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Date : 20211130


Dossier : IMM-6665-20

Référence : 2021 CF 1325

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2021

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

GERNA CLAIRE GOUELE MAFOUMBA

DAVID AARON FRASER

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET

DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (SAR) qui confirmait la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) au sujet d’une demande faite par Gerna Claire Gouele Mafoumba et David Aaron Fraser. Cette demande de contrôle judiciaire est faite en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [LIPR ou la Loi].

[2] La Demanderesse est la mère monoparentale de son fils, David Aaron Fraser. Celui-ci est né aux États-Unis en 2017, ce qui en fait un citoyen des États-Unis. Quant à sa mère, la Demanderesse principale, elle est une citoyenne de la République du Congo et c’est elle qui recherche le statut de réfugié en invoquant ses activités politiques comme motif pour obtenir ce statut au Canada.

I. Les faits

[3] En plus de son fils David Aaron Fraser, né le 11 décembre 2017, la Demanderesse a indiqué avoir adopté au Congo deux autres enfants. Il s’agit de jumeaux qui sont nés le 22 janvier 2012, à Pointe-Noire, en République du Congo. Il semble que les enfants soient gardés par la mère de la Demanderesse.

[4] Le récit original offert par la Demanderesse se trouve au fondement de la demande d’asile (FDA) signé le 12 septembre 2018. Selon le récit circonstancié, Mme Mafoumba est arrivée à l’aéroport international JFK, à New York, le 4 août 2016. Cela est conforme à l’entrevue donnée à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 30 août 2018. Par ailleurs, dans son affidavit du 3 février 2021, ce serait plutôt le 8 août 2016 qu’elle aurait quitté le Congo vers les États-Unis (Affidavit du 3 février 2021, para 6). Cela ne porte pas vraiment à conséquence. La Demanderesse aurait cherché à faire une demande d’asile aux États-Unis, mais celle-ci sera abandonné pour plutôt traverser au Canada.

[5] Quoiqu’il en soit, la Demanderesse semble avoir répété sa prétention qu’elle devait quitter le Congo à cause de ses opinions politiques. De fait, lors de son entrevue avec la ASFC, elle nie avoir été persécutée du fait de sa race ou son ethnie, du fait de sa religion, du fait de sa nationalité, ou de son appartenance à un certain groupe social (ce qui inclut son genre). Ce qui est noté à cette entrevue est que la Demanderesse recherche la protection du Canada « pour les raisons politiques car j'appartiens au parti d'opposition, Union Panafricaine pour la démocratie sociale (U.P.A.D.S.). Nous sommes contre le régime actuel. On a eu beaucoup de manifestation contre le gouvernement. »

[6] La raison de se croire persécutée a été articulée au récit circonstancié dans le FDA. La Demanderesse y indique avoir décidé de s’impliquer auprès du parti d’opposition pour s’opposer au parti au pouvoir. Elle dit au paragraphe 7 de ce narratif que « [l]e gouvernement en place n'a pas considéré les droits de l’homme comme des êtres humains. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de s'impliquer [sic] dans le parti d'opposition afin de se battre pour ce qui est juste et de se battre contre la dictature actuelle ». Cette implication aurait commencé en 2011 comme, dit la Demanderesse, « membres actifs et militants politiques de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (U.P.D.S.) [sic] principal parti d’opposition dans le pays ». La Demanderesse dit avoir assumé la responsabilité de secrétaire et chef d’équipe pour les jeunes de l’organisation. Elle rédigeait les rapports pour toutes les réunions, organisait des réunions pour l’organisation en établissant un plan annuel, préparait des bannières pour des manifestations et rassemblait et mobilisait les jeunes en organisant des ateliers sur les droits de l’homme et sur la signification de la véritable démocratie au Congo.

[7] À l’annonce d’un référendum devant être tenu en octobre 2015, relatif à certains changements à être apportés à la constitution nationale à l’égard du mandat présidentiel, le parti s’est organisé pour manifester contre un tel référendum et le boycotter. Un premier rassemblement était organisé le 27 septembre 2015 et la Demanderesse se présente comme étant « parmi les dirigeants qui ont organisé la manifestation […] ».

[8] Après cinq heures de manifestation, la Demanderesse allègue que le Président (présumément du pays) a donné l’ordre aux forces de sécurité d’ouvrir le feu sur la foule. Ce qui fut fait. Plusieurs personnes en sont décédées, tandis que d’autres ont été blessées et arrêtées. La Demanderesse dit avoir été arrêtée et avoir passé deux jours en détention. Elle était relaxée le 29 septembre 2015, ayant été libérée sous caution avec convocation remise à la famille. N’étant pas allée à la convocation reçue, la Demanderesse fut l’objet de recherche par la police. Ainsi consciente du danger, la Demanderesse s’est cachée dans un autre quartier de Brazzaville.

[9] La police serait allée chez elle et chez ses parents les 2 et 3 octobre 2015. Chez les parents de la Demanderesse se trouvaient ceux-ci et la sœur de la Demanderesse. Après avoir été questionnée au sujet de la Demanderesse, la sœur de celle-ci aurait été violée en présence de ses parents. Suite à un séjour d’une semaine à l’hôpital, celle-ci est restée cachée jusqu’à ce qu’elle puisse quitter Brazzaville pour la France.

[10] Malgré ces évènements tragiques, la Demanderesse dit avoir continué à participer secrètement aux réunions de l’organisation. Ainsi, une réunion d’organisation se tenait le 23 novembre 2015 et, selon le narratif de la Demanderesse, ces réunions ne comprenaient que des dirigeants du parti. Ce 23 novembre 2015, la Demanderesse et les dix autres participants ont été arrêtés. Malgré le plaidoyer du Président du parti lors de l’intervention policière, la Demanderesse a été en détention jusqu’en décembre 2015. Le Président du parti est resté en détention jusqu’au 11 décembre 2015. La Demanderesse dit que, grâce à un pot-de-vin, sa famille a pu la faire libérer.

[11] Dès sa libération, la famille de la Demanderesse a pu la faire envoyer dans un autre endroit, à Pointe-Noire, où elle s’est cachée du 3 décembre 2015 au 31 mars 2016. En juillet 2016, on a frappé à la porte de l’endroit où elle était alors cachée et un groupe de policiers est entré chez elle. Elle fut harcelée, battue, menottée et a eu les yeux bandés. Elle a été amenée dans une prison. Là, la Demanderesse identifie un sergent de police qui l’aura violé à quatre reprises. Un autre pot-de-vin aura été payé qui aura permis la libération de la Demanderesse. C’est ainsi que la Demanderesse, avec l’appui de sa famille, a quitté le Congo.

[12] Le narratif au FDA indique que la Demanderesse a « peur de retourner en République du Congo, de peur d'être torturée ou tuée » (narratif du FDA, para 20).

[13] On apprend lors de l’entrevue du 30 août 2018 avec la ASFC que la Demanderesse a fait une demande d’asile aux États-Unis, mais que celle-ci prenait trop de temps pour obtenir des résultats. On y apprend aussi que la Demanderesse n’avait aucune intention originellement de faire une demande d’asile au Canada. C’est plutôt qu’après deux ans et demi à attendre aux États-Unis, elle a préféré venir au Canada (29 août 2018) et y entrer illégalement alors qu’elle a franchi la frontière entre l’État de New York et le Québec ailleurs qu’à un port d’entrée ; elle dit avoir choisi ce moyen parce qu’elle n’avait pas de passeport, l’ayant perdu dans le métro de New York.

II. Décision dont contrôle judiciaire est demandé

[14] C’est évidemment relativement à la décision de la SAR que demande de contrôle judiciaire est faite. On y indique d’entrée de jeu que la Demanderesse craint la persécution à cause de ses activités politiques, et parce que, dans le passé, « vous avez été victime de violence sexuelle » (Décision de la SAR, para 1). La décision indique aussi qu’aucune crainte spécifique à l’égard du fils mineur de la Demanderesse n’a été articulée en ce qui concerne les États-Unis, le pays où il est né et dont il est citoyen. Pour comprendre la suite des choses, il faut cependant revenir sur la décision de la SPR avec laquelle la SAR s’est déclarée en accord.

A. La SPR

[15] La SPR a conclu à la crédibilité défaillante de la Demanderesse. Ainsi, elle indique que « [l]a demandeure a témoigné de façon très laborieuse. Elle ne pouvait pas se souvenir de nombreux éléments de sa demande d'asile tels que consignés au FDA et dans son récit circonstancié » (Décision de la SPR, para 16). La Demanderesse et son avocat ont indiqué dès lors que ces nombreux oublis étaient liés au traumatisme qu’elle aurait subi dans son pays.

[16] Se mettant en garde contre une approche trop rigide quant au problème de mémoire, la SPR n’en constate pas moins que cette explication pour un témoignage laborieux n’est venue que lorsque la Demanderesse a été confrontée à une contradiction importante entre son témoignage et son récit. À l’évidence, la SPR a été perturbée quant à des absences de mémoire non expliquées. Elle y réfère à répétition :

[19] La demandeure et son conseil n’ont cependant fait aucunement mention de ces problèmes de mémoire avant que la demandeure ne soit confrontée à une contradiction importante entre son témoignage et son récit. Elle n’a pas déposé non plus de note médicale qui pourrait expliquer ces oublis. Elle a témoigné ne pas avoir de ressources financières pour demander une évaluation qui aurait pu confirmer l’impact de son état psychologique sur sa mémoire.

[20] Le tribunal peut parfois donner le bénéfice du doute à certains demandeurs, dans l'évaluation de la crédibilité et la détermination d'une possibilité sérieuse de persécution. Dans le cas en l'espèce, il a semblé clair au tribunal que la demandeure ne se souvenait tout simplement pas des éléments d'un récit appris, en raison des éléments décrits dans les motifs ci-contre.

[…]

[44] En l’absence d’une note médicale ou d’une divulgation proactive concernant un quelconque problème de mémoire, c’est-à-dire avant que la demandeure ne soit confrontée à des contradictions entre son récit et son témoignage, et le manque d’explication crédible, ces oublis et contradictions nuisent à la crédibilité de la demandeure.

[17] La SPR procède alors à une série de constatations au sujet du témoignage de la Demanderesse qui tendent à démontrer les difficultés rencontrées avec le témoignage. J’en cite plusieurs :

  • « [l]es explications de la demandeure au sujet de son implication dans le parti politique UPADS ne signalent pas une implication de haut niveau comme secrétaire nationale du parti, tel qu'allégué » (Décision de la SPR, para 21).

  • Alors que la SPR demande à quelle fédération elle appartenait, la Demanderesse n’est pas en mesure de répondre malgré que la mention soit sur la carte de membre qui lui aurait été délivrée en 2013.

  • Quant à cette carte du parti, la SPR note que la Demanderesse a indiqué qu’on lui a remis cette carte lors de son adhésion en 2011 et qu’il s’agit de la seule carte qu’elle ait. Or, la carte aura été délivrée en 2013.

  • La Demanderesse demeure vague lorsque questionnée sur ses activités politiques. Elle indique « que les discussions portaient sur l'état du pays, ce qu'il fallait réévaluer et les suggestions des membres » (Décision de la SPR, para 26).

On aura noté que la Demanderesse semble se situer parmi les « dirigeants » du parti.

[18] La SPR reproche aussi à la Demanderesse son manque de clarté sur ses détentions. Voici comment la SPR traite de la question :

[31] Le tribunal a dû reposer la question afin de savoir si effectivement elle avait été détenue une troisième fois. Alors qu’elle a initialement confondu le scénario de la deuxième et de la troisième période de détention de son récit, lors de son témoignage, la demandeure se reprend après une pause et signale avoir été violée lors de la troisième période de détention.

[32] Le tribunal croit qu’il est possible qu’elle ait mélangé les deux épisodes de détention, mais ne juge pas crédible qu’elle ne soit pas en mesure de répondre à certaines questions sur des informations importantes reliées à son récit. Ceci mène le tribunal à conclure qu’il s’agissait d’un récit appris par la demandeure et que toute cette confusion au sujet des trois périodes de détention alléguées ne peut s’expliquer par un oubli de la demandeure qui serait relié à des traumatismes passés.

[33] Le tribunal rappelle le contexte de l’absence de note médicale au dossier et qu’il a tenu compte de Directives no 4 du président. D’autres éléments remettent aussi en question la crédibilité de la demandeure, au-delà de ce qu’il peut être raisonnable d’attribuer à des oublis liés à un traumatisme, et qui pourrait expliquer que la demandeure oublie une période de détention ou certains éléments de son récit.

Ces paragraphes ont leur importance en fonction de la tentative faite par la Demanderesse d’introduire des éléments de preuve supplémentaires devant la SAR. Nous y reviendrons.

[19] LA SPR est aussi surprise de l’attaque qu’auraient subie ses parents et sa sœur en octobre 2015. En effet, la Demanderesse aurait indiqué lors de son témoignage qu’elle avait déjà été appréhendée ce jour-là et qu’elle n’a donc pas vu le viol subi par sa sœur. Par ailleurs, son récit expliquait son absence du fait qu’elle était cachée chez un ami. Lorsque questionnée sur comment elle a appris l’attaque sur sa famille, elle répond « je pense que ce sont les gens du quartier qui m’en ont informé » (Décision de la SPR, para 35). La SPR continue :

[36] Il ne s’agit pas là d’une réponse spontanée à laquelle on peut s’attendre au sujet d’un évènement aussi significatif. Le tribunal considère qu’il n’est pas crédible que la demandeure croie avoir été détenue le soir où ses parents et sa sœur ont été attaqués, alors que selon le récit elle était cachée chez un ami et aurait été détenue une deuxième fois seulement un mois et demi plus tard.

[37] Elle n’est pas non plus en mesure de mentionner à quel endroit elle est cachée. Elle indique qu’elle était chez un ami, mais elle ne se souvient pas de qui ni à quel endroit celui-ci habitait.

[20] La crédibilité de la Demanderesse est prise à mal par la SPR en ces termes :

[41] Le tribunal s’étonne que la demandeure poursuive ses activités politiques, alors qu’elle a été détenue une première fois et qu’elle ait vécu cachée par moments, en plus du fait que sa sœur ait été violée devant ses parents. Elle indique dans son récit qu’elle participait secrètement aux réunions.

[42] Alors que la demandeure mentionne avoir été détenue avec 11 personnes après une réunion, elle ne mentionne que le trésorier et certains membres qui auraient été détenus avec elle. Or, selon son récit, le président du parti, qu’elle admire au point de donner son nom de famille à ses deux enfants adoptés, aurait aussi été détenu à ce moment. Il aurait été détenu jusqu’au 11 décembre. Elle répond qu’il s’agit d’une omission de sa part et s’en excuse. Elle ne sait pas non plus combien de temps elle aurait été détenue à ce moment, alors qu’elle répond « deux ou trois jours » lorsqu’interrogée. Son récit indique plutôt « du 23 novembre à décembre 2015 », soit un minimum d’une semaine. Elle blâme la confusion dans laquelle elle se retrouve suite aux événements des dernières années.

De fait, la SPR reproche à la Demanderesse de ne pas avoir présenté une note médicale ou fait une divulgation proactive concernant de quelconques problèmes de mémoire.

[21] En fin de compte, la SPR conclut à un manque d’explications crédibles relativement aux oublis et aux contradictions dans le témoignage de la Demanderesse. L’existence de deux preuves documentaires fournies par la Demanderesse est considérée comme étant insuffisante par rapport au témoignage laborieux.

[22] Ces deux documents, dits de « preuve documentaire », sont un « certificat médical initial » émis le 18 juillet 2016 par un infirmier généraliste d’une clinique qui semble située à Pointe-Noire. Il répertorie trois lésions. Le certificat déclare que la Demanderesse est « victime d’une agression sexuelle (Viol) en date du 17 juillet 2016 », mais ne fait aucun lien entre les lésions constatées et une agression sexuelle. De fait, on ne sait pas d’où vient cette information sur une agression sexuelle à une date donnée, mais d’aucuns suggéreraient que ce ne peut venir que de la Demanderesse. Un court rapport est fait des lésions constatées et un traitement à base d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires y est indiqué. L’autre document est une déclaration manuscrite qu’on dit être de la sœur de la Demanderesse qui réside maintenant en France. Le récit des évènements des 2 et 3 octobre 2015 y est fait. La déclarante y dit que « [à] partir de mon expérience, je confirme que la vie de ma sœur est en danger, ainsi que celle de toute la famille et de sa [son] fiancé ». On y prétend que si la Demanderesse revient au Congo, le gouvernement la tuera et elle supplie les autorités américaines de protéger sa sœur.

[23] La Demanderesse aura présenté en fin d’audience devant la SPR les allégations de discrimination ethnique à son endroit. Cependant, selon la SPR, la Demanderesse n’a pas expliqué en quoi elle serait à risque en raison de son origine ethnique. Il en résulte que la SPR constate que la Demanderesse n’a pas réussi à démontrer qu’elle ferait face à une possibilité sérieuse de persécution en raison de son appartenance ethnique.

[24] Malgré que la Demanderesse n’ait pas soulevé dans son FDA ou lors de l’audience devant la SPR la persécution qu’elle pourrait subir en raison de son genre, celle-ci a été examinée brièvement. Ainsi, la preuve objective révèle, selon la SPR, que la violence faite aux femmes est fréquente au Congo. Quoi qu’il en soit, le profil de la Demanderesse fait conclure à la SPR que le seuil de la possibilité sérieuse de persécution n’a pas été atteint. Il n’y a pas de risque en lien avec la violence conjugale et la Demanderesse retrouverait sa mère et ses deux autres enfants si elle retournait à Brazzaville. Elle a un endroit où loger, elle est éduquée et elle a déjà occupé des emplois rémunérés par le passé.

[25] Pour la SPR, la question déterminante était la crédibilité de la Demanderesse. Or, la Demanderesse n’est pas crédible.

B. La SAR

[26] La SAR s’est alignée sur la SPR et a aussi conclu que la Demanderesse n’est pas crédible. Comme on l’aura vu, la SPR a été critique à l’endroit de la Demanderesse qui n’aura fourni aucune note médicale ou fait une divulgation proactive relativement à des problèmes de mémoire qui ont été invoqués à de nombreuses reprises lors de son témoignage devant la SPR. La décision de la SPR est venue le 11 octobre 2019. Dès le 26 novembre 2019, la Demanderesse était vue par un « registered psychotherapist », membre du « College of Registered Psychotherapists of Ontario ». Son rapport était produit dès le 29 novembre 2019. La Demanderesse a tenté de le présenter auprès de la SAR comme nouvelle preuve, mais sans succès. En effet, la SAR se déclare d’avis que les critères contenus au paragraphe 110(4) de la Loi n’ont pas été rencontrés.

[27] Le rapport d’un psychothérapeute, daté du 29 novembre 2019, consiste en une tentative de la part de la Demanderesse de pallier l’absence d’explication de la Demanderesse des pertes de mémoire qui ont été allégués après que la Demanderesse ait été confrontée à des contradictions et incohérences dans son témoignage devant la SPR. Une demande pour faire admettre une nouvelle preuve doit satisfaire aux critères du paragraphe 110(4) de la Loi. La SAR a rejeté cette demande.

[28] D’entrée de jeu, la SAR souligne que ni la Demanderesse, ni son avocat n’ont demandé que la Demanderesse soit désignée comme une personne vulnérable, en présentant une demande formelle en ce sens. Il faut alors préciser la nature de la vulnérabilité, le type de mesure d’adaptation d’ordre procédural demandé et les raisons qui justifient de les accorder. Un rapport psychologique qui décrit la difficulté particulière est aussi requis.

[29] De fait, dit la SAR, la SPR a agi de manière à faciliter le témoignage, tenant compte ainsi des traumatismes passés.

[30] Selon la SAR, le rapport d’un psychothérapeute ne porte pas sur des faits survenus depuis la décision de la SAR. Ce rapport ne peut avoir aucune influence sur l’appel devant la SAR.

[31] De toute façon, de prétendre la SAR, ce qui est présenté devant elle ne peut à lui seul rétablir la crédibilité. Ainsi, au paragraphe 16 de la décision, on lit : « Fondé sur un récit qui a perdu toute crédibilité, un rapport provenant d’un psychologue, d’un anthropologue ou d’un autre expert ne peut pas restituer au récit de la personne qui demande l’asile la crédibilité qui a été perdue. »

[32] La SAR note que l’avis d’un expert ne fait pas en lui-même la preuve de la véracité des renseignements venant du patient et sur lesquels il se fonde. En fait, un rapport ne saurait se pencher sur des questions qui sont de la compétence exclusive du décideur.

[33] Autrement dit, le rapport du psychothérapeute ne se fonde pas sur des faits objectifs, mais plutôt sur le récit entendu de la personne traitée. Or, la véracité des renseignements n’a pas été établie. Le rapport d’expert est rejeté. De même, la tenue d’une audience n’est pas permise en l’espèce. La règle devant la SAR est que l’on procède sans audience, sur dossier constitué (para 110(3) de la Loi). Une audience peut être ordonnée en vertu du paragraphe 110(6) de la Loi, mais seulement si des conditions précises existent. La SAR dit que cette demande n’était pas appuyée d’observations complètes et détaillées. À tout évènement, l’une des trois conditions requises au para 110(6) n’est pas rencontrée, puisque le rapport du psychothérapeute n’a pas été jugé admissible. Il était donc impossible de tenir une audience.

[34] La SAR passe ensuite à l’examen de la preuve qui avait été reçue par la SPR. Or, la SAR déclare avoir procédé à sa propre analyse de la preuve, en écoutant, entre autres, l’enregistrement de l’audience. La norme devant la SAR est celle de la décision correcte, ce qui fait que la SAR n’a pas à faire preuve d’aucune déférence à l’endroit de la SPR. La SAR déclare avoir écouté et considéré la preuve avec sensibilité et compassion. C’est d’autant plus nécessaire qu’une femme qui a été victime de violence sexuelle pourra avoir besoin qu’on lui témoigne d’une attitude extrêmement compréhensive. La SAR déclare au paragraphe 34 de sa décision :

[…] Selon ma propre écoute de l’audience et selon ma propre analyse de sa décision, la SPR a posé ses questions, permis à votre avocat de vous poser lui-même des questions lorsque vous sembliez ne pas comprendre les siennes, écouté vos réponses et rédigé sa décision, en étant sensible au fait que vous avez déclaré avoir été détenue et violée dans votre pays.

Pour la SAR, la SPR a manifesté sa compréhension que la Demanderesse puisse adopter des mécanismes de défense, comme l’évitement, pour ne pas discuter de certains événements. Cela ne doit pas, par ailleurs, empêcher la SPR de faire son travail en examinant à fond la demande d’asile, tout en évitant de retraumatiser la personne qui demande l’asile.

[35] La Demanderesse a argumenté que le manque de crédibilité retenu contre elle était erroné. La SAR accepte que la SPR tire des inférences négatives en se fondant sur les invraisemblances, les incohérences et les omissions. La SAR relève que la SPR a estimé que la Demanderesse avait des trous de mémoire parce qu’il s’agissait en fait d’un récit appris. Quant aux activités politiques, les réponses sont demeurées générales et le témoignage a été considéré comme étant confus quant aux périodes de détention, en plus de comporter des omissions importantes sans que cela puisse être expliqué. Pour la SAR, l’écoute de l’enregistrement de l’audience a révélé qu’il n’y avait pas eu un engagement de manière significative de la part de la Demanderesse dans les activités du parti. La SAR a en particulier relevé les cafouillages autour de la carte de membre du parti. Je reproduis le paragraphe 44 de la décision :

[44] En effet, lorsque la SPR vous a demandé si vous vous rappeliez quand vous avez obtenu votre carte de membre, vous avez d’abord déclaré que vous ne vous rappeliez pas. Puis, vous avez répondu que vous pensiez que c’était en septembre 2011. Or, sur votre carte, il est indiqué qu’elle vous a été délivrée le 20 novembre 2013. Invitée à préciser quelle était la fédération à laquelle vous apparteniez, vous avez répondu que vous ne compreniez pas la question. Votre avocat est alors intervenu et a reformulé la question, mais vous n’avez toujours pas répondu à la question. Pourtant, sur votre carte de membre, il est bien indiqué que vous apparteniez à la Fédération de Makélékélé 1. Invitée à décrire les structures du parti, vous avez simplement mentionné les principaux officiers. Invitée à parler des réunions qui étaient tenues par votre parti, vos réponses étaient très générales : on parlait de ce qui se passe, de l’état actuel du pays, de l’organisation interne, des plaintes ou des suggestions des membres du parti. Invitée à préciser si vous aviez toujours en contact avec des membres du parti, vous avez répondu que vous l’étiez avec quelques-uns, toutefois vous n’avez présenté aucun document provenant de l’un ou l’autre de ces membres du parti.

[Renvois omis.]

[36] Un autre cafouillage autour du nombre de détentions subies par la Demanderesse n’a pas été expliqué autrement que « par confusion de mémoire ». On ne sait pas en quoi il s’agirait d’une inférence négative erronée au sujet de la crédibilité.

[37] La SAR a dû préciser que l’absence de note médicale n’était pas en relation avec l’allégation que la Demanderesse a été victime de violence sexuelle. Il ne s’agissait alors pour la SPR que d’établir une absence de note médicale au sujet des pertes de mémoire de la Demanderesse. De façon plus importante, la SAR relève une série de contradictions avec des renseignements fournis dans le FDA. Je reproduis en entier le paragraphe 47 de la décision de la SAR :

[47] Ensuite, selon ma propre écoute de votre témoignage devant la SPR, il est clair que votre témoignage a été en contradiction avec des renseignements fournis dans votre FDA et qu’il a omis des éléments importants de votre récit. C’est vrai non seulement par rapport au nombre de détentions dont vous auriez été victime, mais aussi quant au moment où vous auriez été emprisonnée la première fois ; quant au fait que vous étiez présente dans les lieux où votre sœur a été violée ; du nombre de jours pendant lesquels vous auriez été emprisonnée ; du fait que le président de votre parti avait aussi été emprisonné avec vous ; du lieu - votre village natal de Ludjima, qui se trouve pourtant en République démocratique du Congo, et alors que vous êtes née à Brazzaville, plutôt que Pointe-Noire, selon votre FDA -, où vous vous êtes cachée avant de quitter votre pays.

[Renvois omis.]

[38] La SAR s’est aussi arrêtée à la lettre de la sœur de la Demanderesse et à un certain certificat médical initial délivré par un infirmier. Aucun poids ne leur a été accordé compte tenu de la qualité du témoignage fourni par la Demanderesse dont la crédibilité était sérieusement affectée.

[39] Finalement, la SAR s’est penchée sur la demande de protection faite au profit de l’enfant mineur de la Demanderesse. La SAR note que « pendant l’audience devant la SPR, vous n’avez présenté aucune preuve concernant spécifiquement la crainte de votre enfant mineur par rapport à son pays de citoyenneté, soit les États-Unis d’Amérique » (Décision de SPR, para 52). Cela fait conclure à la SAR qu’il n’est pas approprié de conjecturer pour la suite des choses. La SAR conclut donc que l’absence de preuve à l’égard du fils mineur dispose de la question et qu’il ne saurait y avoir contravention à la Convention sur les droits de l’enfant qui requiert que le meilleur intérêt de l’enfant soit considéré.

III. Arguments et analyse

[40] Alors que l’appel de la décision de la SPR devant la SAR est soumis à la norme de contrôle de la décision correcte, la norme de contrôle devant la Cour fédérale sur révision judiciaire de la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable. Il y a une différence significative entre les deux. Alors que sur appel devant la SAR, celle-ci ne doit aucune déférence à la décision de la SPR, ce n’est pas le cas sur contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

[41] Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la décision phare en la matière, la Cour suprême rappelle que les cours de révision n’interviennent que là où c’est vraiment nécessaire. La retenue judiciaire est au premier plan à titre de principe (para 13) et les cours sont tenues de reconnaître la légitimité de la compétence des décideurs administratifs dans leur domaine, qui se transforme en une attitude de respect à leur égard (para 14). C’est ainsi que la cour de révision ne doit pas substituer son jugement à celui du décideur administratif, comme ce pourrait être le cas selon la norme de la décision correcte. Il n’est pas permis de centrer l’attention sur la conclusion à laquelle la cour serait parvenue à la place du décideur administratif. Dans la grande majorité des cas, une décision qui n’est pas raisonnable doit être retournée au décideur administratif.

[42] Cela se manifeste de différentes manières. Pour nos fins, qu’il suffise de rappeler que le fardeau d’un demandeur est de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de la SAR. Une décision raisonnable possède des caractéristiques qui sont la justification, la transparence et l’intelligibilité, et la décision est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes (para 99).

[43] La Cour suprême dans Vavilov insiste que les lacunes identifiées, s’il en est, doivent être graves. Elles font en sorte qu’on ne puisse dire que la décision satisfait aux exigences de justification, de transparence et d’intelligibilité. Les insuffisances ne doivent pas être superficielles ou accessoires en fonction du fond de la décision (para 100).

[44] La Cour élabore sur ce qui rend une décision déraisonnable. Elle identifie deux catégories de lacunes fondamentales (on peut croire que ces deux ne sont pas exhaustives). Une décision qui manquerait de logique interne ne serait pas raisonnable. Au contraire, la décision fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent sera raisonnable. La Cour de révision peut suivre le raisonnement du décideur. Comme le dit la Cour suprême, le raisonnement « se tient » (para 104) : le raisonnement n’est pas tautologique, il ne présente pas de faux dilemmes, ou ne se retrouve pas avec des généralisations non fondées ou avec des prémisses absurdes.

[45] Une décision indéfendable compte tenu des contraintes factuelles et juridiques sera aussi, évidemment, une décision déraisonnable.

[46] Mais la Cour suprême insiste aussi sur une culture de la justification (Vavilov, para 14). On lit au paragraphe 87 :

[87] […] D’ailleurs, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable tient dûment compte à la fois du résultat de la décision et du raisonnement à l’origine de ce résultat, comme la Cour l’a récemment rappelé dans l’arrêt Delta Air Lines Inc. c. Lukács, 2018 CSC 2, [2018] 1 R.C.S. 6, par. 12. Dans cette affaire, même si le résultat de la décision n’était peut-être pas déraisonnable eu égard aux circonstances, la décision a été infirmée parce que l’analyse ayant débouché sur ce résultat était déraisonnable. Cette façon de voir s’inscrit dans la foulée de la directive de l’arrêt Dunsmuir voulant que le contrôle judiciaire porte à la fois sur le résultat et sur le processus. […]

[47] La Demanderesse est donc confrontée à ce fardeau. La première question à laquelle il faut répondre est celle relative à l’admissibilité d’une nouvelle preuve en appel. Il s’agit du rapport fait par un psychothérapeute. La LIPR détermine dans quels cas une telle preuve sera admissible. Je reproduis le paragraphe 110(4) de la Loi :

(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[48] Cette question est importante dans cette affaire. La question de la crédibilité de la Demanderesse est au cœur du débat. On aura compris que les trous de mémoire lors du témoignage de celle-ci ont été perçus comme étant le résultat d’un récit appris. La crédibilité était une question déterminante. La Demanderesse a cherché à fournir une explication autre en appel en utilisant les services d’experts médicaux, dont un psychothérapeute. De plus, ledit rapport indique que la Demanderesse aurait été diagnostiquée comme souffrant du syndrome de stress post traumatique.

[49] Si le rapport du psychothérapeute est admis en preuve, il pourrait peut-être mettre une lumière différente sur l’interrogatoire de la Demanderesse devant la SPR. Mais, encore faut-il qu’il soit admissible. La Demanderesse supporte ce fardeau. Mais la décision sur cette question d’admissibilité doit elle-même rencontrer des critères de justification, transparence et intelligibilité. À mon avis, la décision rendue par la SAR, où elle déclare que la nouvelle preuve ne doit pas être admise, fait défaut.

[50] La perfection n’est pas recherchée dans les motifs. Mais ils doivent expliquer, même minimalement, comment on en arrive à un résultat donné. Comme le rappelle la Cour dans Vavilov, « les cours de révision doivent garder à l’esprit le principe suivant lequel l’exercice de tout pouvoir public doit être justifié, intelligible et transparent non pas dans l’abstrait, mais pour l’individu qui en fait l’objet » (Vavilov, para 95).

[51] En fait, une justification défectueuse ne satisfait pas au besoin de transparence et d’intelligibilité qui fait qu’une décision sera raisonnable. Bien sûr une justification sur un élément périphérique ne devra pas être fatal. Ce sera autre chose si la question pour laquelle des motifs sont requis, par exemple lorsqu’il s’agit d’un élément essentiel de la décision.

[52] Lorsque la décision aura des répercussions personnelles importantes, ou pourra causer un préjudice grave, cela aura une incidence sur les motifs : « Lorsque la décision a des répercussions sévères sur les droits et intérêts de l’individu visé, les motifs fournis à ce dernier doivent refléter ces enjeux. Le principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées veut que le décideur explique pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour l’individu concerné » (Vavilov, para 133). Pour bien marquer l’importance des motifs, la majorité dans Vavilov écrit au paragraphe 135 :

[135] Bon nombre de décideurs administratifs se voient confier des pouvoirs extraordinaires sur la vie de gens ordinaires, dont beaucoup sont parmi les plus vulnérables de notre société. Le corollaire de ce pouvoir est la responsabilité accrue qui échoit aux décideurs administratifs de s’assurer que leurs motifs démontrent qu’ils ont tenu compte des conséquences d’une décision et que ces conséquences sont justifiées au regard des faits et du droit.

[53] Et ce n’est pas tout. La cour de révision doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement du décideur administratif. Mais la cour de révision ne doit pas élaborer ses propres motifs pour appuyer la décision administrative. La justification de la décision semble aussi importante que le résultat lui-même. « Autoriser une cour de révision à agir ainsi reviendrait à permettre à un décideur de se dérober à son obligation de justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée. Cela reviendrait également à adopter une méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui serait axée uniquement sur le résultat de la décision, à l’exclusion de la justification de cette décision » (Vavilov, para 96).

[54] La Cour d’appel fédérale dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, [2016] 4 RCF 230 [Singh], confirme que la décision sur l’admissibilité en preuve de nouveaux éléments est soumise à la norme de la décision raisonnable (para 29). De plus, la Cour d’appel considère les conditions du paragraphe 110(4) comme étant incontournables (para 35). Cela veut dire que d’autres critères, comme que la SAR tienne compte du caractère probant ou crédible d’une preuve, ne peuvent remplacer les exigences du paragraphe 110(4) (para 36) : ceux-ci doivent d’abord être satisfaits.

[55] La Demanderesse a prétendu que le refus de la SAR d’admettre le rapport procédait d’une mauvaise compréhension du droit. Elle a ajouté que la démarche suivie par la SAR manquait d’intelligibilité et de transparence. À mon avis, la Demanderesse a raison. Il faut revoir le refus d’admettre en preuve.

[56] Les motifs donnés par la SAR ne peuvent satisfaire la norme de la décision raisonnable vu leur transparence et intelligibilité. La SAR a clairement décidé que les critères du paragraphe 110(4) n’étaient pas rencontrés. Mais, ceci dit avec égards, on ne sait trop pourquoi à la lecture des paragraphes 12 à 20 de la décision de la SAR.

[57] La Demanderesse se plaint essentiellement que la SAR se serait livrée à une analyse confuse. Elle ne me semble pas avoir tort. À mon sens, la transparence et l’intelligibilité n’étaient pas au rendez-vous. La section de la décision de la SAR consacrée à la nouvelle preuve est constituée d’éléments disparates qui n’expliquent pas en quoi les critères ne sont pas rencontrés. Au mieux, le paragraphe 14 de la décision déclare qu’il n’y a « aucun fait survenu après le rejet de votre demande d’asile. » Mais le paragraphe 110(4) parle de deux autres situations où une preuve pourrait être admissible. Aucune allusion n’y est faite. À la place, la SAR traite d’autres sujets dont on recherche la pertinence quant à l’admissibilité de la preuve en appel. La Demanderesse relève que la SAR a introduit dans son analyse sur l’admissibilité de la nouvelle preuve la notion de personne vulnérable, suivant en cela la Directive 8 du Président. La pertinence de cet ajout n’est pas expliquée.

[58] Dès le paragraphe 13, la SAR se lance dans un exposé pour relever que la Demanderesse n’a pas demandé devant la SPR des mesures d’adaptation d’ordre procédural en vertu de la Directive 8 du Président concernant les personnes vulnérables devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Un long paragraphe y est consacré, sans qu’il mène à une quelconque conclusion. De fait, on ne connaît pas la pertinence de cet exposé. La Demanderesse prétend que la SAR spécule que la SPR a tenu compte des souffrances psychologiques et que celle-ci critique le rapport offert en preuve sans l’avoir accepté comme preuve. Je suis d’accord. Le but du rapport d’un psychothérapeute est à l’évidence de contrer les conclusions de la SPR sur les problèmes de mémoire de la Demanderesse à l’audience devant la SPR. Cela avait fait conclure à la SPR à un récit appris par la Demanderesse. La question était de déterminer si la preuve nouvelle à cet effet était admissible.

[59] L’examen des paragraphes 14 à 23 de la décision de la SAR me fait conclure à une certaine confusion. Elle semble considérer que la SPR a agi de manière à faciliter le témoignage pour, dans la même phrase, déclarer que le rapport thérapeutique ne peut avoir aucune influence sur le résultat (décision de la SAR, para 14) sans même dire comment la SAR en arrive à ce résultat. Si le rapport, dans la mesure où il serait admissible, peut avoir pour effet de curer les trous de mémoire qui ont miné la crédibilité de la Demanderesse, comment la SAR peut-elle dire que ce rapport n’aurait aucune influence? Comment se prononce-t-on sur la valeur probante au stade de l’admissibilité? Quelles sont les règles, le cadre d’analyse? Et pourquoi la valeur probante serait-elle si faible? Ce peut être, mais encore faudrait-il dire pourquoi. Il en est de même du commentaire au paragraphe 15 selon lequel « il n’en demeure pas moins que celui (le rapport) que vous présentez dans le cadre de votre appel ne peut pas, à lui seul, rétablir votre crédibilité. » La SAR ajoute au paragraphe 16 que « fondé sur un récit qui a perdu toute crédibilité, un rapport provenant d’un psychologue, d’un anthropologue ou d’un autre expert ne peut pas restituer au récit de la personne qui demande l’asile la crédibilité qui a été perdue ». Encore faudrait expliquer pourquoi dans ce qui aura été dit être le cadre d’analyse.

[60] La question centrale en l’espèce était la crédibilité de la Demanderesse. La SPR a noté à répétition dans sa décision que les problèmes de mémoire en l’absence d’explication étaient perçus comme étant plutôt le résultat d’un récit appris. Sans analyse, on ne sait pourquoi la SAR rejette ce que la Demanderesse présente comme preuve nouvelle sur la base que cette preuve ne pourrait racheter la crédibilité. Ceci dit avec égards, il n’y a ni transparence, ni intelligibilité dans leur examen.

[61] Alors que la question est de déterminer si une nouvelle preuve est admissible pour contrer la décision sur la crédibilité, la SAR me semble présenter une proposition tautologique alors qu’elle déclare au paraphe 16 que « fondé sur un récit qui a perdu toute crédibilité, un rapport provenant d’un psychologue, d’un anthropologue ou d’un autre expert ne peut pas restituer au récit de la personne qui demande l’asile la crédibilité qui a été perdue. » Mais la crédibilité est perdue parce que la Demanderesse éprouve des trous de mémoire au sujet même du récit. Le rapport du psychothérapeute n’est pas une fin en soi; il cherche à réhabiliter la crédibilité pour redonner de la valeur au récit. La cour de révision ne peut chercher à déterminer quel devrait être le résultat de l’analyse. Elle ne veut que l’analyse soit faite. Une fois faite, il faudra voir si la conclusion tirée est elle-même raisonnable.

[62] Finalement, la SAR critique le rapport du psychothérapeute en rappelant que tel rapport ne constitue pas en soi une preuve de la véracité des renseignements sur lesquels il repose. C’est certes vrai. Notre Cour l’a répété à de nombreuses reprises (Demberel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 731 au para 47; Owolabi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 2). Dans Saha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 304, on lit au paragraphe 16 :

[16] La SPR a le pouvoir discrétionnaire d’écarter la preuve psychologique lorsque le docteur ne fait que reprendre ce que le patient lui a dit quant aux motifs expliquant son stress, et qu’il en tire ensuite une conclusion médicale selon laquelle le patient souffre de stress en raison de ces motifs. C’est d’autant plus vrai quand la SPR rejette les faits sous‑jacents au diagnostic. En l’espèce, il n’y a eu aucun examen médical indépendant étayant l’évaluation psychologique et aucun autre fondement médical ne corrobore le diagnostic.

Une jurisprudence constante de notre Cour confirme qu’il ne faut pas voir dans des rapports d’ordre psychologique un remède universel (Egwuonwu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 231; Bradshaw c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2018 CF 632; N’kuly c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1121). C’est peut-être ce à quoi référait la SAR.

[63] Essentiellement, la SAR n’a pas expliqué en quoi les considérations mises de l’avant ont un effet sur l’admissibilité en preuve en vertu du paragraphe 110(4) de la Loi. Il n’est pas impossible qu’il y ait une pertinence à ce genre de considérations. Mais on ne sait pas. La cour de révision ne devrait pas s’immiscer dans le mérite de la question faisant l’objet du contrôle judiciaire puisque le Parlement, clairement, a laissé au décideur administratif le soin de disposer de la question d’admissibilité d’une nouvelle preuve sur la base de critères qui ont fait l’objet de législation. Ce n’est pas à la cour de révision de se substituer à la SAR et de chercher à interpréter le paragraphe 110(4) de la Loi. Je note que la Demanderesse a aussi invoqué l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 [Raza] quant à l’admissibilité de preuve nouvelle. En tout et partout, la SAR n’a pas étudié la portée du paragraphe 110(4) de la Loi et des trois possibilités d’admissibilité qui s’y trouvent, a fait une allusion en bas de page à l’arrêt Singh (précité) et n’a même fait allusion à l’arrêt Raza. Je note au passage que la Cour d’appel fédérale dans son étude du paragraphe 110(4) dans Singh voit à l’évidence un rôle pour l’arrêt Raza. On peut lire au paragraphe 49 de Singh que « Sous réserve de cette adaptation nécessaire, je suis donc d’avis que les critères implicites dégagés dans l’arrêt Raza trouvent également application dans le cadre du paragraphe 110(4). » Étant donné l’importance évidente de l’admissibilité de nouvelle preuve eu égard à la crédibilité attaquée, la question de l’admissibilité méritait mieux.

[64] Ici, ce qui aura fait défaut est le manque de justification et d’intelligibilité de la décision sur le refus d’admettre en preuve un nouvel élément. Cela aurait dû ramener la SAR à l’application de Singh et Raza. Vavilov se voulait un changement d’orientation en ce que la Cour veut créer une culture de la justification : « [n]ous insistons également sur la nécessité de développer et de renforcer une culture de la justification au sein du processus décisionnel administratif » (para 2). C’est ainsi que non seulement le résultat importe, mais aussi le raisonnement suivi pour y arriver doit être considéré. Les effets bénéfiques des motifs sont nombreux. Ils expliquent le processus décisionnel et la raison d’être de la décision. Ils permettent de démontrer que les arguments ont été pris en compte et que la décision est équitable; elle n’est pas arbitraire (Vavilov, au para 79).

[65] Les motifs ont aussi une fonction utilitaire. Ils inciteront les décideurs administratifs à mieux étudier leur propre raisonnement et ainsi mieux formuler leur analyse, la discipline de l’écrit (Vavilov, au para 80). L’importance des motifs est mise en exergue de la manière exposée aux paragraphes 81 et 84 de Vavilov :

[81] … Notre analyse prend donc comme point de départ que, lorsque des motifs sont requis, ceux‑ci constituent le mécanisme principal par lequel les décideurs administratifs démontrent le caractère raisonnable de leurs décisions, tant aux parties touchées qu’aux cours de révision. En conséquence, la communication des motifs à l’appui d’une décision administrative est susceptible d’avoir des répercussions sur sa légitimité, à la fois au regard de l’équité procédurale et du caractère raisonnable de ceux‑ci sur le fond.

[84] Comme nous l’avons expliqué précédemment, les motifs écrits fournis par le décideur administratif servent à communiquer la justification de sa décision. Toute méthode raisonnée de contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse avant tout aux motifs de la décision. Dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse », et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion : voir Dunsmuir, par. 48, citant D. Dyzenhaus, « The Politics of Deference: Judicial Review and Democracy », dans M. Taggart, dir., The Province of Administrative Law (1997), 279, p. 286.

[Je souligne]

[66] La cour de révision est donc invitée à comprendre le raisonnement du décideur administratif pour chercher à déterminer si la décision est raisonnable. Cela n’a pas été possible dans ce cas. La Cour suprême, dans Vavilov, a endossé la Cour d’appel fédérale dans Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, lorsque la Cour d’appel disait au paragraphe 28 que « le juge réformateur n’établit pas son propre critère pour ensuite jauger ce qu’a fait l’administrateur ». C’est plutôt que la cour de révision ne décide que du caractère raisonnable de la décision, ce qui, la Cour suprême précise, inclut le raisonnement suivi et le résultat.

[67] C’est ainsi que la cour de révision ne remplace pas les motifs produits par le décideur administratif. Il n’est pas inutile de le répéter. La Cour suprême considère que « [l]orsque le décideur omet de justifier, dans les motifs, un élément essentiel de sa décision, et que cette justification ne saurait être déduite du dossier de l’instance, la décision ne satisfait pas, en règle générale, à la norme de justification, de transparence et d’intelligibilité » (para 98). Le fait que la cour de révision pourrait considérer que le résultat est raisonnable ne l’autorise pas à faire abstraction du fondement erroné de ce résultat. C’est à mon avis le cas en l’espèce. La Cour dans Vavilov montre à quel point les motifs importent lorsqu’elle écrit au paragraphe 96:

Autoriser une cour de révision à agir ainsi reviendrait à permettre à un décideur de se dérober à son obligation de justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée. Cela reviendrait également à adopter une méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui serait axée uniquement sur le résultat de la décision, à l’exclusion de la justification de cette décision.

[68] Dans notre cas d’espèce, les motifs ne démontrent pas un raisonnement intrinsèquement cohérent. La question est de déterminer si le rapport d’un psychothérapeute est admissible en appel devant la SAR en fonction, d’abord et avant tout, du paragraphe 110(4) de la Loi. Or, la SAR déclare, mais n’explique pas, que le rapport est inadmissible parce qu’aucun fait ne serait survenu depuis la décision de la SPR. Comme la Cour suprême, dans Vavilov, le souligne, « [l]es motifs qui « ne font que reprendre le libellé de la loi, résumer les arguments avancés et formuler ensuite une conclusion péremptoire » permettent rarement à la cour de révision de comprendre le raisonnement qui justifie une décision, et [traduction] « ne sauraient tenir lieu d’exposé de faits, d’analyse, d’inférences ou de jugement » » (citant R. A. Macdonald et D. Lametti, « Reasons for Decision in Administrative Law » (1990), 3 R.C.D.A.P. 123, p. 139, (Vavilov, para 102). Qui plus est, le paragraphe 110(4) comporte deux autres volets qui auraient dû être examinés.

[69] Il eut fallu, à mon sens, expliquer pourquoi le paragraphe 110(4) ne trouve pas application. La Demanderesse croit de toute évidence que la création du rapport après la décision de la SPR constitue un élément de preuve qui remplit une des conditions du paragraphe 110(4). Comme dit plus tôt, le paragraphe 110(4) est incontournable selon notre Cour d’appel dans Singh. Mais la portée du paragraphe méritait mieux pour une Demanderesse pour qui cette décision est d’une importance capitale.

[70] Selon Singh, les facteurs de l’arrêt Raza ne sont pas exclus de toute analyse lorsqu’on tente de déterminer l’admissibilité. Je rappelle que la Cour d’appel dans Singh a conclu que les conditions implicites d’admissibilité dégagées dans Raza (au sujet de l’alinéa 113a) de la Loi, dont le texte ressemble fort au para 110(4) de la Loi), ont leur utilité dans le cadre de l’examen des conditions du paragraphe 110(4). Mais les critères de Raza viennent s’ajouter au critère de la preuve nouvelle, ils ne contrebalancent pas ceux-ci. Comme le dit la Cour d’appel dans Singh, « [o]n voit mal, notamment, comment la SAR pourrait admettre une preuve documentaire qui ne serait pas crédible » (para 44). Malheureusement, l’analyse complète de l’admissibilité de la nouvelle preuve est manquante dans le cas d’espèce.

IV. Conclusion

[71] L’absence d’articulation de motifs pour déclarer que le nouvel élément de preuve n’est pas admissible est fatal en l’espèce. On aurait pu croire qu’il aurait fallu exposer, même brièvement, le contenu du rapport que la Demanderesse voulait déposer et utiliser. Cela fait, il pourrait être approprié d’appliquer le cadre d’analyse de Singh qui importe les critères dégagés dans Raza. La décision quant à l’admissibilité peut ainsi être articulée pour arriver à un raisonnement qui sera raisonnable.

[72] Deux commentaires m’apparaissent pertinents. Le premier est que cette Cour ne se prononce en aucune manière quant à l’admissibilité, ou non, de la preuve que la Demanderesse veut produire en appel. Cette décision est du ressort exclusif de la SAR. La décision de la Cour porte sur la présence de transparence et d’intelligibilité, rien de plus.

[73] Le deuxième consiste à reproduire la fin de paragraphe 49 de Singh :

Non seulement les exigences mentionnées dans l’arrêt Raza vont‑elles de soi et ont-elles largement été appliquées par les tribunaux dans une foule de contextes juridiques, mais il y a au surplus de très bonnes raisons qui expliquent pourquoi le législateur préconiserait une approche restrictive quant à l’admissibilité de nouvelles preuves en appel.

D’ailleurs, la Cour d’appel dans Singh acceptait sans réticence le commentaire de la SAR fait dans cette même affaire, au paragraphe 20 de la décision de la SAR :

Le fait que des éléments de preuve corroborent des faits, contredisent des conclusions de la SPR ou qu’ils précisent la preuve dont celle-ci était saisie ne fait pas d’eux une « preuve nouvelle » au sens du paragraphe 110(4) de la Loi. Si tel était le cas, les demandeurs d’asile pourraient diviser leur preuve et présenter devant la SAR à l’étape de l’appel des éléments qui auraient pu l’être dès le départ devant la SPR. Or, à mon avis, c’est précisément ce que le paragraphe 110(4) de la Loi vise à empêcher.

[notes de bas de page omises]

[74] Il n’y pas lieu d’examiner d’autres raisons invoquées par la Demanderesse pour prétendre que la décision est déraisonnable. Il est préférable que la SAR détermine d’abord la question de la nouvelle preuve, si elle est admissible ou non et son effet si elle est admissible, avant qu’une cour n’examine d’autres arguments qui peuvent être affectés par l’admission possible de la nouvelle preuve. Si la preuve n’est pas admissible il n’est peut-être pas utile d’aller plus loin. Mais la nouvelle formation de la SAR qui entendra la nouvelle détermination aura le loisir d’agir sur toute question alors soulevée si elle le juge approprié.

[75] Il en résulte que la demande de contrôle judiciaire est accordée. L’appel de la Demanderesse devra être entendu par une formation différence de la SAR qui rendra une décision sur l’ensemble des motifs d’appel, et non seulement sur la seule question de la preuve dite nouvelle.

[76] Les parties n’ont pas demandé qu’une question soit certifiée. De fait, il n’y a pas de question grave de portée générale.

 


JUGEMENT au dossier IMM-6665-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accordée.

  2. L’appel de la Demanderesse devra être entendu par une formation différence de la SAR qui rendra une décision sur l’ensemble des motifs d’appel, et non seulement sur la seule question de la preuve dite nouvelle.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6665-20

INTITULÉ :

GERNA CLAIRE GOUELE MAFOUMBA ET DAVID AARON FRASER c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 OCTOBRE 2021

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

LE 30 novembre 2021

COMPARUTIONS :

François Kasendra Kabemba

Pour leS demandeurS

 

Charles Maher

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet François K. Law Office

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour leS demandeurS

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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