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Date : 20211105


Dossier : IMM‐2324‐20

Référence : 2021 CF 1191

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre‐Neuve‐et‐Labrador), le 5 novembre 2021

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

ALTIN DHESKALI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], l’exécution de la mesure de renvoi emporte interdiction de revenir au Canada, sauf autorisation de l’agent ou dans les autres cas prévus par règlement. Aux termes du paragraphe 226(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‐227, pour l’application du paragraphe 52(1) de la LIPR, la mesure d’expulsion oblige l’étranger à obtenir une autorisation écrite pour revenir au Canada à quelque moment que ce soit après l’exécution de la mesure.

[2] Le demandeur, Altin Dheskali, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 13 avril 2020 par laquelle un gestionnaire du programme de migration [l’agent] a rejeté sa demande d’autorisation de retour au Canada [la demande d’ARC].

Contexte

[3] Le demandeur est maintenant un citoyen de la Grèce. En 1991, alors qu’il était âgé de 19 ans, il est entré au Canada comme membre d’équipage sur un navire battant pavillon étranger et, en tant que ressortissant de l’Albanie, il a demandé l’asile. Sa demande a été rejetée, tout comme l’a été par la suite sa demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision. Le 11 février 1992, une mesure d’interdiction de séjour a été prise contre lui, l’obligeant à quitter le Canada au plus tard le 1er janvier 1993. Comme il ne s’est pas conformé à cette mesure, la mesure d’interdiction de séjour est devenue une mesure d’expulsion.

[4] Entre‐temps, le 29 avril 1993, le demandeur a épousé sa petite amie canadienne. Une demande de parrainage de son épouse, présentée subséquemment pour qu’il obtienne la résidence permanente a été rejetée le 22 juin 1993. Le 15 juin 1993, le demandeur a été arrêté et placé en détention avant son renvoi du Canada, mais il s’est ensuite évadé. Il a été appréhendé de nouveau et a été expulsé du Canada le 2 juillet 1993.

[5] Le 28 avril 2014, le demandeur a présenté une demande de permis de travail dans laquelle il n’a pas fait mention de ses antécédents en matière d’immigration. Au cours d’une entrevue menée en lien avec cette demande, le demandeur a répondu par la négative à la question de savoir s’il était déjà venu au Canada. L’agent chargé de l’entrevue a ensuite informé le demandeur que les dossiers du Canada le concernant confirmaient qu’il avait déjà été détenu et renvoyé du Canada en 1993. Le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, et sa demande a été rejetée.

[6] Le 5 mars 2020, le demandeur a présenté une demande d’ARC au titre du paragraphe 52(1) de la LIPR. Cette demande a été rejetée, et c’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

Décision faisant l’objet du contrôle

[7] Les motifs de l’agent sont exposés dans la lettre de décision qui a été envoyée au demandeur. En outre, les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] contiennent une partie des motifs de l’agent (Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 368 au para 9; Gebrewldi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 621 au para 29; Pushparasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 828 au para 15; Khowaja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 823 au para 3). Dans les notes consignées dans le SMGC, un agent chargé de l’examen de la demande d’ARC a exposé les antécédents du demandeur en matière d’immigration. Cet agent a aussi exposé la raison de la demande d’ARC présentée par le demandeur, soit pour rendre visite au Canada à son fils, un citoyen grec titulaire d’un permis d’études valide jusqu’en août 2021. L’agent d’examen a tenu compte du degré d’établissement du demandeur en Grèce, de la longue période écoulée depuis la prise d’une mesure d’expulsion contre lui et du fait qu’il n’avait pas de casier judiciaire. L’agent d’examen a aussi tenu compte des antécédents du demandeur en matière d’immigration. Il a mentionné que le demandeur ne semblait pas avoir de raison impérieuse de venir au Canada.

[8] L’agent d’examen a souligné que le fils du demandeur avait quitté la Grèce cinq mois plus tôt. Il était inscrit à un programme d’études postsecondaires au Canada où, généralement, le semestre d’hiver prend fin en avril (le mois suivant). Par conséquent, la séparation ne devait pas être longue. En outre, la séparation était temporaire et volontaire, et le fils du demandeur pouvait retourner en Grèce n’importe quand. L’agent d’examen a souligné que le demandeur ne semblait pas avoir de forts liens avec la Grèce ou l’Albanie. La propriété de son appartement à la suite de son divorce d’avec sa deuxième épouse ne semblait pas clairement établie – son ex‐épouse et leur enfant habitent cet appartement, mais pas le demandeur. De plus, le demandeur semblait soutenir financièrement plusieurs ménages avec un revenu relativement faible; la provenance de ses fonds était incertaine et, selon les documents fournis, il ne semblait pas bien établi financièrement en Grèce ni en Albanie. L’agent d’examen a conclu qu’il y avait probablement plus de facteurs qui jouaient contre le demandeur que de facteurs qui jouaient en sa faveur.

[9] Dans les notes consignées dans le SMGC, l’agent décideur a affirmé avoir examiné le dossier du demandeur. Il a énoncé les volets du critère à respecter pour qu’une ARC soit accordée : la personne ne constitue pas un risque pour le Canada; la personne ne contreviendra pas aux lois du Canada, y compris la LIPR; il existe des motifs impérieux pour que la demande d’ARC soit considérée. L’agent a conclu que la raison invoquée par le demandeur pour venir au Canada n’était ni grave ni impérieuse étant donné que son fils avait choisi d’étudier au Canada et qu’il était libre de retourner en Grèce ou de rendre visite à son père à l’extérieur du Canada. L’agent a reconnu que les faits entourant la mesure de renvoi prise contre le demandeur étaient anciens, mais il a ajouté qu’ils étaient tout de même importants puisque le demandeur a, à de multiples reprises, contrevenu aux lois canadiennes en matière d’immigration, notamment en s’évadant de son lieu de détention. Enfin, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas de forts liens avec l’Albanie et la Grèce. Dans sa lettre de refus, l’agent a mentionné que les raisons pour lesquelles le demandeur avait demandé une ARC ne justifiaient pas la prise de mesures spéciales à l’égard de la mesure de renvoi prise précédemment contre lui et que sa demande était donc rejetée.

Question en litige et norme de contrôle applicable

[10] La seule question en litige consiste à savoir si la décision de l’agent est raisonnable. Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23‐24.

Analyse

[11] Dans ses observations écrites, préparées par son ancien avocat, le demandeur soutient que les événements qui ont mené à son renvoi du Canada se sont produits il y a 27 ans et qu’ils ne justifient pas raisonnablement la décision de l’agent de rejeter sa demande d’ARC. Il ajoute que rendre visite à un membre de la famille au Canada constitue une raison impérieuse d’octroyer une ARC, renvoyant à Manoo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 396 [Manoo] et à Monroy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 811 [Monroy]. Le demandeur conteste la conclusion de l’agent selon laquelle il n’a pas de forts liens avec l’Albanie et la Grèce, et il soutient que l’agent a commis une erreur en se livrant à des conjectures au sujet des occupants de son appartement puisque le fait le plus pertinent est qu’il possède une propriété en Grèce, peu importe qu’il l’habite ou non. Enfin, le demandeur affirme que l’agent a commis une erreur de fait puisque le programme d’études de son fils ne dure pas cinq mois; il a commencé en septembre 2019 et se poursuit jusqu’en août 2021. Ainsi, la période de séparation n’est pas brève et elle ne justifie pas le rejet de sa demande d’ARC.

[12] Lorsqu’il a comparu devant moi, le demandeur n’était pas représenté par un avocat. Il a énoncé essentiellement les mêmes renseignements que ceux contenus dans sa lettre du 21 janvier 2020 présentée à l’appui de sa demande d’ARC. Il a mis l’accent sur le fait qu’il était très jeune lorsqu’il est entré au Canada pour la première fois et qu’il ne comprenait pas pleinement le régime d’immigration. Selon les renseignements fournis par son avocat, il avait compris qu’il était autorisé à rester au Canada pendant la procédure d’appel lancée à l’égard du rejet de sa demande d’asile. En outre, il n’avait pas reçu d’avis l’informant de la mesure de renvoi prise contre lui – il travaillait, il ne se cachait pas – et il ne savait pas qu’il était tenu de quitter le Canada en attendant d’assister, comme demandé, à une rencontre dans un bureau d’immigration. À ce moment, il avait été informé que, parce qu’il n’avait pas quitté le Canada, il devait être placé en détention en attendant son renvoi. Il a admis qu’il avait par la suite sauté par‐dessus la clôture pendant qu’il jouait au basketball à l’établissement de détention parce qu’il voulait trouver sa femme. Il a reconnu qu’il avait commis une erreur de jugement. Il a expliqué qu’après son renvoi en Albanie, il avait souffert d’une dépression nerveuse parce qu’il avait tout perdu. Finalement, il est retourné en Grèce avec son frère et il a entamé une nouvelle vie. En 2014, au cours d’une entrevue en lien avec sa demande de permis de travail, il a répondu par la négative à la question de savoir s’il était déjà venu au Canada parce qu’il n’avait jamais parlé à sa nouvelle épouse du fait qu’il était déjà venu au pays ni de ce qui s’y était produit. Plus tard, lorsqu’il lui a tout raconté, son épouse s’est mise en colère parce qu’il lui avait caché beaucoup de choses et qu’il avait privé la famille de la possibilité de venir au Canada. Elle n’a pas pu lui pardonner et ils ont finalement divorcé. Le demandeur a fait valoir qu’il était resté très proche de ses enfants, qui sont toute sa vie, et qu’il avait présenté une demande d’ARC afin de pouvoir rendre visite à son fils, tant maintenant que plus tard si celui‐ci décidait de s’établir au Canada, ainsi qu’à sa fille, dans l’éventualité où elle viendrait au Canada où elle a de la famille, notamment une grand‐mère. Il a souligné qu’il était conscient d’avoir commis des erreurs, mais qu’il voulait que la Cour sache qu’il n’est pas une mauvaise personne. Il a ajouté qu’il gagnait bien sa vie en Grèce, qu’il y était bien établi, qu’il pouvait subvenir à tous ses besoins et qu’il ne sollicitait une ARC que dans le but de pouvoir rendre visite à son fils.

[13] Le défendeur a soutenu que la décision d’octroyer une ARC est hautement discrétionnaire, que l’agent avait tenu compte de l’ensemble des circonstances présentées et que le refus était raisonnable (citant Del Rio c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 737 au para 10 [Del Rio]; Parra Andujo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 731 au para 23). Selon lui, il était approprié pour l’agent de tenir compte de la possibilité que le demandeur reproduise le comportement à l’origine de la mesure de renvoi prise contre lui. Le défendeur a expliqué que même si la mesure de renvoi initiale avait été prise 27 ans plus tôt, le demandeur avait plus récemment fait l’objet d’une interdiction de territoire pour fausses déclarations. Le défendeur a ajouté que l’agent ne s’était pas montré ambivalent dans ses conclusions comme l’a affirmé le demandeur. Enfin, il a soutenu que les affaires Manoo et Monroy se distinguaient de l’espèce. Il a affirmé que la décision de l’agent démontrait qu’il avait tenu compte des facteurs pertinents et que ses motifs ne révélaient aucune erreur susceptible de contrôle.

[14] À mon avis, les observations du demandeur ne sauraient être retenues. Les décisions relatives aux demandes d’ARC sont des décisions hautement discrétionnaires qui reposent sur les faits et qui commandent une grande retenue (Dirir c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2019 CF 1547 au para 24; Parra Andujo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 731 aux para 23, 31; Umlani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1373 au para 60; Del Rio au para 7). Les demandes d’ARC ne doivent pas être vues « comme de mini‐demandes fondées sur des motifs humanitaires », et il n’existe pas d’approche unique ou de liste obligatoire de facteurs qu’un agent doit prendre en compte (Quintero Pacheco c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 347 au para 51; Akbari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1421, [2006] ACF no 1773 [Akbari] aux para 8, 11). Les agents doivent tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire dont ils sont saisis ainsi que des objectifs fondamentaux de la LIPR, plus particulièrement celui qui sous‐tend le paragraphe 52(1) (Akbari, au para 11; Khakh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 710 au para 26).

[15] L’agent n’a pas commis d’erreur en examinant les antécédents du demandeur en matière d’immigration. Le demandeur s’est évadé, lequel fait n’est pas contesté et revêt une grande importance dans l’analyse de l’agent puisqu’il démontre une volonté de se soustraire aux lois canadiennes en matière d’immigration. L’agent a reconnu que la mesure de renvoi remontait à 27 ans, mais il a souligné que plus récemment, en 2014, le demandeur avait fait l’objet d’une interdiction de territoire parce qu’il avait omis de déclarer ses antécédents en matière d’immigration au moment de présenter une demande de permis de travail. Je souligne que lorsqu’il a été interrogé sur ses antécédents lors d’une entrevue, le demandeur a nié être déjà venu au Canada. Ce n’est que lorsque l’agent chargé de l’entrevue l’a mis au fait des dossiers du Canada à son sujet qu’il a reconnu ses antécédents en matière d’immigration. Dans les observations écrites qu’il a présentées à la Cour, le demandeur a affirmé avoir agi ainsi parce qu’il [traduction] « croyait qu’il n’existerait plus de dossier puisqu’il s’était écoulé plus de 20 ans depuis ce séjour ». Je ne vois aucune erreur dans la conclusion de l’agent. En réalité, le demandeur souhaite voir la Cour accorder un poids différent à sa preuve; cependant, ce n’est pas le rôle de la Cour (Vavilov, au para 125).

[16] En ce qui concerne les raisons impérieuses de venir au Canada, bien que le souhait du demandeur de rendre visite à son fils puisse constituer une raison valable de vouloir venir au Canada, l’agent était autorisé à se demander si cette raison était suffisamment importante pour prendre le pas sur les autres considérations découlant de la demande. L’agent a raisonnablement tenu compte de la durée de la séparation, de la nature volontaire de celle‐ci et du fait que le fils du demandeur pourrait vraisemblablement rendre visite à ce dernier un mois ou deux plus tard. Bien que le demandeur affirme que l’agent a commis une erreur en concluant que le programme d’études de son fils ne durait que cinq mois, une telle erreur ne s’est pas produite. L’agent d’examen a déclaré explicitement que le permis d’études du fils du demandeur était valide jusqu’au 31 août 2021. Il a aussi déclaré que le fils du demandeur était inscrit à un programme d’études postsecondaires et qu’en général, le semestre d’hiver prend fin en avril, soit le mois suivant. Rien dans le dossier ne donne à penser qu’il ne devait y avoir aucune pause entre les semestres. Il était raisonnable pour l’agent de présumer que le fils du demandeur pourrait rendre visite à son père, que ce soit en Grèce ou ailleurs à l’extérieur du Canada, durant la pause entre deux semestres.

[17] De toute façon, même si le programme d’études du fils du demandeur durait effectivement jusqu’en août 2021 et qu’il décidait de ne pas rendre visite à son père à l’extérieur du Canada durant cette période, la séparation était tout de même temporaire et volontaire, comme l’a conclu l’agent.

[18] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les affaires Manoo et Monroy se distinguent de l’espèce par leurs faits. Dans Manoo, le demandeur avait, au Canada, « sa mère malade [âgée de 102 ans], une sœur qui avait eu un accident vasculaire cérébral, une nièce en fauteuil roulant et un frère qui avait eu un accident de voiture » (Manoo, au para 12). Dans cette affaire, la juge Simpson a conclu que l’agent avait minimisé l’importance du voyage du demandeur en réduisant ainsi son motif : [traduction] « but du voyage : visiter la famille » (Manoo, au para 12). Dans Manoo, la séparation du demandeur d’avec sa famille au Canada était beaucoup plus grave et permanente qu’en l’espèce compte tenu de l’âge et du statut de citoyenne canadienne de la mère du demandeur ainsi que de la situation de ses autres proches.

[19] Dans Monroy, la demanderesse était âgée de 61 ans, elle n’avait pas vu sa fille depuis dix ans et elle n’avait jamais tenté d’entrer illégalement au Canada. Ces situations sont bien différentes de l’espèce, où le demandeur s’est évadé de son lieu de détention pour se soustraire à son renvoi et a plus tard été déclaré interdit de territoire pour avoir fait de fausses déclarations sur ses antécédents en matière d’immigration. En outre, rien n’indique que le demandeur ait une raison urgente ou un motif d’ordre humanitaire convaincant pour venir au Canada maintenant. De plus, le demandeur ne relève pas une erreur précise dans l’évaluation faite de ce facteur par l’agent; il soutient simplement que l’agent aurait dû conclure qu’il avait une raison impérieuse de venir au Canada. À mon avis, l’agent n’était pas tenu d’en arriver à cette conclusion, et il s’en est raisonnablement abstenu.

[20] En ce qui concerne les liens du demandeur avec la Grèce ou l’Albanie, l’agent d’examen a tenu compte des renseignements qui figuraient au dossier et, sur une note positive, il a souligné que le demandeur avait obtenu la citoyenneté en Grèce, qu’il y occupait un emploi et qu’il avait fourni un document montrant qu’il y avait des économies. Cependant, bien que le demandeur ait fourni un document daté de 2009 indiquant qu’il possédait un appartenant en Grèce, l’agent d’examen a mentionné que l’ancienne épouse et la fille du demandeur semblaient habiter l’appartement et qu’il n’était pas établi avec certitude que le demandeur était le seul propriétaire de l’appartement depuis son divorce en 2017. Je souligne que le jugement de divorce indique que le demandeur soutient financièrement son fils et sa fille, dans une certaine mesure. En outre, dans son formulaire de demande d’ARC, le demandeur a confirmé qu’il habitait à une autre adresse.

[21] Le point de vue de l’agent était simplement que la preuve ne démontrait pas que le demandeur était propriétaire de l’appartement depuis son divorce. De plus, ce n’est pas là le seul aspect des liens du demandeur avec la Grèce qui a été examiné. L’agent d’examen a souligné qu’un document bancaire fourni par le demandeur ne démontrait pas la provenance légale ni la disponibilité des fonds, que le demandeur occupait son emploi depuis un an et qu’il disposait d’un revenu relativement faible (équivalent à 31 858 $CAN) pour subvenir à ses propres besoins ainsi qu’à ceux de son fils et de sa fille, comme l’exige le jugement de divorce.

[22] Enfin, en ce qui concerne les diverses observations écrites présentées par le demandeur selon lesquelles les motifs de l’agent montraient qu’il était ambivalent quant à savoir s’il devait recommander l’octroi d’une ARC, ces observations ne sont pas fondées. Le demandeur semble renvoyer aux notes consignées dans le SMGC par l’agent d’examen. Il ressort clairement de l’ensemble de ces notes que l’agent a tenté d’exposer équitablement les facteurs favorables et défavorables à une recommandation concernant l’octroi d’une ARC, et qu’il a conclu qu’il y avait probablement plus de facteurs qui jouaient contre le demandeur que de facteurs qui jouaient en sa faveur. L’agent décideur a examiné le dossier et est arrivé à cette conclusion de façon non équivoque.

[23] Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. Les tribunaux doivent faire preuve de retenue envers une telle décision (Vavilov, au para 85). En l’espèce, les motifs sont clairs et la décision, bien qu’elle soit de nature très discrétionnaire, est justifiée. L’agent a raisonnablement conclu qu’il n’existait pas de raisons impérieuses d’octroyer une ARC compte tenu de toutes les circonstances qui ont donné lieu à la prise d’une mesure de renvoi contre le demandeur. L’agent a aussi conclu que les antécédents du demandeur ne montraient pas qu’il ne contreviendrait pas de nouveau aux lois canadiennes en matière d’immigration si une ARC lui était octroyée.

[24] Dans la mesure où, lorsqu’il a comparu devant moi, le demandeur a renvoyé à des faits qui n’avaient pas été mentionnés dans la lettre du 21 janvier 2021 présentée à l’appui de sa demande d’ARC ou qui ne figurent nulle part dans le dossier certifié du tribunal (aucun affidavit n’a été déposé à l’appui de la demande de contrôle judiciaire), ces faits n’avaient pas été dûment présentés à la Cour. Si le demandeur est autorisé à présenter une nouvelle demande d’ARC, il pourra alors faire valoir tout fait nouveau ou supplémentaire à l’appui de sa demande.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‐2324‐20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  3. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Geneviève Bernier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐2324‐20

 

INTITULÉ :

ALTIN DHESKALI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Par téléconférence au moyen de Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 novembre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 5 novembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Altin Dheskali

 

Pour M. Dheskali (pour son propre compte)

 

David Cranton

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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