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Date : 20040903

Dossier : IMM-3349-03

Référence : 2004 CF 1212

ENTRE :

                                                          FAWZI KHALIL AGHA

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                Fawzi Khalil Agha est un jeune Pakistanais apatride né au Kuwait et éduqué ici et au Liban. Il y a trois ans, alors qu'il était âgé de 19 ans, il s'est rendu aux États-Unis grâce à un visa d'étudiant. Il n'avait pas l'intention d'y étudier. Une semaine plus tard, il est entré au Canada et il a déposé une demande d'asile.


[2]                Il prétend, à l'appui de sa demande, que pendant qu'il était au Liban, il a résisté aux tentatives de recrutement du Fatah. Plus particulièrement, un soir, au début du mois de mars 2001, des hommes armés se seraient introduits chez lui par la force et ils l'auraient menacé. Craignant pour sa vie, et croyant qu'il avait besoin de protection internationale, le demandeur a quitté le Liban pour se rendre au Canada.

[3]                La Commission de l'immigration et du statut de réfugié ne l'a pas cru. Son Formulaire de renseignements personnels (FRP) ne mentionnait pas les menaces proférées par des hommes armés et il avait pris des mesures afin d'obtenir son visa américain avant cet incident. La Commission a décidé qu'il n'avait pas qualité de réfugié ni de personne à protéger et elle a rejeté sa demande. Il s'agit, en l'espèce, d'une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

Les arguments du demandeur

[4]         L'avocat de M. Agha prétend qu'il existe une explication raisonnable du fait que l'incident concernant les hommes armés n'a pas été mentionné dans le FRP. Il s'agit tout simplement d'un détail parmi tant d'autres relativement à la situation difficile dans laquelle il s'était trouvé. Certes, il n'est pas nécessaire de fournir une liste exhaustive de tous les détails. Il ne s'agit pas en l'espèce d'une situation dans laquelle il y a des incohérences entre le FRP et le témoignage oral pouvant permettre de penser que les motifs de la demande ont été inventés.

[5]                Il a ajouté que ce n'est pas à ce moment-là que les problèmes du demandeur ont commencé ni d'ailleurs qu'ils ont pris fin. La question est de savoir si M. Agha a qualité de réfugié ou de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.


[6]                Il a laissé entendre que la Commission n'avait pas été très logique en décidant qu'il n'était pas un réfugié parce qu'il avait pris des mesures afin d'obtenir son visa avant que les hommes armés ne s'introduisent chez lui par la force.

[7]                Il a également critiqué le fait que la Commission n'ait pas cru que le recrutement forcé se produisait dans les camps du Liban. La Commission était saisie de renseignements provenant de sa propre division de recherche qui avaient été fournis par un professeur spécialiste des questions libanaises. Il a dit qu'il n'avait jamais entendu parler de recrutement forcé et il doutait fort qu'une telle pratique se produisait dans les camps à cause de la concurrence entre les multiples factions palestiniennes. Ces renseignements étaient datés du mois d'août 2002.

[8]                Par contre, M. Agha préfère un rapport du service de l'immigration du Danemark qui remonte à 1998 qui dit que presque toutes les organisations palestiniennes étaient présentes dans les camps et que les chicanes internes rendaient la situation très tendue.

Les arguments du défendeur


[9]         Le ministre prétend que la Commission était justifiée de tirer des conclusions négatives parce que le FRP ne mentionnait pas le principal élément des arguments de M. Agha, que sa preuve était vague, que sa preuve était très contradictoire au sujet des circonstances entourant son départ du Liban et qu'il n'était pas déraisonnable de préférer des renseignements écrits sur le pays au témoignage non corroboré du demandeur.

ANALYSE

[10]       Certes, la connaissance de la situation qui règne dans un pays est nécessairement fondée sur une accumulation d'ouï-dire divers, mais il faut avoir des renseignements pour apprécier une demande. Cette appréciation relève de la compétence de la Commission qui se spécialise dans ces questions. La Cour ne saurait conclure que la Commission a commis une erreur en privilégiant certains renseignements plutôt que d'autres. Il faut également tenir compte du fait que la Commission, contrairement à la Cour, a l'avantage d'entendre les témoins plutôt que de lire une transcription (Takhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 240 (QL)).

[11]            L'avocat de M. Agha insiste sur ce qui, selon lui, serait des erreurs commises dans la décision ci-dessous. Toutefois, comme l'a dit le juge Joyal dans Miranda c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 63 F.T.R. 81 :

S'il est vrai que les plaideurs habiles peuvent découvrir quantité d'erreurs lorsqu'ils examinent des décisions de tribunaux administratifs [...]


La question est de savoir si une erreur est déterminante dans la décision. Nous avons été également mis en garde contre un examen acharné effectué à la loupe. Voir Annalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 6 Imm. L.R. (3rd) 316, Rivera-Velasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1322 et Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 548.

[12]            Une conclusion de fait tirée par la Commission ne doit être modifiée que si elle est manifestement déraisonnable (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).

[13]            M. Agha se fonde sur Bastos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 662, (2001), 15 Imm. L.R. (3d) 167, décision du juge O'Keefe. Je ne crois pas que cette affaire nous soit utile. Dans cette affaire, la Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible parce que son FRP contenait plus de détails que son témoignage oral. Le contraire est vrai en l'espèce. Le juge O'Keefe a dit, au paragraphe 27 :

[...] On ne saurait s'attendre à ce qu'une personne se rappelle dans les moindres détails ce qui a été consigné par écrit dans ce cas-ci, étant donné que le FRP a été rempli par l'avocat, qui avait recueilli les renseignements par l'entremise d'un interprète [...]

[14]            En l'espèce, M. Agha a lui-même rédigé le FRP en arabe, et le formulaire a été traduit par la suite. La décision Bastos ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de ne pas avoir décrit, dans le FRP, la raison principale sur laquelle était fondée la demande d'asile.

[15]            Je n'ai trouvé aucune erreur manifestement déraisonnable et je dois donc rejeter la demande.

          « Sean Harrington »          

Juge                     

Ottawa (Ontario)

le 3 septembre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL. B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-3349-03

INTITULÉ :               FAWZI KHALIL AGHA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 31 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 3 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Patrick-Claude Carron                                                  POUR LE DEMANDEUR

Marie-Claude Paquette                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alepin Gauthier avocats                                                 POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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