Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20211116


Dossier : IMM‐953‐21

Référence : 2021 CF 1242

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2021

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

MANJIT KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Mme Manjit Kaur, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent principal d’immigration (l’agent) a rejeté sa demande de résidence permanente présentée depuis le Canada au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] et fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[2] Citoyenne de l’Inde, Mme Kaur est une veuve âgée de 65 ans qui vit avec son fils, sa belle‐fille et ses petits‐fils en Ontario depuis août 2013, moment où elle est entrée au Canada au moyen d’un « super visa » qui était valide jusqu’en juin 2018. À l’exception d’un court séjour en Inde en 2014, elle est restée au Canada en prolongeant son statut. La plus récente prolongation a permis à Mme Kaur d’obtenir un statut de résident temporaire à titre de visiteur au Canada jusqu’au 20 février 2021.

[3] Une première demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été rejetée en août 2019. Mme Kaur a déposé une deuxième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, qui a été rejetée en janvier 2021. La présente demande de contrôle judiciaire vise cette décision.

[4] Mme Kaur soutient que son établissement au Canada, l’intérêt supérieur de ses petits‐enfants, les conditions défavorables en Inde et des considérations de santé mentale justifient de lever l’obligation prévue par la loi de présenter depuis l’étranger une demande de résidence permanente. Elle allègue que l’agent a fait fi des éléments de preuve et n’a pas examiné adéquatement les facteurs d’ordre humanitaire à l’appui de sa demande. De plus, elle fait valoir que l’agent a examiné chaque facteur séparément au lieu de procéder à une appréciation globale. Mme Kaur soutient que la décision de l’agent est donc déraisonnable.

[5] De plus, Mme Kaur fait valoir que l’agent a manqué à l’équité procédurale, puisqu’il ne l’a pas avisée de sa préoccupation quant à la suffisance des renseignements contenus dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire concernant son incapacité à vivre de manière autonome. Mme Kaur soutient qu’elle aurait dû avoir l’occasion de présenter à l’agent des éléments de preuve supplémentaires pour répondre à sa préoccupation.

[6] Le défendeur soutient que l’agent s’est livré à un examen raisonnable des éléments de preuve et des observations de Mme Kaur et qu’il n’a pas manqué à l’équité procédurale. Il fait valoir que Mme Kaur demande sans motif légitime à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve.

[7] Je ne suis pas convaincue que l’agent a manqué à l’équité procédurale ni que la décision est déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[8] Les questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

  1. L’agent a‐t‐il fait fi des éléments de preuve, a‐t‐il omis d’apprécier adéquatement les facteurs d’ordre humanitaire ou a‐t‐il omis de les examiner globalement?

  2. L’agent a‐t‐il manqué à l’équité procédurale en n’avisant pas la demanderesse de sa préoccupation et en ne lui donnant pas l’occasion de présenter des éléments de preuve supplémentaires?

[9] Selon les indications de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la norme de contrôle applicable à l’égard de la première question est celle de la décision raisonnable. Cette norme commande un contrôle empreint de déférence, mais rigoureux : Vavilov, aux para 12‐13, 75 et 85. La cour de révision doit établir si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, au para 99. Dans le cadre du contrôle, la cour de révision doit s’intéresser au raisonnement suivi par le décideur et au résultat de la décision, tout en s’abstenant de trancher elle‐même la question en litige : Vavilov, au para 83. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

[10] Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon une norme qui s’apparente à celle de la décision correcte : Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au para 43; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au para 54 [Canadien Pacifique]. L’obligation d’équité procédurale est « éminemment variable », intrinsèquement souple et tributaire du contexte : Vavilov, au para 77. La cour qui apprécie une question relative à l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Canadien Pacifique, au para 54), y compris si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre (Canadien Pacifique, au para 56).

III. Analyse

A. L’agent a‐t‐il fait fi des éléments de preuve, a‐t‐il omis d’apprécier adéquatement les facteurs d’ordre humanitaire ou a‐t‐il omis de les examiner globalement?

[11] Mme Kaur soutient que l’agent n’a pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve et/ou qu’il n’a pas accordé suffisamment d’importance aux principaux facteurs d’ordre humanitaire, c’est‐à‐dire son établissement, les conditions défavorables en Inde et l’intérêt supérieur des enfants, en l’espèce ses petits‐enfants.

[12] Mme Kaur fait valoir que sa relation avec son fils et la famille de ce dernier, avec qui elle vit depuis sept ans, illustre son établissement au Canada. L’agent a conclu que ces motifs d’ordre humanitaire ne suffisaient pas pour justifier de lever l’obligation de présenter depuis l’étranger une demande de résidence permanente. Mme Kaur soutient que l’agent n’a pas reconnu qu’elle n’avait pas présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire [traduction] « par souci de commodité » et qu’il a conclu à tort qu’elle pourrait entretenir adéquatement une relation avec sa famille à partir de l’Inde pendant le traitement en bonne et due forme de sa demande.

[13] Mme Kaur allègue que l’agent a fait fi de ses observations et éléments de preuve qui décrivaient l’ampleur des difficultés physiques et psychologiques qu’elle vivrait si elle était forcée de retourner en Inde. Parmi les conditions défavorables en Inde, on retrouve le fait que l’époux et les parents de Mme Kaur sont décédés et qu’elle n’a pas la capacité financière de subvenir à ses besoins en Inde. Mme Kaur avait fourni des affidavits souscrits par son fils et sa belle‐fille qui vivent en Ontario, dans lesquels ils expliquent leur obligation culturelle de prendre soin d’elle et de lui apporter un soutien financier. Dans leurs affidavits, la fille et les frères et sœurs de Mme Kaur qui vivent en Inde ont indiqué qu’ils ne peuvent pas prendre soin d’elle et qu’ils veulent qu’elle vive avec son fils en Ontario. Mme Kaur a également fourni des articles de journaux qui font état de crimes commis en Inde contre les personnes âgées ainsi qu’une évaluation psychologique de Mme Pilowski, psychologue, qui traite de son état mental et des difficultés psychologiques de retourner en Inde et d’être séparée de sa famille au Canada.

[14] Selon Mme Kaur, l’agent n’a pas examiné le contenu de la preuve par affidavit et n’a donné aucune raison d’accorder si peu d’importance au rapport de Mme Pilowski. Il n’a donc pas examiné les éléments de preuve qui contredisaient ses conclusions : Cepeda‐Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF 53, au para 17, 1998 CanLII 8667 (CFPI) [Cepeda‐Gutierrez]. De plus, l’agent a traité chaque facteur en silo sans examiner et apprécier tous les faits et les facteurs pertinents dans leur ensemble, notamment le fait qu’elle est une veuve de 65 ans sans famille qui peut lui fournir les soins dont elle a besoin en Inde et qu’elle éprouverait une souffrance morale grave si elle devait quitter le Canada, même temporairement : Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61.

[15] Enfin, Mme Kaur soutient que l’agent n’a pas effectué une analyse juste et raisonnable de l’intérêt supérieur des petits‐enfants, puisqu’il n’a pas tenu compte de sa relation avec ses petits‐fils, comme il est décrit dans la preuve, notamment dans l’évaluation psychologique de Mme Pilowski.

[16] Mme Kaur fait valoir qu’une personne raisonnable tiendrait compte de sa situation pour justifier de lever les obligations prévues à l’article 25 de la LIPR et que l’agent [traduction] « semble avoir fait fi de tous les éléments de preuve » et [traduction] « n’a pas soupesé l’effet combiné de divers facteurs favorables quant à une demande présentée au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR ».

[17] À mon avis, Mme Kaur n’a pas démontré que la décision de l’agent est déraisonnable. Elle soutient à tort que l’agent n’a pas tenu compte d’une grande partie de la preuve.

[18] Comme le souligne le défendeur, l’établissement au Canada de Mme Kaur est lié au fait qu’elle vit avec son fils et la famille de ce dernier en Ontario. L’agent a pris en considération la preuve selon laquelle Mme Kaur vit avec son fils et la famille de ce dernier depuis sept ans, qu’elle reçoit du soutien émotionnel et financier de leur part et qu’elle entretient des liens étroits avec ses petits‐fils. Il a reconnu que Mme Kaur éprouve un profond attachement envers sa famille au Canada, mais a conclu qu’elle peut garder le contact à partir de l’Inde pendant le traitement en bonne et due forme de sa demande et qu’elle peut visiter le Canada. Mme Kaur a affirmé qu’elle est incapable de voyager entre le Canada et l’Inde en raison de son âge, mais l’agent a constaté un manque d’éléments de preuve indiquant que son âge ou sa santé l’empêcherait de voyager.

[19] L’agent a également examiné les éléments de preuve liés aux conditions défavorables en Inde et aux préoccupations en matière de santé mentale, dont les observations de Mme Kaur selon lesquelles elle est incapable de gérer sa propre maison ou de subvenir à ses besoins financiers et qu’elle aura besoin d’un soignant à temps plein en Inde. L’agent a comparé cela aux tâches qu’elle est capable d’accomplir pour prodiguer des soins à ses petits‐fils. Tout bien considéré, l’agent a conclu que Mme Kaur est [traduction] « une femme indépendante capable de prendre soin d’elle et des autres ». Bien que, dans sa décision, l’agent ne répète pas explicitement les déclarations faites dans les affidavits des membres de la famille de Mme Kaur qui vivent en Inde ou qu’il n’y fasse pas explicitement référence, il renvoie au contenu de leur témoignage, à savoir qu’ils ne peuvent pas prendre soin d’elle. L’agent a reconnu que ces membres de la famille ne peuvent pas offrir un soutien financier, mais a conclu qu’ils peuvent offrir un soutien émotionnel. Il n’était pas tenu de faire référence à la totalité des éléments de preuve. Il est présumé avoir soupesé et pris en compte les éléments de preuve, jusqu’à preuve du contraire : Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 754, au para 60 [Li], citant Sing c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125, au para 90. Mme Kaur ne relève aucun point important soulevé dans les affidavits qui a été négligé, et la décision de l’agent démontre une appréciation raisonnable des facteurs.

[20] Je suis d’accord avec le défendeur, qui soutient que l’agent a examiné les observations de Mme Kaur concernant les crimes commis en Inde contre les personnes âgées ainsi que les articles de journaux qu’elle a présentés, à savoir cinq articles publiés entre 2014 et 2017 faisant état de crimes violents commis contre des victimes âgées. Mme Kaur soutient qu’elle n’a fourni que quelques articles de journaux et que le nombre de crimes augmente, sans toutefois présenter de preuve à l’appui. L’agent est arrivé à la conclusion raisonnable que Mme Kaur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que la violence envers les personnes âgées en Inde a atteint un niveau qui lui causerait des difficultés excessives.

[21] Contrairement à ce qu’a soutenu Mme Kaur dans ses observations, l’agent a examiné en détail le rapport psychologique de Mme Pilowski et a expliqué l’importance qu’il lui a accordée. L’agent a tenu compte de l’opinion de Mme Pilowsky selon laquelle le fonctionnement psychologique de Mme Kaur est [traduction] « actuellement intact » et que Mme Kaur avait affirmé être en bonne santé. Bien que Mme Pilowski ait estimé que la santé psychologique de Mme Kaur se détériorerait si elle devait retourner en Inde, l’agent a fait remarquer que Mme Kaur n’avait reçu aucun diagnostic de trouble et que plusieurs des points factuels sous‐tendant l’opinion n’avaient pas été prouvés, notamment le fait que Mme Kaur n’aurait aucun réseau de soutien en Inde. Je conviens avec le défendeur que l’agent a examiné l’opinion clinique de Mme Pilowsky, mais qu’il a accordé peu d’importance à l’opinion de celle‐ci selon laquelle Mme Kaur souffrirait de difficultés psychologiques [traduction] « excessives et injustifiées » si sa demande en vue de rester au Canada est rejetée, puisqu’une telle opinion ne relevait pas de son expertise en matière d’évaluation clinique. Comme le mentionne avec raison le défendeur, il appartient à l’agent – et non à Mme Pilowsky – d’apprécier les observations et de déterminer s’il est justifié de lever les obligations pour des motifs d’ordre humanitaire.

[22] De la même façon, Mme Kaur n’a pas établi que l’agent avait commis une erreur susceptible de contrôle dans son évaluation de l’intérêt supérieur des enfants.

[23] Bien que Mme Kaur ait deux petits‐enfants qui vivent en Colombie‐Britannique, l’agent a conclu que peu d’information lui avait été présentée sur l’incidence qu’aurait le retour en Inde de Mme Kaur sur leur intérêt supérieur. Il a donc accordé peu d’importance à ce facteur. Mme Kaur n’allègue aucune erreur à l’égard de cette conclusion.

[24] Quant aux deux petits‐fils de Mme Kaur en Ontario, l’agent a examiné le rôle de Mme Kaur dans leur éducation, qui consiste notamment à leur enseigner le pendjabi et les traditions religieuses. Il a également tenu compte du fait que le fils et la belle‐fille de Mme Kaur travaillent à temps plein et qu’ils comptent sur elle pour les aider à prendre soin de leurs enfants. En fin de compte, bien que l’agent ait reconnu le rôle de Mme Kaur en tant que [traduction] « grand‐mère aimante qui joue un rôle actif dans la vie de [ses petits‐fils] », il a conclu que les parents sont en mesure de leur fournir un environnement aimant et stimulant, qu’ils peuvent les éduquer dans la langue et les traditions du Pendjab et qu’ils continueront à favoriser une relation significative entre Mme Kaur et ses petits‐fils par des visites et d’autres façons pendant le traitement en bonne et due forme de la demande de résidence permanente. Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que l’agent a reconnu que Mme Kaur joue un rôle actif dans les soins prodigués à ses petits‐enfants, mais qu’il a conclu que la preuve était insuffisante pour démontrer que leur intérêt supérieur serait compromis par son absence physique. L’intérêt supérieur des enfants ne constitue qu’un facteur dans l’analyse globale (Li, au para 56), et l’analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants sera différente lorsque les enfants ne risquent pas eux‐mêmes d’être retirés de leur environnement et que la séparation se fait avec un proche autre qu’un parent : Garcia Garcia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 300, aux para 57‐59; Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1235, aux para 35‐37.

[25] À mon avis, l’agent était « réceptif, attentif et sensible » aux considérations liées à l’intérêt supérieur des enfants : Kanthasamy, au para 38. Le demandeur a le fardeau de fournir l’information pertinente, y compris l’information concernant l’intérêt supérieur des enfants : Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, aux para 5 et 8. Après avoir apprécié la preuve, l’agent n’était pas en mesure de conclure que le départ du Canada de Mme Kaur compromettrait l’intérêt supérieur de ses petits‐enfants. Selon moi, il était loisible à l’agent de tirer cette conclusion, et Mme Kaur n’a pas prouvé qu’elle est déraisonnable.

[26] En résumé, dans sa décision, l’agent traite des observations de Mme Kaur, tient compte des éléments de preuve et conclut raisonnablement que la preuve est insuffisante pour justifier de lever les obligations prévues à l’article 25 de la LIPR. Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que les arguments de Mme Kaur sont liés à l’importance accordée par l’agent à la preuve. Cependant, il n’appartient pas à la Cour lors d’un contrôle judiciaire de réévaluer la preuve : Li, au para 57.

B. L’agent a‐t‐il manqué aux règles d’équité procédurale en ne donnant pas à la demanderesse l’occasion de présenter des éléments de preuve supplémentaires?

[27] Dans sa plaidoirie, Mme Kaur n’a pas traité du fait que l’agent aurait manqué à l’équité procédurale. Dans son mémoire écrit, Mme Kaur fait valoir que l’agent a manqué à l’équité procédurale en ne lui donnant pas une occasion valable de présenter des éléments de preuve supplémentaires pour répondre à la préoccupation de l’agent selon laquelle [traduction] « [il] dispose de peu de renseignements indiquant que la demanderesse est incapable de vivre de manière autonome en raison de son âge, de sa santé ou pour d’autres raisons ». Mme Kaur invoque la décision Egharevba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CanLII 33228 (CA CISR), au para 86 [Egharevba], qui cite Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 1999 CanLII 699 (CSC), au para 15 [Baker] pour affirmer qu’« il s’agirait d’un manquement à l’équité procédurale si l’agent des visas omettait d’accorder au demandeur et aux personnes dont les intérêts sont profondément touchés par la décision une possibilité valable de présenter les divers types d’éléments de preuve qui se rapportent à leur affaire et de les voir évaluer de façon complète et équitable ». Elle soutient que l’agent avait l’obligation de l’aviser, car il ressort clairement de ses observations d’ordre humanitaire qu’elle avait déployé tous les efforts possibles pour défendre sa cause et que la décision de l’agent nuit considérablement à son intérêt.

[28] Le défendeur souligne que la décision du tribunal dans l’affaire Egharevba a été infirmée : Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v Egharevba (7 octobre 2014), IMM‐2921‐13 (CF).

[29] Le défendeur soutient que les tribunaux canadiens ont statué que, selon les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, l’obligation d’équité procédurale dont doivent s’acquitter les agents des visas se trouve à l’extrémité inférieure du spectre : Garcia Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 321, aux para 62‐63. Il incombait à Mme Kaur de produire tous les éléments de preuve pertinents que l’agent devait prendre en considération, et l’agent n’avait aucune obligation de l’informer de ses préoccupations concernant les lacunes de son dossier. Mme Kaur connaissait la preuve à réfuter, il s’agissait de sa deuxième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et elle a présenté des observations détaillées à l’agent. Cependant, compte tenu de ces observations, l’agent n’était pas convaincu que les facteurs d’ordre humanitaire dans son dossier justifiaient de lever les obligations prévues par la loi.

[30] Je conviens avec le défendeur que l’agent n’a pas manqué à l’équité procédurale. Dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, Mme Kaur a allégué qu’elle est incapable de vivre seule en Inde. Elle a préparé sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire avec l’aide d’un représentant et a eu l’occasion de présenter des observations et des éléments de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle elle est incapable de vivre de manière autonome en raison de son âge, de sa santé et pour d’autres raisons, et de faire examiner ses observations et ses éléments de preuve par l’agent : Baker, au para 22.

[31] Il incombe au demandeur de prouver qu’une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est justifiée. Un agent n’est pas tenu de signaler les lacunes de la demande et de réclamer d’autres observations, ou d’offrir la possibilité de combler les lacunes de la preuve : Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au para 45; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 983, au para 7.

[32] La préoccupation de l’agent vise la suffisance des éléments de preuve présentés par Mme Kaur. Cette dernière devait « présenter ses meilleurs arguments » pour prouver ses allégations : Bradshaw c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 632, aux para 76‐83. Dans les circonstances, l’agent n’était pas tenu d’aviser la demanderesse et de lui donner l’occasion de répondre à la préoccupation.

IV. Conclusion

[33] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. L’agent n’a pas manqué à l’équité procédurale, et sa décision est raisonnable.

[34] Aucune partie n’a proposé de question à certifier. Je conclus que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‐953‐21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐953‐21

 

INTITULÉ :

MANJIT KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER SEPTEMBRE 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 NOVEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Arashveer Brar

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Courtenay Landsiedel

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Citylaw Group

Avocats

Surrey (Colombie‐Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‐Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.