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Date : 20191031


Dossiers : T‑1960‑18

T‑2093‑18

T‑435‑19

T‑806‑19

Référence : 2019 CF 1370

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Winnipeg (Manitoba), le 31 octobre 2019

En présence de monsieur le juge Pentney

Dossier : T‑1960‑18

ENTRE :

BAYER INC. et

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

demanderesses

et

TEVA CANADA LIMITED

défenderesse

Dossier : T‑2093‑18

ET ENTRE :

BAYER INC. et

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

demanderesses

et

APOTEX INC.

défenderesse

Dossier : T‑435‑19

ET ENTRE :

BAYER INC. et

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

demanderesses

et

TARO PHARMACEUTICALS INC.

défenderesse

Dossier : T‑806‑19

ET ENTRE :

BAYER INC. et

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

demanderesses

et

SANDOZ CANADA INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Les demanderesses, Bayer Inc. et Bayer Intellectual Property GmbH (Bayer), ont déposé une requête en vertu de l’alinéa 220(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 afin qu’il soit décidé s’il leur faut l’autorisation de la Cour pour se fonder sur certaines preuves d’études concernant leur médicament breveté, le rivaroxaban, à l’instruction des actions en contrefaçon de brevet qu’elles ont lancées contre les différentes défenderesses et, dans l’affirmative, s’il y a lieu d’accorder cette autorisation. Les preuves, comme il sera expliqué plus loin, ont trait à certains tests que Bayer a effectués en prévision d’un éventuel litige, mais avant qu’elle engage les présentes actions.

[2] Les défenderesses soutiennent que l’Avis à la communauté juridique sur les tests expérimentaux (l’Avis) que le juge en chef a publié pour le compte de la Cour s’applique à ces tests, et, de ce fait, Bayer a besoin de l’autorisation de la Cour pour pouvoir se fonder à l’instruction sur les résultats des tests. Elles font valoir que Bayer a délibérément tenté de [TRADUCTION] « contourner » l’Avis, en procédant à ses tests avant d’engager ses actions. Elles prétendent que Bayer ne devrait pas être récompensée pour sa conduite.

[3] Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas persuadé que l’Avis s’applique en l’espèce. Cependant, la question de savoir si Bayer peut se fonder à l’instruction sur les résultats des tests n’est pas réglée car les parties pourront en débattre à ce stade‑là. Ce résultat décevra probablement ces dernières, qui souhaitaient que l’on éclaircisse la question avant l’instruction, mais il s’agit du résultat inévitable de la décision que je rends dans les limites d’une requête fondée sur l’article 220 des Règles.

II. Le contexte

[4] Le contexte dans lequel s’inscrivent les présentes affaires a été décrit dans plusieurs ordonnances antérieures (publiées sous les numéros de référence 2019 CF 191 et 2019 CF 1039). En bref, Bayer a intenté des actions sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 [le Règlement sur les MB (AC)] contre les défenderesses en réaction à leurs demandes d’autorisation concernant la production et la mise en marché de versions génériques d’un médicament appelé « rivaroxaban ». Bayer soutient que ces produits contreferont plusieurs de ses brevets.

[5] En février 2019, la juge responsable de la gestion de l’instance a ordonné la tenue d’une audience sur les questions communes liées à l’interprétation des revendications ainsi qu’à l’invalidité dans le cadre des actions intentées contre Teva et Apotex (2019 CF 191). En août 2019, j’ai rendu une ordonnance ajoutant Taro et Sandoz à l’audience sur les questions communes (2019 CF 1039), et cette ordonnance fait actuellement l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale. En outre, il y aura des audiences distinctes pour chacune des défenderesses, relativement aux allégations de contrefaçon.

[6] La présente requête concerne des tests que Bayer a menés en rapport avec l’un des brevets applicables, le brevet canadien no 2,547,113 (le brevet 113). L’unique inventeur inscrit pour le brevet 113 est M. Benke. L’objet de ce brevet et ses revendications sont des compositions pharmaceutiques comprenant du rivaroxaban sous forme hydrophilisée, préparées à l’aide d’un ou plusieurs procédés qui en rehaussent la biodisponibilité par rapport à des produits préparés autrement. En 2013, pendant la poursuite relative à une demande de brevet correspondante devant le Patent & Trademark Office des États‑Unis, M. Benke a produit une déclaration dans laquelle il faisait certaines affirmations au sujet de la biodisponibilité du médicament lorsqu’il était préparé en recourant à des méthodes différentes. Il semble que ces affirmations reposaient sur les résultats d’études menées sur des chiens, que Bayer avait réalisées à cette époque‑là.

[7] Les défenderesses ont fait valoir, dans leurs défenses respectives (et, dans le cas de Teva, dans la demande reconventionnelle qu’elle avait déposée, mais qu’elle a abandonnée depuis), que le brevet 113 est invalide. Elles s’appuient, en partie, sur la déclaration que M. Benke a déposée en 2013.

[8] Lors de la préparation de l’instruction, Bayer a fait savoir qu’elle avait l’intention de se fonder sur des études sur des chiens plus récentes, qu’elle avait réalisées à la fin de 2017, avant le début de l’une quelconque des présentes instances. Elle reconnaît que ces tests ont été menés en vue d’un litige pouvant survenir avant l’expiration du brevet 113; rien ne prouve qu’il y avait une raison clinique ou réglementaire quelconque pour procéder à ces tests.

[9] Les défenderesses affirment que la preuve de Bayer au sujet des études sur des chiens plus récentes ne devrait pas être admise, car les tests ont eu lieu sans qu’elles en aient été avisées. Elles soutiennent que cela contrevient à l’Avis qui, lui‑même, reflète et renforce simplement la pratique de longue date de notre Cour de ne pas admettre de tests effectués dans des affaires de brevet sans que la partie adverse en ait été avisée.

[10] Il a été question pendant plusieurs conférences de gestion d’instance de la manière d’examiner le problème de l’admissibilité. Les parties et la Cour ont convenu qu’une requête présentée en vertu de l’alinéa 220(1)b) des Règles était un moyen efficace de régler le problème de savoir si ces tests tombaient sous le coup de l’Avis et, dans l’affirmative, s’il fallait que la Cour autorise leur admission.

[11] Une requête fondée sur l’article 220 des Règles se déroule en deux étapes : premièrement, la Cour décide s’il convient d’ordonner que les questions proposées soient tranchées avant l’instruction et, deuxièmement, si elle rend une telle ordonnance, la Cour doit ensuite, après une nouvelle audience, rendre une seconde décision qui répond aux questions (Perera c Canada, [1998] 3 CF 381 (CA) [arrêt Perera]). Dans la présente affaire, la première étape a eu lieu au cours de plusieurs conférences de gestion d’instance, où les parties ont convenu qu’il s’agissait là d’un moyen expéditif de régler la question avant l’instruction.

[12] Deux questions ont été fixées, avec le consentement des parties :

  1. Les demanderesses ont‑elles besoin de l’autorisation de la Cour, conformément à l’Avis, pour présenter à l’instruction des preuves relatives à des tests qu’elles ont menés en septembre et en octobre 2017 sans en avoir avisé les défenderesses (les tests);
  2. Si la réponse [à la première question] est « oui », faut‑il autoriser les demanderesses, conformément à l’Avis, à présenter à l’instruction des preuves relatives aux tests?

III. Analyse

[13] La présente requête est régie par l’article 220 des Règles, de même que par l’Avis. L’article 220 fixe les paramètres de mon examen de l’affaire, tandis que l’Avis établit les conditions qui s’appliquent aux arguments des parties. Pour pouvoir analyser les questions soulevées en l’espèce, il est nécessaire de fournir tout d’abord quelques informations de base sur cet article des Règles et sur l’Avis avant de passer aux arguments des parties sur les deux questions susmentionnées.

A. L’alinéa 220(1)b) des Règles

[14] Comme il a été mentionné plus tôt, la Cour a établi que la procédure à suivre dans le cadre de l’article 220 des Règles comporte deux étapes. Ainsi qu’il a été dit dans l’arrêt Perera au sujet de l’article 474 des Règles (qui a précédé l’article 220) : « [l]a Règle 474 établit une procédure en deux étapes : si la Cour décide que les questions proposées doivent être tranchées avant l’instruction, elle doit ensuite rendre une deuxième décision pour répondre aux questions de droit après une nouvelle audition » (au para 11). La Cour a fait remarquer que « la procédure prévue par la Règle 474 est exceptionnelle et [qu’elle] ne doit y recourir que lorsqu’elle est d’avis que l’adoption de cette mesure extraordinaire entraînera des économies de temps et d’argent » (au para 15).

[15] Pour ce qui est des requêtes déposées en vertu de l’alinéa 220(1)b) des Règles au sujet de l’admissibilité d’une preuve avant l’instruction, la Cour a statué que ce pouvoir discrétionnaire devrait « être utilisé […] avec beaucoup de retenue » (Cantwell c Canada (Environment), [1990] ACF no 1087 (QL) (C.F. 1re inst.), décision citée et approuvée dans la décision Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc. (1998), 142 FTR 308, [1998] ACF no 254 (QL) (C.F. 1re inst.), au para 14 [Kirkbi]). Dans Kirkbi, le juge Muldoon a signalé la répugnance générale de la Cour à trancher des questions d’admissibilité avant le procès, et a‑t‑il ajouté :

[18] Compte tenu de la répugnance générale de la Cour à trancher des questions d’admissibilité de preuve avant le procès, il semble que le champ d’application de l’alinéa 474(1)b) devrait se limiter aux questions générales d’admissibilité plutôt qu’aux questions plus particulières d’admissibilité de la preuve, lorsqu’il est nécessaire d’analyser le contexte dans lequel se situe la preuve. Dans le cas de ce dernier type de preuve, il semble qu’il vaille mieux laisser au juge du procès ou au juge des requêtes sommaires le soin de trancher la question, lorsque le contexte et l’importance de la preuve peuvent également être évalués.

[19] La requête dont la Cour est saisie en l’espèce ne concerne pas l’admissibilité d’éléments de preuve au sens général. L’avocat des défenderesses convient que les lettres ne sont pas admissibles si elles sont soumises à la Cour dans le but de démontrer la faiblesse de la cause des demanderesses. Ainsi, au sens général, les parties se sont déjà entendues sur la question de l’admissibilité de cette preuve. Cependant, compte tenu du contexte de toute l’affaire, la question n’est toujours pas résolue et elle doit être tranchée par le juge des requêtes sommaires qui entendra la présente affaire. C’est lui qui est le mieux placé pour entendre toute l’affaire et pour statuer sur la preuve en la situant dans son contexte. L’admissibilité de cette preuve ne doit pas être tranchée dans le vide, étant donné que si elle est jugée inadmissible, cette preuve ne pourra être présentée au procès. Il convient de noter que le juge des requêtes sommaires a le pouvoir de rejeter l’action en tout ou en partie et que les demanderesses peuvent ainsi obtenir le même résultat que si elles présentaient une requête fondée sur l’article 474 des Règles en demandant au juge des requêtes sommaires de trancher la question de l’admissibilité de la preuve.

[16] Cela étant le cadre à respecter, je vais maintenant examiner la manière dont la Cour aborde les tests réalisés ex parte dans les litiges en matière de brevet.

B. Les tests réalisés ex parte

1) La pratique antérieure

[17] Dans les actions en matière de brevet, la pratique de longue date de notre Cour et de celle qui l’a précédée, la Cour de l’Échiquier du Canada, consiste à ne pas admettre les preuves dont dispose une partie au sujet de l’exécution de tests et d’expériences si elle n’en a pas avisé la partie adverse et ne lui a pas donné la possibilité d’y assister. Cette pratique est décrite de diverses manières dans la jurisprudence. La plupart des affaires font référence à la décision Omark Industries (1960) Ltd c Gouger Saw Chain Co, [1965] 1 Ex CR 457, 45 CPR 169 [Omark Industries] en tant qu’autorité en la matière. Dans cette affaire le juge Noël a écrit, à la page 228 :

[traduction]

Il est indéniable qu’en général, la Cour estime qu’elle ne devrait pas tenir compte de la preuve relative aux tests et aux expériences menés pendant le litige sans que l’autre partie ait été avisée et ait eu la possibilité d’y assister. À mon avis, il s’agit d’une règle salutaire. J’ajouterais qu’en tout état de cause, les tests et les expériences menés même avant l’instruction en présence de l’autre partie sont beaucoup plus probants que lorsqu’ils sont faits en son absence.

[18] Dans la décision Merck & Co c Apotex Inc (1994), 88 FTR 260, [1994] ACF no 1898 (QL) (C.F. 1re inst.) [Merck (1994)], le juge MacKay a expliqué en ces termes sa décision d’exclure les preuves relatives certains tests effectués au cours du procès et en l’absence de la partie adverse, au paragraphe 127 : « [j]’ai pris cette décision conformément aux principes généraux que la présente Cour a énoncés à l’égard des essais ‑ faits avant ou durant le procès ‑ et qui visent à garantir l’équité et à faire en sorte que la Cour dispose, relativement aux essais effectués, d’éléments de preuve soumis par les deux parties. » (citant Omark Industries. Voir aussi la décision Halford c Seed Hawk Inc., 2001 CFPI 1154, au para 37 [Halford]).

[19] Il a été signalé dans plusieurs décisions qu’il s’agit d’une règle de pratique, et non d’une règle de preuve inflexible et que, de ce fait, ce sont les circonstances de l’affaire qui détermineront le résultat. Dans l’affaire Apotex Inc. c Pfizer Canada Inc., 2013 CF 493 [Apotex (2013)], le juge James O’Reilly a conclu qu’une partie qui avait fourni des échantillons de son produit à la partie adverse en vue d’effectuer des tests, mais qui, ensuite, n’avait pas demandé d’assister aux tests qui, savait‑elle, étaient en cours, ne pouvait pas faire valoir ultérieurement que les résultats des tests devraient être inadmissibles (voir au para 40). Dans le même ordre d’idées, dans la décision AbbVie Corporation c Janssen Inc., 2014 CF 55, le juge Roger Hughes a conclu que la défenderesse ne pouvait pas se plaindre des tests que la demanderesse avait effectués sur son propre produit, alors qu’elle avait décidé de n’en effectuer aucun par elle‑même (voir les para 62‑70).

[20] De plus, la pratique concerne les expériences ou les tests, pas d’autres genres d’évaluation du produit breveté. Dans Omark Industries, il a été conclu que les preuves étaient de la nature de mesures plutôt que d’expériences ou de tests et qu’elles ne tombaient donc pas sous le coup de l’interdiction générale (voir, dans la même veine : Apotex (2013), au para 34; décision Bombardier produits Récréatifs Inc. c Arctic Cat Inc., 2017 CF 207, au para 599 [Bombardier]).

[21] Enfin, il a été conclu que cette pratique ne s’appliquait pas aux procédures sommaires qui existaient antérieurement en lien avec des médicaments brevetés. Dans la décision Merck & Co. Inc. c Apotex Inc., 2003 CF 1242, la protonotaire Mireille Tabib a conclu que la pratique consistant à exclure une preuve relative à des tests faits ex parte ne devrait pas s’appliquer aux procédures sommaires visées par l’ancien Règlement sur les MB (AC), DORS/93‑133, en raison de la « différence fondamentale entre une action, où la preuve peut faire l’objet d’une communication préalable complète, et la procédure sommaire prévue par le Règlement » (au para 8). Et, a‑t‑elle poursuivi :

[9] Lorsqu’elle est possible, la communication préalable permet de prendre connaissance de la preuve dont dispose l’autre partie, de sorte qu’aucune des parties ne soit prise au dépourvu au procès et que chacune puisse y présenter une preuve complète. Il convient donc de décourager les essais effectués à huis clos en vue d’en présenter les résultats au procès parce qu’ils vont à l’encontre des objectifs visés par la procédure de communication préalable. De plus, la procédure et les règles qui régissent le déroulement de l’action comportent des délais et une marche à suivre permettant aux parties d’effectuer, moyennant un préavis, des expériences contrôlées. Cela inclut le besoin compréhensible d’une partie de procéder à des essais privés avant de décider si elle les invoque au procès ou si elle réoriente sa preuve dans le cas où ils se révéleraient insatisfaisants.

[10] La procédure sommaire se veut au contraire expéditive. La possibilité de connaître à l’avance les faits et la preuve dont dispose la partie adverse et la nécessité d’assurer qu’une preuve complète est présentée à la Cour ne sont ni des considérations primordiales pour ce genre de procédure ni de nature à favoriser la réalisation de son objectif. Les règles régissant le déroulement d’une procédure sommaire ne se prêtent pas non plus au déroulement d’expériences conjointes ou supervisées. En pratique, les parties à une demande faite en vertu du Règlement n’ont qu’à peine le temps nécessaire pour effectuer des expériences susceptibles (ou non) d’être probantes ou d’étayer leur thèse. Je soupçonne que dans bien des cas, les expériences menées font partie intégrante de l’élaboration de la stratégie de litige. Exiger qu’un préavis et la possibilité d’assister aux essais soient donnés à la partie adverse exercerait une trop grande pression sur le calendrier d’instruction et pourrait contraindre une partie à choisir entre ouvrir son dossier de litige à l’adversaire ou renoncer à présenter un élément de preuve susceptible d’être crucial.

[11] Assurer l’équité entre les parties et empêcher qu’un élément puisse être mis en preuve sans qu’un contre‑interrogatoire valable ne puisse avoir lieu doit cependant demeurer une considération, et il se peut que, dans les cas qui s’y prêtent, une décision s’impose relativement à la recevabilité ou à l’exclusion. J’arrive toutefois à la conclusion qu’il n’existe aucune règle générale d’irrecevabilité des essais menés ex parte et pendente lite dans le cadre d’une procédure sommaire.

[22] Il va sans dire que la version actuellement en vigueur du Règlement sur les MB (AC) prévoit maintenant la possibilité d’instruire une action dans un délai accéléré, et l’on pourrait se demander s’il n’est peut‑être pas nécessaire de rajuster les procédures établies dans l’Avis pour tenir compte de ce changement. Il n’est nul besoin que je règle cette question ici, et je ne la mentionne donc qu’en passant.

[23] D’autres limites ont été analysées dans des décisions plus récentes qui mettent en cause l’Avis, et je vais maintenant les examiner.

2) L’Avis à la communauté juridique

[24] Le 27 février 2014, le juge en chef, au nom de la Cour, a publié un Avis à la communauté juridique sur les « tests expérimentaux », un document qui reflétait dans une large mesure la pratique que j’ai décrite plus tôt. Une version légèrement mise à jour a été publiée le 12 mai 2016, et c’est cet Avis qui est en litige dans la présente requête. Par souci de commodité, la version 2016 de l’Avis est annexée ci‑après.

[25] Comme cet Avis sert de fondement aux arguments des parties, je l’analyse plus en détail ci‑après. En bref, il reflète de façon générale la pratique antérieure de la Cour, en ce sens que, indique‑t‑il : « [u]ne partie ne peut pas, sans l’autorisation de la Cour, soumettre au procès ou à l’audience de la preuve relative à des tests effectués par elle ou pour son compte pour les besoins du litige, sauf si elle a avisé les autres parties qu’elle avait l’intention de le faire ». L’Avis précise certains détails concernant le moment et la teneur de l’avis requis, et il prévoit que le délai peut être abrégé et que le juge responsable de la gestion de l’instance peut traiter d’autres questions que soulève l’Avis.

[26] L’Avis a fait l’objet de commentaires dans plusieurs affaires, et il y a deux grands points qui ressortent. Premièrement, « la jurisprudence et l’avis aux parties et à la communauté juridique parlent de la pratique générale de la Cour et non d’une règle de la Cour ou d’une règle de preuve qui oblige l’exclusion automatique des éléments de preuve relatifs aux essais » (Bombardier, au para 602).

[27] Deuxièmement, comme dans le cas de la pratique antérieure de la Cour, il peut être justifié par les circonstances de rejeter une demande d’autorisation de se fonder sur des tests ex parte. C’est donc dire que dans les cas où une partie a refusé une offre de participation, ou elle aurait pu soumettre son propre produit à des tests, la Cour s’est montrée disposée à admettre les résultats des tests en dépit des objections de la partie adverse : voir, par exemple, Bombardier au para 602 :

[602] Enfin, la jurisprudence et l’avis aux parties et à la communauté juridique parlent de la pratique générale de la Cour et non d’une règle de la Cour ou d’une règle de preuve qui oblige l’exclusion automatique des éléments de preuve relatifs aux essais. Comme l’a souligné le juge Hughes dans Abbvie Corporation c Janssen Inc., 2014 CF 55, au paragraphe 64 [Abbvie], il n’existe aucune règle dans les Règles des Cours fédérales DORS/98‑106 se rapportant spécifiquement à l’admissibilité des essais expérimentaux. Les règles de preuve de la common law exigent effectivement l’exclusion des éléments de preuve lorsque l’effet préjudiciable de ceux‑ci l’emporte sur leur valeur probante : voir, par exemple, l’arrêt R. c Ferris, [1994] 3 RCS 756; Harmony Consulting Ltd. c G A Foss Transport Ltd., 2012 CAF 226, au paragraphe 101.

[28] Dans ce contexte, voyons maintenant les arguments qu’ont invoqués les parties au sujet des deux questions.

a) Les arguments des parties

[29] Bayer soutient que l’Avis ne s’applique pas aux preuves qu’elle entend présenter parce que les tests ont été faits avant le début du litige. Elle ajoute qu’elle ne pouvait pas se conformer à l’Avis quand elle a effectué les tests parce que, à ce moment‑là, il n’y avait aucun litige en cours. Elle souligne le libellé de l’Avis, qui indique qu’il s’applique dans le contexte d’une « action en matière de contrefaçon ou de validité d’un brevet ». Quand elle a effectué ces tests, il n’y avait pas de parties adverses, pas d’avocats adverses ou pas de représentants adverses qu’elle pouvait aviser du moment et de l’endroit des tests, pas de calendrier de litige pour fixer le délai de préavis de deux mois, et pas de juge responsable de la gestion de l’instance pour régler toute question découlant de l’Avis.

[30] Bayer soutient que l’avis ne dit rien à propos des tests effectués avant un litige, car dans ce contexte l’Avis ne pouvait pas remplir sa [TRADUCTION] « fonction principale et fondamentale, soit celle de donner un préavis ». En l’espèce, Bayer a procédé aux tests avant qu’une partie quelconque ait signifié un avis d’allégation concernant une version générique du rivaroxaban. Elle ajoute qu’il ne convient pas d’interpréter l’Avis de manière à ce qu’il impose à une partie un fardeau impossible à supporter. C’est ce que les défenderesses se proposent de faire en l’espèce, en laissant entendre que Bayer, avant de procéder à ses tests, aurait dû en aviser d’éventuels défendeurs inconnus. Comme l'affirme Bayer dans son mémoire : [TRADUCTION] « [l’]Avis ne peut s’appliquer dans des circonstances où l’on ne peut s’y conformer ».

[31] Bayer soutient que si l’Avis s’applique il faudrait l’autoriser à présenter ses éléments de preuve. Elle a communiqué des informations au sujet des études sur des chiens, qui ont permis à des experts retenus par les défenderesses de les évaluer et de faire part de leurs critiques quant aux informations fournies sur les protocoles, les pratiques et les conditions d’essai. Les défenderesses auront toutes une autre occasion de vérifier ces éléments dans le cadre d’autres contre‑interrogatoires de même qu’au procès.

[32] Par ailleurs, Bayer a fourni une preuve que la question de reprendre les tests menés sur des chiens pour les besoins d’un litige plutôt que pour une raison scientifique quelconque peut susciter des préoccupations d’ordre déontologique. S’il fallait que Bayer doive reprendre les tests, cela poserait une autre difficulté, en ce sens qu’il lui serait peut‑être impossible de trouver des installations capables d’effectuer les tests dans le délai restreint disponible, et la coordination des invitations faites aux quatre défenderesses serait une tâche considérable.

[33] Bayer soutient que la Cour devrait être guidée par le principe de la proportionnalité ainsi que par l’article 6.09 du Règlement sur les MB (AC), qui exige que toutes les parties à l’instance collaborent au règlement expéditif de l’affaire. Bayer a consacré un temps et des fonds considérables à la réalisation de ces études, et elle devrait avoir le droit de se fonder sur elles au procès. Aucun préjudice envers les défenderesses n’a été établi.

[34] L’aspect essentiel de l’argument qu’invoque Bayer est que l’Avis n’a de sens que s’il s’applique à des tests effectués au cours du litige. Ce n’est que dans une telle situation que les parties peuvent se conformer à ses exigences. Les préoccupations qu’ont les défenderesses à l’égard des tests concernent leur valeur probante plutôt que leur admissibilité.

[35] Les défenderesses soutiennent que Bayer interprète mal l’Avis – ce dernier, allèguent‑elles, s’applique à n’importe quel test effectué pour les besoins d’un litige. C’est l’objet des tests qui constitue le principal facteur, et non le moment où ils sont exécutés. Elles citent l’Avis, qui exige que l’on avise la partie adverse « [l]orsqu’une partie a l’intention d’établir un fait en litige par des tests expérimentaux effectués pour les besoins du litige […] ». Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que Bayer entend établir un fait en litige et que les tests ont été réalisés pour les besoins du litige. L’Avis devrait donc s’appliquer à elle.

[36] Les défenderesses soutiennent que la raison d’être sous‑jacente de l’Avis, qui poursuit et renforce la pratique antérieure de la Cour, est d’assurer l’équité entre les parties et de veiller à ce que la Cour reçoive de toutes ces dernières des éléments de preuve complets et valables. Des tests ex parte vont à l’encontre de ces objectifs en mettant les éléments de preuve de l’une des parties à l’abri d’un examen proprement dit, et en évitant tout interrogatoire préalable satisfaisant. Si l’on permet à Bayer de « contourner » l’Avis, cela incitera d’autres parties à en faire autant, et les avantages qu’il y a à donner avis des tests de cette nature auront disparu.

[37] Teva soutient qu’elle ne place pas Bayer dans une position impossible en faisant valoir qu’elle doit se conformer à l’Avis. Comme elle l’indique dans son mémoire : [TRADUCTION] « si Bayer entend se fonder sur les tests menés sur des chiens en 2017, ces tests doivent être repris ». Les autres défenderesses ont adopté essentiellement la même position.

[38] Les défenderesses signalent que Bayer n’a produit aucune preuve expliquant pourquoi elle a décidé d’effectuer les tests sur des chiens au moment où elle l’a fait, plutôt que d’attendre le début du litige. C’était là, selon elles, une stratégie délibérée. Cette opinion est renforcée par la manière dont les tests ont été faits. Les documents que Bayer a produits confirment que le [TRADUCTION] « promoteur des études » sur des chiens n’était pas Bayer, mais plutôt Gowling WLG, le cabinet d’avocats canadien externe de Bayer. De plus, il a été demandé à chacune des entités tierces participant à l’étude et réalisant les tests de signer le Certificat relatif au code de déontologie régissant les témoins experts de la Cour fédérale, avant qu’ils commencent leur travail.

[39] La défenderesse Taro avance un argument supplémentaire, lié au régime du Règlement sur les MB (AC) dans son ensemble. Elle soutient qu’une fois qu’une première personne inscrit un brevet dans le registre des brevets, il faut considérer qu’elle envisage nécessairement qu’il surviendra un litige, vu que l’inscription du brevet est ce qui déclenche en premier l’obligation qu’a un fabricant générique de fournir un avis d’allégation, ce qui, par ricochet, peut amener cette première personne à engager une action en contrefaçon de brevet. Il faut considérer qu’une fois que Bayer a inscrit le rivaroxaban dans le registre, elle envisageait qu’il y aurait un litige. Les tests que Bayer effectue par la suite tombent forcément sous le coup de l’Avis.

[40] Autre argument subsidiaire, Sandoz fait valoir que Bayer n’a pas produit assez d’éléments de preuve quant à la pertinence à l’égard des faits particuliers qui sont en litige et que la Cour devrait donc reporter toute décision sur leur admissibilité jusqu’au procès, quand il sera possible d’examiner l’affaire dans le contexte des éléments de preuve dans leur ensemble.

[41] Essentiellement, l’argument principal des défenderesses est que les tests ex parte effectués pour les besoins du litige sont censément inadmissibles dans une action en matière de brevet. L’Avis devrait s’appliquer aux tests que Bayer a effectués, indépendamment du moment où ils l’ont été, parce que, sans cela, on l’autorise à contourner les exigences que la Cour impose à toutes les parties. L’Avis doit être interprété de manière à éviter que l’on se fonde sur des tests ex parte qui ont été effectués pour les besoins du litige, peu importe le moment où ils ont effectivement eu lieu, car il s’agit là de la seule manière d’éviter que les parties accélèrent simplement l’exécution de leurs tests pour se soustraire aux exigences de l’Avis. Si cela est autorisé, les objectifs que sont l’équité et le fait de veiller à ce que l’on soumette à la Cour un dossier complet seront mis en échec, et les procès seront inutilement prolongés par des arguments concernant l’admissibilité et le poids des éléments de preuve relatifs aux tests effectués avant le litige. Dans la présente affaire, l’application de l’Avis obligera simplement Bayer à reprendre les tests si elle souhaite se fonder au procès sur ces éléments de preuve.

[42] Les défenderesses font également valoir que, si l’Avis s’applique bel et bien, il faudrait refuser à Bayer l’autorisation de présenter ces éléments de preuve. Elles ont présenté des observations au sujet du critère qu’il convient d’appliquer au stade de l’autorisation, ainsi que les raisons pour lesquelles Bayer ne devrait pas être autorisée à se fonder sur ces éléments de preuve. Compte tenu toutefois de la manière dont je tranche la présente affaire, il est inutile d’examiner ces questions en détail.

b) Analyse

[43] Dès le départ, il importe de rappeler qu’il est question en l’espèce d’une requête présentée en vertu de l’alinéa 220(1)b) en vue d’obtenir, avant le procès, une décision sur le fait de savoir si l’Avis s’applique aux éléments de preuve que Bayer veut présenter au sujet des tests qu’elle a menés sur des chiens en 2017, relativement au rivaroxaban. Il ne s’agit pas d’une requête indépendante sur l’admissibilité de ces éléments de preuve, au regard soit de la pratique de la Cour à l’égard des tests faits ex parte dans le cadre d’une action en matière de brevet, soit des règles de preuve plus générales en matière d’admissibilité. Il est clair toutefois qu’à ce stade je ne peux traiter que des questions qu’énonce l’article 220 des Règles.

[44] Il y a une certaine valeur dans les arguments que les deux parties ont invoqués sur la question précise qui a été posée : l’Avis s’applique‑t‑il aux éléments de preuve de Bayer concernant les essais faits sur des chiens en 2017? D’une part, Bayer a sans aucun doute raison de dire que l’Avis n’est applicable que si l’on s’y est conformé, et cela exige qu’il y ait d’autres « parties » au litige auquel il peut être donné avis de l’exécution des tests.

[45] D’autre part, les défenderesses ont elles aussi raison de soutenir que l’Avis n’a pas simplement pour objectif de donner avis. L’Avis vise plutôt à assurer l’équité dans l’instance et à veiller à ce que la Cour dispose des preuves les meilleures et les plus complètes possible sur les tests effectués, et cela renvoie essentiellement aux objectifs des tests en question. Il n’est pas possible d’atteindre ces objectifs si l’une des parties réalise délibérément des tests ex parte, et il s’agit là d’une pratique qu’il ne faudrait pas encourager.

[46] Je souligne que la situation peut être différente s’il existe une autre raison légitime pour effectuer les tests à un moment particulier avant le procès. Bayer n’a donné aucune raison de ce genre.

[47] Je conclus que le libellé de l’Avis, interprété en fonction de ses objectifs sous‑jacents et considéré dans le contexte précis du régime actuellement en vigueur du Règlement sur les MB (AC), mène inexorablement à la conclusion que l’Avis ne s’applique pas à la preuve que sont les tests que Bayer a menés sur des chiens en 2017. Cette conclusion est en outre renforcée par le fait que l’Avis lui‑même n’a pas force de loi. Il s’agit d’une indication importante de la pratique de la Cour, et je conviens avec les défenderesses qu’il faut lui accorder le poids requis mais, comme il a été signalé dans plusieurs affaires antérieures, il énonce un principe directeur qui doit être pris en compte et appliqué dans les circonstances de chaque espèce.

[48] Premièrement, le libellé précis de l’Avis concerne le contexte d’un litige. Sa première phrase est révélatrice : « [d]ans le cadre d’une action en matière de contrefaçon ou de validité d’un brevet, lorsqu’une partie a l’intention d’établir un fait en litige par des tests expérimentaux effectués pour les besoins du litige, elle doit […] donner un préavis raisonnable aux autres parties ». Ce point est également confirmé au dernier paragraphe de l’Avis : « [u]ne partie ne peut pas, sans l’autorisation de la Cour, soumettre au procès ou à l’audience de la preuve relative à des tests effectués par elle ou pour son compte pour les besoins du litige, sauf si elle a avisé les autres parties qu’elle avait l’intention de le faire ». (Non souligné dans l’original.)

[49] Il est difficile de voir comment on peut se conformer à cet Avis en dehors du contexte d’un litige, et aussi de comprendre comment la Cour pourrait avoir compétence pour superviser l’exécution des tests que fait un titulaire de brevet en dehors du contexte d’un litige dont elle est saisie.

[50] En l’espèce, nul ne conteste que Bayer a exécuté les tests avant l’engagement du litige, et avant que Bayer reçoive un avis d’allégation quelconque des défenderesses. À cet égard, Bayer a raison de soutenir que les tests ont été faits « pour les besoins du litige », c’est‑à‑dire les actions qu’elle a lancées contre ces défenderesses.

[51] Dans le contexte du régime actuellement en vigueur du Règlement sur les MB (AC), il m’est impossible de souscrire à l’argument voulant que la simple inscription d’un brevet dans le registre des brevets suffisse à déclencher l’application de l’Avis. D’un point de vue pratique, une telle inscription ne donne pas avis au titulaire du brevet d’une entreprise particulière qui, dans l’avenir, pourrait demander l’autorisation de vendre une version générique du médicament. Cette inscription ne déclenche pas non plus des délais à respecter pour le litige. Ces étapes surviennent plus tard dans le processus, et il n’est pas nécessaire, pour les besoins de la présente instance, de décider si l’Avis ou la pratique plus générale de la Cour s’appliquent aux tests qui peuvent être effectués après qu’un AA a été fourni puisque, en l’espèce, les tests ont eu lieu avant cette date.

[52] Conclure que l’Avis ne s’applique pas aux tests de Bayer ne mine pas sa raison d’être sous‑jacente, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, l’Avis continuera de s’appliquer aux tests, quels qu’ils soient, qui sont effectués une fois que le litige a commencé – et, ici, je ferais remarquer que quelques décisions antérieures font référence à des tests réalisés avant le procès, mais il est certain que la période applicable n’est pas le moment où commence le procès, mais plutôt celui où le litige est engagé par la signification et le dépôt d’un acte introductif d’instance quelconque.

[53] Deuxièmement, conclure que l’Avis ne s’applique pas aux tests effectués avant l’engagement du litige ne met pas fin à l’argument concernant l’importance de l’équité, le fait d’assurer la tenue d’interrogatoires préalables satisfaisants et le fait que la Cour dispose d’un dossier complet. Il demeure loisible aux défenderesses de faire valoir que l’adoption de l’Avis n’a pas mis fin à la pratique antérieure de la Cour d’exclure les preuves de cette nature, surtout dans les cas où l’on conclut que l’Avis ne s’applique pas. À cet égard, je ne fais que signaler en passant que certaines des décisions antérieures concluent que les tests effectués avant un procès tombent sous le coup de la pratique (voir, par exemple : Merck (1994), au para 127; Halford; Apotex (2013), aux para 39 et 42). Il semble qu’on n’ait pas tranché de manière précise dans des affaires antérieures si cela s’étend aux tests qui sont effectués avant le début d’un litige.

[54] Enfin, même si les éléments de preuve sont admis au procès, les défenderesses sont libres de poursuivre leurs arguments quant à la fiabilité de ces éléments de preuve et du poids qu’il convient de leur attribuer, notamment par voie de contre‑interrogatoires et par l’introduction de preuves supplémentaires.

[55] Je signale aussi en passant que la présente décision n’empêche aucune des parties de chercher à reproduire l’étude basée sur les tests menés sur des chiens en 2017, avec préavis aux autres parties, si elle souhaite le faire. Cela aurait manifestement pour effet d’effacer un grand nombre des préoccupations qui ont animé les arguments invoqués de toutes parts, mais il revient entièrement aux parties de décider si elles souhaitent le faire ou pas.

IV. Conclusion

[56] Les questions soulevées dans la présente requête sont les suivantes :

  1. Les demanderesses ont‑elles besoin de l’autorisation de la Cour, conformément à l’Avis, pour présenter au procès des preuves relatives à des tests qu’elles ont menés en septembre et en octobre 2017 sans en avoir avisé les défenderesses (les tests);

  2. Si la réponse [à la première question] est « oui », faut‑il autoriser les demanderesses, conformément à l’Avis, à présenter au procès des preuves relatives aux tests?

[57] Pour les motifs susmentionnés, je conclus qu’il convient de répondre par la négative à la première question. Les demanderesses n’ont pas besoin de l’autorisation de la Cour, comme le prescrit l’Avis, pour produire au procès des éléments de preuve relatifs aux tests effectués.

[58] Compte tenu de ma conclusion sur la première question, il n’est pas nécessaire de répondre à la seconde.

[59] Les parties ont sollicité des dépens dans le cadre de la présente requête, mais, vu la manière dont celle‑ci s’est déroulée, et vu le résultat obtenu, de même que dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 400 des Règles, je n’adjuge aucuns dépens. Chaque partie supportera les dépens qui lui sont propres, relativement à la présente requête.

 


ORDONNANCE dans les dossiers T‑1960‑18, T‑2093‑18, T‑435‑19 et T‑806‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. Les demanderesses n’ont pas besoin de l’autorisation de la Cour, comme le prescrit l’Avis à la communauté juridique sur les tests expérimentaux de 2016, pour produire au procès des éléments de preuve relatifs aux tests effectués sur des chiens en 2017.

  2. Compte tenu de ma conclusion sur la première question, il n’est pas nécessaire de répondre à la seconde.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


ANNEXE

AVIS À LA COMMUNAUTÉ JURIDIQUE

AUX : Parties et Membres de la communauté juridique

DE : L’honorable Paul Crampton juge en chef

DATE : Le 12 mai 2016

OBJET : Tests expérimentaux

_________________________

Dans le cadre d’une action en matière de contrefaçon ou de validité d’un brevet, lorsqu’une partie a l’intention d’établir un fait en litige par des tests expérimentaux effectués pour les besoins du litige, elle doit, au plus tard deux mois avant la signification prévue du (des) rapport(s) de ses experts, sur lequel (lesquels) portent les tests, donner un préavis raisonnable aux autres parties :

  • quant aux faits à prouver par ces tests;

quant à la nature de la procédure expérimentale qui sera effectuée;

  • quant au moment et quant à l’endroit où les avocats et le(s) représentants(s) des parties adverses peuvent assister à (aux) expérience(s);

quant au moment où les données et les résultats de ces tests seront transmis aux parties adverses et quant à la forme sous laquelle ils seront transmis.

Dans le cas où la période de préavis minimale de deux mois n’est pas pratique (par exemple, en ce qui concerne des rapports en réponse), le délai peut être abrégé par le juge responsable de la gestion de l’instance.

Lorsque les parties ne s’entendent pas sur ces questions, le juge responsable de la gestion de l’instance peut régler ce problème lors d’une conférence de gestion de l’instance.

Une partie ne peut pas, sans l’autorisation de la Cour, soumettre au procès ou à l’audience de la preuve relative à des tests effectués par elle ou pour son compte pour les besoins du litige, sauf si elle a avisé les autres parties qu’elle avait l’intention de le faire.

« Paul Crampton »

Juge en chef


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS


DOSSIERS :

T‑1960‑18, T‑2093‑18, T‑435‑19 et T‑806‑19

DOSSIER :

T‑1960‑18

INTITULÉ :

BAYER INC. ET BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH c TEVA CANADA LIMITED

DOSSIER

T‑2093‑18

INTITULÉ :

BAYER INC. ET BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH c APOTEX INC.

DOSSIER

T‑435‑19

INTITULÉ :

BAYER INC. ET BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH c TARO PHARMACEUTICALS INC.

DOSSIER :

T‑806‑19

INTITULÉ :

BAYER INC. ET BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH c SANDOZ CANADA INC.

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 SEPTEMBRE 2019

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

LE 31 OCTOBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Melissa Binns

Will Boyer

Charlotte Dong

Natalia Thawe

POUR LES DEMANDERESSES

Bradley White

Faylene Lunn

POUR LA DÉFENDERESSE

TEVA CANADA LIMITED

Harry Radomski

Sandon Shogilev

Carol Scott

POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC.

Kavita Ramamoorthy

POUR LA DÉFENDERESSE

TARO PHARMACEUTICALS INC.

Kelly McClellan

POUR LA DÉFENDERESSE

SANDOZ CANADA INC.

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

Gowling WLG

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

TEVA CANADA LIMITED

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC.

Fineberg Ramamoorthy LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

TARO PHARMACEUTICALS INC.

Sprigings Intellectual Property Law

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

SANDOZ CANADA INC.

 

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