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Date : 20211029


Dossier : IMM‐7108‐21

Référence : 2021 CF 1155

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 29 octobre 2021

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

MAJOK THON MAWUT

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] M. Mawut est détenu par les autorités de l’immigration depuis près d’un an en attendant son renvoi au Soudan du Sud. Son avocat a demandé au ministre de communiquer certaines catégories de documents, plus particulièrement des communications entre des responsables canadiens et sud‐soudanais au sujet de la délivrance de titres de voyage. La Section de l’immigration [la SI] a refusé d’ordonner la communication de ces documents, principalement parce qu’elle disposait déjà d’une preuve suffisante pour justifier le maintien en détention de M. Mawut. Ce dernier sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

[2] J’accueille la demande de M. Mawut parce que la SI a fait abstraction du récent arrêt Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 130 [Brown]. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a imposé au ministre l’obligation de communiquer toute la preuve pertinente concernant la détention d’un étranger qui se trouve en sa possession, y compris les communications avec des États étrangers. J’ordonne au ministre de produire les communications échangées avec des responsables sud‐soudanais au sujet de M. Mawut et d’apprécier de nouveau la pertinence des autres renseignements en sa possession en tenant compte des présents motifs.

I. Contexte

[3] M. Mawut est né en 1989 et est arrivé au Canada en 2000 en provenance d’un camp de réfugiés en Éthiopie où il avait passé la majeure partie, voire la totalité, de son enfance. Il est venu au Canada avec des personnes que l’on croyait alors être ses parents et qui avaient obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. Cependant, certains éléments de preuve donnent à penser qu’il s’agissait de son oncle et de sa tante. Quoi qu’il en soit, l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] considère maintenant que ces personnes sont ses véritables parents. L’ASFC est actuellement en contact avec le supposé père de M. Mawut, qui vit au Canada. Compte tenu de sa perception des faits, l’ASFC est d’avis que M. Mawut est un citoyen du Soudan du Sud.

[4] M. Mawut a un lourd casier judiciaire. Il a commis des infractions très graves. En 2015, il a été déclaré coupable de vol à main armée et a été condamné à cinq ans d’emprisonnement. Il a ensuite été jugé interdit de territoire pour grande criminalité en application de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Il a par la suite été établi qu’il constituait un « danger pour le public » aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la Loi. Par conséquent, il fait actuellement l’objet d’une mesure de renvoi exécutoire.

[5] Lorsque M. Mawut a terminé de purger sa peine criminelle en novembre 2020, il a été mis en détention selon la Loi. Depuis, la Section de l’immigration [SI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] a procédé régulièrement à des contrôles des motifs de sa détention.

[6] Le fait que le Soudan du Sud refuse depuis longtemps de délivrer des titres de voyage à ses ressortissants déclarés interdits de territoire au Canada constitue un obstacle au renvoi de M. Mawut. Toutefois, après de récentes discussions entre les deux gouvernements, le Soudan du Sud a changé sa position et se dit prêt à examiner des demandes de titres de voyage. Une telle demande a été présentée au nom de M. Mawut au cours de l’été 2021, mais aucune décision n’a encore été rendue.

[7] Il appert que M. Mawut souffre de graves problèmes de santé mentale. Selon la preuve, il souffre d’une panoplie de troubles de santé mentale et a été hospitalisé à plusieurs reprises. Son comportement en détention est erratique. Son avocat affirme qu’il est impossible d’obtenir de lui des renseignements ou des instructions utiles. Compte tenu de cette situation, la SI a désigné M. Norris Ormston comme représentant de M. Mawut en application des articles 18 et 19 des Règles de la Section de l’immigration, DORS/2002‐229.

[8] Le 12 août 2021, durant le contrôle des motifs de détention de M. Mawut, l’avocat de ce dernier a soulevé la question de la communication inadéquate de la preuve. Bien qu’elle ait reconduit la détention de M. Mawut, la SI a [traduction] « exhort[é] le ministre à effectuer un examen complet de son dossier et à communiquer tout renseignement pertinent », en particulier l’information concernant la filiation de M. Mawut et les efforts déployés pour obtenir un titre de voyage.

[9] Aucun autre document n’a été communiqué avant le contrôle suivant, qui a eu lieu le 8 septembre 2021. À cette occasion, l’avocat de M. Mawut a de nouveau soulevé la question de la communication de la preuve. Un autre commissaire de la SI a refusé de rendre une décision à cet égard et a plutôt demandé à l’avocat de fournir une liste détaillée des documents qu’il souhaitait obtenir.

[10] Le lendemain, l’avocat de M. Mawut a écrit à la représentante du ministre pour lui demander de lui fournir une liste de documents, qui comprenaient entre autres les communications entre des responsables canadiens et sud‐soudanais au sujet du dossier de M. Mawut et les procès‐verbaux des réunions du comité responsable des détentions de longue durée où le cas de M. Mawut avait été discuté. La représentante du ministre lui a répondu quelques jours plus tard et s’est engagée à transmettre certains des renseignements demandés ou à en faire la demande. Elle a toutefois refusé de produire les communications entre des responsables canadiens et sud‐soudanais, car l’ASFC était d’avis que les renseignements contenus dans ces communications étaient protégés et que leur divulgation n’était pas nécessaire à la tenue d’une audience équitable. Elle a également refusé de communiquer les procès‐verbaux du comité responsable des détentions de longue durée parce qu’ils ne se rapportaient pas à une question en litige dans l’instance et que la demande de communication de ces documents s’apparentait à une recherche à l’aveuglette.

[11] Au cours du contrôle des motifs de détention suivant, qui a été mené le 8 octobre 2021 par le même commissaire de la SI qui a effectué le contrôle du 8 septembre, l’avocat de M. Mawut a fait valoir que les documents communiqués par le ministre n’étaient pas suffisants et a demandé à la SI d’ordonner au ministre de communiquer les renseignements exigés. On ne saurait dire avec certitude quels renseignements ont été demandés par l’avocat. Au début de l’audience, la SI a passé en revue la liste des documents demandés par l’avocat de M. Mawut. Cependant, les échanges subséquents ont porté exclusivement sur les communications entre des responsables canadiens et sud‐soudanais. Dans un courriel envoyé à la SI avant le contrôle, l’avocat de M. Mawut demandait également les procès‐verbaux du comité responsable des détentions de longue durée. Quoi qu’il en soit, la SI a refusé d’ordonner la communication de ces documents. Les motifs fournis verbalement par le commissaire sont quelque peu répétitifs, mais la phrase suivante les résume bien :

[traduction]

Pour le moment, il ressort des éléments de preuve dont je dispose, ainsi que des documents et des renseignements qui ont été communiqués jusqu’à maintenant par le ministre, même si ce dernier n’a pas revendiqué de privilège diplomatique à leur égard, que le renvoi est possible et que la mesure de renvoi qui a été prise sera exécutée s’il n’y a aucun changement.

[12] Ainsi, le commissaire était d’avis qu’il était inutile de communiquer d’autres documents si la SI était en mesure, au vu de la preuve dont elle disposait, de tirer l’une des conclusions nécessaires, à savoir que le renvoi demeurait une possibilité. Il semble que, par inadvertance, le commissaire n’ait pas examiné les autres demandes de communication de documents de M. Mawut, en particulier celle visant l’obtention des procès‐verbaux du comité responsable des détentions de longue durée.

[13] M. Mawut a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SI à l’égard de la communication de documents. Il a également déposé une requête pour mesure provisoire afin de régler l’affaire avant le prochain contrôle des motifs de sa détention, et il a demandé que l’autorisation lui soit accordée compte tenu du dossier de requête et que le traitement de sa demande soit accéléré. Après avoir examiné le dossier de requête, j’ai proposé aux parties de procéder directement sur le fond de la demande à la date fixée pour l’audition de la requête, ce qu’elles ont accepté de faire. Je traiterai donc la mesure demandée dans la requête comme une mesure permanente.

II. Analyse

[14] Avant de me pencher sur la principale question soulevée dans la demande, je peux trancher rapidement deux questions. Il n’y a pas de désaccord entre les parties sur ces questions.

[15] Premièrement, l’affaire soulève des questions d’équité procédurale qui ne sont pas assujetties à la norme de la décision raisonnable. Je dois donc déterminer si la procédure devant la SI était équitable : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 RCF 121. Pour ce faire, je dois rendre une décision correcte dans les circonstances, sans faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la SI.

[16] Deuxièmement, il est approprié de désigner M. Ormston comme représentant de M. Mawut dans le cadre de la présente instance devant notre Cour. L’alinéa 115(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106, permet de désigner une ou plusieurs personnes pour représenter « une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice », qui est appelée en anglais « a person under a legal disability ». Selon l’article 18 des Règles de la Section de l’immigration, la SI devait conclure que M. Mawut n’était « pas en mesure de comprendre la nature de la procédure ». Compte tenu de la preuve non contestée dont je dispose et de la conclusion de la SI, je conclus que M. Mawut est une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice au sens de l’article 115 des Règles des Cours fédérales. Il est également logique que la même personne représente M. Mawut dans la procédure devant la SI et la présente instance devant notre Cour.

A. La détention aux fins de l’immigration : le cadre juridique

[17] La Cour d’appel fédérale a examiné en profondeur les dispositions de la Loi relatives à la détention des étrangers dans l’arrêt Brown. En l’espèce, il suffit de souligner certaines des caractéristiques de base de ce régime.

[18] Les articles 55 à 61 de la Loi énoncent les motifs de détention possibles ainsi que le processus à suivre pour les contrôles périodiques des motifs de détention et la mise en liberté des personnes détenues. Le paragraphe 58(1) prévoit que, lors d’un contrôle des motifs de détention, la SI doit prononcer la mise en liberté de la personne visée, sauf si l’un des motifs de détention est établi, soit le fait que cette personne constitue un danger pour la sécurité publique ou le fait qu’elle se soustraira vraisemblablement au renvoi. Pour arriver à cette décision, la SI doit tenir compte des facteurs énoncés à l’article 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‐227, qui est ainsi libellé :

248 S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci‐après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

248 If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

a) le motif de la détention;

(a) the reason for detention;

b) la durée de la détention;

(b) the length of time in detention;

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère, de l’Agence des services frontaliers du Canada ou de l’intéressé;

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department, the Canada Border Services Agency or the person concerned;

e) l’existence de solutions de rechange à la détention;

(e) the existence of alternatives to detention; and

f) l’intérêt supérieur de tout enfant de moins de dix‐huit ans directement touché.

(f) the best interests of a directly affected child who is under 18 years of age.

[19] Essentiellement, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer qu’une personne ne peut être mise en détention que si sa détention répond à un objectif d’immigration. Comme l’a déclaré la Cour dans l’arrêt Brown, au paragraphe 44 :

Le pouvoir de détention est exercé principalement, mais non exclusivement, pendant la période qui précède le renvoi. Lorsque la détention est ordonnée aux fins du renvoi, et qu’il n’existe plus de possibilité de renvoi, la détention pour ce motif ne contribue plus au mécanisme de contrôle de l’immigration, et le pouvoir de détention ne saurait être exercé.

[20] Selon la Cour d’appel fédérale, il existe un lien entre la détention et un objectif d’immigration tant que le renvoi demeure une possibilité : Brown, au paragraphe 95.

B. L’arrêt Brown

[21] Avant d’examiner les passages de l’arrêt Brown qui traitent directement de la communication de la preuve, il convient d’exposer brièvement le contexte dans lequel cet arrêt a été rendu. Au cours des dernières années, la détention aux fins de l’immigration a fait l’objet de critiques, surtout lorsqu’elle est de longue durée. En 2018, la CISR a mené une vérification qui a permis de relever des lacunes dans la manière dont la SI effectue les contrôles des motifs de détention. Certaines de ces critiques ont amené les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada à conclure qu’une personne détenue en application de la Loi peut présenter une demande d’habeas corpus à une cour supérieure provinciale au lieu de suivre le processus de contrôle des motifs de la détention établi par la Loi : Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Chhina, 2019 CSC 29, [2019] 2 RCS 467 [Chhina].

[22] Dans ses motifs dissidents dans l’arrêt Chhina, la juge Rosalie Abella a toutefois déclaré qu’il est préférable d’interpréter les dispositions de la Loi de manière à ce qu’elles fournissent les garanties nécessaires sur le plan procédural. Voici ce qu’elle a écrit au paragraphe 74 :

Il est préférable de continuer à interpréter les dispositions de la [Loi] d’une manière qui soit aussi large et avantageuse que l’habeas corpus et qui assure l’examen complet, exhaustif et spécialisé de la détention aux fins de l’immigration qu’elle était censée offrir, comme l’a fait toute la jurisprudence antérieure de la Cour. Une interprétation qui insuffle le plus d’éléments réparateurs possible dans la Loi s’harmonise bien davantage avec l’économie de celle‐ci qu’une interprétation qui incite à toutes fins utiles les détenus à éviter le régime exclusif et à exercer leurs recours analogues ailleurs.

[23] Dans l’arrêt Brown, la Cour d’appel fédérale a répondu à l’invitation de la juge Abella et a donné des indications quant à la façon de mettre en œuvre certains aspects du régime de détention aux fins de l’immigration afin d’accroître le niveau d’équité procédurale. L’un de ces aspects était la communication des éléments de preuve en la possession du ministre.

[24] Avant l’arrêt Brown, la seule obligation de communication de la preuve était énoncée à l’article 26 des Règles de la Section de l’immigration, qui prévoit ce qui suit :

26 Pour utiliser un document à l’audience, la partie en transmet une copie à l’autre partie et à la Section. Les copies doivent être reçues :

26 If a party wants to use a document at a hearing, the party must provide a copy to the other party and the Division. The copies must be received

a) dans le cas du contrôle des quarante‐huit heures ou du contrôle des sept jours, ou d’une enquête tenue au moment d’un tel contrôle, le plus tôt possible;

(a) as soon as possible, in the case of a forty‐eight hour or seven‐day review or an admissibility hearing held at the same time; and

b) dans les autres cas, au moins cinq jours avant l’audience.

(b) in all other cases, at least five days before the hearing.

[25] Cette disposition s’applique seulement aux éléments de preuve qu’entend déposer une partie devant la SI. Elle n’établit pas l’obligation de communiquer des documents qui se trouvent en la possession d’une partie si cette dernière n’a pas l’intention de les produire.

[26] Dans l’arrêt Brown, la Cour d’appel fédérale a statué que l’article 26 n’épuise pas les obligations d’équité procédurale du ministre. Elle a écrit ce qui suit aux paragraphes 142 et 145 :

La nécessité pour les détenus de connaître la preuve produite contre eux crée une obligation de communication. Pour être significative, l’obligation de communication ne peut se limiter aux renseignements sur lesquels le ministre entend s’appuyer. Tous les renseignements pertinents doivent être communiqués, y compris ceux qui ne favorisent que le détenu, dont les renseignements concernant les motifs de détention, les renseignements concernant les critères énoncés à l’article 248, l’existence d’un lien avec un objectif d’immigration ainsi que les critères qui permettent de déterminer si la détention est justifiée et conforme à la Charte et aux principes du droit administratif. Même si l’obligation de communication vise nécessairement les renseignements qui sont utiles au détenu, elle n’est pas illimitée; elle est toujours nuancée par la nécessité que les renseignements aient un lien avec les circonstances propres au détenu.

[...]

La légalité d’une ordonnance de détention préalable au renvoi est subordonnée à la conclusion, tirée à la lumière des éléments de preuve, que le renvoi demeure possible. Pour cette raison, la communication des éléments de preuve sur la probabilité du renvoi est également essentielle à la légalité d’une ordonnance de détention. La SI doit donc évaluer les efforts du ministre en vue du renvoi et les raisons du retard à chacune des audiences de contrôle. Les détenus ont le droit de connaître la preuve que le ministre entend invoquer au soutien de son argument selon lequel le renvoi demeure possible. Sous réserve de la preuve visée par des privilèges d’intérêt public reconnus à l’article 38.01 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C‐5, les éléments de preuve pertinents concernant les communications avec le pays d’accueil doivent être communiqués avant l’audience. Compte tenu de l’obligation imposée par l’article 248 du Règlement, il serait exceptionnel qu’un commissaire exerce à bon droit le pouvoir discrétionnaire lui permettant d’ordonner le maintien en détention sans ces éléments de preuve.

C. La communication de la preuve et la pertinence

[27] Devant la SI, le ministre a soulevé divers motifs pour contester la communication de certaines catégories de renseignements. Devant notre Cour, le ministre invoque seulement la pertinence de ces renseignements. Il soutient que les renseignements demandés par M. Mawut ne sont pas pertinents, en grande partie pour les raisons mentionnées par le commissaire de la SI.

[28] À cet égard, nul ne conteste le fait que seuls les renseignements pertinents doivent être communiqués. Dans l’arrêt Brown, la Cour d’appel fédérale a toujours dit que l’obligation de communication s’applique aux renseignements pertinents. La véritable question est de savoir comment apprécier la pertinence des renseignements et qui doit procéder à cette appréciation. La pratique suivie dans d’autres domaines du droit peut fournir des indications utiles à cet égard.

[29] Dans un système contradictoire, les obligations de communication préalable facilitent la recherche de la vérité en donnant aux parties un accès aux éléments de preuve qui pourraient étayer leur position : Pétrolière Impériale c Jacques, 2014 CSC 66 aux paragraphes 25 et 26, [2014] 3 RCS 287 [Pétrolière Impériale]. Dans de nombreux cas, la communication préalable de la preuve est le seul moyen pour une partie d’obtenir de l’information sur certains faits et de vérifier les affirmations de l’autre partie. Ces obligations sont bien connues en droit civil et criminel.

[30] En ce qui concerne les affaires civiles, les règles de pratique de la plupart des tribunaux canadiens exigent que les parties communiquent tous les éléments de preuve documentaire pertinents qui se trouvent en leur possession. À cette étape préliminaire des procédures, « il semble que l’étendue des informations exigibles soit par ailleurs large » : Lac d’Amiante du Québec Ltée c 2858‐0702 Québec Inc., 2001 CSC 51 au paragraphe 59, [2001] 2 RCS 743; Pétrolière Impériale, au paragraphe 28. Pour ce qui est des instances devant notre Cour, ce processus est exposé aux articles 222 à 233 des Règles des Cours fédérales. Plus précisément, l’article 222 dispose :

222 [...]

222 [...]

(2) Pour l’application des règles 223 à 232 et 295, un document d’une partie est pertinent si la partie entend l’invoquer ou si le document est susceptible d’être préjudiciable à sa cause ou d’appuyer la cause d’une autre partie.

(2) For the purposes of rules 223 to 232 and 295, a document of a party is relevant if the party intends to rely on it or if the document tends to adversely affect the party’s case or to support another party’s case.

[31] Dans l’arrêt Apotex Inc. c Canada, 2005 CAF 217, au paragraphe 15, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la portée de l’obligation de communication qui incombe aux parties s’étend aux documents qui « pourraient leur inspirer des recherches, lesquelles pourraient, directement ou indirectement, favoriser leur cause ou anéantir celle de la partie défenderesse ». Voir également Novopharm Limited c Eli Lilly Canada Inc., 2008 CAF 287 aux paragraphes 60 à 65.

[32] En ce qui concerne les affaires criminelles, l’arrêt de principe R c Stinchcombe, [1991] 3 RCS 326 [Stinchcombe], a consacré l’obligation qu’a le ministère public de communiquer tous les éléments de preuve qui se trouvent en sa possession, même s’il n’a pas l’intention de les produire au procès. La Cour a établi clairement que la communication de la preuve constitue la norme et que, « si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion » : Stinchcombe, à la p 339. Dans des arrêts subséquents, la Cour a souligné que, dans ce type de contexte, la pertinence doit être définie libéralement. Par exemple, dans l’arrêt R c Taillefer; R c Duguay, 2003 CSC 70, [2003] 3 RCS 307, la Cour suprême a écrit ce qui suit au paragraphe 60 :

Tel que défini par la jurisprudence, ce concept de pertinence favorise la divulgation de preuve. Peu de renseignements seront soustraits à l’obligation de communication de la preuve imposée à la poursuite. Comme l’affirmait notre Cour dans l’arrêt Dixon, précité, « le critère préliminaire fixé pour la divulgation [de la preuve] est fort peu élevé. [...] L’obligation de divulguer du ministère public est donc déclenchée chaque fois qu’il y a une possibilité raisonnable que le renseignement soit utile à l’accusé pour présenter une défense pleine et entière » [...].

[33] Ainsi, tant en droit civil qu’en droit criminel, le concept de pertinence est défini de façon généreuse dans le contexte de la communication préalable de la preuve. L’appréciation de la pertinence des renseignements se fait en tenant compte de l’existence d’une possibilité raisonnable, c’est‐à‐dire en se demandant si l’information peut aider l’autre partie à étayer sa position. Un document doit donc être communiqué, même s’il n’est pas certain qu’il favorisera la cause de l’autre partie.

[34] Des principes semblables s’appliquent dans le contexte des procédures de contrôle des motifs de détention. Dans l’arrêt Brown, au paragraphe 137, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer que les procédures de contrôle des motifs de détention commandent un degré supérieur d’équité procédurale, car la liberté individuelle est en jeu. En conséquence, comme c’est le cas dans les affaires civiles et criminelles, il faut donner une définition généreuse à la pertinence lorsque l’on circonscrit l’étendue de l’obligation qu’a le ministre de communiquer les éléments de preuve qui se trouvent en sa possession.

[35] D’un point de vue pratique, la représentante du ministre devrait examiner le dossier et partir de la prémisse que la communication de la preuve est la règle et le refus de communiquer des renseignements est l’exception. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Brown, au paragraphe 142, l’obligation de communication « n’est pas illimitée » et est « nuancée par la nécessité que les renseignements aient un lien avec les circonstances propres au détenu ». L’appréciation de la pertinence devrait donc se faire en fonction des principes énoncés précédemment. Cependant, elle ne peut pas être fondée sur l’opinion de la représentante du ministre quant aux sujets que devrait fouiller l’avocat du détenu, ou sur l’idée que les éléments de preuve déjà communiqués sont assez convaincants pour trancher une question en particulier ou sont suffisants pour justifier la détention.

[36] Étant donné la nature du contrôle des motifs de détention, l’obligation de communication du ministre est une obligation permanente. Par conséquent, selon l’évolution de la situation, le poids accordé à chacun des facteurs énoncés à l’article 248 peut varier. Néanmoins, la représentante du ministre ne devrait pas refuser de communiquer des renseignements pour la simple raison qu’elle croit qu’ils ne seront pertinents qu’à une étape ultérieure de la procédure.

[37] Le respect des principes énoncés précédemment devrait contribuer grandement à prévenir les différends concernant l’étendue de la communication. Si, toutefois, un désaccord survient, il devrait être porté à l’attention de la SI.

[38] Le ministre a fait valoir que, lorsque des communications écrites avec un État étranger sont en cause, il n’est pas nécessaire de communiquer les documents eux‐mêmes; il suffit plutôt de fournir un résumé, par exemple dans la déclaration solennelle d’un agent de l’ASFC. Je ne suis pas de cet avis. Dans les cas où l’obligation de communication s’applique à des documents, rien n’étaye la thèse voulant qu’il soit possible de remplir cette obligation en fournissant un résumé préparé par la partie qui procède à la communication. Ce n’est pas ainsi que l’on procède en matière civile et criminelle. Dans l’arrêt Brown, précité, la Cour d’appel fédérale a écrit explicitement que les communications avec des États étrangers doivent être produites. La Cour ne laisse aucunement entendre que l’obligation de communication serait satisfaite par la production d’un simple résumé des communications.

[39] Le ministre semble craindre que la divulgation de communications avec des États étrangers soit interdite par les articles 38 à 38.12 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C‐5, ce qui pourrait entraîner des retards dans le processus de contrôle des motifs de détention. Cependant, le ministre n’a jamais revendiqué de privilège en vertu de la Loi sur la preuve au Canada en ce qui concerne les procédures de contrôle des motifs de détention dont il est question en l’espèce. Par conséquent, cette question n’a pas été pleinement débattue lors de l’audition de la présente demande, car les observations du ministre ne portaient que sur la question de la pertinence. En fait, le ministre s’est bien gardé d’affirmer que l’article 38 visait toutes les communications avec un État étranger.

[40] Je constate que la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur ce point dans l’arrêt Brown et a précisé, dans le passage cité ci‐dessus, que la communication est la règle et le privilège est l’exception, même lorsque des communications avec un État étranger sont en cause. De plus, la revendication d’un privilège en vertu de la Loi sur la preuve au Canada ne constituerait pas un motif pour suspendre ou retarder les contrôles périodiques des motifs de détention. Cela ne ferait que retarder la communication des renseignements visés par le privilège, alors que les contrôles sont effectués aux intervalles prévus par la Loi.

[41] Le ministre a également affirmé que l’application de l’arrêt Brown devrait se limiter aux faits qui s’y présentaient, c’est‐à‐dire une situation où il a fallu cinq ans à un État étranger pour délivrer un titre de voyage. Je ne suis pas de cet avis. Il est évident que la Cour d’appel fédérale a voulu établir des principes généraux qui s’appliquent à tous les contrôles des motifs de détention. Plus particulièrement, la déclaration de la Cour selon laquelle les communications avec des États étrangers devraient être divulguées ne se limite pas aux situations où il y a un retard excessif.

D. Application en l’espèce

[42] À mon avis, le refus de la SI d’ordonner la communication de documents constitue un manquement à l’équité procédurale. J’expliquerai d’abord pourquoi la décision de la SI était viciée. Je déterminerai ensuite la façon de procéder, dans la mesure où je puis le faire au vu du dossier qui m’a été soumis.

(1) La décision de la SI

[43] En l’espèce, la SI n’a pas appliqué les principes énoncés précédemment. Elle n’a tout simplement pas tenu compte de l’arrêt Brown.

[44] L’erreur fondamentale de la SI a été de suspendre l’obligation de communication énoncée dans l’arrêt Brown lorsqu’elle a établi que la preuve suffisait pour ordonner le maintien en détention. Ce faisant, la SI a confondu le fardeau de la preuve qui incombe au ministre et l’obligation de communication qui lui est imposée.

[45] Il y a toujours une obligation de communication. L’existence de cette obligation ne dépend pas de la question de savoir si le ministre s’est acquitté ou non du fardeau de preuve qui lui incombait, de l’opinion que l’on se fait du bien‐fondé de l’affaire ou des hypothèses que l’on peut formuler quant à ce que pourrait révéler la preuve. La communication de documents vise à fournir à la personne détenue les renseignements nécessaires pour contester la position du ministre. Il serait illogique de s’appuyer sur la position du ministre, même si la SI était du même avis que lui, pour limiter l’étendue de la communication.

[46] Par conséquent, la SI a commis une erreur en s’appuyant sur la constatation selon laquelle le renvoi de M. Mawut demeurait une possibilité ou selon laquelle [traduction] « tout se déroul[ait] bien » pour l’obtention d’un titre de voyage. Cette constatation reposait uniquement sur les éléments de preuve que le ministre avait choisi de communiquer et de verser au dossier soumis à la SI. Le raisonnement de la SI est circulaire : la SI ne peut pas s’appuyer sur le fait que le ministre a produit des éléments de preuve suffisants justifiant la détention pour exclure la recherche d’éléments de preuve qui l’amèneraient à tirer une conclusion contraire.

[47] Le ministre ne peut se soustraire à son obligation de communication en alléguant que l’avocat de M. Mawut pouvait communiquer avec le fonctionnaire sud‐soudanais qui avait interrogé son client pour lui demander des renseignements supplémentaires. L’obligation de communication s’applique même lorsqu’une partie dispose d’autres moyens pour obtenir les renseignements dont elle a besoin. Qui plus est, des raisons pratiques et éthiques peuvent faire obstacle aux communications entre les avocats et les fonctionnaires étrangers. Voir, par analogie, l’arrêt Stinchcombe, à la p 347.

[48] La SI a en outre laissé entendre qu’il pourrait être nécessaire de communiquer d’autres éléments de preuve à une étape ultérieure si, par exemple, le Soudan du Sud refuse de délivrer des titres de voyage à M. Mawut. Or, ce raisonnement relève aussi de l’illogisme. Il suppose que l’obligation de communication ne s’applique que lorsque les éléments de preuve présentés par le ministre ne sont pas suffisants. J’insiste par ailleurs sur le fait que M. Mawut est en détention en application de la Loi depuis près d’un an. La durée de sa détention est manifestement un facteur à prendre en considération, et M. Mawut est en droit de recevoir tous les éléments de preuve qui l’aideraient à apprécier le poids qu’il convient d’accorder à ce facteur dans le cadre de l’analyse prescrite par l’article 248 du Règlement.

[49] La SI a également donné une interprétation trop restrictive aux motifs de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Brown. Au paragraphe 145, précité, la Cour a déclaré que « les éléments de preuve pertinents concernant les communications avec le pays d’accueil doivent être communiqués ». Selon la SI, l’utilisation du mot « ought » au lieu du mot « shall » dans la version anglaise des motifs laisse entendre qu’il s’agit simplement d’une recommandation et non d’une obligation. Je suis d’avis que cette interprétation n’est pas plausible. La Cour décrit dans ce passage ce qui est nécessaire pour assurer l’équité procédurale lors du contrôle des motifs de détention. L’équité procédurale n’est ni une option ni une simple recommandation. D’autres passages de l’arrêt Brown, dont l’un des passages précités, démontrent clairement que la communication de la preuve est une obligation, et non une recommandation, sous réserve évidemment d’une revendication officielle de privilège en vertu de la Loi sur la preuve au Canada.

[50] L’approche de la SI a pour effet de revenir à une situation où l’obligation de communication du ministre se limite à ce que prévoit l’article 26 des Règles de la Section de l’immigration. Pourtant, cette situation correspond exactement à celle que la Cour a jugé insatisfaisante dans l’arrêt Brown. À cet égard, l’arrêt Brown pourrait bien obliger les personnes qui participent aux contrôles des motifs de détention à revoir les pratiques existantes.

(2) L’appréciation de la pertinence

[51] Comme la question de la communication est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, je peux procéder à ma propre appréciation de la pertinence des renseignements demandés par M. Mawut et tirer des conclusions en conséquence.

[52] Les communications entre des responsables canadiens et sud‐soudanais sont pertinentes et doivent être divulguées. La possibilité de renvoi de M. Mawut fait toujours l’objet d’un débat. Le processus de délivrance de titres de voyage aux ressortissants sud‐soudanais devant être renvoyés du Canada est nouveau et M. Mawut est l’un des premiers à avoir présenté ce type de demande. Même si la SI est d’avis que les choses se [traduction] « déroule[nt] bien » depuis que le gouvernement du Soudan du Sud a accepté d’examiner la demande de titres de voyage de M. Mawut, il subsiste encore beaucoup d’incertitude quant à l’issue de cette demande. Les doutes concernant la filiation de M. Mawut accentuent d’ailleurs cette incertitude.

[53] Je tiens à ajouter qu’en tirant cette conclusion sur la pertinence, je ne tire aucune conclusion en ce qui a trait à la question de savoir si le renvoi de M. Mawut demeure une possibilité. En effet, dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Mawut ne conteste pas la conclusion de la SI à cet égard. Cependant, un raisonnement circulaire ne devrait pas être fondé sur cette conclusion pour nier l’existence d’une obligation de communiquer tous les renseignements pertinents.

[54] Je ne suis toutefois pas en mesure de rendre une décision à l’égard des procès‐verbaux du comité responsable des détentions de longue durée ou des autres renseignements demandés par M. Mawut. Comme la présente demande a été entendue d’urgence, je ne dispose pas d’une preuve suffisante pour déterminer quels points demeurent en litige et pour trancher la question de savoir si les renseignements demandés existent sous forme écrite et s’ils ont déjà été communiqués, ou pour apprécier leur pertinence.

[55] J’estime néanmoins que l’ensemble du processus reposait sur de fausses prémisses. La représentante du ministre n’a pas apprécié l’étendue de l’obligation de communication. Par conséquent, la meilleure façon de procéder serait que la représentante du ministre examine de nouveau le dossier pour vérifier si des documents pertinents n’ont pas encore été communiqués. Ce faisant, la représentante du ministre devrait être guidée par le concept général de pertinence qui a été décrit précédemment. Plus particulièrement, les renseignements concernant la filiation de M. Mawut ou les solutions de rechange à la détention devraient être considérés comme des éléments de preuve pertinents. Si M. Mawut n’est pas satisfait des résultats de ce processus, il peut demander à la SI d’examiner la question.

III. Dispositif

[56] Pour ces motifs, j’accueille la demande de contrôle judiciaire. Le ministre divulguera les communications échangées avec le Soudan du Sud au sujet de M. Mawut. De plus, le ministre évaluera de nouveau l’étendue de ses obligations de communiquer les autres renseignements concernant M. Mawut qui se trouvent en sa possession en tenant compte des présents motifs.

[57] Étant donné que la présente demande a été entendue d’urgence, les parties n’étaient pas en mesure de proposer une question aux fins de certification. Elles disposeront de sept jours pour le faire.


JUGEMENT dans le dossier IMM‐7108‐21

LA COUR STATUE :

1. M. Norris Ormston est désigné pour représenter le demandeur dans la présente affaire conformément à l’article 115 des Règles des Cours fédérales.

2. Le demandeur est autorisé à présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 8 octobre 2021 par la Section de l’immigration.

3. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

4. La Cour ordonne au défendeur de divulguer toutes les communications entre les responsables canadiens et sud‐soudanais concernant le demandeur.

5. La Cour ordonne au défendeur d’examiner de nouveau les renseignements concernant le demandeur qui se trouvent en sa possession en tenant compte des motifs qui précèdent et de communiquer les éléments de preuve qui sont pertinents en l’espèce.

6. La présente décision n’a pas pour effet d’empêcher le ministre de revendiquer un privilège au titre des articles 38 à 38.12 de la Loi sur la preuve au Canada.

7. Les parties peuvent proposer une question aux fins de certification, au moyen d’une lettre informelle, au plus tard sept jours suivant la date du présent jugement.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‐7108‐21

 

INTITULÉ :

MAJOK THON MAWUT c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VISIOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

le 26 octobre 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge GRAMMOND

DATE DES MOTIFS :

le 29 octobre 2021

COMPARUTIONS :

Simon Wallace

pour le demandeur

 

Bernard Assan

Aleksandra Lipska

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Simon Wallace

Avocat

Toronto (Ontario)

pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

pour le défendeur

 

 

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