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Date : 20200825


Dossier : IMM‑1194‑20

Référence : 2020 CF 855

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 août 2020

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

WAHEED OLAIDE MAITO

TITILAYO RIANAT MAITO

KEHINDE HOSSENAT MAITO

TAIWO HASSANAT MAITO

IDOWU ABDULRASHEED MAITO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

VU les dossiers de requête des demandeurs déposés les 2 et 31 juillet 2020, qui renferment des requêtes visant à solliciter, respectivement (i) une ordonnance de prorogation du délai nunc pro tunc pour le dépôt du dossier des demandeurs, initialement dû pour le 19 mars 2020 [la requête 1]; (ii) une ordonnance enjoignant au défendeur, en tant que ministre responsable de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, de fournir aux demandeurs une traduction anglaise de l’exposé des motifs et de la décision du 24 janvier 2020 de la Section d’appel des réfugiés [la SAR] [la requête 2];

ET VU que la requête 1 a été faite par écrit en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, alors que la requête 2 devait être présentée en audience le 11 août 2020;

ET VU la lecture faite des dossiers de requête 1 et 2 des demandeurs, du dossier de requête 1 du défendeur, et remarquant que la requête 2 sollicitait une ordonnance de redressement qui, bien qu’elle n’ait pas été sollicitée explicitement dans la requête 1, constituait néanmoins une question pertinente;

ET VU la lettre du 6 août 2020 du défendeur, qui remet en cause la pertinence de la requête 2 et de l’audience, et la lettre du 8 août 2020 rédigée en réplique par les demandeurs;

ET VU la décision prévoyant que la requête 1 et la requête 2 seraient tranchées ensemble par écrit, et que la requête 2 serait du coup retirée des séances générales du 11 août 2020 de Toronto;

ET VU la lettre du 12 août 2020 du défendeur informant la Cour qu’il souhaite s’en remettre à son dossier de requête 1 pour les fins des deux requêtes;

ET VU que la Cour a décidé d’accueillir la requête 1, qu’elle l’a modifiée telle que précisée, et qu’elle a rejeté la requête 2, pour les motifs qui suivent :

I. Contexte

[1] Les demandeurs allèguent, au sujet de la requête 2, que leur ancienne conseillère ne les a pas informés du fait que l’avis d’appel à la SAR serait rédigé en français (sous « langue choisie pour l’appel », « français » était sélectionné pour le demandeur principal) ni que l’appel serait instruit et que la décision serait rédigée dans cette langue. Or, l’instruction de leur demande devant la Section de la protection des réfugiés [la SPR] et la décision de cette instance s’étaient faite et rendue en anglais, la langue des demandeurs. Ceux‑ci soutiennent en outre qu’ils n’ont pas signé l’avis d’appel.

[2] L’ avocat actuel des demandeurs a écrit à la SAR le 14 février 2020 et à l’ancienne conseillère le 6 mars 2020 pour demander une traduction anglaise de la décision de la SAR. Celle‑ci a répondu le même jour qu’étant donné que la langue des procédures choisie dans l’avis d’appel était le français et qu’elle n’avait reçu aucun avis de changement de langue durant le processus d’appel, la décision et l’exposé des motifs étaient en français. De plus, la SAR a informé l’avocat des demandeurs qu’en conséquence, elle ne fournirait pas de version en anglais. L’affidavit à l’appui de la position des demandeurs est muet quant à une réponse quelconque de la part de l’ancienne conseillère.

[3] Les demandeurs soutiennent que puisqu’ils ont choisi l’anglais comme langue principale dès le début de leurs procédures d’immigration dans leur formulaire de fondement de la demande d’asile et que, de surcroît, ils n’ont pas signé l’avis d’appel et n’ont donc pas changé la langue des procédures entre la procédure devant la SPR et celle devant la SAR, la SAR devrait leur fournir une traduction anglaise de sa décision et de l’exposé de ses motifs. Selon eux, ils y ont droit. Ils font aussi valoir qu’une telle version leur permettrait d’examiner la décision et les motifs avec leur nouvel avocat et donc de préparer leur dossier de demande pour leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée le 18 février 2020 en anglais.

[4] Concernant la requête 1, les demandeurs sollicitent une prorogation de délai de quatorze (14) jours après la remise, par la SAR, d’une version anglaise de sa décision écrite. Le défendeur ne s’oppose pas à une prorogation de délai en soi. Cependant, il s’oppose à la demande présentée à la Cour afin qu’elle ordonne à la SAR de préparer et de fournir aux demandeurs une version anglaise de sa décision.

II. Analyse

[5] Je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont subi une injustice ou ont éprouvé des difficultés en l’espèce ni, pour fins de précision, qu’il y ait eu une quelconque atteinte à l’intérêt public. Bien que la SAR ait l’obligation de fournir ses décisions dans les deux langues officielles, aucune des conditions qui la contraint à les mettre simultanément à la disposition du public n’est applicable en l’espèce : Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c 31 (4e suppl.), art 20(1) [la LLO].Sinon, une décision est rendue d’abord dans l’une des langues officielles, puis dans les meilleurs délais dans l’autre langue officielle, sauf si le retard serait préjudiciable à l’intérêt public ou causerait une injustice ou un inconvénient grave à une des parties au litige : LLO art 20(2).

[6] Pour paraphraser une décision antérieure de notre Cour, je conclus : « [qu’] il n’est pas établi dans le dossier que [les demandeurs ont] explicitement demandé au [décideur] avant ou durant l’audience […] que la décision soit rendue ou traduite en anglais » : Sztern c Canada (Procureur général), 2010 CF 181 au para 72. Les Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257 [les Règles de la SAR] exigent d’un appelant qu’il choisisse le français ou l’anglais comme langue de l’appel et qu’il l’indique dans l’avis d’appel : Règles de la SAR, art 22(1). Un appelant qui souhaite changer la langue de l’appel doit le faire conformément au paragraphe 22(3) des Règles de la SAR, soit en avisant par écrit, sans délai, la Section et le ministre; si une date a été fixée pour une procédure, l’avis doit être reçu par ses destinataires au plus tard vingt jours avant cette date.

[7] Quoique les demandeurs aient allégué qu’ils n’ont pas signé l’avis d’appel et qu’ils ne l’ont eu sous les yeux que lorsque le demandeur principal a souscrit l’affidavit à l’appui de la requête 2 le 30 juillet 2020 « il est clairement établi en droit qu’une personne doit subir les conséquences de son mauvais choix de procureur » [renvoi omis] : Rohini c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1488, para 21. Je remarque que les demandeurs n’ont pas allégué l’incompétence de leur ancienne conseillère, mais plutôt qu’ils n’ont pas vu ni signé l’avis d’appel avant que la SAR n’ait rendu sa décision et l’exposé de ses motifs. De plus, rien dans la preuve ne montre que la SAR avait connaissance d’une quelconque limite au pouvoir qu’avait leur ancienne conseillère d’agir en leur nom comme elle l’a fait : Bemar Construction Ltd c Canada, 1999 CanLII 8955 aux para 11‑12.

[8] En outre, rien dans la preuve ne montre que l’ancienne conseillère des demandeurs n’a pas fourni la version traduite de la décision et de l’exposé des motifs de la SAR lorsque l’avocat actuel des demandeurs les a demandés. Bien que les demandeurs aient réitéré leurs doléances à l’égard de la langue dans laquelle la décision de la SAR est rédigée dans leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée le 18 février 2020, ils ont tout de même invoqué des motifs qui démontrent une compréhension au moins partielle de la décision de la SAR. Par exemple, les demandeurs font notamment valoir que le tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a statué qu’ils n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger. Ils prétendent aussi qu’il a commis une erreur en droit lorsqu’il a tiré des conclusions déraisonnables, sélectives et inadéquates, qu’il s’est mépris dans l’application du droit et des guides jurisprudentiels, qu’il a fait fi d’éléments de preuve, qu’il a pris en compte des éléments de preuve non pertinents, qu’il a mal interprété la preuve qui lui a été proprement soumise, qu’il a tiré des conclusions de faits erronées sans apprécier la preuve produite et qu’il ne l’a pas l’analysée adéquatement.

[9] Ainsi, tout comme le juge Zinn de notre Cour l’a conclu dans son ordonnance du 20 mars 2013 dans l’affaire Hussein c Canada (MCI), IMM‑10939‑12, je juge que si l’avocat actuel des demandeurs a besoin de la version anglaise de la décision de la SAR ou de tout autre document au dossier de la demande, il lui revient, ainsi qu’aux demandeurs, de faire les démarches nécessaires pour obtenir une version traduite. Ce fardeau n’est pas celui de la SAR ou de notre Cour puisque les demandeurs étaient représentés par une conseillère qui a choisi que l’instruction de l’appel de la décision de la SPR soit menée en français.

III. Conclusion

[10] Je rejette donc la requête 2. En ce qui concerne la requête 1, je suis prête, vu les circonstances, à accorder aux demandeurs une prorogation de délai de quatorze [14] jours, à compter de la date de la présente ordonnance, pour signifier et déposer leur dossier.


ORDONNANCE dans le dossier IMM‑1194‑20

LA COUR ORDONNE :

1. En ce qui concerne la requête des demandeurs à l’égard d’une ordonnance de prorogation de délai nunc pro tunc pour le dépôt de leur dossier, qui était initialement dû pour le 19 mars 2020, une prorogation de délai de quatorze [14] jours pour signifier et déposer leur dossier en l’instance leur est accordée à partir de la date de la présente ordonnance;

2. En ce qui concerne la requête des demandeurs visant à enjoindre au défendeur, en tant que ministre responsable de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, de fournir aux demandeurs une traduction anglaise de l’exposé des motifs et de la décision du 24 janvier 2020 de la Section d’appel des réfugiés, celle‑ci est rejetée;

3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme,

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1194‑20

 

INTITULÉ :

WAHEED OLAIDE MAITO, TITILAYO RIANAT MAITO, KEHINDE HOSSENAT MAITO, TAIWO HASSANAT MAITO, IDOWU ABDULRASHEED MAITO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 AOÛT 2020

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Abdul‑Rahman Kadiri

POUR LES DEMANDEURS

 

Norah Dorcine

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kadiri Law

Avocat

North York (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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