le 29 juillet 1998, le Tribunal des droits de la personne a rendu sa décision concernant les plaintes de l'AFPC relatives à la discrimination salariale portées contre le Conseil du Trésor visant certains groupes professionnels dans la fonction publique, y compris les groupes professionnels mentionnés dans le protocole d'entente susmentionné. La décision ordonnait que le Conseil du Trésor effectue des rajustements fondés sur la parité salariale en faveur de ces groupes professionnels et détermine par entente mutuelle avec l'AFPC le rajustement salarial réel applicable à chacun de ces groupes professionnels.


Les rajustements de 1998 fondés sur la parité salariale

[5]         Environ six semaines plus tard, le Conseil du Trésor a émis un communiqué public intitulé « Négociation collective et parité salariale - AFPC » . Ce document, qui a été déposé en preuve devant l'arbitre, indiquait que les agents du Conseil du Trésor avaient entrepris avec l'AFPC des pourparlers à la table de négociation concernant les rajustements fondés sur la parité salariale applicables aux six groupes professionnels touchés par la décision du Tribunal. Le Conseil du Trésor ajoutait qu'il était disposé à offrir la somme de 1,3 milliard de dollars pour couvrir les paiements rétroactifs au titre de la parité salariale. Le document renfermait des « Questions et réponses » au sujet de la décision du Tribunal concernant la parité salariale. Sont importantes les réponses aux questions 6 et 7 qui précisent que, même si le gouvernement poursuivait sa demande de contrôle judiciaire de la décision, il mettrait en vigueur « des redressements de parité salariale pour les employés » . Le gouvernement proposait de mettre en oeuvre ces redressements au titre de la parité salariale « d'ici la fin de l'année - soit décembre » .

L'entente sur les rajustements salariaux spéciaux

[6]         Le 29 décembre 1998, le Conseil du Trésor et l'AFPC ont conclu un « Protocole d'entente » sur les « rajustements salariaux spéciaux » applicables aux groupes professionnels visés par la décision du Tribunal. L'entente a été formulée de manière à ne pas porter atteinte aux droits du gouvernement de poursuivre son action devant la Cour fédérale en incluant six conditions concernant la question de la parité salariale. Toutefois, l'entente comportait la condition 2.4, qui précisait que les rajustements salariaux spéciaux « seront [¼] pris en compte dans le calcul de l'écart salarial pour une année donnée qu'il pourrait être nécessaire d'effectuer en vertu du règlement définitif des plaintes » .


L'entente de 1999 sur la parité salariale

[7]         Le 19 octobre 1999, notre Cour a rejeté la demande du gouvernement sollicitant le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal rendue le 29 juillet 1998. Le 29 octobre 1999, le Conseil du Trésor et l'AFPC ont conclu une entente en vue d'assurer la mise à exécution de la décision du Tribunal. Le 16 novembre 1999, les parties ont obtenu du Tribunal une ordonnance sur consentement réglant les plaintes relatives à l'équité salariale.

La question en litige

[8]         Les rajustements salariaux spéciaux, incorporés au rajustement salarial qui réglait la plainte relative à l'équité salariale contre le Conseil du Trésor, sont à l'origine du présent litige. Ils ont été incorporés à la rémunération de base de chacun des groupes professionnels mentionnés dans l'entente, y compris les groupes équivalents à ceux dont font partie les employés de la Bibliothèque visés dans le protocole d'entente. Mais la Bibliothèque a refusé d'appliquer les rajustements salariaux spéciaux que prévoyait le protocole d'entente.

[9]         Les demanderesses, qui sont employées de la Bibliothèque, ont présenté un grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, au motif que, selon le protocole d'entente de 1990, elles devraient recevoir les mêmes rajustements salariaux spéciaux que les employés du Conseil du Trésor. L'affaire a été renvoyée à l'arbitrage par application des dispositions de la Loi sur les relations de travail au Parlement.

[10]       À l'audience tenue devant l'arbitre, la seule déposition verbale reçue a été celle de Margaret Jaekl, agente de classification et d'équité salariale à l'AFPC, qui a comparu pour le compte des employées demanderesses de la Bibliothèque. Elle était au fait de la plainte relative à la parité salariale portée contre le Conseil du Trésor et de l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux.


Décision de l'arbitre

[11]       La décision de l'arbitre rendue le 21 mars 2001 a statué que les employés s'estimant lésés n'avaient pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que les rajustements salariaux spéciaux du Conseil du Trésor avaient été négociés pour des raisons d'équité salariale. Dans les motifs de sa décision, l'arbitre a conclu au paragraphe 37 qu'aucune preuve ne corroborait la thèse selon laquelle les rajustements salariaux spéciaux sont fondés sur la parité salariale. Il a déclaré que la seule preuve importante présentée était l'entente elle-même sur les rajustements salariaux spéciaux. La déposition de Margaret Jaekl, qui a témoigné que l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux avait été négociée par suite de la plainte concernant l'équité salariale, a été écartée parce que cette dernière n'avait pas participé personnellement à la négociation de l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux.

[12]       Extraits choisis de la décision :

Preuve

[8]             Margaret Jaekl, agente de classification et d'équité salariale à l'Alliance, a indiqué dans son témoignage qu'elle croyait que le RSS avait été négocié en réponse à la plainte générale de l'Alliance concernant l'équité salariale. En d'autres termes, le rajustement salarial devait être considéré comme un acompte versé sur le montant dû à certains employés, dans le cadre de la plainte relative à l'équité salariale.

[9]             La plainte visant l'équité salariale a été réglée en octobre 1999, à la suite d'une ordonnance sur consentement émise par le Tribunal des droits de la personne (pièce U-2).

[10]           Le tableau 1, à la pièce U-2, révèle que les montants du rajustement annuel au titre de l'équité salariale ont diminué sensiblement en 1997 et en 1998 pour les groupes de comparaison du Conseil du Trésor. D'après Mme Jaekl, cette diminution était due au fait que les RSS compensaient l'écart salarial. Si les RSS n'avaient pas été pris en compte, Mme Jaekl se serait attendue à ce que le montant des rajustements paritaires soit plus élevé.

[11]           En contre-interrogatoire, Mme Jaekl a déclaré qu'elle n'avait pas fait partie de l'équipe qui a négocié les RSS.


Motifs de la décision

[37]          De plus, l'employeur déclare que, pour que ces griefs soient accueillis, il faut une preuve solide et probante qui corrobore la thèse selon laquelle le RSS est fondé sur la parité salariale. Comme c'est aux employés s'estimant lésés qu'incombe le fardeau d'établir le bien-fondé de leur allégation et comme aucun élément de preuve n'est venu étayer leur thèse, ils ne se sont pas acquittés du fardeau de persuasion.

[38]          Malheureusement, aucune des personnes ayant négocié le RSS n'est venue témoigner. Tout membre de l'équipe qui a négocié le Protocole d'entente sur les rajustements salariaux spéciaux signé par le Conseil du Trésor et l'Alliance (pièce U-1) au nom de l'Alliance aurait été en mesure de vérifier le bien-fondé des allégations faites en l'espèce, mais aucun membre de cette équipe n'a été appelé à témoigner. Par conséquent, la seule preuve dont je dispose à cet égard est le Protocole d'entente sur les rajustements salariaux spéciaux signé par le Conseil du Trésor et l'Alliance (pièce U-1).

[39]          En l'espèce, le fardeau de la preuve incombant aux employés s'estimant lésés, c'est à eux de démontrer clairement que le RSS est un « rajustement futur fondé sur la parité salariale » , comme le mentionne le paragraphe 4 du PE, et qu'il doit par conséquent être payé. Je souscris à l'opinion de l'employeur qui dit que les employés s'estimant lésés ne se sont pas acquittés de ce fardeau.

[40]          [...] Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le RSS représentait une augmentation des taux de rémunération négociée par le Conseil du Trésor et l'Alliance pour des raisons d'équité salariale.

NORME DE CONTRÔLE

[13]       Dans l'affaire Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Le Sénat du Canada, [1993] A.C.F. no 1426 (C.A.F.), au paragraphe 3, le juge Hugessen déclare que les décisions relatives aux conventions collectives relèvent directement de la compétence de l'arbitre. À cet égard et compte tenu de la solide clause privative que renferme l'article 72 de la Loi, la Cour n'interviendra pas dans la décision de l'arbitre, qui relève de son domaine d'expertise, sauf si la décision est clairement et manifestement défectueuse. En conséquence, la norme de contrôle en l'espèce est celle du caractère manifestement déraisonnable.


RÔLE DE L'ARBITRE

[14]       Le rôle de l'arbitre désigné par la Commission des relations de travail dans la fonction publique sous le régime de la Loi sur les relations de travail au Parlement consiste à entendre et à juger les griefs renvoyés à l'arbitrage en application de cette Loi, dont les dispositions pertinentes sont les suivantes :

Définitions

Definitions

3. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

3. In this Part,

« arbitre »

« arbitre » Sous réserve du paragraphe 66(4), commissaire chargé d'entendre et de régler un grief renvoyé à l'arbitrage, ainsi que, selon le contexte, le conseil d'arbitrage constitué au titre de l'article 65 ou la personne ainsi dénommée dans une convention collective aux fins de celle-ci.

[...]

"adjudicator"

"adjudicator" means, subject to subsection 66(4), a member of the Board assigned to hear and determine a grievance referred to adjudication and includes, where the context permits, a board of adjudication established under section 65 and an adjudicator named in a collective agreement for the purposes of that agreement;

[...]

« grief »

« grief » Plainte écrite déposée conformément à la présente partie par un employé, soit pour son propre compte, soit pour son compte et celui de un ou plusieurs autres employés. Les dispositions de la présente partie relatives aux griefs s'appliquent par ailleurs:

"grievance"

"grievance" means a complaint in writing presented in accordance with this Part by an employee on his own behalf or on behalf of the employee and one or more other employees...]

Nomination des arbitres

Désignation des commissaires

Appointment of Adjudicators

Members to adjudicate



64. La Commission désigne, en tant que de besoin, les commissaires pour entendre et juger les griefs renvoyés à

l'arbitrage en application de la présente partie.

[...]

64. The Board shall assign such members as may be required to hear and adjudicate on grievances referred to adjudication under this Part.

[...]

72. (1) Sauf exception dans la présente partie, toute ordonnance, décision arbitrale ou autre, instruction ou déclaration de la Commission, d'un arbitre nommé en vertu de l'article 49 ou d'un arbitre de griefs est définitive et non susceptible de recours judiciaire.

72. (1) Except as provided in this Part, every order, award, direction, decision, declaration or ruling of the Board, an arbitrator appointed under section 49 or an adjudicator is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

   (2) Il n'est admis aucun recours ou décision judiciaire - notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto - visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l'action de la Commission, d'un arbitre nommé en vertu de l'article 49 ou d'un arbitre des griefs.

(2) No order shall be made or process entered, and no proceedings shall be taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain the Board, an arbitrator appointed under section 49 or an adjudicator in any of its or his proceedings.

ANALYSE

[15]       L'arbitre était tenu de procéder à une analyse à deux volets : d'abord, interpréter la nature du protocole d'entente de 1990, puis examiner l'ensemble de la preuve et décider si les rajustements salariaux spéciaux étaient assimilés aux rajustements « fondés sur la parité salariale » dans le protocole d'entente de 1990.

[16]       Le 29 juillet 1998, le Tribunal canadien des droits de la personne a décidé que le Conseil du Trésor avait violé le paragraphe 11(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, lequel dispose :



Disparité salariale discriminatoire

     11. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur d'instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre leshommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.

Equal Wages

     11. (1) It is a discriminatory practice for an employer to establish or maintain differences in wages between male and female employees employed in the same establishment who are performing work of equal value.

[17]       Cette décision obligeait le Conseil du Trésor à verser des paiements de rajustement afin de faire cesser cette discrimination.

[18]       La pièce U-1 dont l'arbitre était saisi constituait l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux datée du 29 décembre 1998. Ce document mentionne plusieurs fois la parité salariale ainsi que les plaintes non réglées relatives à la parité salariale.

[19]       La pièce U-3 dont l'arbitre était saisi est le document du Conseil du Trésor, daté du 16 septembre 1998, intitulé « Négociation collective et parité salariale - AFPC » , qui dit ce qui suit :

Nous avons l'intention de présenter une proposition visant à rajuster les salaires actuellement versés pour les six groupes professionnels touchés par la décision du Tribunal [...] En ce qui concerne les paiements rétroactifs au titre de la parité salariale, l'offre de 1,3 milliard de dollars demeure sur la table et l'on espère que l'AFPC sera prête à discuter de la question en dehors du processus ordinaire de négociation. [...]

Bien que le gouvernement demande une révision judiciaire de la décision du Tribunal, nous désirons parvenir à un règlement avec l'AFPC pour nous permettre de verser des paiements paritaires aux employés qui attendent depuis déjà trop longtemps. [...]

[20]       La témoin Margaret Jaekl a témoigné de vive voix devant l'arbitre. Sa situation lui permettait de connaître l'historique de la question relative à la parité salariale entre les parties. Selon elle l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux a été négociée comme un acompte versé sur le montant dû dans le cadre des plaintes relatives à l'équité salariale. Elle a ajouté que cette entente ne constituait pas une « entente de classification ou de reclassification » . Ce témoignage de vive voix est compatible avec la pièce U-3, l'annonce publique faite par le Conseil du Trésor selon laquelle il procéderait « à des versements » au titre de la parité salariale au plus tard à la fin de décembre 1998, la date exacte de l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux.


[21]       Il est raisonnablement loisible à la Cour de tirer une conclusion défavorable de l'omission d'une partie de présenter des éléments de preuve qui viennent réfuter les observations présentées par la partie opposée. L'intimée a choisi de ne pas présenter de preuve. Si elle était en possession d'éléments de preuve permettant de démontrer que l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux n'était pas liée à la parité salariale, en toute logique, elle les aurait produits. Voir l'arrêt Murray c. Saskatoon, [1952] 2 D.L.R. 499 (C.A. Sask.), mentionné par le juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Milliken & Co. c. Interface Flooring Systems (Canada) Inc., [1998] 3 C.F. 103, [1998] A.C.F. no 135 (C.F. 1re inst.).

[22]       Je suis convaincu que la preuve documentaire et le témoignage de vive voix ont établi prima facie que l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux était liée à la parité salariale. Dès lors, le fardeau de la preuve se déplaçait sur l'intimée, laquelle devait alors présenter une preuve démontrant le contraire, ce qu'elle aurait sans doute fait si elle avait été en possession d'une preuve de ce genre.

CONCLUSION

[23]       La décision de l'arbitre est manifestement déraisonnable pour les raisons suivantes :

i.                       Les employés s'estimant lésés ont présenté une preuve prima facie de leur prétention, se déchargeant alors du fardeau qui leur incombait de prouver leur prétention, selon la prépondérance des probabilités, voulant que l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux fût liée à un « rajustement fondé sur la parité salariale » comme l'envisageait le protocole d'entente de 1990.

ii.                     La décision de l'arbitre au paragraphe 37 selon laquelle « aucun élément de preuve » [ne venait étayer leur thèse] est manifestement déraisonnable parce que la preuve consistait en une preuve documentaire et un témoignage de vive voix ayant valeur probante.


iii.                    C'est à tort que l'arbitre a écarté le témoignage probant rendu par la témoin de l'AFPC, agente de classification et d'équité salariale, qui connaissait l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux.

iv.                   C'est à tort que l'arbitre a écarté d'autres éléments de preuve manifestes, aussi bien directs que circonstanciels, établissant que le rajustement salarial spécial représentait une augmentation des taux de rémunération pour des raisons d'équité salariale. Il n'a pas tenu compte de l'annonce du Conseil du Trésor selon laquelle il mettrait en oeuvre certains rajustements au titre de la parité salariale pour les employés « d'ici la fin de l'année - soit décembre » , à la suite de la décision du Tribunal des droits de la personne datée du 29 juillet 1998. L'entente sur les rajustements salariaux spéciaux datée du 29 décembre 1998 représentait manifestement le rajustement fondé sur la parité salariale mentionné par le gouvernement dans le communiqué. Cette conclusion est renforcée par le fait que l'entente sur les rajustements salariaux spéciaux mentionne à maintes reprises la question de la parité salariale.

[24]       Pour ces motifs, la demande est accueillie avec dépens, la décision de l'arbitre est annulée et l'affaire lui est renvoyée avec instruction lui commandant d'accueillir le grief.

     « Michael A. Kelen »     

                                                                                                                                                                 Juge                 

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 JUILLET 2002

     

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                            T-683-01

INTITULÉ :                                           CONSTANCE AUCLAIR, MARIE-FRANCE MARLEAU et SUZANNE WHITMORE

                                                                                                                                  demanderesses

- et -

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

                                                                                                                                             

                                                                                                                                                            intimée

LIEU DE L'AUDIENCE :                   OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE MARDI 18 JUIN 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :           LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                        LE 11 JUILLET 2002

COMPARUTIONS :

Andrew Raven                                                                  POUR LES DEMANDERESSES

Lynn Harnden                                                                      POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

RAVEN, ALLEN, CAMERON & BALLANTYNE    POUR LES DEMANDERESSES

Avocats

1600 - 220, avenue Laurier Ouest

Ottawa (Ontario) K1P 5Z9

EDMOND HARNDEN                                                         POUR L'INTIMÉE

Avocats

Glebe Chambers

707, rue Bank

Ottawa (Ontario) K1S 3V1


                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                             Date : 20020711

                                                            Dossier : T-683-01

ENTRE :

CONSTANCE AUCLAIR, MARIE-FRANCE MARLEAU

et SUZANNE WHITMORE

                                                                              demanderesses

- et -

    

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT

                                                                                              intimée

                                                                                                                                                           

                       MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                                                              

   
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