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Date : 20010907

Dossier : IMM-6218-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1002

ENTRE :

                                                                RAJIV MOHAMMED

                                                                 SHABINA BAGEM

                                                                                                                            Partie demanderesse

                                                                              - et -

                                 MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                Partie défenderesse

                                                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER:

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision datée du 30 octobre 2000 de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal), selon laquelle M. Rajiv Mohammed (le demandeur) et Mme Shabina Bagem (la demanderesse) ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]                 Les demandeurs sont des citoyens de l'Inde et ils ont allégué avoir une crainte bien fondée de persécution en raison d'opinions politiques imputées et de leur croyance religieuse.

[3]                 Le demandeur indique dans son FRP être de religion musulmane. Il aurait fait l'objet de trois arrestations, la police le soupçonnant de complicité avec des terroristes musulmans. La demanderesse pour sa part a déclaré avoir été arrêtée, torturée et violée par la police pour savoir où était son mari.

[4]                 Le tribunal a rejeté le témoignage du demandeur qu'il a estimé ne pas être digne de foi.

[5]                 Quant au témoignage de la demanderesse, le tribunal a déterminé qu'elle avait pu vivre une expérience difficile à un moment donné. Le tribunal a toutefois conclu que les problèmes de la demanderesse n'avaient rien à voir avec l'un ou l'autre motif de la Convention puisque la demanderesse avait insisté qu'elle n'avait d'autres problèmes que ceux relatés dans l'histoire de son époux laquelle, de l'avis du tribunal, avait été inventée de toutes pièces.

[6]                 En premier lieu, les demandeurs soutiennent que la présidente du tribunal a fait preuve de partialité dans ses commentaires et dans sa manière générale de traiter de leurs revendications.

[7]                 Il est bien établi que le critère applicable en matière de crainte raisonnable de partialité est celui de la personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, et que les motifs de crainte doivent être sérieux, particulièrement lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'un tribunal administratif (voir, par exemple, Committee for Justice and Liberty c.Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369). Un simple soupçon est insuffisant.

[8]                 Je suis d'avis qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne craindrait pas que la présidente du tribunal ait fait preuve de partialité de par sa conduite et de par ses propos au cours de l'audience.

[9]                 Après avoir relu attentivement la transcription de l'audition, je note que la présidente est intervenue essentiellement pour donner aux demandeurs l'opportunité de répondre à ses préoccupations. Il est curieux que les demandeurs lui en font maintenant le reproche. Généralement, c'est plutôt lorsqu'un demandeur est privé de la chance de s'expliquer que l'on invoque un manquement aux règles de justice naturelle.


[10]            Les demandeurs soutiennent également que le tribunal a agi arbitrairement en concluant que la demanderesse n'était pas crédible. Le tribunal aurait dû déterminer la crédibilité de la demanderesse indépendamment de celle de son époux.

[11]            Les demandeurs semblent avoir fait une mauvaise lecture de la décision. La conclusion du tribunal quant au manque de crédibilité de la demanderesse concerne exclusivement les circonstances entourant son agression sexuelle et ne remet pas en question le fait qu'elle ait pu vivre une expérience difficile. Le tribunal a écrit ce qui suit à ce sujet:

Quant au témoignage de l'épouse de Monsieur, le tribunal estime qu'elle a pu, à un moment donné, vivre une expérience difficile. D'ailleurs, suite au témoignage des experts, le tribunal requestionna Madame à ce sujet, tentant d'établir quelles circonstances avaient amené Madame à vivre une dépression. La revendicatrice réaffirma à quelques reprises que sa revendication était basée sur celle de son époux. Le tribunal considérant le témoignage de ce dernier non crédible, conclut donc que les problèmes que la revendicatrice a pu subir et qui sont identifiés dans deux rapports médicaux (R-15 et R-16) n'ont rien à voir avec l'histoire de son époux.

La revendicatrice ayant insisté qu'elle n'avait d'autre problème que ceux relatés dans l'histoire de son époux et le tribunal, jugeant que cette histoire a été inventée de toutes pièces, doit conclure que les problèmes de Madame n'ont rien à voir avec l'un ou l'autre motif de la Convention.

Motifs de la décision, p. 3


[12]            Concluant que le demandeur n'avait jamais été soupçonné de terrorisme, arrêté et brutalisé par la police, le tribunal était entièrement fondé de conclure que les problèmes de la demanderesse n'étaient pas reliés aux soupçons de terrorisme qui pesaient sur son époux.

[13]            Puisque la demanderesse n'a pas fait la preuve de circonstances reliant l'agression sexuelle dont elle a été victime à l'un des motifs de la Convention, c'est à bon droit que le tribunal concluait que les problèmes de la demanderesse n'étaient pas liés à l'un des motifs de la Convention.

[14]            Les demandeurs reprochent finalement au tribunal de ne pas avoir considéré l'expertise du Dr. Adler qui traçait le portrait psychologique de la demanderesse, ainsi que son témoignage. Je ne suis pas de cet avis. Au contraire le tribunal y fait explicitement référence dans ses motifs. Cependant, il est évident que l'expertise du Dr. Adler n'établissait qu'un seul fait, soit que la demanderesse avait des problèmes psychologiques, ce que le tribunal a d'ailleurs reconnu. La preuve documentaire ne constituait nullement une preuve des circonstances de l'agression sexuelle de la demanderesse.

[15]            Je suis donc d'avis que les demandeurs n'ont pas démontré qu'une erreur de faits déterminante a été commise par le tribunal ou que les faits présentés à ce dernier ont été appréciés de façon déraisonnable, sans égard à la preuve qui était devant lui.


[16]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                          Danièle Tremblay-Lamer            

        JUGE

Montréal (Québec)

Le 7 septembre 2001.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 IMM-6218-00

INTITULÉ :              RAJIV MOHAMMED

SHABINA BAGEM

                                                                                   partie demanderesse

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                     partie défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 6 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE

                                                               L'HONORABLE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :         7 septembre 2001

COMPARUTIONS:

Me Jean Fiset                                           POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Marie Nicole Moreau                              POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Jean Fiset

Montréal (Québec)                                  POUR LA PARTIE DEMANDERESSE


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)                                  POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

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