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Date : 20211018


Dossier : IMM‑4530‑20

Référence : 2021 CF 1088

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2021

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

TARIK AMARI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, un citoyen de l’Algérie, soutient faire l’objet, dans ce pays, de discrimination équivalant à de la persécution du fait qu’il est Amazigh. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger, une décision qui a été portée en appel devant la Section d’appel des réfugiés [la SAR].

[2] La SAR a déclaré que la SPR avait commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité. Elle a conclu que la preuve et le témoignage du demandeur étaient crédibles et qu’ils suffisaient à démontrer que le demandeur avait fait l’objet de discrimination tout au long de sa vie en raison de son origine ethnique. Cependant, la SAR a aussi conclu que cette discrimination n’équivalait pas à de la persécution. En outre, la SAR a déclaré que la preuve documentaire établissait que la communauté des Amazighs en Algérie était exposée à de la discrimination et à de mauvais traitements, mais une fois de plus, elle a conclu que cette discrimination n’équivalait pas à de la persécution pour les membres de la communauté ayant un profil comme celui du demandeur.

[3] La SAR a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

[4] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par la SAR le 3 septembre 2020, au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. Il allègue que la SAR a commis de nombreuses erreurs au moment de traiter sa preuve personnelle concernant la discrimination et la preuve relative aux conditions dans le pays. Le défendeur soutient que la SAR a examiné la preuve qui lui a été présentée et qu’elle a raisonnablement conclu, en s’appuyant sur des motifs clairs et détaillés, que le demandeur ne serait pas exposé à un risque de persécution en Algérie.

[5] Après avoir étudié les observations des parties, je ne suis pas convaincu que la SAR a commis une erreur justifiant l’intervention de la Cour.

II. Analyse

A. Norme de contrôle

[6] Les parties conviennent que la décision de la SAR doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable. Je suis d’accord.

B. La SAR n’a commis aucune erreur dans son examen et son évaluation de la preuve

[7] La preuve montre que le demandeur souffre de problèmes psychologiques, notamment d’anxiété, et qu’il répond aux critères diagnostiques du trouble de stress post‑traumatique.

[8] La SAR a admis la preuve expliquant en détail l’état psychologique du demandeur et elle a reconnu que la discrimination que celui‑ci avait subie au travail avait eu une incidence sur son état psychologique. Cependant, la SAR a conclu que l’état psychologique du demandeur n’expliquait pas nécessairement à lui seul les problèmes médicaux décrits dans la preuve et que la nature du travail du demandeur en tant que médecin urgentologue ne pouvait pas être négligée comme cause « partielle » de sa souffrance. Le demandeur soutient que cette conclusion n’est pas étayée par la preuve et qu’il s’agit d’une conclusion médicale qui déborde du champ de compétence de la SAR. Je ne suis pas d’accord.

[9] La déclaration de la SAR selon laquelle le stress occasionné par le travail du demandeur ne peut pas être « néglig[é] comme cause partielle » de ses problèmes psychologiques repose sur la preuve. Le témoignage fait par le demandeur devant la SAR renvoie, à plusieurs reprises, au stress occasionné par son travail. Une lettre fournie par la sœur du demandeur en fait également mention. La déclaration de la SAR concorde avec ces éléments de preuve. Elle ne vient pas contredire, rejeter ni écarter les éléments de preuve médicale, et elle ne contredit en rien les conclusions médicales. En soulignant la possibilité que d’autres facteurs, en plus de la discrimination subie au travail, aient pu aggraver les problèmes de santé du demandeur, la SAR a raisonnablement interprété les éléments de preuve dont elle disposait.

[10] Je ne suis pas non plus convaincu que la SAR n’a pas tenu compte, comme le soutient le demandeur, du fait qu’en raison de la discrimination qu’il subissait au travail, il lui était effectivement impossible d’exercer sa profession en Algérie. La preuve ne démontre pas que le demandeur était dans l’impossibilité de continuer à exercer sa profession en Algérie. En fait, la preuve démontre qu’il a continué à travailler jusqu’au moment où il a quitté le pays, et ce, malgré la discrimination qu’il subissait sur son lieu de travail. La situation du demandeur diffère considérablement des circonstances de l’affaire He c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 1243 [He], sur laquelle le demandeur s’appuie. Dans l’affaire He, il avait été mis fin à l’emploi de la demanderesse, les permis de travail nécessaires lui avaient été refusés et elle était privée, de façon permanente, de la possibilité de continuer à exercer sa profession (aux para 6, 15).

[11] En outre, le demandeur affirme que la SAR a commis une erreur en ne traitant pas de façon exacte et complète de l’élément de preuve documentaire mentionnée dans les observations écrites et en ne tenant pas compte de la totalité de la preuve au moment d’évaluer si l’existence de risques cumulatifs équivalant à de la persécution avait été démontrée.

[12] L’élément de preuve en question est un extrait d’un rapport du Comité des droits de l’homme des Nations Unies [le rapport des Nations Unies]. Dans ce rapport, le Comité se dit inquiet du fait que les discours haineux tenus par des figures publiques et la montée du racisme et de la xénophobie envers les migrants et certaines communautés d’Amazighs en Algérie aient pu créer un climat propice aux actes de violence à caractère raciste. Le demandeur soutient que la SAR était tenue de se prononcer sur cet élément de preuve puisqu’il était pertinent quant à la question de la persécution et qu’il était en lien direct avec sa preuve, qui relatait un incident lors duquel un fonctionnaire du gouvernement avait tenté de l’agresser sur son lieu de travail.

[13] Je ne trouve rien à redire sur le fait que la SAR ne se soit pas expressément prononcée sur cet extrait du rapport des Nations Unies. La SAR a procédé à un examen détaillé de la preuve documentaire. Elle a conclu que la preuve démontrait que les Amazighs subissaient diverses formes de discrimination, mais que cette discrimination n’équivalait pas à de la persécution, sauf dans le cas des personnes participant activement à la défense des droits de leur communauté. Cette conclusion est transparente, justifiée et intelligible. L’extrait précis invoqué par le demandeur n’est ni incompatible ni en contradiction avec l’examen de la preuve fait par la SAR ou avec la conclusion tirée.

[14] Après avoir lu et examiné la décision de la SAR dans son ensemble, je suis convaincu que la SAR a tenu compte du profil personnel du demandeur au moment d’évaluer la preuve documentaire objective. Même si la structure de la décision de la SAR donne à penser que cette dernière a adopté une approche compartimentée en examinant la preuve personnelle du demandeur, d’une part, et la preuve concernant les conditions dans le pays, d’autre part, je suis convaincu, après avoir étudié attentivement la décision, que la SAR a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Au moment d’évaluer le risque dont faisait état la preuve documentaire, la SAR a déterminé que les personnes qui participaient à la défense de la communauté des Amazighs, que ce soit sur le plan politique ou social, couraient le risque de faire l’objet de persécution. Le demandeur ne correspond pas à ce profil. Selon moi, la SAR n’était pas tenue de procéder à une analyse plus détaillée puisque le profil personnel du demandeur ne correspondait manifestement pas à celui des personnes qui, de l’avis raisonnable de la SAR, pouvaient être exposées à un risque de persécution.

III. Conclusion

[15] Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée. Les parties n’ont soumis aucune question grave aux fins de certification, et je suis d’avis que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑4530‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  2. Aucune question n’est certifiée.

vide

« Patrick Gleeson »

vide

Juge

Traduction certifiée conforme

Geneviève Bernier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4530‑20

 

INTITULÉ :

TARIK AMARI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 OCTOBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 18 octobre 2021

 

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton

 

Pour le demandeur

 

Brad Gotkin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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