Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20211115


Dossier : IMM-4225-20

Référence : 2021 CF 1227

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2021

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

BABATUNDE ADEFULE

TITILAYO ADEYINKA ADEFULE

ENIOLA ADESEGUN ADEFULE

SUNLOLA GIGELOMO ADEFULE

TIMISOLA OLAIDE ADEFULE

IREPOOLA EZEKIEL ADEFULE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Les demandeurs, une famille du Nigéria, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision défavorable de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) en date du 18 août 2020.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

II. Contexte

[3] Le demandeur principal, son épouse et trois de leurs enfants sont citoyens du Nigéria. Le quatrième enfant est né aux États-Unis (les É.-U.) et est par conséquent un citoyen de ce pays. Rien dans le dossier n’indique clairement si cet enfant mineur est aussi un citoyen du Nigéria.

[4] Les demandeurs adultes et les trois premiers enfants mineurs ont quitté le Nigéria pour aller aux É.-U. en août 2015. Ils sont restés dans ce pays pendant deux ans avant de venir au Canada. Pendant leur séjour aux É.-U., le demandeur principal a consulté un avocat afin d’amorcer une demande d’asile. L’avocat a demandé le versement d’une somme considérable d’argent pour lancer la procédure, somme qui était supérieure aux ressources financières des demandeurs. Ces derniers ont décidé de venir au Canada après avoir pris connaissance des politiques défavorables à l’immigration du nouveau gouvernement des É.-U.

[5] La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a entendu la demande d’asile de la famille le 25 septembre 2018 et a rendu sa décision le jour même. La SPR a conclu que la demande d’asile du demandeur principal, qui était fondée sur son identité bisexuelle, n’était pas crédible et que ni lui ni sa famille n’avaient qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger. Le demandeur le plus jeune n’avait aucun motif pour présenter une demande d’asile à l’encontre des É.-U.

[6] En appel, la SAR a conclu que la SPR avait commis des erreurs dans certains aspects de son analyse, mais que ces erreurs n’étaient pas déterminantes. La SAR a convenu que le demandeur principal n’était pas crédible à l’égard d’éléments qui étaient au cœur de sa demande d’asile et qu’il n’avait pas établi une crainte de risque auquel il pourrait être exposé.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[7] Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont soulevé maintes questions eu égard à la décision rendue par la SAR, y compris celle de savoir s’il y avait eu manquement à l’équité procédurale.

[8] À titre préliminaire, les demandeurs n’ont soulevé la question quant à l’équité procédurale que la veille de l’audience, même s’ils avaient eu amplement le temps avant la date limite pour le dépôt de leur mémoire supplémentaire des arguments. Le défendeur s’est opposé à ce que cette question soit examinée au motif qu’il n’avait pas eu un préavis suffisant. J’ai fait savoir à l’audience que je prendrais en considération la possibilité d’examiner cette question après avoir entendu l’argument dans son ensemble. Par conséquent, j’estime que la question de l’équité procédurale doit être examinée.

[9] Comme il est mentionné précédemment, il ne ressort pas clairement du dossier que le dernier enfant est aussi un citoyen du Nigéria. L’enfant est décrit ainsi dans le mémoire des arguments des demandeurs, mais le demandeur principal a affirmé devant la SPR qu’aucune démarche n’avait été effectuée dans le but d’obtenir la citoyenneté nigérienne pour l’enfant. En appel, il a été soutenu que la SPR avait commis une erreur en ne prenant pas en compte le fait que la citoyenneté américaine de l’enfant entraînerait sa séparation d’avec le reste de sa famille. La SAR a conclu qu’aucun élément de preuve n’avait été produit pour démontrer que l’enfant serait exposé à un risque de persécution aux É.-U. et que le risque de persécution était hypothétique. Je ne vois aucune raison d’intervenir en ce qui concerne cette conclusion.

[10] À mon sens, les questions en litige peuvent être décrites en ces termes :

  1. La SAR a-t-elle manqué à l’équité procédurale en instruisant l’appel?

  2. La décision était-elle raisonnable?

[11] On qualifie communément de norme de contrôle de la décision correcte la norme de contrôle qui s’applique aux allégations de manquement à l’équité procédurale : voir, par exemple, la décision Mhlanga c Canada, 2021 CF 957 aux para 12-14. Essentiellement, lorsqu’une question d’équité procédurale est soulevée, la Cour doit déterminer si le processus suivi par le décideur satisfait au degré d’équité exigé, compte tenu de toutes les circonstances : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 au para 43; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Chemin de fer Canadien Pacifique]). La question fondamentale est celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il avait eu une possibilité complète et équitable d’y répondre : Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 56.

[12] Il existe une présomption d’application de la norme de la décision raisonnable à la majorité des catégories de questions dans le cadre d’un contrôle judiciaire : (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]) au para 30. Cette présomption permet d’éviter toute immixtion injustifiée dans l’exercice, par le décideur administratif, de ses fonctions. Bien qu’il y ait des circonstances dans lesquelles cette présomption peut être écartée, comme il en est question dans l’arrêt Vavilov, aucune d’elles ne se présente en l’espèce.

[13] Pour déterminer si une décision est raisonnable, la cour de révision doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, au para 99). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : (Vavilov, au para 100).

[14] Ce ne sont pas toutes les erreurs ou les préoccupations au sujet des décisions qui justifieront une intervention. Pour intervenir, la cour de révision doit être convaincue que la décision « souffre de lacunes graves » à un point tel qu’elle ne satisfait pas aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure ». Le problème relevé doit être suffisamment capital ou important pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov, au para 100; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, au para 33; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156, au para 36.

IV. Analyse

A. La SAR a-t-elle manqué à l’équité procédurale en instruisant l’appel?

[15] La SAR s’est fondée sur une réponse à une demande d’information (RDI) de juin 2018 figurant dans le CND actuel sur les É.-U. (CND sur les É.‐U.) pour examiner l’omission des demandeurs de demander l’asile aux É.‐U. La RDI renfermait de l’information sur la procédure à suivre pour demander l’asile aux É.‐U. : notamment, qu’il n’y a pas de frais à payer et qu’il n’est pas nécessaire de recourir à un avocat. La SAR a conclu que les demandeurs auraient pu demander l’asile aux É.‐U. au cours de la première année suivant leur arrivée sans payer de frais et qu’ils pouvaient obtenir l’aide d’un avocat sans frais ou à frais réduits et d’organismes sans but lucratif. Elle a rejeté leur observation selon laquelle le coût élevé de la présentation d’une demande d’asile aux É.‐U. par l’entremise d’un avocat était une explication légitime pour leur omission de demander l’asile lorsqu’ils vivaient dans ce pays.

[16] Les demandeurs soutiennent que la SPR ne disposait pas du CND sur les É.‐U. et que, pour cette raison, ils n’avaient pas eu la possibilité de présenter des observations à ce sujet. Le CND sur les É.‐U. ne figurait pas non plus dans le dossier certifié du tribunal (le DCT) en tant que document [traduction] « supplémentaire ». Les demandeurs affirment que le paragraphe 24(1) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 (les Règles de la SAR) n’a pas été respecté, ce qui constitue un manquement à l’équité procédurale.

[17] Le paragraphe 24(1) des Règles de la SAR est ainsi libellé :

Connaissances spécialisées

Specialized Knowledge

Avis aux parties

Notice to parties

24 (1) Avant d’utiliser des renseignements ou des opinions qui sont du ressort de sa spécialisation, la Section en avise les parties et leur donne la possibilité de faire ce qui suit :

24 (1) Before using any information or opinion that is within its specialized knowledge, the Division must notify the parties and give them an opportunity to,

a) présenter des observations écrites sur la fiabilité et l’utilisation du renseignement ou de l’opinion et transmettre des éléments de preuve par écrit à l’appui de leurs observations, si aucune date d’audience n’a été fixée;

(a) if a date for a hearing has not been fixed, make written representations on the reliability and use of the information or opinion and provide written evidence in support of their representations; and

b) présenter des observations oralement ou par écrit sur la fiabilité et l’utilisation du renseignement ou de l’opinion et transmettre des éléments de preuve à l’appui de leurs observations, si une date d’audience a été fixée.

(b) if a date for a hearing has been fixed, make oral or written representations on the reliability and use of the information or opinion and provide evidence in support of their representations.

[18] Les demandeurs invoquent la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Clerjeau, 2020 CF 1120 [Clerjeau], dans laquelle la SAR s’est fondée sur sa connaissance de l’éventail de peines au Canada pour le vol qualifié. La peine possible pour cette infraction constituait la question déterminante au moment d’établir si la déclaration de culpabilité du demandeur concernait un crime grave de droit commun au sens de l’article 1Fb) de la Convention relative au statut de réfugié. Le dossier ne comportait aucune preuve en ce sens. La Cour a conclu que la SAR aurait dû aviser les parties de son intention d’utiliser sa connaissance de l’éventail de peines au Canada et leur donner la possibilité de présenter des observations de vive voix ou par écrit sur la fiabilité et l’utilisation de l’information et de produire des éléments de preuve à l’appui de leurs observations.

[19] Je conviens avec le défendeur que, en l’espèce, ce n’est pas l’utilisation de connaissances spécialisées qui est en cause, mais plutôt la question de savoir si le CND sur les É.‐U. constituait une preuve extrinsèque que devait divulguer le décideur conformément au critère établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mancia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1998] 3 CF 461; voir aussi l’arrêt Nadarajah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 237 NR 15 (CAF). Ces documents ne doivent être divulgués que s’ils sont inédits et importants et font état de changements survenus dans la situation du pays qui risquent d’avoir une incidence sur la décision, d’une part, et que lorsqu’il s’agit d’une information dont le demandeur ne pouvait raisonnablement pas avoir connaissance, d’autre part : Ahmed c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 471 au para 27.

[20] La juge Strickland s’est récemment penchée sur l’application du paragraphe 24(1) des Règles de la SAR dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la SAR dans laquelle le demandeur avait soutenu que la SAR s’était servie indûment de ses connaissances spécialisées sans l’en informer : Berhani c Canada, 2021 CF 1007 [Berhani]. L’information en question provenait du CND sur l’Albanie. La juge Strickland a tiré la conclusion qui suit au paragraphe 57 :

[...] Selon moi, la SAR ne s’est pas servie de ses connaissances spécialisées pour tirer cette conclusion. Dans ses motifs, elle se réfère à la section du Cartable national de documentation pour l’Albanie sur laquelle elle s’est fondée pour étayer son énoncé quant au caractère endémique. Aucun manquement aux principes de justice naturelle n’a été commis par inobservation de l’alinéa 24(1)b).

[21] En l’espèce, j’estime aussi que la SAR ne s’est pas servie de connaissances spécialisées de même nature que celles qui ont été examinées dans la décision Clerjeau. Les connaissances spécialisées sont les connaissances acquises au fil du temps en raison des fonctions décisionnelles d'un décideur. Voir, par exemple, l’arrêt Appau c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration),[1995] ACF no 300, dans lequel le tribunal s’est fondé sur sa propre connaissance des points frontaliers et des procédures suisses.

[22] En l’espèce, les demandeurs avaient accès au CND sur les É.‐U., et ils savaient, en raison des conclusions tirées par la SPR, que leur explication pour ne pas avoir demandé l’asile aux É.‐U. et pour avoir attendu deux ans avant de venir au Canada serait mise en cause. Le CND sur les É.‐U. n’était pas une preuve extrinsèque, car il n’était ni inédit ni important et ne faisait état d’aucun changement survenu dans la situation du pays qui risquait d’avoir une incidence sur la décision. L’information sur le processus de demande d’asile aux É.‐U. n’était pas une information dont les demandeurs ne pouvaient raisonnablement pas avoir connaissance. Les demandeurs étaient représentés par un avocat à chaque étape de la procédure, et la SPR a conclu que l’omission des demandeurs de se prévaloir des options qui s’offraient à eux aux É.‐U. minait leur crainte de persécution. La SAR n’était pas tenue d’aviser les demandeurs qu’elle se servirait du CND lorsqu’elle s’est penchée sur cette question.

[23] De plus, les demandeurs affirment que la SAR a manqué à l’équité procédurale en soulevant la question de la crédibilité devant l’hésitation du demandeur principal à répondre aux questions pendant l’audience devant la SPR sans donner aux demandeurs la possibilité d’aborder la question.

[24] Il ne s’agissait pas d’une nouvelle question cruciale que n’avait pas soulevée la SPR, contrairement aux décisions citées par les demandeurs : Ugbekile c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1397 [Ugbekile] aux para 21-22, et Fu c Canada, 2017 CF 1074 [Fu] au para 14. Dans la décision Ugbekile, la SAR a soulevé la question après avoir écouté l’enregistrement de l’audience devant la SPR, alors que la SPR n’avait pas tiré de conclusion quant à la crédibilité. Dans la décision Fu, la SAR a tiré plusieurs conclusions quant à la crédibilité que la SPR n’avait pas soulevées et auxquelles les demandeurs n’avaient pas eu la possibilité de répondre. De même, dans la décision He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1316 [He] au para 80, la Cour a statué que la preuve examinée par la SAR n’était pas au cœur de la décision de la SPR et qu’elle ne pouvait donc pas présumer que les demandeurs connaissaient la preuve qu’ils devaient réfuter.

[25] En l’espèce, le manque de crédibilité du témoignage des demandeurs figurait parmi les conclusions déterminantes tirées par la SPR. Le tribunal de la SPR a relevé des incohérences dans le témoignage du demandeur principal et l’a interrogé à ce sujet pendant l’audience. Il ne s’agissait pas d’une nouvelle question, et la SAR n’était pas tenue d’aviser les demandeurs qu’elle l’examinerait : Al-Hafidhi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 315 au para 37.

[26] Il a été établi dans maintes affaires qu’« [i]l n’y a pas de problème d’équité procédurale lorsque la Section d’appel des réfugiés invoque un autre fondement pour remettre en cause la crédibilité de la demanderesse au moyen du dossier de la preuve dont était saisie la Section de la protection des réfugiés » (Oluwaseyi Adeoye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 246 au para 13; Akram c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 143 au para 17; Fatime c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 594 au para 25). Dans la décision Farah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 116, le juge Shore a statué, au para 16 :

« [...] il est bien établi que lorsque la crédibilité est déjà en litige, un autre fondement par rapport à la crédibilité n’équivaut pas à un nouvel enjeu donnant lieu à un droit d’avis et de réponse (Yimer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1335 au para 17 [Yimer]; Corvil c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 300 au para 13). »

[27] J’estime que la SAR n’a pas manqué à l’équité procédurale.

B. La décision était-elle raisonnable?

[28] Les demandeurs soutiennent que la SAR a scruté à la loupe les éléments de preuve et n’a pas respecté les Directives du président portant sur l’orientation et les caractères sexuels ainsi que l’identité et l’expression de genre [les Directives sur l’OCSIEG] en omettant de prendre en compte la question de savoir si le caractère évasif et l’absence de détails dans les éléments de preuve présentés par le demandeur principal sur ses relations homosexuelles pouvaient s’expliquer par des blocages culturels ou psychologiques. À cet égard, les demandeurs prétendent que la SAR a omis d’accorder un poids raisonnable au rapport d’évaluation de la psychothérapeute portant sur la perte de mémoire du demandeur principal.

[29] Le défendeur soutient qu’il n’est pas nécessaire de mentionner expressément les Directives sur l’OCSIEG lorsqu’elles sont prises en compte, que « [l]es Directives ne sont pas un remède à toutes les lacunes en matière de preuve » et qu’un rapport d’évaluation d’un psychothérapeute n’est pas une « panacée » contre les lacunes dans la demande d’asile présentée par un demandeur : Moffat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 896 [2019] 4 RCF 331 au para 18; Okunowo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 175 au para 66.

[30] Je conviens avec les demandeurs que la SAR a trop insisté sur l’incapacité du demandeur principal de se souvenir de l’année exacte où il avait entamé ce qu’il a décrit comme une relation homosexuelle ayant duré cinq ans au Nigéria. Le demandeur principal se souvenait de l’année et du mois où la relation avait pris fin, ce qui aurait dû suffire pour régler la question. Cependant, cette conclusion déraisonnable de la SAR ne l’emporte pas sur toutes les autres conclusions défavorables quant à la crédibilité qu’elle a tirées au point de rendre l’ensemble de la décision déraisonnable.

[31] Par exemple, le demandeur principal n’a pas inclus une relation homosexuelle aux É.‐U. dans son formulaire Fondement de la demande d’asile. Il a d’abord affirmé qu’il avait oublié d’inclure l’information. Puis, il a prétendu qu’il ne voulait pas faire de peine à son épouse. Ces affirmations ont été considérées comme déraisonnables étant donné que les demandeurs avaient présenté une photo censée montrer le demandeur principal au lit avec son partenaire de même sexe aux É.‐U. en 2017. Le fait que le demandeur principal a cherché à cacher sa relation aux membres de sa famille mine sa demande d’asile. Les Directives sur l’OCSIEG ne sont pas, comme le soutient le défendeur, une panacée, et il est loisible aux décideurs de tirer des inférences défavorables à partir d’incohérences ou de contradictions importantes dans les éléments de preuve qui ne sont pas expliquées de façon raisonnable.

[32] En ce qui concerne le rapport d’évaluation de la psychothérapeute, il a été utilisé à une fin, soit encourager le tribunal de la SPR à faire preuve de sensibilité dans les questions posées et à accorder des pauses aux demandeurs au besoin. La SAR a, de façon raisonnable, conclu que la SPR s’y était astreinte et que le rapport ne pouvait pas racheter les problèmes relevés dans la preuve du demandeur principal. La psychothérapeute n’était pas en mesure d’exprimer une opinion quant à la crédibilité de l’affirmation formulée par les demandeurs en soi : Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1379 au para 37.

[33] La principale difficulté que présentait le témoignage des demandeurs résidait dans le manque inhérent de vraisemblance du récit du demandeur principal quant aux événements qui se sont produits au Nigéria et aux É.‐U. La SAR a eu raison de conclure selon la prépondérance des probabilités que la bisexualité du demandeur principal n’avait jamais été révélée au Nigéria comme il l’a prétendu, qu’il n’avait jamais entretenu une relation homosexuelle aux É.‐U. et que la crédibilité de sa crainte subjective avait été minée par son défaut de demander l’asile aux É.‐U. pendant son séjour de deux ans dans ce pays. Le fait que le demandeur principal a consulté un avocat n’a pas été contesté, mais le demandeur principal n’a ensuite entrepris aucune démarche supplémentaire pour trouver d’autres solutions afin de se protéger lui-même et de protéger sa famille. L’absence d’efforts en ce sens a miné sa crédibilité et la demande d’asile présentée par la famille.

V. Conclusion

[34] Je suis convaincu que la SAR n’a pas manqué à l’équité procédurale parce qu’elle n’était pas tenue d’aviser les demandeurs de ses préoccupations si aucune question ne se posait. La SAR n’a pas commis d’erreurs dans ses conclusions quant à la crédibilité étant donné les incohérences relevées dans le témoignage et les éléments de preuve documentaire présentés par les demandeurs. La SAR a effectué une analyse indépendante, a appliqué la bonne norme de contrôle en appel et a examiné les demandes d’asile des demandeurs comme il se devait. Le tribunal a fourni des motifs justifiés, intelligibles et transparents à l’appui de ses conclusions. En dépit du fait que le tribunal a tiré une conclusion déraisonnable, cette erreur n’était pas au de cœur de sa décision et ne justifie pas l’intervention de la Cour.

[35] Les parties ont affirmé qu’il n’y avait pas de questions graves de portée générale à certifier quand la question leur a été posée à l’audience. C’est aussi mon avis.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4225-20

LA COUR STATUE que la demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4225-20

INTITULÉ:

BABATUNDE ADEFULE

TITILAYO ADEYINKA ADEFULE

ENIOLA ADESEGUN ADEFULE

SUNLOLA GIGELOMO ADEFULE

TIMISOLA OLAIDE ADEFULE

IREPOOLA EZEKIEL ADEFULE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

audience tenue par VIDéOCONFéRENCE

à partir de toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 12 octobre 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

le 15 NOVEMBRe 2021

 

COMPARUTIONS :

Jeffrey L. Goldman

pour les demandeurs

Christopher Ezrin

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.