Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




     Date : 20000519

     Dossier : IMM-1175-99


Ottawa (Ontario), le 19 mai 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE


Entre

     NELLI AFANASIEVA

     demanderesse

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)


Le juge O'KEEFE


[1]      Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire par la demanderesse contre la décision de l'agente des visas, Mme Sara Trillo, de rejeter sa demande de résidence permanente au Canada en application de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, 1976-77, ch. 52, et des paragraphes 9(1) et 11(1) du Règlement sur l'immigration de 1978.

[2]      La demanderesse, qui est citoyenne russe, habite aux États-Unis depuis août 1993. Le 6 avril 1998, elle et son mari, Viktor Afanaviev, ont demandé des visas de résident permanent pour le Canada.

[3]      La demande était signée par la demanderesse Nelli Afanasieva à titre de demanderesse principale, son mari étant la personne à charge qui devait l'accompagner. Elle donnait pour profession envisagée celle de rédactrice technique (CNP 5121.2).

[4]      La demanderesse indiquait qu'elle avait eu un emploi de rédactrice technique d'août 1987 à mars 1996, à preuve une lettre de son employeur, Prost Inc.

[5]      Au cours d'une entrevue tenue le 27 janvier 1999 au consulat du Canada à New York, elle a été interrogée l'agente des visas, Mme Sara Trillo, au sujet de ses études et de son expérience professionnelle. Après l'avoir informée que rien ne prouvait qu'elle avait été rédactrice technique, celle-ci a suggéré la profession seconde d'économiste (CNP 4162). La demande de résidence permanente a donc été modifiée de façon que la profession envisagée se lise " Économiste ". La modification était paraphée par la demanderesse.

[6]      À l'issue de l'examen de la demande, l'agente des visas a noté la demanderesse comme suit, au regard de la profession de rédactrice technique :

         Âge                              04

         Demande dans la profession                  03

         Études et formation                      17

         Expérience                          00

         Emploi réservé                          00

         Facteur démographique                      08

         Études                              15

         Anglais                              09

         Français                              00

         Point supplémentaire                      00

         Personnalité                          03

         TOTAL                              59

[7]      L'agente des visas a aussi évalué la demanderesse au regard d'autres professions. Pour la profession d'économiste (CNP 4162), elle lui a donné le maximum de points au titre de l'expérience. Cependant la demanderesse ne remplissait pas les conditions pour obtenir un visa d'immigrant dans cette profession puisque sa note totale n'était pas suffisante.

[8]      La demanderesse a été aussi évaluée au regard de la profession de conseillère, pour laquelle elle ne remplissait pas les conditions d'accès, ainsi qu'au regard de la profession de traductrice, pour laquelle elle ne remplissait pas les conditions d'études.

[9]      L'agente des visas ayant fait savoir qu'elle évaluerait le mari de la demanderesse au cas où celle-ci ne remplirait pas les conditions de délivrance du visa, il a donc été évalué au regard des deux professions d'ingénieur électricien et d'ingénieur informaticien, mais n'a reçu suffisamment de points ni dans l'un ni dans l'autre cas.

[10]      Voici les points soulevés par la demanderesse dans son mémoire :

     [TRADUCTION]

     1.      La demanderesse a démontré qu'il y a une question sérieuse à trancher. Elle a convaincu la Cour qu'il y a erreur susceptible de contrôle judiciaire et justifiant l'intervention de la Cour.
     2.      La demanderesse a démontré qu'il y a erreur au sens juridique du terme et qu'une décision défavorable en l'espèce lui dénie le droit de résidence permanente au Canada.
     3.      La demanderesse a démontré qu'il y a atteinte aux principes de justice naturelle en l'espèce, ainsi que déni d'équité procédurale dans la décision défavorable de l'agente des visas.
     4.      La demanderesse a démontré que l'agente des visas en poste au consulat général du Canada à New York (New York) a commis une erreur en concluant qu'elle ne remplissait pas les conditions d'admission à titre d'immigrante indépendante.
     5.      La demanderesse a démontré que le refus de l'agente des visas de lui reconnaître les qualités requises pour l'admission à titre d'immigrante indépendante n'était pas fondé sur des motifs raisonnables ni n'était justifié par les preuves produites.
     6.      La demanderesse a démontré qu'elle a de l'expérience dans la profession envisagée de " rédactrice technique " - CNP 5121.2, dans la catégorie des travailleurs spécialisés.
     7.      La demanderesse a démontré que l'agente des visas a manqué à son devoir d'équité envers elle, en refusant d'examiner et de prendre en compte les lettres de référence produites à l'appui de la demande ou, subsidiairement, faute de l'avoir évaluée au regard de chacune des professions envisagées dans lesquelles elle a de l'expérience, en particulier celle d'" économiste ".

[11]      Ces points sont articulés de façon plus spécifique dans les motifs de recours pris par la demanderesse, comme suit :

     [TRADUCTION]

     1.      La décision de l'agente d'immigration était fondée sur des conclusions de fait erronées ou tirées au mépris des preuves et témoignages produits, ou encore n'était fondée sur aucune preuve.
     2.      L'expérience professionnelle de la demanderesse lui donne droit à huit (08) points d'appréciation au titre de l'expérience.
     3.      L'agente des visas n'a pas donné à la demanderesse la note idoine pour la personnalité.
     4.      L'agente d'immigration n'a pas donné à la demanderesse deux (02) points pour la connaissance du français, alors que celle-ci parle, écrit et lit un peu cette langue.
     5.      L'expérience professionnelle du mari de la demanderesse le rend admissible à l'évaluation au regard de la profession d'" analyste de systèmes informatiques " CNP 2162.0, et lui donne ainsi droit à quinze (15) points au titre des études et formation, dix (10) points au titre de la demande dans la profession, et six (06) points au titre de l'expérience. Une telle appréciation lui donnerait une note supérieure au minimum requis de 70 points.
     6.      L'agente des visas a commis une erreur en concluant que la demanderesse ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession de rédactrice technique.
     7.      L'agente des visas n'a pas pris en compte l'expérience de la demanderesse dans la profession seconde, " Économiste - CNP 4162.0 ", pour laquelle celle-ci a les qualités nécessaires et dont la preuve a été produite devant cette agente.
     8.      L'agente des visas a commis une erreur en constatant que la demanderesse avait " faussement déclaré " sa profession du moment comme étant celle de rédactrice technique, tout en faisant savoir qu'elle faisait un travail de traduction.
     9.      En attribuant trois (03) points pour la personnalité, l'agente des visas n'a pas pris en compte l'offre d'emploi faite par l'actuel employeur de la demanderesse aux États-Unis, qui a confirmé que celle-ci aurait un emploi à son bureau de Toronto.
     10.      L'agente des visas a manqué à son devoir d'équité faute d'avoir articulé dans la lettre de rejet, son évaluation de la demande du mari de la demanderesse et faute d'avoir donné la ventilation des points accordés pour chaque facteur individuel et la note totale obtenue par ce dernier.
     11.      L'agente des visas a conclu prématurément que le mari n'avait pas les qualités requises. Elle avait fait savoir qu'elle avait demandé une évaluation au Council of Professional Engineers à Toronto et attendrait d'en avoir les résultats avant de rendre sa décision.
     12.      L'agente d'immigration doit décider, conformément à la loi, s'il serait contraire ou non à la Loi sur l'immigration et au règlement pris pour son application, d'accorder un visa de résidence permanente au Canada à la demanderesse NELLI AFANASIEVA.
     13.      L'agente d'immigration a refusé d'examiner la demande de résidence permanente de la demanderesse conformément à la Loi et au règlement.

[12]      Sauf indication contraire, j'examinerai dans l'ordre les motifs 1 à 13 ci-dessus.


[13]      Motif 1

     La décision de l'agente d'immigration était fondée sur des conclusions de fait erronées ou tirées au mépris des preuves et témoignages produits, ou encore n'était fondée sur aucune preuve.

     J'ai examiné la décision de l'agente des visas ainsi que le dossier du tribunal, y compris les notes SITCI. Je n'accepte pas l'argument proposé par la demanderesse que la décision de l'agente des visas était fondée sur des conclusions de fait erronées ou tirées au mépris des preuves et témoignages produits, ou encore n'était fondée sur aucune preuve. Je rejetterais en conséquence ce motif de recours.

[14]      Motif 2

     L'expérience professionnelle de la demanderesse lui donne droit à huit (08) points d'appréciation au titre de l'expérience.

     À l'issue de l'entrevue avec la demanderesse, l'agente des visas était convaincue que celle-ci n'avait aucune expérience dans la profession de rédactrice technique. La demanderesse lui a avoué qu'elle occupait des fonctions d'économiste, et non de rédactrice technique, chez Prost Inc. En fait, elle a modifié sa demande de façon à remplacer la profession envisagée de rédactrice technique par celle d'économiste. Il n'appartient pas à la Cour de substituer sa propre décision à celle de l'agente des visas, si celle-ci est raisonnable, dans l'attribution de la note pour l'expérience. Je juge que sa décision était raisonnable sur ce point; en conséquence je rejetterais ce motif de recours.

[15]      Motif 3

     L'agente des visas n'a pas donné à la demanderesse la note idoine pour la personnalité.

     L'agente des visas a donné à la demanderesse trois points au titre de la personnalité. Il ressort de sa décision et des notes SITCI qu'elle a examiné l'aptitude de la demanderesse et de son mari " à réussir [leur] installation au Canada, d'après [leur] faculté d'adaptation, [leur] motivation, [leur] esprit d'initiative et [leur] ingéniosité ". Voici certains des facteurs qu'elle a pris en compte :

     1. La demanderesse n'exerçait pas la profession d'économiste aux États-Unis, sauf pendant la période où elle était économiste chez Prost Inc.
     2. Elle ne s'est pas préparée pour immigrer au Canada, qu'elle n'a jamais visité.
     3. Elle n'avait pas la moindre idée du marché du travail au Canada.
     4. Elle n'a approché aucune compagnie au Canada ni n'a envoyé son curriculum vitae à quelque compagnie canadienne que ce soit.
     5. Elle ne savait pas grand-chose de la vie au Canada.
     6. Elle ne savait pas du tout ce qu'elle aurait à faire pour trouver du travail dans sa profession au Canada.
     7. Elle se faisait des illusions au sujet de ce qui l'attendrait à son arrivée au Canada.

[16]      Je conclus que la note donnée par l'agente des visas pour la personnalité est raisonnable, et qu'il n'y a pas lieu d'y toucher.

[17]      Motif 4

     L'agente d'immigration n'a pas donné à la demanderesse deux (02) points pour la connaissance du français, alors que celle-ci parle, écrit et lit un peu cette langue.

     L'agente des visas a eu raison de ne donner aucun point pour la connaissance du français, à la lumière des faits et du Règlement sur l'immigration. Selon les notes SITCI, la demanderesse a modifié sa demande de façon à indiquer qu'elle parle, écrit et lit le français " difficilement ". Or selon l'alinéa 2c ) du facteur 8 (Connaissance du français et de l'anglais) de la colonne I de l'annexe I du Règlement sur l'immigration, aucun crédit n'est attribué pour la " capacité de parler, de lire ou d'écrire difficilement ". La décision de l'agente des visas était donc fondée à cet égard, et elle n'a commis aucune erreur à ce sujet.

[18]      Motif 5

     L'expérience professionnelle du mari de la demanderesse le rend admissible à l'évaluation au regard de la profession d'" analyste de systèmes informatiques " CNP 2162.0, et lui donne ainsi droit à quinze (15) points au titre des études et formation, dix (10) points au titre de la demande dans la profession, et six (06) points au titre de l'expérience. Une telle appréciation lui donnerait une note supérieure au minimum requis de 70 points.

     Il ressort du dossier que de l'avis de l'agente des visas, les antécédents du mari de la demanderesse ne montraient pas qu'il eût jamais fait le travail d'analyste de systèmes informatiques. Je ne saurais donc conclure qu'elle a commis une erreur à ce sujet.

[19]      Motif 6

     L'agente des visas a commis une erreur en concluant que la demanderesse ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession de rédactrice technique.

     Le jugement du sixième motif de recours sera fonction du nombre de points d'appréciation attribués par l'agente des visas et, au cas où je conclurais qu'elle n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire, ce motif ne sera pas accueilli du fait que la demanderesse n'a pas obtenu le total requis de points.

[20]      Motif 7

     L'agente des visas n'a pas pris en compte l'expérience de la demanderesse dans la profession seconde, " Économiste - CNP 4162.0 ", pour laquelle celle-ci a les qualités nécessaires et dont la preuve a été produite devant cette agente.

     Ce motif de recours est tout simplement dénué de fondement. Il ressort du dossier que l'agente des visas a bien instruit la demande au regard de la profession d'économiste. Ce motif est rejeté.

[21]      Motif 8

     L'agente des visas a commis une erreur en constatant que la demanderesse avait " faussement déclaré " sa profession du moment comme étant celle de rédactrice technique, tout en faisant savoir qu'elle faisait un travail de traduction.

     Selon les notes SITCI, la demanderesse a avoué à l'agente des visas qu'elle était à ce moment-là traductrice chez son employeur, et non rédactrice technique comme précédemment indiqué. Ce motif de recours est rejeté car la conclusion de l'agente des visas était fondée.

[22]      Motif 9

     En attribuant trois (03) points pour la personnalité, l'agente des visas n'a pas pris en compte l'offre d'emploi faite par l'actuel employeur de la demanderesse aux États-Unis, qui a confirmé que celle-ci aurait un emploi à son bureau de Toronto.

     L'agente des visas a conclu que la demanderesse n'avait pas les qualités requises pour l'emploi au Canada que lui proposait son employeur du moment. Cette conclusion n'est pas déraisonnable; elle ne sera donc pas infirmée.

[23]      Motif 10

     L'agente des visas a manqué à son devoir d'équité faute d'avoir articulé dans la lettre de rejet, son évaluation de la demande du mari de la demanderesse et faute d'avoir donné la ventilation des points accordés pour chaque facteur individuel et la note totale obtenue par ce dernier.

     L'agente des visas n'est nullement tenue d'articuler en détail cette évaluation dans la lettre de rejet; rien ne l'oblige non plus à procéder à cette évaluation (Cf. Mozumder c. Canada (M.C.I.) (21 mars 1997), Dossier no IMM-2766-95). Elle a bien mentionné dans ses notes SITCI qu'il ne recueillait pas la note requise, et a expliqué pourquoi. Elle n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire.


[24]      Motif 11

     L'agente des visas a conclu prématurément que le mari n'avait pas les qualités requises. Elle avait fait savoir qu'elle avait demandé une évaluation au Council of Professional Engineers à Toronto et attendrait d'en avoir les résultats avant de rendre sa décision.

     J'ai examiné les notes SITCI où l'agente des visas indiquait qu'elle attendrait les résultats de l'évaluation du Council of Professional Engineers pour rendre sa décision. Ce motif de recours n'est pas fondé.

[25]      Motif 12

     L'agente d'immigration doit décider, conformément à la loi, s'il serait contraire ou non à la Loi sur l'immigration et au règlement pris pour son application, d'accorder un visa de résidence permanente au Canada à la demanderesse NELLI AFANASIEVA.

     Je juge que l'agente des visas a conclu judicieusement, conformément à la loi, qu'elle ne pouvait pas délivrer un visa à la demanderesse; je rejetterais donc ce motif de recours.

[26]      Motif 13

     L'agente d'immigration a refusé d'examiner la demande de résidence permanente de la demanderesse conformément à la Loi et au règlement.

     Je conclus que l'agente des visas n'a pas refusé d'instruire la demande de résidence permanente, mais l'a instruite correctement et conformément à la Loi sur l'immigration et au Règlement sur l'immigration. Ce motif de recours est rejeté.

[27]      Ni l'une ni l'autre partie ne demande qu'une question soit certifiée en application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

[28]      Le recours en contrôle judiciaire est rejeté.

     ORDONNANCE

[29]      LA COUR DÉBOUTE la demanderesse de son recours en contrôle judiciaire.

     Signé : John A. O'Keefe

     ______________________________

     J.C.F.C.

Ottawa (Ontario),

le 18 mai 2000




Traduction certifiée conforme,




Martine Brunet, LL. L.



     COUR FÉDÉRALE DU CANADA
     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     Date : 20000519
     Dossier : IMM-1175-99

Entre
     NELLI AFANASIEVA
     demanderesse
     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
     ET DE L'IMMIGRATION
     défendeur




     ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.