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Date : 20211008


Dossier : IMM-5526-20

Référence : 2021 CF 1053

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 8 octobre 2021

En présence de madame la juge Go

ENTRE :

MANOJ THAPA MAGAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Monsieur Manoj Thapa Magar [le demandeur], qui est citoyen du Népal, a déposé une demande d’asile depuis le Canada le 17 février 2016 au motif qu’il craignait d’être persécuté par les maoïstes dans son pays natal. Le 3 décembre 2018, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile. Invoquant la crédibilité comme question déterminante, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

[2] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la SPR à la Section d’appel des réfugiés [la SAR]. Le 9 octobre 2020, la SAR a confirmé la décision de la SPR.

[3] Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision de la SAR du 9 octobre 2020. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Contexte

A. Le contexte factuel

[4] Âgé de 48 ans, le demandeur est marié et père de deux enfants. Son épouse, ses enfants, tout comme ses parents et ses frères et sœurs vivent toujours au Népal. Le demandeur avait travaillé dans ce pays pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, y compris plus récemment à titre de travailleur autonome qui conduisait son propre véhicule pour diverses compagnies.

[5] Le demandeur affirme qu’il a fui le Népal parce qu’il craignait avec raison d’être persécuté par des cadres maoïstes et de la Ligue de la jeunesse communiste [la LJC] à cause de ses liens avec un parti monarchiste appelé Parti national démocratique du Népal ou Parti Rastriya Prajatantra [le PRP] dont le demandeur est membre depuis 2002.

[6] En mars 2015, le demandeur a expulsé des locataires de la maison de son père qui se trouvaient à être des membres de la LJC. En mai 2015, alors qu’il s’activait à porter secours aux victimes d’un tremblement de terre dévastateur au Népal, le demandeur allègue que des membres de la LJC ont pillé son matériel de secours. Ceux-ci l’ont ensuite menacé après qu’il eut signalé leurs agissements à la police. Le demandeur fait également valoir que les maoïstes et les membres de la LJC lui ont extorqué des dons. En outre, il affirme que deux hommes armés d’un fusil lui ont dérobé un million de roupies après qu’il fut passé à la banque. Par la suite, il s’est fait menacer par la LJC après avoir signalé l’incident à la police.

[7] Le 1er octobre 2015, le demandeur est arrivé au Canada avec un visa de visiteur. Pendant qu’il séjournait au pays, le demandeur allègue que son épouse s’est fait aborder en décembre 2019 par les membres d’une faction maoïste connue, les maoïstes Biplav. À cette occasion, ceux-ci l’ont menacée pour qu’elle révèle le lieu où se trouvait le demandeur et ils l’ont sommée de payer un million de roupies dans un délai d’un mois. Au lieu de ce faire, l’épouse du demandeur a déménagé dans une autre région du Népal et a annulé son contrat de téléphone.

[8] Durant sa première audience devant la SPR, le demandeur était représenté par un conseil. Avant que l’audience n’arrive à son terme, ce dernier a informé la commissaire de la SPR que sa relation avec le demandeur était complètement rompue et il a demandé la permission de cesser d’agir pour ce dernier. La SPR s’est rendue à sa demande sans opposition de la part du demandeur. Elle a alors offert le choix à ce dernier d’ajourner la séance, ce à quoi il a consenti. La commissaire de la SPR lui a ensuite recommandé de retenir les services d’un nouveau conseil et ensuite de l’aviser pour que soit déterminée la date de la nouvelle audience. Après quatre mois de silence de la part du demandeur, la SPR a fixé la date de celle-ci. Avant qu’elle ne se tienne, le demandeur a sollicité un nouvel ajournement parce qu’il n’avait pas encore été en mesure de se trouver un nouveau conseil. Malgré tout, il s’est présenté à l’audience au jour dit et la commissaire de la SPR lui a demandé s’il était prêt à poursuivre les procédures. Le demandeur a répondu qu’il l’était. Enfin, sa demande d’asile a finalement été rejetée en raison de problèmes liés à sa crédibilité.

B. La décision contestée

[9] Le demandeur était représenté par un nouveau conseil devant la SAR.

[10] La SAR a examiné les observations présentées par le demandeur sur la question de la possibilité de refuge intérieur [la PRI]. Par contre, la SAR n’est pas revenue sur la question de la crédibilité. Elle a considéré que les villes de Pokhara et de Katmandou constituent des PRI sûres et raisonnables.

[11] La SAR a aussi traité de l’argument mis de l’avant par le demandeur selon lequel il avait été privé de son droit à l’équité procédurale lors de l’audience de la SPR parce qu’il n’avait pas bénéficié d’une occasion équitable et raisonnable d’être représenté par un conseil. Il avait aussi affirmé que son interprète avait mal fait son travail lors de la première audience. La SAR a rejeté ces deux arguments.

III. Questions en litige

[12] Le demandeur soulève les deux questions suivantes :

  1. La SAR a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur disposait d’une PRI sûre et raisonnable?

  2. La SAR a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu de manquement à l’équité procédurale?

IV. Norme de contrôle

[13] La norme présumée s’appliquer au contrôle sur le fond d’une décision administrative est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 25. La décision de la SAR doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable : Elmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 296 au para 8. Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. » : Vavilov, au para 85. Il appartient au demandeur de démontrer que la décision de la SAR est déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer la décision pour ce motif « la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. » : Vavilov, au para 100.

[14] Quant à l’argument du demandeur selon lequel son droit à l’équité procédurale a été bafoué devant la SPR, la Cour énonce au paragraphe 11 de la décision Ibrahim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1148 que l’examen de la SAR sur les manquements à l’équité procédurale par la SPR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

V. Analyse

A. La SAR a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur disposait d’une PRI sûre et raisonnable?

[15] Les parties conviennent que, lorsqu’il s’agit de déterminer l’existence d’une PRI, le décideur doit tenir compte du critère à deux volets élaboré dans les arrêts Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA) et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA) :

  1. La Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la région du pays où, selon elle, il existe une PRI;

  2. Compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, la situation dans la région du pays où l’on estime qu’il existe une PRI est telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge.

[16] Bien que parties s’entendent sur le critère applicable à la PRI, elles sont en désaccord quant à savoir si la SAR l’a appliqué convenablement à la situation du demandeur.

[17] Le demandeur prétend qu’aucun des deux volets n’est rempli. Pour le premier volet, il a présenté des extraits de bon nombre de rapports et d’articles qui témoignent généralement de l’existence de la LJC au Népal en 2011 et 2012, d’actes de violence commis par celle-ci dans le cadre des élections népalaises entre 2013 et 2014, de la participation des maoïstes Biplav dans des enlèvements et des extorsions en 2015 — dont une campagne nationale pour récolter des fonds en décembre 2014 — et de l’implication de la LJC dans des actes d’extorsion et d’intimidation de 2011 à 2013.

[18] Le demandeur invoque la décision Gurung c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 622, qu’il qualifie de particulièrement « pertinente » vu la similarité de sa trame factuelle à celle de l’espèce. Dans cette affaire, le demandeur affirmait qu’il craignait d’être persécuté au Népal par les maoïstes et les membres de la LJC en raison de ses opinions politiques. La SPR avait admis les éléments de preuve relatifs à la persécution, mais avait considéré qu’il existait une PRI à Katmandou. La SAR avait ensuite rejeté l’appel. Lors du contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour, le juge Campbell avait conclu que la décision de la SAR était déraisonnable parce le risque auquel était exposé le demandeur ne devrait pas être fondé sur un « profil », mais sur un risque personnalisé établi.

[19] Le demandeur allègue que la SAR a tiré des conclusions erronées similaires à celles mises en exergue par le juge Campbell dans la décision Gurung. Il fait valoir qu’il a fourni une preuve objective abondante concernant son risque personnalisé de persécution aux mains des maoïstes et des membres de la LJC au Népal tout comme le réseau national mis en place par ces mêmes groupes au pays. Le demandeur affirme aussi qu’il a présenté des éléments de preuve sur la permanence du risque qu’il court au Népal puisque les maoïstes ont récemment contacté et menacé son épouse pour découvrir où il se dissimulait.

[20] Quant au deuxième volet du critère de la PRI, le demandeur souligne que, lorsqu’il s’agit de déterminer que la PRI est raisonnable « compte tenu de toutes les circonstances », le critère est flexible et doit être apprécié au cas par cas, en tenant compte de la situation particulière du demandeur et du pays donné. Afin d’établir que le second volet du critère de la PRI n’est pas rempli, le demandeur a déposé plusieurs rapports et lettres de la police népalaise comme éléments de preuve qu’il n’existe pas de protection étatique au Népal, et ce, afin de démontrer que les PRI envisagées sont déraisonnables.

[21] Le défendeur plaide quant à lui que la décision est raisonnable parce que la SAR [traduction] « ne s’est pas prêtée sans droit à de la spéculation, mais qu’au contraire, elle avait tiré des conclusions logiques à la suite d’une analyse transparente des éléments de preuve et des observations au dossier ». Le défendeur prétend donc que la conclusion de la SAR sur les PRI est raisonnable.

[22] Le défendeur prétend en outre que la SAR a raisonnablement jugé la situation du demandeur selon les principes établis dans l’arrêt Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164 au para 15 portant que le demandeur ne doit prouver « rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur […] [et qu’il doit apporter] une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. »

[23] J’observe que la SAR a effectivement qualifié le demandeur de « citoyen ordinaire » et qu’elle a fait mention de son « profil politique de membre du RPP », mais je constate qu’elle a aussi tenu compte de la situation particulière du demandeur tout au long de sa décision dans son examen des documents objectifs sur la situation du Népal. Aux paragraphes 47 à 49 de sa décision, la SAR renvoie à la preuve contenue dans le cartable national de documentation [le CND] qui laisse entendre que la LJC se serait scindée en deux groupes jeunesse distincts, et à d’autres sources selon lesquelles l’organisation aurait été dissoute, ce qui suscite des avis contradictoires quant à l’existence du réseau national de la LJC. De la même manière, le CND donne à penser que les maoïstes ne sont pas un groupe uni, mais plutôt divisé. De plus, la SAR énonce ce qui suit :

[49] L’appelant a déménagé à Katmandou en mai 2015 et y est resté jusqu’à son départ pour le Canada en octobre de la même année. Il a vécu à Katmandou pendant plusieurs mois, et les maoïstes ne l’ont pas retrouvé. Bien qu’il affirme avoir évité les lieux publics et être sorti seulement lorsque c’était nécessaire, l’appelant a tout de même exploité son entreprise de transport à partir de Katmandou et qu’il [sic] ne vivait donc pas dans une clandestinité complète.

[24] La SAR a conclu, de façon cohérente, compte tenu des éléments de preuve contradictoires sur la situation du pays et de son appréciation de la situation du demandeur, qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve montrant l’existence d’un réseau national de maoïstes et de membres de la LJC doté des moyens de localiser le demandeur. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve : Vavilov, au para 125. Je ne discerne pas non plus de raison d’intervenir à l’égard de la conclusion tirée par la SAR.

[25] La conclusion de la SAR selon laquelle il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve pour étayer l’idée que les maoïstes étaient motivés à localiser le demandeur était également appuyée par les éléments de preuve déposés par le demandeur, dont la lettre de la LJC laissée à son intention en 2017. La SAR a remarqué que la lettre de 2017 était différente de celle de 2015 en ce qu’elle était dépourvue de menaces et sollicitait simplement un appui en vue de la prochaine élection. Étant donné que la lettre de 2017 mentionne explicitement qu’il ne s’agit pas [traduction] « d’un avertissement, mais d’une campagne pour intégrer des jeunes » au parti et que là réside le motif de la demande d’appui, j’estime que la conclusion de la SAR en ce sens est raisonnable.

[26] Durant l’audience tenue devant la Cour, le demandeur a en outre fait valoir que son identité ne se cantonne pas à son appartenance à un parti politique. Il est aussi un joueur de soccer, un homme d’affaires et membre d’une communauté minoritaire. Malgré cela, il n’a pas détaillé, eu égard à ces autres facettes de sa personne, comment il risquerait sérieusement d’être persécuté dans les villes proposées à titre de PRI.

[27] Quant à l’argument du demandeur selon lequel je devrais appliquer la décision Gurung en raison de la similarité de la trame factuelle, je souligne d’abord que chaque affaire est un cas d’espèce. Dans la décision Gurung, le juge Campbell a signalé que « la preuve faisant autorité en matière de “réseau national” déposée au dossier et confirmée par la SAR constitu[ait] une preuve que le demandeur [était] exposé à un risque à l’échelle nationale. » En l’espèce, comme je l’ai déjà mentionné, la preuve d’un tel réseau national reste nébuleuse.

[28] Le demandeur s’en remet également à la décision Gurung pour conforter sa thèse selon laquelle une conclusion sur son bien-être dans les villes proposées à titre de PRI ne peut être tirée du fait que les membres de sa famille n’ont pas eu de problème. Bien que j’abonde dans ce sens en règle générale, je remarque que le demandeur semble avoir fait des problèmes de sa famille une partie pertinente de sa demande d’asile tout comme de ses observations sur les PRI. Comme le note la SAR au paragraphe 50 de sa décision :

[50] Dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (formulaire FDA), l’appelant prétend craindre que les maoïstes ne prennent des membres de sa famille pour cible et n’enlèvent peut‑être son fils. Pourtant, lors de l’audience de la SPR en 2018, l’appelant a déclaré que son épouse vivait à Katmandou depuis janvier 2016 et qu’elle n’avait eu aucun problème avec les maoïstes. Il n’a mentionné aucun préjudice ni problème concernant ses enfants. Sa sœur, qui vit aussi à Katmandou, n’a connu aucun problème avec les maoïstes.

[29] De lui-même, le demandeur a continué de soulever les soucis vécus par les membres de sa famille à l’appui de son argument sur la PRI en évoquant les menaces subies par sa femme en 2019 lorsqu’elle a été abordée dans la rue par deux maoïstes Biplav voulant l’extorquer. La SAR a traité de ce pan de la preuve lorsqu’elle a cherché à savoir comment deux inconnus pouvaient avoir reconnu l’épouse du demandeur et l’avoir reliée à lui, tout en constatant que nul ne l’avait contactée durant les neuf derniers mois après qu’elle eut déménagé dans une autre ville, et ce, même si elle n’avait pas payé le montant réclamé. La décision de la SAR est raisonnable et démontre qu’elle a tenu compte de la situation particulière du demandeur lorsqu’elle a examiné, dans le cadre de l’analyse des PRI, les risques encourus par celui-ci.

[30] Pour clore la question du premier volet du critère de la PRI, j’estime que la conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans les villes proposées à titre de PRI est fondée sur un examen cohérent des éléments de preuve documentaire au dossier et que, pour parvenir à cette conclusion, la SAR a tenu compte des interactions précises entre le demandeur et les factions maoïstes concernées. Je conclus donc que le demandeur n’a pas réussi à démontrer que le premier volet du critère de la PRI n’était pas rempli.

[31] Je conclus en outre que le demandeur n’a pas non plus réussi à s’acquitter de son fardeau de démontrer que le deuxième volet du critère de la PRI n’était pas rempli. À cet égard, tout en prenant acte des manifestations politiques en cours dans l’ensemble du Népal et surtout à Katmandou, la SAR a raisonnablement conclu que ces incidents visaient en grande partie le gouvernement, les ONG ou les bâtiments et dirigeants d’affaires et que le demandeur n’avait pas établi que ces manifestations étaient d’une ampleur telle qu’elles menaçaient sa vie ou sa sécurité. La décision de la SAR mentionne également les éléments de preuve documentaire au dossier traitant de la capacité ou de la volonté de la police à protéger les citoyens contre les maoïstes Biplav en tout lieu du Népal. Les documents sur la situation du pays et les articles de presse déposés par le demandeur devant la SPR et la SAR suggèrent que la police ne reste pas inactive face aux maoïstes Biplav. Bien au contraire, la police a arrêté et détenu bon nombre de cadres de factions maoïstes. Au vu du dossier devant la SAR, ces conclusions étaient raisonnables.

[32] Enfin, la SAR a conclu qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer l’existence d’obstacles déraisonnables qui pourraient empêcher le demandeur de trouver le moyen de subvenir à ses besoins dans les villes proposées à titre de PRI. Compte tenu de la capacité du demandeur de parler le népali (la langue officielle du Népal), l’hindi et l’anglais, de son réseau familial et de son expérience de travailleur autonome (notamment à Katmandou), j’estime que la conclusion de la SAR était raisonnable.

[33] En résumé, à la lecture de la décision dans son intégralité, je conclus que la SAR a traité raisonnablement la preuve, en tenant compte du bon critère juridique, et que sa conclusion selon laquelle il existe des PRI sûres et raisonnables en l’espèce est appuyée par la preuve dont elle disposait.

B. La SAR a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu de manquement à l’équité procédurale?

[34] Le demandeur fait valoir que la SPR a bafoué ses droits à l’équité procédurale. Il affirme qu’elle ne lui a pas fourni une occasion équitable et raisonnable d’être représenté par un conseil lors de l’audience.

[35] Le demandeur évoque des problèmes de santé mentale pour justifier son incapacité à se trouver un nouveau conseil avant l’audience de la SPR. Il a fourni la lettre d’un médecin pour appuyer sa prétention.

[36] En réponse, le défendeur met en exergue les conclusions de la SAR selon lesquelles le demandeur a obtenu un ajournement de quatre mois pour se trouver un nouveau conseil après la rupture de sa relation avec son ancien conseil durant l’audience de la SPR. De surcroît, le défendeur soutient que la lettre de la clinique sans rendez-vous et les deux reçus de médicaments d’ordonnance, tous trois datés de quelques jours avant la reprise de l’audience devant la SPR, n’abordent pas la question de l’incapacité du demandeur de retenir les services d’un conseil.

[37] À mon avis, l’argument du demandeur sur l’équité procédurale fait défaut pour deux raisons. En premier lieu, il n’existe aucun élément de preuve qui indique comment l’état mental du demandeur a entravé sa capacité à retenir les services d’un conseil. La lettre du médecin sur laquelle le demandeur se fonde se résume à une seule ligne, à savoir : [traduction] « Le patient a reçu le diagnostic d’un problème de santé mentale pour lequel il suit un traitement que je supervise. » Ni la lettre ni le demandeur n’apportent une explication sur les raisons pour lesquelles il n’était pas en mesure de trouver un conseil à cause de ses problèmes de santé mentale.

[38] En deuxième lieu, bien que les décideurs doivent examiner la demande d’accommodement d’une partie en raison de son handicap (dont une demande d’ajournement), il serait inapproprié pour un décideur de présumer qu’une personne souffrant d’un problème de santé mentale serait automatiquement dépourvue de la capacité de solliciter les conseils d’un avocat ou de celle d’amorcer des procédures judiciaires. Une telle supposition a comme conséquence de renforcer les stéréotypes négatifs qui affligent les personnes qui ont des problèmes de santé mentale et mine leur droit à l’autonomie.

[39] En l’espèce, vu que le demandeur n’a apporté aucune explication afin de lier son problème de santé mentale à ses difficultés de retenir les services d’un conseil, il était donc raisonnable pour la SPR de procéder à la tenue de l’audience alors que le demandeur n’était pas représenté, tout comme il était raisonnable pour la SAR de conclure qu’il n’y avait pas eu de manquement à l’équité procédurale.

VI. Conclusion

[40] Pour les motifs résumés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[41] Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale aux fins de certification, et je conclus que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5526-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Avvy Yao-Yao Go »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5526-20

 

INTITULÉ :

MANOJ THAPA MAGAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 SeptembRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 OctobRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Keshab Prasad Dahal

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Matthew Siddall

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Keshab Prasad Dahal

Dahal Law Professional Corporation

Scarborough (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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