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Date : 20211117


Dossier : IMM-1361-20

Référence : 2021 CF 1252

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2021

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

DEORANIE PERSAUD et ARIANNA REAH BHAGWANDIN

 

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a refusé la demande de visa de résident temporaire (VRT) à une mère et à sa fille, toutes deux citoyennes de la Guyane. La décision était fondée sur la conclusion que les demanderesses ne quitteraient pas le Canada à l’issue de leur séjour prévu.

[2] Aux fins du présent contrôle judiciaire, elles sont considérées comme étant une seule et même partie demanderesse. Néanmoins, la décision de l’agente porte exclusivement sur la situation de la mère, une adulte. Malgré les observations supplémentaires présentées par la demanderesse, aucune question pertinente touchant à l’intérêt supérieur de l’enfant n’est soulevée.

II. Contexte

[3] La mère a présenté sa demande dans le but de pouvoir venir passer une semaine à Niagara Falls avec son petit ami, qui est par ailleurs le père de l’enfant et un résident permanent du Canada.

Notons que deux demandes de VRT avaient déjà été rejetées auparavant.

[4] Dans les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), l’agente indique qu’elle n’est « pas convaincue, compte tenu des puissants attraits que le Canada présente pour elle, que la demanderesse principale a démontré l’existence de liens suffisamment forts avec la Guyane pour sentir le besoin d’y retourner. La demanderesse a déjà passé six mois aux États-Unis, ce qui montre qu’elle peut vivre hors de la Guyane [...] ».

[5] Dans sa lettre de refus, l’agente a indiqué qu’elle n’était pas convaincue que la demanderesse quitterait le Canada à l’issue de son séjour prévu, pour les motifs suivants :

  • ses antécédents de voyage;

  • ses liens familiaux au Canada et dans son pays de résidence;

  • l’objet de sa visite;

  • sa situation d’emploi actuelle;

  • ses biens personnels et sa situation financière.

III. Analyse

[6] Tel que la Cour suprême du Canada l’a expliqué dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable dans un contexte où un type de contrôle empreint de déférence, mais rigoureux, s’impose. La Cour doit examiner le raisonnement suivi par le décideur et ses conclusions. L’analyse de ce dernier doit être intrinsèquement cohérente et rationnelle, en plus d’être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes.

[7] Le décideur est présumé avoir examiné toute la preuve qui lui a été présentée, mais il s’agit là d’une présomption réfutable, surtout lorsque les motifs sont superficiels ou non étayés.

[8] La Cour, s’appuyant sur l’arrêt Vavilov, a reconnu que les motifs à l’appui des décisions de ce type n’ont pas à être exhaustifs, et que si le dossier est clair, la Cour peut « relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées » : voir Vavilov, aux para 97 et 102, citant Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, et Komalafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431 au para 11. Certes, il n’est pas nécessaire que les motifs soient exhaustifs, mais il doit y avoir une justification ou un fil de raisonnement qui y mène.

[9] En résumé, l’agente semble avoir conclu en l’espèce que la demanderesse était prête à quitter son emploi en Guyane, à laisser derrière elle son père, veuf, et ses amis afin de rejoindre son petit ami, un résident canadien. Elle n’explique cependant pas le raisonnement qu’elle a suivi pour parvenir à cette conclusion.

[10] Dans sa lettre de refus, l’agente énonce ses conclusions, mais ne donne aucune explication. Il n’est pas suffisant de dire que les antécédents de voyage de la demanderesse, sa situation d’emploi ou l’objet de sa visite ont mené à la conclusion que celle-ci prolongerait sans autorisation son séjour au Canada, sans toutefois expliquer pourquoi. Par exemple, il n’est pas évident de savoir en quoi les antécédents de voyage de la demanderesse – elle n’a jamais dépassé la durée prévue de ses séjours ni eu de problèmes avec l’immigration – pourraient mener à une conclusion défavorable. On peut dire la même chose de chacun des facteurs énumérés dans la lettre de refus. Les notes dans le SMGC n’apportent en outre aucun éclaircissement.

[11] Je ne suis pas convaincu que le lien rationnel nécessaire existe entre les conclusions de l’agente, d’une part, et les notes du SMGC et la lettre de refus, d’autre part.

IV. Conclusion

[12] Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande doit être accueillie. L’agente aurait dû délivrer un VRT à la demanderesse. Cependant, une telle réparation a peu d’incidence sur le plan pratique, puisque les dates prévues du séjour sont passées. La demanderesse peut déposer une autre demande de VRT, qui ne sera examinée ni par l’agente au dossier, ni par aucun des autres agents qui avaient refusé les demandes de VRT précédentes de la demanderesse. De plus, les refus précédents ne doivent pas être considérés comme étant pertinents aux fins de l’analyse de toute demande de VRT que la demanderesse pourrait présenter subséquemment.

[13] Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-1361-20

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La demanderesse peut déposer une autre demande de VRT et, le cas échéant, une telle demande ne devra pas être examinée par l’agente au dossier ni par aucun des autres agents qui avaient refusé les demandes de VRT précédentes de la demanderesse. De plus, les refus précédents ne doivent pas être considérés comme étant pertinents aux fins de l’analyse de toute demande de VRT que la demanderesse pourrait présenter subséquemment. Il n’y a aucune question à certifier.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1361-20

 

INTITULÉ :

DEORANIE PERSAUD et ARIANNA REAH BHAGWANDIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 novembre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

Le 17 novembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Robin Seligman

 

Pour les demanderesses

 

Amy Lambiris

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robin Seligman

Avocate

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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