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Date: 20211029


Dossier : IMM-7498-19

Référence : 2021 CF 1158

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 29 octobre 2021

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

MANUEL MAZIETA MUNZEMBO

ANASTASIA DE FATIMA GABRIEL

FRANCISCO CULUMBO GABRIEL MAZIETA

ISAAC DIZOLELE GABRIEL MAZIETA

FLORENCA MAYIMONA GABRIEL MAZIETA

TERESA GABRIEL MAZIETA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le présent contrôle judiciaire porte sur le rejet d’une demande d’asile tranchée d’une manière déraisonnable. L’affaire sera renvoyée pour ce motif. La Cour est saisie en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) prononcée oralement le 6 novembre 2019 et dont la version écrite a été rendue le 19 novembre 2019. Dans sa décision, le commissaire de la SPR (le commissaire) a rejeté la demande d’asile des demandeurs au motif qu’ils n’avaient pas réussi à satisfaire aux exigences en matière de preuve leur permettant de répondre à la définition de réfugié au sens de la Convention conformément à l’article 96 de la LIPR.

[2] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis d’accueillir la demande.

II. Contexte factuel

[3] Les demandeurs sont citoyens de l’Angola. Ils ont fui ce pays et sont arrivés au Canada en août 2018. Ils ont invoqué la crainte d’être persécutés par des agents de l’État dans la région de Cabinda. Les points centraux du récit de M. Munzembo (le demandeur principal) sont résumés ci-dessous.

[4] Le demandeur principal a grandi dans la province de Cabinda avant de déménager à Luanda à l’âge de 27 ans où il a vécu avec sa famille pour les treize années subséquentes jusqu’à son départ d’Angola en 2018. Il travaillait comme inspecteur en santé et sécurité pour une compagnie d’hydrocarbures. En 2016, il était devenu aussi propriétaire d’une petite entreprise de camionnage servant au transport de passagers et de leurs biens dans la région de Cabinda et pour laquelle il avait embauché un chauffeur et deux assistants.

[5] Le soir du 18 décembre 2017, le demandeur principal a reçu un appel anonyme d’une personne qui l’a accusé de soutenir le Front de libération de l’enclave de Cabinda (le FLEC). L’auteur de l’appel lui a dit qu’il avait été localisé et qu’il serait arrêté pour sa participation. Il a raccroché avant que le demandeur principal ne puisse établir son identité ou savoir s’il s’agissait d’une erreur de numéro.

[6] Le lendemain soir, soit le 19 décembre 2017, le demandeur principal a reçu un appel de l’épouse de son chauffeur qui l’a informé que la veille au soir son époux et les deux assistants avaient été mis en détention et torturés par un groupe de policiers. Ceux-ci les soupçonnaient d’utiliser le camion afin de soutenir le FLEC local. Après avoir été menacé de mort par les policiers, le chauffeur leur a remis les documents relatifs au camion, lesquels désignaient le demandeur principal comme propriétaire de l’entreprise. Le chauffeur a également fourni aux agents l’adresse de la résidence luandaise du demandeur principal tout comme son numéro de téléphone.

[7] Le 4 mai 2018, le demandeur principal revenait du travail lorsqu’il a été accueilli par un rassemblement de voisins qui l’a informé qu’une jeep de la police venait de quitter sa maison et que les policiers étaient à ses trousses, mais venaient d’arrêter à sa place son neveu qui demeurait chez lui. Craignant pour sa sécurité et celle de sa famille, le demandeur principal s’est rendu directement chez un oncle qui vivait à une heure de distance. Il a appelé sa femme et lui a dit de ne pas retourner à la maison, mais de venir plutôt le rejoindre avec les enfants chez son oncle.

[8] Le demandeur principal a appris le 6 juin 2018 que son neveu était décédé en prison. Douze jours plus tard, soit le 18 juin, il a appris de l’épouse de son chauffeur que ce dernier avait subi le même sort. Peu après, la famille s’est enfuie au Canada.

III. Décision contestée

[9] Le commissaire a prononcé sa décision oralement. Il a résumé la trame factuelle et a reconnu que les prétentions des demandeurs étaient fondées sur la crainte des autorités responsables de la détention du chauffeur et du neveu. Il a aussi précisé que les questions déterminantes consistaient à savoir (i) si le risque prospectif était vraisemblable — plutôt que de se prononcer sur la crédibilité du récit du demandeur principal et des autres dépositions portant sur les événements passés décrits plus haut; et (ii) si les demandeurs avaient réfuté la présomption d’une protection adéquate de l’État.

[10] Le commissaire a conclu que des attaques sporadiques se livraient à Cabinda et que le gouvernement pouvait avoir la main lourde sur les habitants, y compris en perpétrant des violations des droits de la personne, des mises à mort arbitraires et en imposant des conditions de détention mettant la vie des prisonniers en péril. Le commissaire a aussi jugé que le conflit était sans violence, d’une faible intensité et qu’il ne relevait pas de l’ordre de la guerre civile. Il a également souligné les efforts déployés par l’État pour s’attaquer à la corruption et aux violations des droits de la personne.

[11] Le commissaire a conclu que la preuve ne démontrait pas que les autorités considéraient que le demandeur principal était membre d’un groupe social donné qui collaborait avec des ennemis de l’État. Il a remarqué que, nonobstant l’interprétation des événements faite par l’épouse du chauffeur, aucun élément de preuve ne permettait d’établir le bien-fondé des allégations de l’État faites à l’encontre du chauffeur, ou de sa détention par le fait même, d’autant plus que le demandeur principal n’avait pris aucune mesure pour mettre au jour la validité des chefs d’accusation. Le commissaire a prononcé les mêmes remarques sur la situation du neveu du demandeur principal et sur l’insuffisance des efforts déployés pour déterminer la légitimité de sa détention puisque les voisins avaient été les seuls à informer le demandeur principal que la police était à ses trousses au moment de l’arrestation de son neveu.

[12] Le commissaire a pris acte du fait que le demandeur principal craignait la corruption des forces policières, mais a noté que les documents sur la situation du pays ne révélaient pas que la corruption policière était endémique au point de faire de l’Angola un État défaillant. Il a conclu que les demandeurs auraient dû consulter un avocat pour qu’il intervienne et examine les chefs d’accusation. Il a aussi statué que leur crainte de la police était fondée sur de la spéculation plutôt que sur des éléments de preuve crédibles à l’égard de la persécution. Le commissaire a jugé que si une enquête policière légitime était en cours, les policiers étaient en droit de rechercher le demandeur principal.

[13] Le commissaire a achevé sa décision en concluant qu’en l’absence d’une enquête plus poussée sur la conduite policière en lieu et place de la spéculation sur la corruption des forces de l’ordre, il n’existait pas d’éléments de preuve sur les raisons pour lesquelles la police était aux trousses du demandeur principal, sauf des conjectures. Par conséquent, le demandeur principal ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve de démontrer qu’il était perçu comme un collaborateur des ennemis de l’État.

[14] Le commissaire a conclu que le demandeur principal n’était pas exposé à un risque prospectif et s’est exprimé ainsi sur ce point : [traduction] « Pour ce qui est de la crédibilité, je conviens avec le conseil que votre version des événements était crédible, mais je conclus que vous n’êtes pas crédible quant au risque prospectif auquel vous seriez confronté si vous deviez retourner en Angola. »

[15] Puisque les demandeurs n’avaient pas réussi à établir de lien avec l’un des motifs de la Convention prévus à l’article 96 de la LIPR, leurs demandes d’asile ont été rejetées.

IV. Norme de contrôle

[16] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la décision de la SPR est celle de la décision raisonnable. Le récent arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] de la Cour suprême du Canada, qui établit un cadre d’analyse révisé permettant de déterminer la norme de contrôle applicable, ne donne aucune raison de se soustraire à l’application de la norme de la décision raisonnable suivie dans la jurisprudence antérieure : Gayrat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 666 aux para 9-10; Elve c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 454 au para 22.

[17] La cour qui contrôle une décision selon la norme de la décision raisonnable analyse celle‑ci en quête des caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, pour établir si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques qui ont une incidence sur celle-ci (Vavilov, au para 99). Tant le résultat de la décision que le raisonnement suivi doivent être raisonnables (Vavilov, au para 83).

V. Analyse

[18] Les demandeurs soutiennent que la décision de la SPR est déraisonnable pour deux motifs. Premièrement, ils font valoir que la conclusion du commissaire selon laquelle ils ne seraient pas exposés à un risque prospectif de préjudice en Angola est déraisonnable. Deuxièmement, ils avancent que le commissaire a commis une erreur dans son analyse relative à la protection de l’État. De son côté, le défendeur prétend que le commissaire avait le loisir de tirer les deux conclusions compte tenu de la preuve et qu’elles sont donc raisonnables. Je ne suis pas d’accord, comme je l’explique ci‑après.

A. L’omission de traiter d’éléments de preuve essentiels

[19] Plus précisément, le défendeur affirme que le commissaire a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à s’acquitter de leur fardeau de démontrer qu’ils répondent à la définition de réfugié au sens de l’article 96. En affirmant que les demandeurs n’avaient jamais satisfait le seuil de preuve applicable pour établir une crainte crédible quant à un risque prospectif de persécution, le défendeur renvoie au paragraphe 4 de l’arrêt Tapambwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 34 :

Dans une appréciation des risques aux termes de l’article 96, parfois appelée évaluation des motifs au sens de la Convention, les appelants doivent établir qu’ils « ressent[ent] une crainte subjective de persécution et que cette crainte est objectivement fondée » (Sukhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 427, au paragraphe 25). Selon ce dernier élément, il doit y avoir une « possibilité raisonnable » ou une « possibilité sérieuse » de persécution pour des motifs liés à la Convention (Németh c Canada (Justice), 2010 CSC 56, [2010] 3 R.C.S. 281 (Németh), au paragraphe 98, faisant référence à la décision Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.), page 683). Bien qu’ils doivent établir leurs thèses selon la prépondérance des probabilités, les appelants n’ont pas à démontrer que la persécution serait plus probable que le contraire (Li, au paragraphe 11). S’ils convainquent l’agent d’ERAR qu’ils font face à un risque aux termes de l’article 96, l’asile leur est conféré (paragraphe 114 (1) de la LIPR).

[20] Le défendeur invoque également la décision Gray c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 240 [Gray] pour souligner qu’elle présente la situation similaire d’un demandeur qui n’a pas réussi à satisfaire le seuil de preuve requis pour établir le risque de persécution visé à l’article 96. La trame factuelle de l’affaire Gray, cependant, était nettement distincte. Dans cette affaire, la SPR avait aussi conclu que le récit du demandeur était crédible, mais ce récit exposait une crainte fondée sur la criminalité générale, la corruption ou les vendettas sans que ces éléments n’aient de lien avec la Convention. Ainsi, M. Gray n’avait jamais sollicité — ni n’avait jamais eu de raison de solliciter — la protection de l’État. Par conséquent, au vu du dossier et du récit crédible du demandeur, la Cour a jugé que la conclusion de la SPR quant à la nature spéculative de la crainte de persécution était raisonnable.

[21] Le défendeur assimile l’issue de la décision Gray à la présente instance pour faire valoir que, de la même manière en l’espèce, la preuve ne suffisait pas pour conclure que les séries d’événements visant le chauffeur et le neveu étaient associées ou qu’elles étaient liées au fait que le demandeur principal avait été pris pour cible. Ainsi, le défendeur prétend qu’il était raisonnable de conclure que la crainte de futures représailles était entièrement spéculative, tout comme dans la décision Gray. Je ne peux pas me rallier à l’évaluation du défendeur, tant au regard des similarités factuelles avec l’affaire Gray qu’au regard du caractère raisonnable de la conclusion du commissaire que la crainte de persécution était spéculative. Après avoir considéré que le récit du demandeur principal était crédible, et ce, sans remettre en question aucune partie de celui-ci, le commissaire a du même coup accepté quatre éléments essentiels mis en preuve par ce récit, à savoir :

  • (i) qu’il a été informé par l’épouse de son chauffeur que la police soupçonnait sa compagnie de camionnage de soutenir le FLEC, que les policiers étaient maintenant en possession de ses coordonnées personnelles et que le chauffeur avait été détenu, torturé et qu’il était décédé en prison;

  • (ii) qu’il a reçu un coup de fil anonyme le soir de l’arrestation l’informant qu’on le soupçonnait de venir en aide au FLEC et qu’il serait arrêté;

  • (iii) que ses voisins lui ont fait part de l’arrestation de son neveu (également décédé en prison) et que la police était à sa recherche ce jour-là;

  • (iv) que la police était à ses trousses après son départ d’Angola, selon une déclaration sous serment de son oncle, lequel était soupçonné par les forces de l’ordre d’avoir protégé son neveu et qui avait subi des menaces d’arrestation pour l’avoir secouru.

[22] Le commissaire n’a rien dit sur les points (ii) et (iv) dans sa décision, ce qui a rendu impossible de savoir comment la preuve, s’il l’a examinée, aurait joué sur la détermination des liens entre la situation des demandeurs et les motifs prévus par la Convention. Je crois pouvoir affirmer que, si elle est tenue pour avérée et appréciée dans son intégralité, la crainte du demandeur principal de se trouver dans la ligne de mire de la police à cause de soupçons à l’égard d’un possible secours apporté au FLEC va bien au-delà de la spéculation. En fait, il serait plus juste de la qualifier de conclusion logique et raisonnable qui émane de diverses sources d’information. Cette constatation, à elle seule, rend la décision du commissaire déraisonnable puisque la crainte objective du demandeur principal d’être détenu d’une façon arbitraire, d’être torturé et d’être assassiné semble être étayée par des éléments de preuve issus de différents événements et de différentes sources. En outre, les éléments de preuve sur la situation du pays déposés au soutien de sa demande ont permis d’appuyer d’une manière objective le risque redouté de passer aux mains de l’État.

[23] Sur ce premier point, comme le commissaire a omis de pondérer des éléments de preuve essentiels, sa décision n’est manifestement pas justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques entourant ses conclusions quant à la décision relative aux articles 96 et 97. Par conséquent, sa décision est déraisonnable.

B. La protection de l’État

[24] En ce qui concerne l’analyse de la protection de l’État, le défendeur soutient que le demandeur principal n’a présenté aucun élément de preuve sur la traque menée par l’État à son encontre et, de ce fait, n’a pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État. En outre, le défendeur a estimé qu’il n’était pas déraisonnable pour le commissaire de chercher à savoir si le demandeur principal avait, par l’entremise d’un avocat, mené des recherches sur la légitimité des chefs d’accusation portés contre son neveu, son chauffeur ou lui-même. En l’absence de ces recherches, et vu le constat du commissaire sur les efforts déployés par le gouvernement de l’Angola pour combattre la corruption et les violations des droits de la personne, l’hypothèse selon laquelle le demandeur ne pourrait pas jouir de la protection de l’État était spéculative.

[25] De nouveau, je ne suis pas d’accord. Premièrement, contrairement à ce que prétend le défendeur, le commissaire a accepté que le demandeur principal ait eu la police à ses trousses. Il a seulement refusé ses explications quant aux motifs de la poursuite. Il est bien établi que le demandeur n’a pas à mettre sa vie en péril en sollicitant la protection de l’État si elle est inefficace (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 aux pages 724-725. En l’espèce, le chauffeur du demandeur principal et son neveu ont été arrêtés, torturés et sont décédés en prison au cours de deux incidents distincts. Sur ce fondement seul, la possibilité de recourir à la protection de l’État était contestable puisque c’étaient les policiers eux-mêmes, qui suspectaient le demandeur principal de venir en aide aux rebelles, qui étaient les agents de persécution et que celui‑ci craignait.

[26] Deuxièmement, les demandeurs ont produit une preuve abondante, claire et convaincante de la situation du pays, examinée partiellement par le commissaire, sur le caractère généralisé de la corruption policière, des massacres perpétrés par l’État, des violations des droits de la personne et des conditions de détention potentiellement fatales en Angola.

[27] Il est bien établi que le caractère adéquat de la protection de l’État relève de l’efficacité opérationnelle et que de mettre l’accent sur les efforts déployés sans apprécier leur efficacité réelle est une erreur susceptible de contrôle (Mata c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 1007 aux para 12-13; Hercegi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 250 aux para 4-6).

[28] En l’espèce, les deux seuls commentaires qui semblent tenir compte de l’efficacité opérationnelle de la protection de l’État dans la décision du commissaire sont (i) que la corruption policière n’est pas endémique au point de faire de l’Angola un État défaillant; (ii) que le gouvernement fait le suivi des conditions dans les prisons qui sont décrites comme étant un milieu coupe-gorge, surpeuplé, violent, dépourvu de soins médicaux et où règne la corruption. Ainsi, l’emphase que le commissaire avait mise sur les tentatives du gouvernement de s’attaquer à la corruption au lieu d’évaluer l’efficacité opérationnelle réelle de la protection de l’État était manifestement déplacée, injustifiée au regard des faits et déraisonnable.

[29] Enfin, la présomption de protection de l’État n’exige pas d’un demandeur qu’il consulte un conseiller juridique local et qu’il mène une enquête indépendante sur la légitimité de la conduite policière. Il ne peut être attendu des acteurs non étatiques qu’ils offrent les protections qu’il revient à la police de fournir (Aurelien c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 707 aux para 15-17; voir également Corneau c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 722 au para 10). Imposer aux demandeurs la tenue d’une commission d’enquête indépendante de manière à réfuter la présomption de protection de l’État était excessif, déraisonnable, injustifié et, bien sûr, va à l’encontre des principes fondamentaux de la protection de l’État énoncés dans l’arrêt Ward et la jurisprudence foisonnante qui en a découlé.

VI. Conclusion

[30] Le commissaire a commis des erreurs fatales. Premièrement, il a remis en cause la crainte subjective sans motif rationnel de le faire, à la lumière d’éléments de preuve essentiels laissés de côté. Deuxièmement, il a placé sur les demandeurs le fardeau totalement déraisonnable d’enquêter sur la même force policière qu’ils redoutent à juste titre en raison des mesures prises à l’encontre du neveu et du chauffeur du demandeur principal. Je vais donc accueillir la demande de contrôle judiciaire et renvoyer l’affaire pour examen par un tribunal différemment constitué. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-7498-19

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée pour examen par un tribunal différemment constitué.

  2. Il n’y a pas de question à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7498-19

INTITULÉ :

MANUEL MAZIETA MUNZEMBO ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 OCTOBRE 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

DATE DES MOTIFS :

LE 29 OctobRE 2021

COMPARUTIONS :

Bjorn Harsanyi

POUR LES DEMANDEURS

Meenu Ahluwalia

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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