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Date : 20211027


Dossier : IMM‐5102‐19

Référence : 2021 CF 1146

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2021

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

KOMLA MAWULI EZOU

FLORENCE PYNE

AYABA SOPHIA EZOU

KOSSI GABRIEL EZOU

TERRY KOKUVI EZOU

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Les demandeurs, M. Komla Mawuli Ezou, Mme Florence Pyne (son épouse), et leurs trois enfants sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a refusé leur demande de résidence permanente présentée à titre de membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‐frontières ou de la catégorie de personnes de pays d’accueil, demande fondée sur l’alinéa 139(1)e) et sur les articles 145 et 147 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‐227 (le RIPR). Les demandeurs allèguent que la décision de l’agent selon laquelle ils ne satisfont aux exigences d’aucune des deux catégories est déraisonnable.

[2] Les demandeurs allèguent que la décision de l’agent repose sur de simples assertions et qu’elle n’est aucunement étayée par un raisonnement ou par un renvoi à quelque preuve concrète. De plus, l’agent n’a fourni aucun motif pour justifier sa conclusion contraire à celle du Haut‐Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR), qui avait reconnu aux demandeurs la qualité de réfugiés au sens de la Convention. Par conséquent, ils font valoir que la décision de l’agent n’était pas transparente, intelligible ou justifiée.

[3] Je conclus que les demandeurs ont établi que la décision de l’agent est déraisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Les questions en litige et la norme de contrôle

[4] Les parties conviennent que la norme applicable est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[5] La norme de la décision raisonnable est une forme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov aux para 12, 13, 75 et 85. La cour de révision ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions possibles, ne se livre pas à une nouvelle analyse et ne cherche pas à déterminer la solution correcte au problème : Vavilov au para 83. Elle doit plutôt examiner la décision effectivement rendue et tenir compte de son résultat eu égard au raisonnement sous‐jacent afin de s’assurer qu’elle est dans son ensemble transparente, intelligible et justifiée : Vavilov aux para 15 et 83.

[6] Les motifs écrits fournis par le décideur administratif servent à communiquer la justification de sa décision : Vavilov au para 84. À cet égard, il ne suffit pas que la décision soit justifiable : elle doit être justifiée par le décideur, au moyen de motifs : Vavilov au para 86. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov au para 85.

[7] Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov au para 100.

III. Contexte

[8] M. Ezou est un citoyen du Togo d’origine ethnique ewe. Son père était membre d’un parti politique qui s’opposait au parti au pouvoir, et M. Ezou a été de ce fait pris pour cible. Des soldats ont violemment attaqué les membres de sa famille à leur domicile, ce qui les a forcés à fuir le Togo en 1993.

[9] Mme Pyne est une citoyenne de la Sierra Leone. Tous les membres de sa famille ont été tués par des rebelles, qui ont mis le feu à la maison et torturé quiconque ne se trouvait pas à l’intérieur. Mme Pyne a été sauvée par une femme qui est ensuite devenue sa mère adoptive. Cette dernière a aussi été victime d’une attaque brutale, mais elle a réussi à fuir le pays avec Mme Pyne en 1992. Elles ont tenté de retourner en Sierra Leone en 1998. En 2000, Mme Pyne a été forcée de fuir le pays une deuxième fois avec sa famille adoptive.

[10] M. Ezou et Mme Pyne se sont rencontrés au Ghana et vivent au camp de réfugiés de Krisan avec leurs enfants. Ils ne sont pas retournés dans leurs pays respectifs, où ils n’ont pas de famille. Quelques membres de leurs familles sont des réfugiés au Ghana et d’autres se sont réinstallés en Australie ou au Canada. La famille adoptive de Mme Pyne s’est réinstallée au Canada. Mme Pyne était incluse dans la demande de résidence permanente déposée par sa famille adoptive, mais elle en a été retirée à la suite de son mariage avec M. Ezou et y est devenue inadmissible.

[11] Les demandeurs ont été sélectionnés comme candidats à la réinstallation par le bureau des réfugiés de l’archidiocèse de Toronto et ont présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que réfugiés parrainés par le secteur privé. Ils allèguent que le Togo et la Sierra Leone ne sont plus des pays sécuritaires pour eux et ils craignent d’être persécutés s’ils y sont renvoyés. Le HCR et le gouvernement du Ghana leur ont reconnu la qualité de réfugiés au sens de la Convention.

IV. Analyse

[12] Les demandeurs soutiennent que les motifs de l’agent, qui figurent dans les notes consignées au Système mondial de gestion des cas (le SMGC), se résument à une simple assertion selon laquelle la situation a changé au Togo et en Sierra Leone, et que ces pays sont maintenant sécuritaires, soit la même erreur susceptible de contrôle que celle relevée dans la décision Anku c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 125 [Anku]. Selon les demandeurs, les notes que l’agent a versées au SMGC indiquent simplement que la [traduction] « preuve documentaire objective » ne permet pas de conclure que les demandeurs seraient en danger s’ils retournaient en Sierra Leone ou au Togo. Les notes figurant au SMGC n’indiquent pas sur quelle preuve documentaire objective l’agent s’est appuyé ni en quoi ils appuient la conclusion de portée générale selon laquelle les demandeurs ne seraient pas en danger, et elles ne révèlent pas le raisonnement qui a permis de conclure que les demandeurs ne sont pas [traduction] « sérieusement et personnellement affectés par une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne à la Sierra Leone ou au Togo ». Dans l’analyse qui l’a mené à ces conclusions, l’agent ne fait aucune distinction entre les deux pays. S’il est possible que l’agent se soit raisonnablement appuyé sur sa connaissance de la situation à la Sierra Leone et au Togo, les demandeurs font valoir qu’il n’a fait mention d’aucune constatation réelle et concrète pour justifier sa conclusion.

[13] Les demandeurs font observer que le cadre établi par l’arrêt Vavilov vise à permettre de développer et de renforcer une culture de la justification, et à servir de bouclier contre l’arbitraire. Les motifs qui ne font que reprendre le libellé de la loi, résumer les arguments avancés et formuler ensuite une conclusion péremptoire permettent rarement à la cour de révision de comprendre le raisonnement qui justifie la décision : Vavilov au para 102.

[14] Les demandeurs font aussi observer que le fait que le HCR et le gouvernement du Ghana leur ont reconnu la qualité de réfugiés au sens de la Convention est une considération pertinente. Dans les notes consignées au SMGC, il n’est aucunement fait mention de preuve documentaire du HCR sur les réfugiés, et le statut de réfugié des demandeurs au Ghana y est mentionné, mais sans plus d’explications. Les demandeurs affirment qu’il est impossible de savoir si l’agent a tenu compte de cet élément de preuve hautement pertinent avant de conclure qu’ils ne satisfaisaient pas aux exigences de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‐frontières ou de la catégorie de personnes de pays d’accueil en droit canadien.

[15] Je conclus que les demandeurs ont établi que la décision de l’agent est déraisonnable. La lettre de refus et les notes de l’agent figurant au SMGC ne fournissent pas le raisonnement transparent et intelligible qui expliquerait pourquoi l’agent n’était pas convaincu que les demandeurs satisfaisaient aux exigences de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‐frontières ou de la catégorie de personnes de pays d’accueil en droit canadien.

[16] Dans la lettre de refus de l’agent, les dispositions législatives pertinentes du RIPR sont suivies d’une conclusion péremptoire – une telle lettre n’est pas d’une grande utilité pour aider la Cour à comprendre le raisonnement sur lequel se fonde la décision : Vavilov au para 102. Dans une section des notes qu’il a versées au SMGC, l’agent présente ses conclusions, mais ne les justifie pas. Bien que les notes révèlent que l’agent a pris en considération des documents objectifs concernant la situation en Sierra Leone et au Togo, elles n’indiquent pas quels sont ces documents, sur quoi ils portent, ni en quoi ils sont liés à la situation des demandeurs.

[17] De plus, le fait que le HCR et le gouvernement du Ghana leur ont reconnu la qualité de réfugiés au sens de la Convention est une considération pertinente, et il est difficile de savoir si l’agent a pris en compte le statut des demandeurs. Bien qu’il ne soit pas déterminant pour décider si les demandeurs satisfont au critère en droit canadien, le fait que le HCR et le gouvernement du Ghana leur ont reconnu le statut de réfugiés était, sur le plan personnel, une considération pertinente que l’agent devait aborder : Ghirmatsion c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 519 aux para 57 et 58.

[18] Le défendeur affirme qu’il est clair d’après les motifs que, tout simplement, les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau d’établir qu’ils satisfont aux exigences de la catégorie de réfugiés au sens de la Convention ou de la catégorie de personnes de pays d’accueil. Les demandeurs d’asile doivent démontrer qu’ils risquent d’être persécutés du fait d’un motif prévu à la Convention, soit la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social et les opinions politiques. Le défendeur fait valoir que les demandeurs n’ont pas exprimé de crainte de persécution liée à l’un des motifs prévus à la Convention, mais qu’ils ont plutôt formulé de simples et vagues assertions sur l’existence d’un risque : Hungbeke c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 955 au para 41. Les demandeurs ont fait part de leur désir de rejoindre la famille de Mme Pyne au Canada et d’y connaître une vie meilleure, et l’agent a noté que le désir de connaître une vie meilleure n’était pas un motif prévu par la Convention.

[19] Je ne souscris pas à la thèse que la décision de l’agent était liée à de vagues assertions sur l’existence d’un risque. L’agent n’a ni affirmé que les allégations des demandeurs étaient vagues ni remis en question les événements qui avaient forcé M. Ezou et Mme Pyne à quitter leurs pays respectifs. La décision de l’agent s’appuyait plutôt sur la constatation que la situation au Togo et en Sierra Leone avait changé depuis que les demandeurs avaient fui leurs pays, plusieurs années auparavant, et qu’ils pouvaient maintenant y retourner en toute sécurité. Cependant, comme il a été mentionné ci‐dessus, l’agent n’a pas justifié la conclusion selon laquelle les demandeurs pouvaient y retourner en toute sécurité. De fait, l’agent semble avoir tiré une conclusion contradictoire, car il a constaté que les demandeurs s’étaient vu reconnaître la qualité de réfugiés au Ghana et étaient autorisés à y rester, ce qui porte à croire que les demandeurs jouissent d’une protection hors du Togo et de Sierra Leone et qu’on ne les forcerait pas y retourner.

[20] Je ne souscris pas non plus à la thèse du défendeur selon laquelle l’agent a refusé la demande parce que les demandeurs n’avaient pas exprimé une crainte de persécution liée à un motif prévu par la Convention. Bien que l’agent ait mentionné que les demandeurs avaient fait part de leur désir de connaître une vie meilleure au Canada et de rejoindre la famille adoptive de Mme Pyne, et qu’il ait souligné qu’il ne s’agissait pas là d’un motif prévu par la Convention, il n’a pas tiré la conclusion que les demandeurs n’avaient pas exprimé de crainte de persécution liée à un motif de persécution prévu par la Convention. Quoi qu’il en soit, si l’agent avait tiré une telle conclusion, il s’agirait d’une erreur susceptible de contrôle, car les motifs n’en fournissent pas la justification adéquate. Dans leur demande, ainsi qu’en réponse à l’agent qui leur demandait pourquoi ils craignaient de retourner au Togo et à la Sierra Leone, les demandeurs ont exprimé les mêmes craintes de persécution qu’auprès du HCR et du gouvernement du Ghana, qui leur ont tous deux reconnu la qualité de réfugiés au sens de la Convention.

[21] En plus de la raison pour laquelle les demandeurs craignaient de retourner au Togo et en Sierra Leone, l’agent leur a demandé pourquoi ils demandaient l’asile au Canada. Le désir de connaître une vie meilleure dont ont fait part les demandeurs doit être considéré dans ce contexte. Dans leur demande et au cours de l’entrevue, les demandeurs ont décrit les difficiles conditions de vie au Ghana, en faisant notamment état de la discrimination, du manque d’emplois et de l’absence de bonnes écoles pour les enfants et de formation professionnelle pour les parents. Ils ont expliqué qu’ils s’étaient vu reconnaître la qualité de réfugiés au Ghana, mais qu’ils n’avaient pas obtenu de permis de séjour et que leurs documents expiraient tous les six mois. Les demandeurs ont déclaré qu’ils manquaient de nourriture et qu’ils devaient en mendier aux villageois, mais qu’il leur était difficile d’en obtenir : [traduction] « Même les Ghanéens ont des difficultés dans leur propre pays, alors imaginez ce qu’il en est pour les réfugiés », ont‐ils expliqué, ajoutant que [traduction] « [l]es autorités ne [pouvaient] prêter attention à [leur] situation et à [leur] problèmes ». À mon avis, quand les demandeurs déclarent qu’ils désirent connaître une vie meilleure et rejoindre la famille adoptive de Mme Pyne, il s’agit des raisons pour lesquelles ils souhaitent se réinstaller au Canada plutôt que des raisons pour lesquelles ils ne peuvent retourner au Togo ou en Sierra Leone.

[22] Le défendeur s’appuie sur les paragraphes 51 et 52 de la décision Hungbeke à l’appui de son affirmation selon laquelle l’ensemble des notes figurant au SMGC, y compris les notes d’entrevue et les notes indiquant les conclusions de l’agent, font partie des motifs de l’agent. D’après le défendeur, le fondement des conclusions de l’agent est présenté dans les notes d’entrevue. Dans celles‐ci, l’agent a expliqué pourquoi il croyait que la situation a changé en Sierra Leone : le HCR collaborait avec le gouvernement, des gens revenaient au pays, la guerre était terminée et la paix y règne maintenant. L’agent explique aussi dans les notes pourquoi il n’était pas convaincu qu’un retour au Togo présentait un risque : M. Ezou a allégué la crainte d’être persécuté au Togo du fait que le même parti était au pouvoir, mais des membres du parti d’opposition (dont le père de M. Ezou avait été membre) avaient été élus au gouvernement. Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas réfuté les conclusions de l’agent lorsque l’occasion de les commenter leur a été donnée au cours de l’entrevue, et qu’ils n’ont encore présenté aucun élément de preuve démontrant que l’agent avait commis une erreur. Le défendeur soutient que l’agent, qui est en poste au Ghana et connaît la région, était en droit de s’appuyer sur sa connaissance locale de la situation au Togo et en Sierra Leone : Saifee c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 589 aux para 30 et 31.

[23] Comme la Cour suprême du Canada l’a souligné dans l’arrêt Vavilov (aux paragraphes 91 à 98), les motifs d’une décision doivent être interprétés à la lumière du dossier et en tenant dûment compte du régime administratif dans lequel ils sont donnés. Les notes d’entrevue de l’agent font partie du dossier et, à mon avis, la décision de l’agent doit être examinée à la lumière de celles‐ci. Toutefois, le simple fait de documenter les déclarations du demandeur faites lors de l’entrevue dans les notes consignées au SMGC ne justifiera pas nécessairement une décision qui, autrement, n’aborde pas des éléments de preuve essentiels ou n’en tient pas compte : Anku au para 31. En l’espèce, je ne suis pas convaincue que les notes d’entrevue fournissent la justification de la décision de l’agent.

[24] Concernant la Sierra Leone, les notes d’entrevue sont les suivantes :

[traduction]

L’épouse [Mme Pyne] craint un retour. Préoccupation : la situation a beaucoup changé dans votre pays. Le HCR collabore avec le gouvernement. Beaucoup de gens reviennent. En ce moment, la situation en Sierra Leone est calme. La guerre est terminée et le pays regarde vers l’avenir... La paix est revenue, et, compte tenu de la situation actuelle, les citoyens de la Sierra Leone n’ont pas qualité de réfugiés.

Comme il a été mentionné ci‐dessus, la source des renseignements de l’agent n’est pas indiquée dans les notes, et le lien entre ces renseignements et la situation des demandeurs n’y est pas expliquée. Bien qu’un agent en poste au Ghana puisse posséder une connaissance locale de la situation à la Sierra Leone, je suis d’accord avec l’affirmation des demandeurs selon laquelle la décision de l’agent doit être justifiée, et les principes de transparence et de justification exigent davantage que des assertions d’ordre général voulant que la paix règne en Sierra Leone et que ses citoyens ne soient pas admissibles à obtenir le statut de réfugiés, en particulier quand le Ghana a reconnu à Mme Pyne la qualité de réfugiée. À mon avis, et à la lumière des faits en l’espèce, les assertions d’ordre général de l’agent présentées ci‐dessus ne fournissent pas la justification nécessaire permettant de conclure que Mme Pyne peut retourner en Sierra Leone en toute sécurité.

[25] Concernant le Togo, les notes d’entrevue sont les suivantes :

[traduction]

Je lui explique [à M. Ezou] que la situation réelle au Togo n’est pas parfaite, mais qu’à mon point de vue, un membre du parti dont son père était membre est élu au gouvernement.

L’agent ne dit rien de l’identité ou du rôle au sein du gouvernement du membre élu (ou des membres élus) et il n’explique pas pourquoi l’inclusion de membres du parti d’opposition dans le gouvernement a une incidence sur le risque de persécution des demandeurs au Togo. M. Ezou allègue que la situation au Togo n’a pas changé et qu’il y serait toujours exposé à un risque. Il allègue que ceux qui l’ont persécuté sont toujours au pouvoir, qu’il n’y a pas eu de changement de gouvernement après la mort du président parce que le fils de ce dernier lui a succédé, que le gouvernement du Togo a enlevé des réfugiés togolais vivant au Ghana, que des gens ont été battus, et qu’il a rencontré un homme qui, quelques jours après être retourné au Togo, est revenu contusionné au Ghana. À mon avis, les motifs de l’agent ne fournissent pas de réponses aux allégations des demandeurs ni la justification de sa décision.

[26] Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a confirmé ses indications antérieures, présentées dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‐Neuve‐et‐Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, selon lesquelles la cour de révision peut « relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées », mais ne doit pas émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser, fournir les motifs qui auraient pu être donnés et formuler les conclusions de fait qui n’ont pas été tirées : Vavilov au para 97. En lisant les notes qui figurent au SMGC globalement, en contexte et à la lumière du dossier, je ne peux relier les points sans devoir émettre des hypothèses sur ce que l’agent a pu penser ou fournir les motifs qui auraient pu être donnés. À mon avis, les notes versées au SMGC ne fournissent pas de fondement transparent et intelligible justifiant la décision de l’agent.

V. Conclusion

[27] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que les demandeurs ont établi que la décision de l’agent est déraisonnable. La décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent en vue d’un nouvel examen.

[28] Aucune partie ne propose de question aux fins de la certification et, à mon avis, il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‐5102‐19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent en vue d’un nouvel examen;

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐5102‐19

 

INTITULÉ :

KOMLA MAWULI EZOU, FLORENCE PYNE, AYABA SOPHIA EZOU, KOSSI GABRIEL EZOU, TERRY KOKUVI EZOU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 AOÛT 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 OCTOBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Samuel Plett

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Meva Motwani

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Desloges Law Group

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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