Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20211201


Dossier : T-129-20

Référence : 2021 CF 1336

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2021

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

ARK INNOVATION TECHNOLOGY INC.

ET ARK PLATFORMS INC.

demanderesses

et

MATIDOR TECHNOLOGIES INC. ET

WING CHUEN LAM ALIAS VINCENT LAM

défendeurs


VERSION PUBLIQUE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS

I. Aperçu

[1] Vincent Lam est fondateur et ancien dirigeant d’Ark Platforms Inc., qui a développé et commercialisé un logiciel de gestion de projet fondé sur des données cartographiques sous le nom d’« Arkit ». Environ un an après son départ d’Ark Platforms en 2017, M. Lam et sa nouvelle entreprise, Matidor Technologies Inc., ont commencé à commercialiser et à octroyer des licences de logiciel de gestion de projets fondé sur des données cartographiques sous le nom de « Matidor ». Les demanderesses, Ark Platforms et l’entreprise qui lui a succédé, Ark Innovation Technology Inc., affirment que M. Lam et Matidor ont violé le droit d’auteur relatif au logiciel et au matériel promotionnel d’Arkit contrairement aux dispositions de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42, et se sont livrés à de la commercialisation trompeuse en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‐13.

[2] Les défendeurs admettent que le logiciel Matidor a porté atteinte au droit d’auteur sur le logiciel Arkit, mais ils contestent l’allégation de commercialisation trompeuse. Ils contestent également la réclamation des demanderesses de 900 000 $ en dommages-intérêts et de 75 000 $ en dommages-intérêts punitifs, ainsi que certains aspects de l’injonction sollicitée. L’action des demanderesses a été instruite par voie de procès sommaire, et c’est dans ce cadre que ces questions ont été examinées.

[3] Je conclus que les défendeurs ont commis une violation du droit d’auteur et qu’ils se sont livrés à de la commercialisation trompeuse pendant une certaine période en 2019, et j’accorde des dommages-intérêts de 277 400 $. J’ordonne également aux défendeurs de remettre le matériel contrefait et je leur interdis de se livrer à d’autres violations du droit d’auteur, conformément aux modalités décrites ci-dessous. Je refuse d’ordonner l’octroi de dommages‐intérêts punitifs.

II. Questions et points litigieux

[4] Les questions ci-après ont été soulevées dans les mémoires des faits et du droit des parties et leurs observations orales lors de l’instruction du procès sommaire :

  1. S’agit-il d’une affaire appropriée pour un procès sommaire?

  2. Les défendeurs ont-ils porté atteinte au droit d’auteur des demanderesses et, le cas échéant, pendant quelle période?

  3. Les défendeurs se sont-ils livrés à des pratiques de commercialisation trompeuse?

  4. Quelles sont les réparations appropriées et, en particulier :

  • (1) Quels dommages-intérêts, le cas échéant, devraient être accordés?

  • (2) Quelle est la portée appropriée d’une injonction et d’une ordonnance concernant la remise du matériel contrefait?

[5] Certaines de ces questions ne sont pas contestées. Les parties conviennent que le procès sommaire est approprié et demandent à la Cour de juger l’affaire en fonction des éléments de preuve et des observations présentés au procès sommaire. Les défendeurs admettent qu’ils ont porté atteinte au droit d’auteur des demanderesses, bien que la portée et l’effet de cette reconnaissance fassent l’objet de certaines contestations. En particulier, les défendeurs reconnaissent que la version originale du logiciel Matidor, ainsi que deux versions subséquentes qui ont fait l’objet d’une preuve d’expert [la « version de décembre 2019 » et la « version de juin 2020 »], portent atteinte au droit d’auteur des demanderesses sur le logiciel Arkit. Toutefois, ils affirment qu’ils ont continué de modifier le logiciel Matidor après le mois de juin 2020 et que les demanderesses n’ont pas établi que les versions ultérieures, et en particulier la version actuelle, constituent une violation du droit d’auteur. Les défendeurs nient s’être livrés à des pratiques de commercialisation trompeuse et cherchent à obtenir le rejet de cet aspect de l’action des demanderesses.

[6] En ce qui concerne les réparations, les défendeurs contestent la demande des demanderesses visant l’octroi de dommages-intérêts et dommages-intérêts punitifs. Ils acceptent que la Cour rende une injonction et une ordonnance exigeant la remise de toute copie contrefaite des œuvres pertinentes, mais soutiennent que l’injonction et l’ordonnance de remise du matériel contrefait ne devraient pas leur interdire de mentionner ou d’utiliser les œuvres « dérivées de » reproductions de parties importantes des œuvres, comme le demandent les demanderesses.

[7] Après avoir brièvement passé en revue les questions en litige, je vais maintenant résumer la preuve déposée avant d’examiner plus en détail les observations des parties.

III. La preuve présentée par les parties dans le cadre du procès sommaire

A. La preuve des demanderesses

[8] La requête en procès sommaire a été instruite sur la base des dossiers écrits déposés par les parties. Celles-ci n’ont pas sollicité, au titre du paragraphe 216(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, une ordonnance pour obliger un témoin à se présenter à un contre‐interrogatoire devant la Cour.

[9] Les demanderesses ont déposé sept affidavits : deux de représentants des demanderesses, Christopher Kam et Linus Yuen; deux d’un témoin expert, Juseop Lim, dans lesquels ce dernier comparait le logiciel Arkit aux versions de décembre 2019 et de juin 2020 du logiciel Matidor, respectivement; deux d’enquêteurs privés, Sydney Hallmark et Paige Renout; un de Sylvia Li, assistante juridique, qui traitait de communications et de documents non contestés. Les demanderesses ont également déposé la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Lam, les réponses aux engagements pris lors de cet interrogatoire, et les transcriptions des contre‐interrogatoires des déposants des défendeurs, M. Lam et Jason Madar.

[10] J’examinerai la teneur de la preuve des demanderesses au regard des questions pertinentes dans mon analyse ci-dessous. Cependant, je fais deux observations préliminaires concernant cette preuve.

[11] Premièrement, les demanderesses ont déposé la totalité de la transcription de l’interrogatoire préalable de M. Lam, dans l’espoir manifeste que la Cour « intègre » à la preuve des parties de cette transcription lors du procès sommaire, de la même manière que la Cour intègre normalement à la preuve, conformément aux articles 288 et 289 des Règles, l’information obtenue à l’enquête préalable lors de l’instruction. Or, dans le cadre d’un procès sommaire, la preuve n’est pas présentée de la même manière que dans le cadre d’un procès. Dans un procès, la présentation de la preuve est régie par les articles 271 à 291 des Règles, alors que dans un procès sommaire, elle est régie par le paragraphe 216(1), qui prévoit que la preuve doit figurer dans le dossier de requête :

Dossier de requête en procès sommaire

Motion record for summary trial

216 (1) Le dossier de requête en procès sommaire contient la totalité des éléments de preuve sur lesquels une partie compte se fonder, notamment :

216 (1) The motion record for a summary trial shall contain all of the evidence on which a party seeks to rely, including

a) les affidavits;

(a) affidavits;

b) les aveux visés à la règle 256;

(b) admissions under rule 256;

c) les affidavits et les déclarations des témoins experts établis conformément au paragraphe 258(5);

(c) affidavits or statements of an expert witness prepared in accordance with subsection 258(5); and

d) les éléments de preuve admissibles en vertu des règles 288 et 289.

(d) any part of the evidence that would be admissible under rules 288 and 289.

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

[12] Par conséquent, c’est l’inclusion de parties d’une transcription de l’interrogatoire préalable dans le dossier de requête qui fait en sorte qu’elles font partie du dossier de preuve relatif à la requête en procès sommaire, sans qu’il soit nécessaire de les faire intégrer lors de l’instruction du procès sommaire. La partie adverse peut s’opposer à l’inclusion d’une transcription de l’interrogatoire préalable ou d’une partie de celle-ci au motif que, par exemple, la preuve n’est pas admissible en vertu des articles 288 ou 289 des Règles. Cependant, en incluant la transcription dans le dossier de requête, la partie qui le fait indique qu’il s’agit d’« éléments de preuve sur lesquels [elle] compte se fonder ». Je note que, bien que la question n’ait pas donné lieu à un différend entre les parties en l’espèce, à mon avis, si une partie inclut la transcription de l’interrogatoire préalable d’une partie adverse, en tout ou en partie, dans son dossier de requête, cette preuve fait alors partie du dossier et l’une ou l’autre des parties peut y référer et l’invoquer.

[13] Deuxièmement, les demanderesses ont déposé dans leur dossier de requête non seulement la transcription complète de l’interrogatoire préalable de M. Lam, mais aussi toutes les réponses données par les défendeurs aux engagements pris lors de cet interrogatoire (y compris tous les documents produits en réponse à ces engagements, séparément et en tant que pièce jointe à l’affidavit de Mme Li), et tous les documents produits par les défendeurs énumérés dans leur affidavit de documents (en tant que pièce jointe à l’affidavit de Mme Li). Bon nombre de ces documents n’ont pas été mentionnés dans les observations écrites ou orales des demanderesses. Bien qu’il puisse sembler préférable qu’une partie qui présente une requête en procès sommaire dépose « tout » ce dont elle dispose afin d’éviter d’oublier des éléments dont elle pourrait avoir besoin, en particulier lorsque les documents sont déposés de manière électronique, il est important que les parties se rappellent et reconnaissent qu’aux termes de l’article 216 des Règles, chaque partie doit inclure dans sa requête uniquement les éléments de preuve sur lesquels elle compte se fonder.

B. La preuve des défendeurs

[14] Les défendeurs ont déposé deux affidavits de M. Lam, le deuxième visant simplement à corriger une erreur dans l’une des pièces jointes au premier, et un affidavit d’un expert, Jason Madar, où ce dernier compare le logiciel Arkit aux versions de décembre 2019 et de juin 2020 du logiciel Matidor. Les défendeurs ont également déposé la transcription de leur contre-interrogatoire de M. Kam. Les autres déposants des demanderesses, M. Yuen, M. Lim, Mme Halmark, Mme Renout et Mme Li, n’ont pas été contre-interrogés.

[15] Aucune des parties n’a contesté la compétence des experts de l’autre partie. Comme les défendeurs ont reconnu la violation du droit d’auteur, les parties ont mis moins l’accent sur la preuve d’expert au procès sommaire.

IV. Analyse

A. Il s’agit d’une affaire appropriée pour un procès sommaire

[16] La Cour rejette une requête en procès sommaire si « les questions soulevées ne se prêtent pas à la tenue d’un procès sommaire » ou si « un procès sommaire n’est pas susceptible de contribuer efficacement au règlement de l’action » : paragraphe 216(5) des Règles. Inversement, la Cour peut rendre un jugement si elle est « convaincue de la suffisance de la preuve pour trancher l’affaire, indépendamment des sommes en cause, de la complexité des questions en litige et de l’existence d’une preuve contradictoire », à moins que la Cour ne soit d’avis qu’« il serait injuste de trancher les questions en litige » : paragraphe 216(6) des Règles.

[17] Comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé récemment, ces dispositions doivent être interprétées et appliquées conformément au principe général énoncé à l’article 3, à savoir de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible : Viiv Healthcare Company c Gilead Sciences Canada, Inc., 2021 CAF 122 aux para 35-37. Pour évaluer s’il convient de tenir un procès sommaire, des questions telles que la complexité de l’affaire, l’urgence, le coût, le temps, les preuves d’experts, et la question de savoir si un procès sommaire risque de donner lieu à un « morcellement du litige », sont des facteurs pertinents : Viiv Healthcare, au para 38, citant avec approbation Wenzel Downhole Tools Ltd. c National-Oilwell Canada Ltd., 2010 CF 966 au para 38; Bosa c Canada (Procureur général), 2013 CF 793 au para 22; Tremblay c Orio Canada Inc., 2013 CF 109 au para 24.

[18] En l’espèce, les parties acceptent que l’affaire soit instruite par voie de procès sommaire. À mon avis, bien que ce consentement ne puisse pas être déterminant, il s’agit d’un facteur important pour évaluer si l’affaire est « appropriée » pour la tenue d’un procès sommaire « juste » : Tremblay, au para 26; Boulangerie Vachon Inc. c Racioppo, 2021 CF 308 aux para 8, 12. Si toutes les parties sont prêtes à procéder par voie de procès sommaire, à savoir de façon simplifiée et généralement moins coûteuse, cela indique qu’il est juste de procéder de la sorte. Je crois que, dans de telles circonstances, la Cour devrait être réticente à exiger que les parties engagent des frais supplémentaires et subissent des délais additionnels pour qu’un procès complet soit tenu.

[19] En ce qui a trait aux autres facteurs, les questions en litige en l’espèce sont détaillées sans être excessivement complexes, principalement en ce qui concerne l’existence de pratiques de commercialisation trompeuse et les réparations. La preuve, contenue dans les transcriptions et affidavits décrits précédemment, est suffisante pour trancher ces questions. Il peut y avoir contradiction entre certains éléments de preuve, ce qui soulève certaines questions de crédibilité, particulièrement en ce qui concerne la décision des demanderesses de changer son nom. Toutefois, les éléments de preuve contradictoires et les questions de crédibilité n’empêchent pas la tenue d’un procès sommaire, à moins qu’il ne soit injuste de trancher ces questions sans procès : art 216(6); Kwan Lam c Chanel S. de R.L., 2016 CAF 111 au para 16. Chaque partie a traité des éléments de preuve contradictoires dans ses observations et aucune n’a laissé entendre que l’affaire n’était pas appropriée pour un procès sommaire. Il n’y a aucun risque de « morcellement du litige », car la Cour a été en mesure d’examiner toutes les questions en litige et pourra statuer sur toutes ces questions dans le cadre du procès sommaire.

[20] Je conviens donc avec les parties que l’affaire est appropriée pour la tenue d’un procès sommaire, que cela pourrait permettre de faciliter la résolution efficace de l’action et qu’il ne serait pas injuste de trancher les questions en litige par voie de procès sommaire.

B. Les défendeurs ont commis une violation du droit d’auteur

(1) Les œuvres en cause

[21] Les demanderesses allèguent que les défendeurs ont commis une violation du droit d’auteur relativement à cinq œuvres : le logiciel Arkit; deux documents promotionnels prenant la forme d’études de cas de clients d’Arkit; une fiche de produit pour le logiciel Arkit; une vidéo promotionnelle [collectivement, les œuvres Arkit]. Elles allèguent que chacune des œuvres Arkit a été créée par des employés d’Ark Platforms (y compris, dans certains cas, M. Lam) dans l’exercice de leur emploi, et qu’Ark Platforms était donc le premier titulaire du droit d’auteur des œuvres Arkit aux termes du paragraphe 13(3) de la Loi sur le droit d’auteur.

[22] Ark Platforms a cédé ses actifs, y compris les droits de propriété intellectuelle, à Ark Innovation en février 2019. Les demanderesses allèguent donc qu’Ark Innovation est propriétaire du droit d’auteur sur les œuvres Arkit. Les défendeurs reconnaissent qu’Ark Innovation est propriétaire du droit d’auteur, mais soulèvent des questions concernant la vente des actifs devant un autre tribunal. Avoir que j’aurai décrit plus en détail les œuvres, je traiterai de la vente des actifs et de ce litige.

a) Le logiciel Arkit

[23] Arkit est un logiciel de gestion de projets fondé sur des données cartographiques, offert sous forme de plateforme de logiciel-service (SaaS). Selon ce qui est décrit dans l’affidavit de M. Kam et dans les éléments de preuve documentaire et vidéo, Arkit permet aux clients qui ont plusieurs projets dans différents emplacements géographiques de visualiser ces emplacements sur une carte et de gérer les projets au moyen de données géospatiales filtrables et grâce à la collaboration des participants, au suivi des tâches et du budget, à la collecte de documents et à la messagerie de l’application. Les clients paient des frais d’abonnement et de licence annuels pour accéder au logiciel Arkit au moyen d’un navigateur Web. Le logiciel a été principalement commercialisé dans les secteurs du pétrole et du gaz, de l’environnement et des services énergétiques.

[24] Le logiciel Arkit a été développé pour la première fois par Ark Platforms, entreprise fondée par M. Kam et M. Lam à la fin de l’année 2011. M. Lam a géré le développement de logiciels et, pendant l’exercice de ses fonctions au sein d’Ark Platforms, il a rédigé le code Arkit avec M. Yuen et d’autres personnes. Le logiciel Arkit a été développé au fil du temps et continue d’être développé et modifié.

[25] Les témoins conviennent que le logiciel Arkit peut être décrit comme étant pourvu d’un « frontal », qui gère l’interface utilisateur comme des icônes, des menus et des images vues par l’utilisateur, et d’une « dorsale », qui est la partie fonctionnelle du programme qui organise et manipule les données de projet, contrôle la fonctionnalité du programme, partie à laquelle ne peut accéder un utilisateur. Dans ces catégories générales, le logiciel est organisé au moyen de nombreux dossiers et de fichiers, et comprend des centaines de milliers de lignes de code. Les parties conviennent cependant que le logiciel Arkit, dans son ensemble, constitue un « programme d’ordinateur » unique et une « œuvre littéraire » au sens de l’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur.

b) Le matériel promotionnel

[26] Les demanderesses soutiennent également qu’il y a eu violation du droit d’auteur relativement à quatre œuvres promotionnelles. Les deux premières sont des études de cas décrivant l’utilisation du logiciel Arkit par un client, intitulées « Medicine Hat – The Gas City » et « Summit Liability Solutions – A Customer Story » respectivement. Ces études de cas décrivent la façon dont le logiciel Arkit a été utilisé par les clients, les résultats positifs obtenus, et fournissent des témoignages de clients. Le troisième document promotionnel est une fiche de produit d’une page qui fournit un aperçu du logiciel et de ses caractéristiques, tout en identifiant un certain nombre de clients d’Arkit en montrant leurs logos. La quatrième est une vidéo promotionnelle de deux minutes intitulée « Say Hello to Arkit », qui donne aux éventuels clients un aperçu de la nature du logiciel Arkit et de ses capacités.

c) La vente des actifs

[27] Comme nous l’avons mentionné, Ark Platforms a vendu ses actifs, y compris ses droits de propriété intellectuelle, à Ark Innovation en février 2019. Les défendeurs admettent qu’Ark Innovation est propriétaire du droit d’auteur des œuvres en cause, mais la vente des actifs fait l’objet d’un litige devant la Cour suprême de la Colombie‐Britannique (dossier numéro VLC-S-202384). L’instance en Colombie-Britannique a été introduite par M. Lam par voie de requête contre les demanderesses, M. Kam, et d’autres personnes. Elle vise à obtenir une déclaration portant que la vente des actifs était abusive ou injustement préjudiciable à M. Lam en tant qu’actionnaire d’Ark Platforms. Elle vise également à obtenir une ordonnance annulant la vente des actifs et d’autres réparations. Dans la requête de M. Lam et dans la réponse que les demanderesses et d’autres y donnée, les parties soulèvent un certain nombre d’allégations factuelles concernant l’ancien emploi de M. Lam auprès d’Ark Platforms, les circonstances de son départ, les demandes formulées pour obtenir son salaire impayé et le remboursement d’autres dettes, la relation entre les deux entreprises Ark, et le prix d’achat de la vente des actifs.

[28] Les questions en litige dans l’instance de la Colombie-Britannique ne sont pas en litige dans l’affaire qui nous occupe. Les défendeurs ont initialement contesté la propriété du droit d’auteur d’Ark Innovation lorsque cette action a été intentée uniquement au nom d’Ark Innovation. Toutefois, après que la déclaration a été modifiée pour ajouter Ark Platforms en tant que demanderesse, les défendeurs ont reconnu que la propriété n’était plus une question pertinente.

[29] Chaque partie a soulevé des allégations factuelles concernant l’historique de la relation entre M. Lam, M. Kam, Ark Platforms et Ark Innovation, mais notre Cour n’a pas compétence pour trancher les questions relatives aux demandes de réparation pour abus soulevées dans l’instance introduite en Colombie-Britannique et n’a pas besoin d’examiner ces questions pour trancher la présente affaire. Notre Cour ne dispose pas non plus des éléments de preuve nécessaires pour tirer des conclusions sur le prix d’achat des actifs, sauf pour faire remarquer qu’il fait l’objet d’une contestation. Je reviendrai sur cette question plus loin puisque les parties ont fait référence à la vente des actifs dans leurs observations sur les dommages-intérêts.

(2) Les allégations de violation du droit d’auteur

[30] M. Lam, un des cofondateurs d’Ark Platforms en 2011, est devenu directeur principal des technologies de l’entreprise en 2014, puis son président-directeur général. Il a démissionné de son poste chez Ark Platforms le 31 août 2017 après s’être brouillé avec M. Kam.

[31] Évoquant des inquiétudes relatives à de possibles représailles et préjudices de la part de M. Kam, M. Lam a conservé des copies de son travail chez Ark Platforms, y compris une copie du code source d’Arkit en date d’août 2017, ainsi que divers éléments du matériel de marketing d’Ark. Vers la fin de l’année 2018, M. Lam a commencé à développer le logiciel Matidor en utilisant la copie du code source du logiciel Arkit comme point de départ, compte tenu de sa conviction qu’Ark Platforms était [traduction] « en voie de disparition progressive ». En décembre 2018, M. Lam disposait d’une version du logiciel Matidor qui était, en fait, la version du mois d’août 2017 du logiciel Arkit, mais les noms « Ark Platforms » et « Arkit » avaient été changés pour « Matidor ».

[32] Entre décembre 2018 et décembre 2019, Matidor a communiqué avec de nombreux clients éventuels. À l’automne 2019, les défendeurs ont publié une version du logiciel Matidor accessible au public. Lors de son interrogatoire préalable, M. Lam a reconnu que la version de décembre 2019 de Matidor était [traduction] « le code Arkit, mais rebaptisé “Matidor” ». Dans son premier affidavit, M. Lim estimait que, outre le changement de nom d’Arkit pour Matidor dans le code, environ 98 % des lignes de code étaient identiques et qu’à neuf exceptions près, les 1 007 fichiers image du logiciel étaient identiques.

[33] De plus, dans la période de décembre 2018 à décembre 2019, Matidor a préparé du matériel de marketing pour le logiciel Matidor, qui était simplement une copie du matériel promotionnel du logiciel Arkit, où le nom et le logo Arkit avaient été remplacés par le nom et le logo Matidor. Ce matériel comprenait les études de cas « Medicine Hat » et « Summit Liability Solutions », la fiche de produit et la vidéo « Say Hello to Arkit », désormais intitulée « Say Hello to Matidor ».

[34] Ark Innovation a appris l’existence de Matidor et de la vidéo « Say Hello to Matidor » en avril 2019. En décembre 2019, Ark Innovation a retenu les services de Mme Hallmark pour enregistrer M. Lam alors qu’il faisait une démonstration vidéo du logiciel Matidor. En lisant le rapport de Mme Hallmark et en visitant le site Web de Matidor, Ark Innovation a également appris l’existence d’autres articles promotionnels de Matidor. Le 23 décembre 2019, l’avocat d’Ark Innovation a écrit à M. Lam pour faire valoir les droits d’auteur de sa cliente sur le logiciel Arkit et le matériel promotionnel, alléguant une violation du droit d’auteur et des pratiques de commercialisation trompeuse, et exigeant la suppression immédiate de la violation.

[35] Les défendeurs n’ont pas répondu à la mise en demeure. Toutefois, ils ont retiré le matériel promotionnel du site Web de Matidor et « accéléré » le développement du logiciel Matidor. L’absence de réponse satisfaisante a conduit au dépôt de la présente action en janvier 2020.

[36] Les défendeurs ont continué de commercialiser le logiciel Matidor. Dans le cadre du présent litige, les défendeurs ont produit la version de juin 2020 du logiciel Matidor, lequel constitue l’objet du deuxième affidavit de M. Lim. Bien que les affidavits de M. Lim portent respectivement sur les versions de décembre 2019 et de juin 2020 du logiciel Matidor, les allégations des demanderesses ne se limitent pas à ces versions, et les demanderesses réclament des dommages-intérêts et une injonction au motif que les défendeurs ont continué de commettre une violation du droit d’auteur à l’égard du logiciel Arkit après le mois de juin 2020.

(3) La reconnaissance de la violation du droit d’auteur par les défendeurs

[37] Comme il a été mentionné précédemment, les défendeurs reconnaissent avoir commis une violation du droit d’auteur. Dans leur mémoire des faits et du droit, cette reconnaissance a été exprimée en ces termes :


 

[traduction]

Les défendeurs reconnaissent ce qui suit :

a. que le logiciel Arkit, le document promotionnel Arkit intitulé « Medicine Hat – The Gas City », le document promotionnel Arkit intitulé « Summit Liability Solutions », la fiche de produit Arkit intitulée « The Best Way to Manage and Share Location-Based Work » et la vidéo Arkit intitulée « Say Hello to Arkit » (collectivement, les « œuvres Arkit ») sont protégés par le droit d’auteur et que la défenderesse Ark Innovation Technology Inc. est propriétaire de ce droit d’auteur;

b. les défendeurs ont commis une violation du droit d’auteur à l’égard des œuvres Arkit.

[38] La portée de cette reconnaissance en ce qui concerne le logiciel Arkit a été précisée lors de l’instruction du procès sommaire. Pour commencer, les défendeurs ont confirmé que le renvoi aux « défendeurs » ayant commis la violation du droit d’auteur comprend la reconnaissance du fait que les deux défendeurs sont responsables de la violation du droit d’auteur et de tout dommage découlant de celle‐ci.

[39] En ce qui concerne le logiciel lui-même, les défendeurs ont confirmé avoir admis que la version de décembre 2019 et la version de juin 2020 du logiciel Matidor portent atteinte au droit d’auteur sur le logiciel Arkit. La reconnaissance du fait que la version de juin 2020 constitue une violation du droit d’auteur ne signifie pas que chaque ligne de code est identique à une ligne du logiciel Arkit. Il s’agit plutôt de la reconnaissance du fait que la version de juin 2020 reproduit une « partie importante » du logiciel Arkit : Loi sur le droit d’auteur, art 3(1), 27(1). En particulier, les défendeurs soutiennent que la version de juin 2020 comportait des différences par rapport au logiciel Arkit qui étaient plus importantes du point de vue du frontal que de la dorsale, affirmation soutenue par l’analyse dans le deuxième affidavit de M. Lim. Quoi qu’il en soit, les parties conviennent que le logiciel Arkit est une « œuvre littéraire » unique, et les défendeurs admettent que la version de juin 2020 du logiciel Matidor constitue une violation du droit d’auteur sur cette œuvre, car il reproduit une partie importante du logiciel Arkit.

[40] Les défendeurs n’admettent pas que les versions du logiciel Matidor postérieures à la version de juin 2020 constituent une violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit. Ils affirment que Matidor a continué de modifier le logiciel après juin 2020 et continue de le faire. Ils soutiennent que les demanderesses n’ont pas établi qu’une quelconque version ultérieure du logiciel Matidor constituait une violation du droit d’auteur à l’égard du logiciel Arkit. Les défendeurs font remarquer que, bien qu’ils aient divulgué des versions ultérieures du logiciel dans le cadre du litige, y compris après l’interrogatoire préalable de M. Lam en décembre 2020, les demanderesses n’ont ni demandé de copies de ces versions ultérieures ni fourni de preuve quant à la violation du droit d’auteur liée à ces versions ultérieures. Ils demandent à la Cour de déduire, en raison de l’omission des demanderesses de demander ou de déposer une preuve d’expert relativement à la version de décembre 2020 du logiciel, que ces dernières n’ont pas prouvé qu’il y avait eu contrefaçon par la suite. Les défendeurs soutiennent également que la réclamation en dommages-intérêts des demanderesses, décrits comme des dommages-intérêts fondés sur la règle du « tremplin », équivaut à une admission de la part de ces dernières qu’ils ne sont plus en violation. Ils n’affirment toutefois pas, en tant que fait, qu’ils ont mis fin à la violation du droit d’auteur à un moment donné se situant après le mois juin 2020 et avant le procès sommaire.

(4) Conclusions relatives à la violation du droit d’auteur

[41] Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte que seul ce titulaire a la faculté d’accomplir : Loi sur le droit d’auteur, art 27(1). Les défendeurs admettent qu’Ark Innovation est propriétaire du droit d’auteur sur les œuvres Arkit. Ils ne prétendent pas avoir obtenu le consentement d’Ark Innovation ou de son prédécesseur en titre, Ark Platforms. Le propriétaire du droit d’auteur a le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, y compris, dans le cas d’un programme d’ordinateur, le droit de louer ce programme d’ordinateur : Loi sur le droit d’auteur, art 3(1).

[42] Je conclus que les défendeurs ont commis une violation du droit d’auteur sur les œuvres Arkit. En ce qui concerne le logiciel Arkit en particulier, je conclus que la version originale du logiciel Matidor de 2018, ainsi que la version de décembre 2019 et la version de juin 2020 du logiciel Matidor, constituent une violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit, comme le reconnaissent les défendeurs.

[43] Je conclus en outre que le logiciel Matidor constituait une violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit jusqu’au 15 septembre 2021, date du dernier affidavit de M. Lam déposé relativement à la requête en procès sommaire. J’arrive à cette conclusion en raison du raisonnement exposé ci-dessous et des inférences tirées de la preuve.

[44] Je commence par la prémisse fondamentale selon laquelle il incombe aux demanderesses de prouver le bien‐fondé de leurs allégations de violation du droit d’auteur selon la prépondérance des probabilités. Il s’agit de la responsabilité de prouver qu’il y a violation du droit d’auteur en ce qui concerne les versions du logiciel qui auraient donné lieu à la réclamation en dommages-intérêts des demanderesses. Les défendeurs ne sont pas tenus de réfuter la violation — il revient aux demanderesses de prouver la violation.

[45] Cela dit, la preuve de la violation peut se faire par des preuves directes comme la comparaison du code source, ou par des preuves indirectes et des inférences. Il est particulièrement important de pouvoir tirer de telles inférences dans le contexte des logiciels, où de nombreuses mises à jour, de nombreuses versions et de nombreux changements peuvent survenir au fil du temps, et il peut s’avérer difficile, coûteux, voire impossible, de faire analyser chaque version du code source par des experts.

[46] Les défendeurs admettent que la version de juin 2020 du logiciel Matidor constituait toujours une violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit. Il ressort de la preuve que les défendeurs utilisent et commercialisent le logiciel Matidor depuis la fin de l’année 2018. Ayant déposé des éléments de preuve d’experts sur les versions de décembre 2019 et de juin 2020 suffisants pour obtenir une reconnaissance de la violation du droit d’auteur par les défendeurs, les demanderesses étaient-elles tenues de déposer d’autres éléments de preuve pour établir que les versions ultérieures constituaient une contrefaçon, indépendamment de leur nombre? À mon avis, la réponse à cette question réside dans la nature de la preuve présentée et des inférences pouvant être tirées au sujet des logiciels en fonction des aveux, de la preuve et de l’incapacité des défendeurs à démontrer que le logiciel a cessé de constituer une contrefaçon à un moment donné.

[47] Il y a peu de preuve en ce qui concerne les changements apportés au logiciel après le mois de juin 2020. Lors de son interrogatoire préalable tenu en décembre 2020, M. Lam a affirmé que, entre la version de décembre 2019 et la version alors en cours (en décembre 2020), Matidor avait [traduction] « recréé le frontal et la dorsale, pratiquement en totalité parce que ceux-ci sont inutilisables ». En même temps, M. Lam a également déclaré que Matidor disposait d’un produit minimum viable pour [traduction] « le projet de révision » en avril 2020, avant la version de juin 2020, au sujet de laquelle il y a reconnaissance de la contrefaçon. Les défendeurs ne signalent aucune preuve directe présentée par M. Lam ni une preuve d’expert concernant la nature ou le degré des modifications apportées au logiciel après juin 2020.

[48] J’estime qu’il convient de le souligner, car le dossier de requête pour procès sommaire des demanderesses a été déposé le 15 juillet 2021. Ce dossier de requête comprenait les affidavits de M. Lim, où ce dernier analysait les versions de décembre 2019 et de juin 2020 et les observations des demanderesses selon lesquelles ces versions étaient contrefaites. Les défendeurs ont déposé leur dossier de requête le 7 septembre 2021. Dans leur dossier de requête, ils ont reconnu qu’il y avait eu contrefaçon, mais n’ont pas déposé de preuve suffisante pour permettre à la Cour de conclure que la contrefaçon admise avait cessé à un quelconque moment après juin 2020, soit parce qu’ils auraient cessé d’utiliser ou de vendre le logiciel Matidor, soit parce qu’ils auraient revu sa conception pour éviter la contrefaçon.

[49] Bien que l’affidavit de M. Lam déposé dans le dossier de requête des défendeurs porte directement sur le développement du logiciel Matidor, il témoigne en grande partie des changements apportés jusqu’en juin 2020. Malgré ces changements, les défendeurs reconnaissent que le logiciel Matidor constituait une contrefaçon à cette date. M. Lam affirme qu’une version du logiciel Matidor utilisée dans une présentation en septembre 2020 [traduction] « utilisait un nouveau code source frontal développé plus tôt en 2020 », mais il ne précise pas si ce développement a eu lieu après juin 2020. Il ne mentionne pas non plus les autres changements, le cas échéant, qui ont été apportés à la dorsale.

[50] M. Lam a bel et bien joint à son affidavit, en pièce AE, un sommaire des rapports faisant état du temps de travail des développeurs de logiciel jusqu’en décembre 2020 et montrant un développement ininterrompu au cours de cette période. Cependant, il n’y a ni information ni analyse sur la façon dont ce travail a permis de modifier le logiciel. Compte tenu du travail considérable effectué par les développeurs avant le mois de juin 2020, mais qui n’a pas permis de modifier suffisamment le logiciel pour qu’il ne constitue pas une contrefaçon, je ne peux pas conclure, sur le fondement des heures de travail des développeurs, que le logiciel Matidor a cessé d’être contrefait à un certain moment après le mois de juin 2020.

[51] De plus, la preuve de M. Madar ne renvoie à aucune version du logiciel après le mois de juin 2020, même si cette preuve a été présentée dans le même dossier de requête dans lequel les défendeurs ont admis que la version de juin 2020 violait le droit d’auteur.

[52] Les demanderesses ont établi que la version du mois de juin 2020 constituait une contrefaçon et que les défendeurs avaient continué d’utiliser le logiciel Matidor après cette date. En l’absence de preuve que les versions ultérieures du logiciel Matidor n’auraient pas constitué une contrefaçon, ou auraient été suffisamment différentes pour que les conclusions concernant la version de juin 2020 ne puissent plus être invoquées, j’infère que le logiciel Matidor constituait toujours une contrefaçon après la version de juin 2020. Si les défendeurs souhaitaient que la Cour limite sa conclusion de contrefaçon à la version de juin 2020, il leur était loisible de déposer des éléments de preuve dans le cadre de la requête de procès sommaire afin de démontrer que le logiciel avait suffisamment changé pour que la Cour ne puisse plus inférer qu’il constituait une contrefaçon sur le fondement de l’admission de la preuve antérieure. Or, ils ne l’ont pas fait. À mon avis, il est insuffisant, dans ces circonstances, que les défendeurs invoquent le fardeau de la preuve des demanderesses et soutiennent de façon générale qu’on aurait continué de modifier le logiciel après le mois de juin 2020. Je conclus que les demanderesses ont démontré selon la prépondérance des probabilités, en s’appuyant sur la preuve présentée et des inférences tirées à partir de cette preuve, que le logiciel Matidor constituait une violation du droit d’auteur à l’égard du logiciel Arkit, et ce, de sa conception jusqu’au 15 septembre 2021.

[53] J’examinerai plus loin la façon dont cette conclusion a une incidence sur l’évaluation des dommages-intérêts et la nature de l’injonction demandée.

C. Les défendeurs se sont livrés à des pratiques de commercialisation trompeuse

[54] L’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce constitue la codification de la cause d’action en common law concernant la commercialisation trompeuse : Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65 au para 23; Hidden Bench Vineyards & Winery Inc. c Locust Lane Estate Winery Corp., 2021 CF 156 au para 32. Cet alinéa est rédigé en ces termes :

Interdictions

Prohibitions

7 Nul ne peut

7 No person shall

[...]

[...]

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

[55] Pour établir qu’il y a eu commercialisation trompeuse aux termes de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, un demandeur doit établir 1) l’existence d’un achalandage; 2) le fait que le public a été induit en erreur par une fausse déclaration; et 3) le préjudice réel ou possible pour le demandeur : Ciba-Geigy Canada Ltd. c Apotex Inc., [1992] 3 RCS 120 à la p 132; Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd., 2019 CAF 295 [Hamdard Trust (2019)] au para 38, citant Kirkbi, aux para 66 à 69. Outre ce critère en trois volets, le demandeur doit d’abord prouver qu’il possède une marque de commerce valide opposable, déposée ou non : Hamdard Trust (2019), au para 39, citant Kirkbi, aux para 3, 26.

[56] L’allégation de commercialisation trompeuse des demanderesses vise la marque de commerce non déposée ARKIT. Ces dernières soutiennent que les défendeurs ont présenté de manière fallacieuse leur logiciel Matidor comme étant associé à la marque de commerce ARKIT en s’appropriant le produit et le matériel de marketing Arkit et en l’utilisant sous le nom « Matidor », en renvoyant à la marque ARKIT et en laissant entendre que le logiciel Matidor était une version du logiciel Arkit sous un nouveau nom, et en prenant les commandes du compte de média social Twitter d’Ark Platforms, qui comportait des références à Arkit, et en utilisant ce compte pour promouvoir le logiciel Matidor.

[57] Les défendeurs nient ces allégations, faisant valoir que les demanderesses n’ont pas établi l’existence de l’achalandage à la date pertinente, que les déclarations qu’ils ont faites n’étaient pas fausses et que les demanderesses n’ont pas prouvé que leurs déclarations avaient causé un quelconque préjudice.

[58] Pour les raisons exposées ci-après, je conclus que les défendeurs se sont livrés à des pratiques de commercialisation trompeuse en 2019.

(1) Achalandage

[59] Pour déterminer l’existence d’un achalandage relativement à une allégation de commercialisation trompeuse, il faut qu’une marque de commerce soit distinctive et qu’elle possède une réputation. On peut tenir compte de facteurs comme le caractère distinctif inhérent, le caractère distinctif acquis, la durée de l’utilisation, les ventes, l’étendue et la durée de la publicité et de la commercialisation et la copie intentionnelle : Hamdard Trust (2019), au para 48. Je conviens avec les défendeurs que la date pertinente pour une allégation de commercialisation trompeuse est la date à laquelle les défendeurs ont commencé à appeler l’attention du public sur leurs produits et services d’une manière qui aurait causé de la confusion : Loi sur les marques de commerce, art 7b); Badawy c Igras, 2019 CAF 153 au para 9. En d’autres termes, le demandeur doit posséder une marque de commerce valide opposable, déposée ou non, et doit démontrer l’existence d’un achalandage associé à cette marque de commerce au moment où auraient eu lieu les pratiques de commercialisation trompeuse.

[60] Dans leur dossier de requête, les demanderesses ont soutenu que la [traduction] « date pertinente » pour l’évaluation de l’achalandage était le mois d’août 2017, ce qui correspond au moment où M. Lam a quitté Ark Platforms et a pris ou conservé des copies du logiciel Arkit et du matériel promotionnel. La preuve des demanderesses en ce qui concerne l’achalandage était donc principalement axée sur cette date. En particulier, la preuve de M. Kam renvoyait aux affichages Google Ads, aux contacts avec la clientèle, aux démonstrations individuelles et aux démonstrations de groupe qui ont eu lieu jusqu’en août 2017. Il a également estimé qu’entre 75 000 et 100 000 personnes avaient été directement exposées à Arkit avant le mois d’août 2017.

[61] Lors de l’instruction du procès sommaire, les demanderesses ont reconnu que la date importante pour l’évaluation de l’achalandage devait coïncider avec le comportement qui, selon elles, correspond à de la commercialisation trompeuse. Elles allèguent qu’un tel comportement a commencé en décembre 2018, moment où M. Lam a commencé à contacter des clients éventuels, a créé la version « Matidor » du logiciel Arkit et a copié le matériel Arkit. Les défendeurs soutiennent que cette date est trop lointaine pour être pertinente, puisque les principales allégations des demanderesses en matière de commercialisation trompeuse se rapportent à des déclarations faites en décembre 2019.

[62] Comme je l’explique dans la section suivante, je conclus que les défendeurs ont fait de fausses déclarations relativement à la marque ARKIT en décembre 2019. Je conclus que décembre 2019 est la date pertinente pour déterminer s’il y avait achalandage attaché à la marque de commerce ARKIT. Bien que cela soit plus de deux ans après les dates de la majeure partie des éléments de preuve relatifs à l’achalandage, je conclus que la preuve des demanderesses établit l’existence de l’achalandage attaché à la marque de commerce ARKIT en décembre 2019.

[63] Je suis d’accord avec les demanderesses pour dire que la marque ARKIT possède un caractère distinctif inhérent, sans aucune signification apparente. Bien qu’il y avait des éléments de preuve qui montrent qu’Apple possédait un produit nommé ARKit (Augmented Reality Kit), je ne crois pas que cela réduit de façon importante le caractère distinctif inhérent de la marque ARKIT. La marque de commerce ARKIT a été utilisée en association avec le logiciel Arkit dans le matériel de marketing à l’intention d’éventuels clients depuis à peu près le milieu de l’année 2012 et des clients payants depuis avril 2013. Ces facteurs sont pertinents pour la question de l’achalandage et sont favorables aux demanderesses.

[64] Comme il a été noté, une grande partie des éléments de preuve présentés par M. Kam sont liés à la période précédant le mois d’août 2017, ce qui affaiblit la solidité de la preuve en ce qui concerne l’existence de l’achalandage à la fin de l’année 2019. Certains éléments de preuve de M. Kam sont également affaiblis par le fait qu’il ne fournit que des statistiques cumulatives sur une période de plusieurs années, comme les visites uniques sur le site Web d’Ark, les affichages et les clics Google Ads et les dépenses de marketing. Dans certains cas, comme pour les dépenses de marketing (fournies pour une période de huit ans, de 2011 à 2019) et les interactions avec les clients (pour la période de 2012 à 2017), aucune ventilation annuelle n’est fournie. Il est donc difficile d’évaluer la manière dont cette information démontre l’existence de l’achalandage pendant la période pertinente. Dans d’autres cas, comme pour les affichages Google Ads, la ventilation montre que l’exposition est montée en flèche en 2015 ou en 2016.

[65] Néanmoins, je suis convaincu que la preuve de M. Kam dans son ensemble démontre l’existence d’un achalandage attaché à la marque de commerce ARKIT au moins pendant le mois de décembre 2019. L’achalandage attaché à une marque de commerce peut faiblir, voire disparaître, avec le temps si cette marque ne présente plus le caractère distinctif inhérent au demandeur ou ne possède aucune réputation. En l’espèce, toutefois, la preuve antérieure à 2017 relative aux renseignements sur le marketing et les ventes suffit pour montrer que la marque ARKIT était connue du public concerné à cette date. Après cette date, Ark Platforms et ensuite Ark Innovation ont continué d’offrir le logiciel Arkit aux clients, y compris à un certain nombre d’abonnés qui continuent de payer des frais pour l’utilisation du produit.

[66] De plus, M. Kam a affirmé que, après le mois de juin 2018, Ark Platforms a mené moins d’activités de marketing numérique et s’est concentrée sur les efforts de vente directe, de prospection en personne et de sollicitation au hasard. Ces activités ont inclus environ 50 démonstrations en direct entre le mois d’août 2017 et le mois de février 2019, soit la date de la vente des actifs. Dans son affidavit, M. Kam a également présenté un tableur comportant des contacts commerciaux et indiquant des milliers d’appels et de réunions avec des clients actuels et éventuels entre 2016 et 2020. Il n’existe aucune preuve directe que la marque de commerce ARKIT a été utilisée lors de ces appels et réunions. Toutefois, puisque le logiciel Arkit était le seul produit des demanderesses, je suis prêt à inférer qu’on a mentionné Arkit au moins dans une partie de ces réunions et de ces appels, en le désignant nommément ou de façon contextuelle, ce qui a contribué à faire connaître la marque de commerce auprès du public qui consomme ces produits et, par conséquent, à l’achalandage qui y est attaché.

[67] Les efforts de marketing des demanderesses ont considérablement diminué après que M. Lam a quitté l’entreprise, ce qui a peut-être entraîné, comme le soutiennent les défendeurs, une réduction de l’achalandage attaché à la marque de commerce ARKIT. Toutefois, compte tenu de la nature de la preuve et des périodes en cause, je suis convaincu au vu de la preuve présentée que la marque de commerce ARKIT a continué de disposer d’au moins un peu d’achalandage pouvant être protégé tout au long de cette période. Comme l’a déclaré notre Cour dans une autre décision, il n’est pas nécessaire que la marque des demanderesses soit célèbre pour qu’elle puisse jouir de la protection de son achalandage : Enterprise Rent-A-Car Co. c Singer, [1996] 2 CF 694 à la p 709, conf par 1998 CanLII 7405 (CAF).

[68] Je conviens également avec les demanderesses que la conduite des défendeurs lorsqu’ils ont renvoyé à leur logiciel comme étant une version du logiciel Arkit sous un nouveau nom étaye la conclusion de l’existence d’un achalandage. Comme la Cour d’appel l’a reconnu, la « copie intentionnelle » peut être un facteur d’évaluation de l’existence d’un achalandage : Hamdard Trust (2019), aux para 48, 52; Orkin Exterminating Co. Inc. v Pestco Co., 1985 CanLII 157 (CA Ont) au para 56. Si un défendeur a délibérément cherché à s’associer à une marque de commerce, cela indique que la marque de commerce jouit d’un achalandage. Cela ne signifie pas que la simple existence d’une fausse déclaration suffit à elle seule à prouver un achalandage. Une telle approche risquerait de faire en sorte que « l’existence d’un achalandage » ne soit plus prise en compte dans le critère visant à déterminer s’il y a eu commercialisation trompeuse, ou, du moins, de la confondre avec le deuxième volet du critère. Toutefois, comme la Cour d’appel de l’Ontario l’a reconnu dans l’arrêt Orkin, si un commerçant [traduction] « imite sciemment le nom commercial ou la marque de commerce d’un autre et agit de manière à laisser croire que son entreprise est liée à l’autre, on peut en conclure raisonnablement que certains clients éventuels seront induits en erreur » : Orkin, au para 56, reprenant les termes de l’American Law Institute, Restatement of the Law of Torts, Tentative Draft No 8 (1963), à la p 113; décision Enterprise (CF), aux p 709-710. Comme on le verra dans la section suivante, les défendeurs ont cherché au moins à une occasion à faire croire à des clients qu’il existait un tel lien.

(2) Fausse déclaration

[69] Les demanderesses ne prétendent pas que la marque de commerce MATIDOR crée de la confusion quant à la question de savoir s’il s’agit de la même marque de commerce qu’ARKIT. Elles soutiennent plutôt que les défendeurs ont faussement prétendu que Matidor et le logiciel Matidor étaient associés à Ark Platforms et à la marque de commerce ARKIT en cherchant à faire croire que le logiciel Matidor était simplement une version du logiciel Arkit sous un nouveau nom. De façon générale, pour le volet de l’analyse lié au « fait que le public a été induit en erreur par une fausse déclaration » visant à déterminer s’il y a eu commercialisation trompeuse, il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu utilisation d’une marque de commerce qui sème la confusion : TFI Foods Ltd. c Every Green International Inc., 2021 CF 241 aux para 51-53. Toutefois, la fausse déclaration doit être liée à une marque déposée ou non déposée, eu égard aux limites constitutionnelles de l’alinéa 7b) : TFI Foods, au para 51.

[70] Les demanderesses font référence à trois aspects principaux de la conduite des défendeurs : leur utilisation du matériel de marketing Arkit dans lequel la marque de commerce et le logo ARKIT ont été remplacés par le nom et le logo de Matidor; leur utilisation du compte Twitter d’Ark Platforms, qui affichait la marque de commerce ARKIT; les affirmations orales et écrites selon lesquelles le nom et le logiciel Matidor renvoyaient à une version du logiciel Arkit sous un nouveau nom.

[71] En plus de constituer une violation du droit d’auteur, le matériel de marketing de Matidor comprend manifestement de fausses déclarations. Par exemple, la version de Matidor de l’étude de cas Medicine Hat indique que cette ville est un client de Matidor, qu’elle a saisi des données dans Matidor et que le logiciel Matidor lui a permis d’accroître sa productivité. Des déclarations semblables sont faites dans la version de Matidor de l’étude de cas intitulée « Summit Liability Solutions – A Customer Story ». Ces affirmations ne sont pas vraies. Cependant, je conviens avec les défendeurs que ces fausses déclarations ne portent pas sur l’achalandage attaché à la marque de commerce ARKIT. Dans ces affirmations, les défendeurs ne mentionnent pas Arkit ni ne cherchent à associer Matidor aux demanderesses ou à la marque ARKIT. Il était possible d’établir un lien entre Matidor et la marque de commerce ARKIT seulement au moyen de ces documents si le lecteur savait, par exemple, que Medicine Hat utilisait le logiciel Arkit plutôt que le logiciel Matidor ou connaissait la version Arkit de l’étude de cas. La preuve ne démontre pas qu’un tel lien serait établi.

[72] En ce qui concerne le compte Twitter, il a initialement été associé au pseudonyme @arkitapp. Une pièce vidéo jointe à l’affidavit de M. Yuen montre qu’en avril 2019 le pseudonyme du compte avait été changé pour « @matidormap » et le nom affiché avait été changé pour « Matidor », alors que le compte continuait d’afficher les tweets antérieurs qui utilisaient le nom Arkit. Ces gazouillis antérieurs font état de la marque ARKIT, mais je ne suis pas convaincu que leur simple présence sur le compte Twitter renommé équivaut à une fausse déclaration au sens du deuxième volet du critère de la commercialisation trompeuse.

[73] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les défendeurs auraient directement fait de fausses déclarations au sujet de Matidor en tant que nouveau nom ou continuation d’Arkit, les demanderesses invoquent principalement quatre éléments de preuve : deux courriels de M. Lam rédigés à l’intention de clients éventuels, datés du 10 octobre et du 17 décembre 2019; l’affidavit de Mme Halmark attestant d’une démonstration en ligne effectuée par M. Lam le 12 décembre 2019; l’affidavit de Mme Renout attestant d’une interaction avec M. Lam lors d’un salon professionnel en février 2020.

[74] Dans le courriel du 10 octobre 2019, M. Lam échange brièvement avec une personne qu’il semble déjà connaître. Le début de ce courriel est formulé comme suit : [TRADUCTION] « Nous sommes heureux d’avoir de vos nouvelles. Notre nouvelle marque s’appelle maintenant « Matidor » (matidor.com), le créateur d’origine se trouve chez Matidor, et nous avons une équipe technologique complète et une feuille de route à long terme. La plateforme est fonctionnelle et nous sommes rendus à l’étape où nous avons dû nous assurer d’être bien implantés, en commençant par Calgary. » Même si l’on présume que le destinataire du courriel connaissait Ark Platforms et la marque de commerce ARKIT, je ne peux pas conclure que les mots [TRADUCTION] « [n]otre nouvelle marque » laisse entrevoir une association avec Ark Platforms ou le logiciel Arkit plutôt que, par exemple, une nouvelle marque pour une nouvelle entreprise avec l’un des créateurs originaux d’Arkit. Par conséquent, je conclus que ce courriel ne constitue pas une fausse déclaration indiquant que Matidor serait associée à Ark Platforms ou à la marque de commerce ARKIT.

[75] J’arrive à la même conclusion en ce qui concerne le courriel du 17 décembre 2019. Dans ce courriel, M. Lam a écrit à un client éventuel pour lui dire ceci : [TRADUCTION] « nous reprenons actuellement les activités après une restructuration majeure de mon entreprise précédente, dans le cadre de laquelle le produit antérieur a été créé ». Encore une fois, aucune référence n’a été faite à la marque de commerce ARKIT, au logiciel Arkit ou à Ark Platforms. Je suis convaincu qu’il n’est pas nécessaire qu’une référence à une marque de commerce soit expresse si le lien peut être compris par le public. Cependant, encore une fois, il n’y a aucune preuve, que ce soit dans le courriel lui-même ou ailleurs, permettant d’inférer que le destinataire du courriel aurait compris que les mots [TRADUCTION] « une restructuration majeure de mon entreprise précédente » ou [TRADUCTION] « le produit antérieur » renvoyaient à Ark Platforms ou au logiciel Arkit. Étant donné qu’une fausse déclaration faite aux fins de commercialisation trompeuse au sens de l’alinéa 7b) doit être liée à une marque déposée ou non déposée, je ne peux pas conclure que ce courriel constitue une telle fausse déclaration.

[76] Je parviens toutefois à une conclusion différente en ce qui concerne les déclarations des défendeurs faites lors d’une démonstration en ligne du logiciel Matidor le 12 décembre 2019. Selon l’affidavit de Mme Halmark, au cours de la démonstration, M. Lam a dit ceci : [TRADUCTION] « la forme antérieure du produit [Matidor] s’appelait Arkit, et, maintenant, nous lui avons donné un nouveau nom, “Matidor” ». Alors que les défendeurs font remarquer que M. Lam a également déclaré, lors de la démonstration, qu’ils sont [TRADUCTION] « une entreprise relativement nouvelle » et a formulé l’affirmation partiellement vraie qu’il était [TRADUCTION] « le créateur original du produit » (il était l’un des créateurs), l’impression générale laissée par les termes employés par M. Lam est que le logiciel Arkit avait simplement été renommé « Matidor » et non que Matidor était un produit concurrent d’Arkit.

[77] Je conviens avec les demanderesses que le fait d’affirmer que son produit est un autre produit sous un nouveau nom lorsque cela est faux laisse entendre qu’il y a un lien entre les deux produits, ce qui équivaut à une fausse déclaration constituant une commercialisation trompeuse.

[78] Tel que cela est décrit au paragraphe [34] ci-dessus, le rapport de Mme Halmark a conduit l’avocat d’Ark Innovation à mettre en demeure les défendeurs de cesser leurs activités. La mise en demeure comprenait notamment une allégation selon laquelle l’affirmation que le logiciel Matidor était le produit Arkit sous un nouveau nom équivalait à une commercialisation trompeuse. M. Lam a affirmé que, après avoir reçu la mise en demeure en décembre 2019, Matidor a cessé de faire des déclarations concernant Arkit et Ark Platforms dans lesquelles la relation de nature concurrentielle entre Matidor et Arkit/Ark Platforms n’était pas précisée.

[79] Les demanderesses allèguent que, même après cette mise en demeure, les défendeurs ont continué d’affirmer ou de laisser entendre qu’Arkit avait changé de nom pour devenir « Matidor ». Elles invoquent l’affidavit de Mme Renout au sujet de sa discussion avec M. Lam en février 2020 lors d’une conférence commerciale. Au cours de cette discussion, M. Lam a expliqué que son entreprise avait développé Matidor au cours d’une période de trois ans et qu’il avait récemment créé une nouvelle entreprise appelée « Matidor ». Il n’a pas fait référence à Arkit avant que Mme Renout en mentionne le nom, auquel moment M. Lam a dit qu’Arkit était son ancienne entreprise, qu’il l’avait quittée et que Matidor était en concurrence avec elle. Ce sont des affirmations véridiques qui ne constituent pas de fausses déclarations au sujet d’une association avec la marque ARKIT. M. Lam a déclaré dans le même échange qu’il avait réécrit en mieux l’ensemble du programme et qu’il [TRADUCTION] « n’utilisait rien » du logiciel Arkit. Cette affirmation était fausse, tel que le confirme le fait que les défendeurs ont reconnu que la version de décembre 2019 du logiciel Matidor utilisé à l’époque constituait une contrefaçon. Cependant, encore une fois, je n’estime pas qu’il s’agit d’une fausse déclaration ayant trait à la marque de commerce qui constituerait une commercialisation trompeuse au sens de l’alinéa 7b).

[80] M. Lam n’a pas été contre-interrogé sur son affirmation selon laquelle Matidor avait cessé de faire référence à Arkit sans préciser la relation concurrentielle des deux entreprises, et cela semble corroborer les déclarations faites à Mme Renout en février 2020.

[81] Je conclus que les déclarations faites à Mme Halmark en décembre 2019 lors de la démonstration en ligne sont de fausses déclarations constituant une commercialisation trompeuse. Bien qu’il s’agisse du seul incident rapporté où M. Lam aurait dit à un membre du public que Matidor était le nouveau nom d’Arkit, je suis prêt à inférer que cette déclaration faite à un enquêteur privé était représentative des déclarations verbales faites par M. Lam à d’autres clients éventuels pendant cette période. Cette inférence est appuyée par la preuve de M. Lam, selon laquelle il a fait, avant décembre 2019, [TRADUCTION] « certaines déclarations à un nombre limité de clients éventuels » au sujet de Matidor et d’Arkit.

[82] Par conséquent, je conclus que les défendeurs ont fait de fausses déclarations à des clients éventuels en insinuant qu’il y avait une association entre Matidor et Ark Platforms en 2019, mais ont cessé de faire ces fausses déclarations après avoir reçu la mise en demeure à la fin de décembre 2019.

(3) Préjudice réel ou possible

[83] On ne peut présumer que des préjudices ont été causés par des pratiques de commercialisation trompeuse; ils doivent être prouvés : Cheung c Target Event Production Ltd., 2010 CAF 255 au para 24. Toutefois, il n’est pas nécessaire que la preuve de préjudice corresponde à une perte pécuniaire particulière associée, par exemple, à la perte d’une vente précise. La preuve d’une perte de contrôle de la marque suffit pour établir la troisième composante du critère relatif à la commercialisation trompeuse : Cheung, au para 28; Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd., 2016 CAF 69 [Hamdard Trust (2016)] au para 31.

[84] Les demanderesses soutiennent que les déclarations de M. Lam ont entraîné de l’incertitude et de la confusion sur le marché quant à la nature de Matidor et du logiciel Matidor. Elles attirent l’attention sur un certain nombre d’occasions en 2020 et en 2021 où des clients ou des clients éventuels ont remarqué la similitude entre les logiciels Arkit et Matidor. À aucune de ces occasions on n’a directement ou indirectement déclaré que Matidor était simplement un nouveau nom d’Arkit. Je conclus que les demanderesses n’ont pas fait état de situations en particulier où il y avait eu de l’’incertitude et de la confusion sur le marché en raison d’actions des défendeurs qui constituent une commercialisation trompeuse. Cependant, je suis convaincu que les demanderesses ont établi que les efforts de M. Lam pour établir une association entre les logiciels Matidor et Arkit ont entraîné une certaine « perte de contrôle sur la réputation, l’image ou l’achalandage » : Hamdard Trust (2016), au para 31. Même si ce préjudice n’était pas grand, cela suffit pour satisfaire au troisième volet du critère relatif à la commercialisation trompeuse. La quantification de ce préjudice et son chevauchement avec la réclamation des demanderesses en dommages-intérêts pour violation du droit d’auteur seront examinés plus loin.

[85] Vu ce qui précède, je conclus que les demanderesses ont établi que les défendeurs se sont livrés à des pratiques de commercialisation trompeuse en 2019.

D. Réparation

[86] Les demanderesses demandent des dommages-intérêts de 900 000 $ ainsi que des dommages-intérêts punitifs de 75 000 $. Elles demandent également la remise du matériel contrefait dont les défendeurs sont en possession et une injonction pour empêcher ces derniers de continuer à violer leur droit d’auteur.

[87] Les défendeurs contestent la réclamation en dommages-intérêts généraux et en dommages-intérêts punitifs et font valoir que les demanderesses n’ont pas prouvé qu’elles avaient subi un quelconque préjudice. Ils consentent à l’ordonnance de remise du matériel et à l’injonction, même s’ils contestent un élément des ordonnances sollicitées par les demanderesses.

(1) Dommages-intérêts

[88] La réclamation en dommages-intérêts des demanderesses ne fait pas la distinction entre les dommages-intérêts pour la violation du droit d’auteur et les dommages-intérêts pour la commercialisation trompeuse. Les demanderesses font plutôt valoir que des dommages-intérêts inclusifs « généraux » de 900 000 $ devraient être versés pour tenir compte de la nature de la violation, de la valeur du droit d’auteur, des pratiques de commercialisation trompeuse, et des avantages qu’ont tirés les défendeurs de leur contrefaçon et de leur commercialisation trompeuse. Je vais d’abord examiner le concept de dommages-intérêts « généraux » présenté par les demanderesses, avant de me tourner vers les motifs et les chiffres présentés par les demanderesses à l’appui du montant réclamé.

a) Dommages-intérêts « généraux »

[89] Dans l’arrêt Grand Financial Management Inc. v Solemio Transportation Inc., 2016 ONCA 175, autorisation de pourvoi refusée, 2016 CanLII 58416 (CSC), la Cour d’appel de l’Ontario a décrit les dommages-intérêts généraux en ces termes :

[traduction]

Des dommages-intérêts généraux peuvent être accordés, en cas de délits intentionnels, aux sociétés qui subissent une atteinte à leur réputation et des pertes économiques connexes.

Contrairement aux dommages-intérêts pécuniaires, il n’est pas possible de mesurer de tels dommages-intérêts avec précision. Leur évaluation relève davantage de l’impression. Comme le juge Kroft l’a expliqué dans l’arrêt Uni-Jet [Uni-Jet Industrial Pipe Ltd. v Canada (Attorney General), 2001 MBCA 40], au paragraphe 72 :

Les dommages-intérêts généraux sont une question d’impression; il faut prendre en compte un ensemble de circonstances faisant intervenir à la fois le demandeur et le défendeur en cause, et ces dommages-intérêts seront vraisemblablement propres à chaque affaire.

Dans la décision Howard v Madill, 2010 BCSC 525, au para 89, la juge Bruce résume les principes énoncés dans l’arrêt Uni-Jet relativement à l’évaluation des dommages-intérêts généraux :

On retrouve aux paragraphes 66 à 73 de l’arrêt Uni‐Jet un résumé précis du droit relatif à l’évaluation des dommages-intérêts généraux et aux circonstances justifiant l’adjudication d’un montant à cet égard. Je résumerai ces principes comme suit :

1. Les dommages-intérêts autres que ceux découlant d’une perte pécuniaire sont des « dommages-intérêts généraux » et comprennent généralement un dédommagement pour la perte de réputation, l’humiliation subie, la mauvaise ou la bonne conduite de la part de l’une ou de l’autre partie, ou une punition.

2. Les dommages-intérêts généraux permettent de compenser les pertes qui sont prévisibles, mais qui ne peuvent pas être quantifiées facilement.

3. L’octroi de dommages-intérêts généraux relève du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance et l’évaluation de ces dommages‐intérêts une « question d’impression et non une question d’addition ».

4. Lorsque des dommages-intérêts généraux sont accordés pour des délits intentionnels, l’évaluation des dommages-intérêts représente l’occasion de sanctionner les abus de procédure flagrants.

J’adopterais moi aussi ce résumé.

Les dommages-intérêts généraux pour les délits intentionnels comprennent les dommages-intérêts pour perte de réputation, mais ne se limitent pas à ce type de perte. Comme l’a démontré les précédents mentionnés ci-dessus, il s’agit également de dommages-intérêts par les cours sanctionnent les abus de procédure flagrants. En général, ils visent à compenser les pertes qui peuvent être prévues, mais que l’on ne peut quantifier facilement. Le juge de première instance a appliqué ces facteurs.

[Non souligné dans l’original; certaines références omises; Grand Financial, aux para 82-86.]

[90] Je note tout d’abord que je conviens avec les demanderesses que la prudence est de mise en ce qui concerne l’inclusion du terme [traduction] « punition » dans le résumé de la Cour d’appel du Manitoba des principes régissant les dommages-intérêts généraux dans l’arrêt Uni‐Jet, résumé repris dans l’arrêt Grand Financial. Dans l’arrêt Uni-Jet, la cour a envisagé d’octroyer des « dommages-intérêts généraux » sur le fondement de l’exposé du lord chancelier Hailsham de St. Marylebone dans l’arrêt Cassell v Broome, qui semble envisager les dommagesintérêts « généraux » comme couvrant les dommages-intérêts compensatoires et punitifs : Cassell & Co Ltd v Broome, [1972] AC 1027 (CL R-U) aux p 1072–1074. Toutefois, dans l’arrêt Hill c Église de scientologie de Toronto, la Cour suprême du Canada fait la distinction entre les « dommages‐intérêts majorés » (dommages-intérêts compensatoires qui tiennent compte du tort additionnel causé par une conduite outrageuse et malveillante) et les « dommages-intérêts punitifs » (dommages-intérêts non compensatoires conçus pour punir et dissuader), en faisant remarquer que, « [c]ontrairement aux dommages‐intérêts compensatoires, les dommages‐intérêts punitifs ne sont pas généralisés » [non souligné dans l’original] : Hill c Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 RCS 1130 aux para 188-191, 196-199; Bauer Hockey Corp. c Sport Maska inc. (Reebok-CCM Hockey), 2014 CAF 158 aux para 23, 26. La notion de « punition » semble relever davantage de l’octroi de dommages-intérêts punitifs que de dommages-intérêts « généraux » ou d’autres dommages-intérêts compensatoires : Nova Chemicals Corporation c Dow Chemical Company, 2020 CAF 141 au para 29, autorisation d’appel accordée 2021 CanLII 42376 (CSC).

[91] En réclamant des dommages-intérêts généraux, les demanderesses insistent sur le fait que des dommages-intérêts pour violation du droit d’auteur peuvent être octroyés sans preuve de préjudice précis, compte tenu particulièrement de la difficulté de prouver les dommages susceptibles de survenir dans certaines affaires liées au droit d’auteur : Leuthold c Canadian Broadcasting Corporation, 2007 CF 7 au para 11; Trimble Solutions Corporation c Quantum Dynamics Inc., 2021 CF 63 au para 67. Les demanderesses font également remarquer les vastes pouvoirs de réparation de la Cour en cas de violation du droit d’auteur énoncés au paragraphe 34(1) et à l’article 35 de la Loi sur le droit d’auteur : Slumber-Magic Adjustable Bed Co Ltd v Sleep-King Adjustable Bed Co Ltd et al, 1984 CanLII 54 (CS C-B).

[92] Les défendeurs ne contestent pas la capacité de la Cour à octroyer des dommages-intérêts généraux en cas de violation du droit d’auteur, mais ils font remarquer à juste titre que la possibilité de solliciter des dommages-intérêts ne dispense pas la personne qui les demande de prouver qu’elle y a droit. Ils font remarquer la différence entre l’incapacité de prouver un préjudice parce qu’aucun dommage n’a été causé et la difficulté de prouver un préjudice parce que, par exemple, un défendeur n’a pas répondu à la procédure en justice ou que le nombre de ventes perdues ne peut être facilement quantifié. Il incombe à celui qui sollicite des dommages‐intérêts de prouver le bien‐fondé de sa réclamation. Comme les défendeurs l’ont également souligné, le fait que certains chefs de dommages-intérêts peuvent être accordés adéquatement en tant que dommages-intérêts généraux ne signifie pas que tous les dommages-intérêts doivent être quantifiés ainsi.

[93] Je conviens également avec les défendeurs que « dommages-intérêts généraux » ne signifie pas nécessairement « dommages-intérêts élevés ». Il est vrai que l’évaluation des dommages-intérêts ou des profits peut revêtir un aspect « approximatif » : Slumber-Magic. Toutefois, l’évaluation des dommages-intérêts compensatoires demeure une évaluation des dommages causés ou des profits réalisés par le contrefacteur en commettant la violation : Loi sur le droit d’auteur, art 35(1). Comme pour d’autres aspects du droit d’auteur, lorsqu’il octroie des dommages-intérêts pour violation du droit d’auteur, le tribunal doit garder à l’esprit l’équilibre fondamental de la Loi sur le droit d’auteur entre, « d’une part, la promotion, dans l’intérêt du public, de la création et de la diffusion des œuvres artistiques et intellectuelles et, d’autre part, l’obtention d’une juste récompense pour le créateur (ou, plus précisément, l’assurance que personne d’autre que le créateur ne pourra s’approprier les bénéfices qui pourraient être générés) » : Théberge c Galerie d’Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34 au para 30. Les réparations pécuniaires pour violation du droit d’auteur visent à réparer le préjudice causé au demandeur ou à empêcher le défendeur de s’enrichir grâce à la violation commise : Loi sur le droit d’auteur, art 34(1), 35(1); Cinar Corporation c Robinson, 2013 CSC 73 au para 86. Cependant, sous réserve de l’attribution de dommages-intérêts punitifs, les réparations pécuniaires ne devraient pas « surindemniser » un demandeur en lui fournissant un avantage financier si la violation commise n’a pas entraîné de préjudice réel pour lui ou d’avantages économiques réels pour le défendeur.

b) Les observations des demanderesses au sujet des dommages-intérêts

[94] À l’appui de leur réclamation pour dommages-intérêts généraux de 900 000 $, les demanderesses renvoient à divers calculs financiers, présentés lors du procès sommaire sous forme de [TRADUCTION] « tableau des profits et des dommages ». Ce tableau comportait une estimation des dommages subis par les demanderesses et une estimation des profits réalisés par les défendeurs, et tenait notamment compte de l’affirmation selon laquelle les défendeurs s’étaient injustement enrichis de la valeur du logiciel Arkit.

[95] Comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada, le paragraphe 35(1) de la Loi sur le droit d’auteur offre « deux remèdes » pour la violation du droit d’auteur, à savoir le recouvrement des pertes du demandeur et la restitution des profits du défendeur : Cinar, au para 86. Le paragraphe 35(1) est rédigé comme suit :

Violation du droit d’auteur : responsabilité

Liability for infringement

35(1) Quiconque viole le droit d’auteur est passible de payer, au titulaire du droit qui a été violé, des dommages-intérêts et, en sus, la proportion, que le tribunal peut juger équitable, des profits qu’il a réalisés en commettant cette violation et qui n’ont pas été pris en compte pour la fixation des dommages-intérêts.

35(1) Where a person infringes copyright, the person is liable to pay such damages to the owner of the copyright as the owner has suffered due to the infringement and, in addition to those damages, such part of the profits that the infringer has made from the infringement and that were not taken into account in calculating the damages as the court considers just.

[96] Étant donné que le paragraphe 35(1) renvoie au recouvrement de la proportion des profits réalisés par le contrefacteur qui n’a pas été prise en compte pour la fixation des dommages-intérêts, j’examinerai d’abord la compilation des dommages subis par les demanderesses, puis celle des profits réalisés par les défendeurs.

(i) Dommages subis par les demanderesses

[97] Les demanderesses allèguent qu’elles ont perdu des profits de 777 500 $ en raison de la conduite des défendeurs. Ce nombre est obtenu par la multiplication d’un profit annuel de 155 500 $ par cinq ans. Le montant de 155 500 $ provient des déclarations de M. Kam sur la perte de revenus relativement à huit clients distincts, pour un total de 195 500 $, moins les dépenses moyennes de 40 000 $ ayant trait à la vente et à la commercialisation. Les demanderesses allèguent également qu’elles ont engagé des frais de 100 000 $ pour se donner une nouvelle image en raison du besoin de repositionner Ark Innovation et Arkit à cause de la conduite des défendeurs. La compilation effectuée par les demanderesses sur le fondement de ces prétentions chiffre leurs dommages à 877 000 $.

[98] Les dommages subis par les demanderesses sont considérablement surévalués.

[99] La compilation effectuée par les demanderesses comprend des réclamations relatives à deux clientes éventuelles, Whitecap et Tidewater, qui n’ont jamais été les clientes des demanderesses ou des défendeurs. M. Kam cite des déclarations faites par des représentants de ces entreprises qui font référence à Matidor. Il note qu’elles n’ont pas conclu de contrats avec Ark Innovation et laisse entendre que cela est attribuable à Matidor. Je ne suis pas convaincu que l’inférence tirée par M. Kam soit autre chose qu’une conjecture. Les demanderesses ne m’ont pas convaincu qu’elles avaient subi quelque perte de revenu que ce soit relativement à Whitecap ou à Tidewater qui soit attribuable à une violation du droit d’auteur par les défendeurs ou à des pratiques de commercialisation trompeuse de leur part.

[100] La compilation des demanderesses comprend également une réclamation relative à une autre cliente éventuelle, Ridgeline, qui a cessé d’être une cliente d’Ark Platforms en avril 2018, bien avant que les défendeurs aient commencé à offrir leur logiciel contrefait, Matidor. Matidor a effectivement mentionné dans son matériel de marketing Ridgeline comme étant une cliente, mais cela semble être une autre fausse déclaration de la part de Matidor fondée sur l’ancienne relation entre Ridgeline et Ark Platforms. Me fondant sur la preuve, je ne suis pas convaincu que les demanderesses aient établi qu’elles ont perdu Ridgeline en tant que cliente en raison des actions de Matidor ou qu’elles ont perdu une vente ultérieure du logiciel Arkit au profit de Matidor.

[101] Je conviens avec les demanderesses que les licences accordées par Matidor à quatre clientes, à savoir Vertex, First Green Bank Network (FGBN), Rofe et ||||||, représentent des dommages pour les demanderesses sous la forme de ventes perdues. Il est manifeste que ces quatre clientes étaient intéressées par l’octroi de licences liées à un logiciel de gestion de projets fondé sur des données cartographiques. En vendant des abonnements au logiciel Matidor contrefait, les défendeurs ont empêché les demanderesses de réaliser de telles ventes.

[102] Je n’accepte pas l’argument des défendeurs selon lequel les demanderesses n’ont pas fourni de preuve pour démontrer que ces clientes auraient utilisé le logiciel Arkit n’eût été leurs ententes avec Matidor. Il ne s’agit pas d’une affaire où la nature de l’article contrefait à prix très réduit peut indiquer que le consommateur n’achèterait pas l’article authentique à prix plus élevé : Oakley Inc. c Untel, 2000 CanLII 15963 (CF) au para 9; Louis Vuitton Malletier S.A. c Singga Enterprises (Canada) Inc., 2011 CF 776 au para 127. Les données indiquent plutôt qu’il s’agit d’un marché étroit de consommateurs raisonnablement avertis, et que le logiciel Matidor est largement indissociable du logiciel Arkit étant donné la contrefaçon. La preuve montre également que M. Lam a téléchargé une copie des listes de clients d’Ark Platforms peu avant sa démission et que les défendeurs ont directement cherché à commercialiser le logiciel Matidor auprès de clients éventuels actifs d’Ark Platforms. Dans de telles circonstances, je suis convaincu qu’une vente du logiciel Matidor représente une vente perdue pour le logiciel Arkit.

[103] Cela dit, je n’accepte pas l’évaluation que les demanderesses ont faite des pertes de profits anticipées provenant de ces ventes. Commençons par Vertex, ancienne cliente d’Ark Platforms. Comme ce fut le cas pour Ridgeline, Vertex a cessé de payer Ark Platforms aux termes d’une entente avec celle‐ci bien avant que les défendeurs n’aient commencé à offrir le logiciel Matidor. L’entreprise Vertex semble avoir conclu qu’elle n’était pas disposée à payer les droits de licence plus élevés payables pour les dernières années de sa licence. Dans ces circonstances, je ne peux pas conclure que Vertex aurait conclu un accord de licence avec les demanderesses pour un montant de 44 000 $ par année, comme elles le prétendent. Je ne peux pas non plus conclure que les demanderesses ont perdu plusieurs années de contrats avec Vertex, étant donné que cette dernière a seulement conclu un accord d’une année avec Matidor.

[104] En ce qui concerne FGBN, Rife et ||||||, les demanderesses évaluent leur perte à quatre ans de droits de licence de |||||| $ par année, affirmant qu’il s’agit des contrats de logiciels Arkit de milieu de gamme. Cependant, l’affirmation de M. Kam selon laquelle les frais d’abonnement annuels pour le logiciel Arkit se situent dans la fourchette de |||||| $ à |||||| $ pour les contrats d’une durée de trois à cinq ans semble exagérée au vu de la preuve relative aux ententes produites et aux sommes effectivement payées par les clients d’Arkit. De plus, ces chiffres se rapportent au mois d’août 2017, mois où M. Lam a démissionné. M. Kam a lui-même reconnu que, après le départ de M. Lam, Arkit a eu de la difficulté à fidéliser et à attirer des clients, même avant que Matidor ne fasse son apparition.

[105] Me fondant sur cette preuve, je conclus qu’une estimation raisonnable de chaque vente d’abonnement annuel perdue par Arkit relativement à ces licences se chiffre à |||||| $. Je multiplie cette somme par deux ans pour FGBN, Rife et |||||| et par un an pour Vertex. En ce qui concerne les dépenses associées à ces ententes, les demanderesses ont proposé une répartition globale des dépenses en fonction de la moyenne annuelle de leurs ventes et de leurs dépenses en marketing. Je crois qu’il est approprié d’attribuer environ |||||| $ pour chaque entente annuelle et, par conséquent, je conclus que les pertes de profits subies par les demanderesses découlant des ventes du logiciel Matidor réalisées par les défendeurs en violation à ces quatre clientes se chiffrent à 91 000 $.

[106] Les demanderesses affirment également qu’elles ont dû réduire leurs frais de licence pour l’une de ses clientes, Summit Liability Solutions, de |||||| $ à |||||| $ pour les trois années restantes de son contrat. Cette réduction a été provoquée par l’inquiétude de Summit Liability Solutions que la chute des prix du pétrole et l’apparition de la pandémie COVID-19 l’empêcheraient de continuer à payer les frais de |||||| $. Bien qu’il s’agisse de la motivation déclarée, Summit Liability Solutions a également affirmé qu’elle pouvait aller voir Matidor [TRADUCTION] « pour une garantie du meilleur prix » si les demanderesses ne voulaient pas réduire leurs frais. À la lumière de la raison de la renégociation donnée par Summit Liability Solutions, et du fait que le contrat de l’entreprise prévoyait des frais de résiliation modestes qui lui permettraient de résilier le contrat à tout moment, je ne suis pas en mesure d’attribuer la totalité de la réduction de prix annuel de |||||| $ pour la violation du droit d’auteur commise par les défendeurs, comme le sollicitent les demanderesses. Néanmoins, le fait que Summit Liability Solutions puisse renvoyer au logiciel Matidor contrefait comme outil dans cette négociation indique l’existence de dommages subis par les demanderesses en raison de la présence de Matidor sur le marché. Je suis disposé à accorder 5 000 $ de la réduction annuelle, pour un total de 15 000 $, comme étant attribuable à la violation du droit d’auteur.

[107] À cet égard, je rejette l’argument des défendeurs selon lequel la preuve des déclarations faites par le représentant de Summit Liability Solutions constitue du ouï-dire inadmissible. M. Kam était partie à la conversation avec Summit Liability Solutions et a fait rapport directement sur ce qui a été dit par les représentants de cette dernière. Les déclarations sont présentées pour prouver ce que Summit Liability Solutions a dit, et non pour prouver la véracité de ces déclarations en ce qui concerne, par exemple, la capacité réelle de l’entreprise à payer les frais annuels. L’important est que Summit Liability Solutions pouvait invoquer l’existence du logiciel Matidor contrefait lors des négociations, et qu’elle l’a fait. Je conclus que ces déclarations ne sont pas déposées en preuve en tant que ouï-dire inadmissible.

[108] Les demanderesses soutiennent que l’expérience qu’elles ont eue avec Summit Liability Solutions illustre une autre baisse de prix causée par le logiciel Matidor contrefait. Je ne suis toutefois pas convaincu que les déclarations générales de M. Kam à cet égard soient suffisantes pour prouver les dommages plus importants découlant d’une pression généralisée à la baisse des prix.

[109] M. Kam fait également référence à un certain nombre de déclarations faites par des clients, y compris Whitecap et Tidewater, comme preuve de l’incertitude, de la confusion et de la [TRADUCTION] « perte de créneau commercial ». Je suis convaincu que ces conversations et courriels datant des années 2020 et 2021 démontrent certains dommages à la réputation subis par Arkit, en raison d’inquiétudes généralisées des clients découlant de la présence sur le marché du logiciel Matidor contrefait, et ce que cela signifie quant à la capacité d’Arkit de continuer à servir ses clients. Encore une fois, je n’admets pas les arguments des défendeurs selon lesquels ces déclarations constituent des ouï-dire, car leur pertinence réside dans le fait que les affirmations sont faites. Comme je l’ai indiqué précédemment, je conviens également que les pratiques de commercialisation trompeuse des défendeurs, lesquels laissaient entendre qu’il y avait une association entre Matidor et Ark Platforms en 2019, ont causé des dommages de nature semblable à l’achalandage des demanderesses, de sorte qu’il y a chevauchement entre les dommages causés par la violation du droit d’auteur et la commercialisation trompeuse à cet égard. Cela dit, l’ensemble de la preuve concernant l’atteinte à la réputation résultant de ces deux causes est modeste. Ma meilleure estimation du dédommagement qu’il convient d’accorder pour le préjudice à la réputation et à l’achalandage des demanderesses est une somme de 5 000$ à titre de dommages-intérêts généraux.

[110] Enfin, M. Kam affirme qu’en raison des dommages à la réputation subis par Arkit à cause de Matidor, [TRADUCTION] « [l’entreprise a] pris la décision difficile d’effectuer un changement de nom, et Arkit est devenue FieldShare ». Il affirme qu’Ark Innovation a dépensé plus de 250 000 $ pour effectuer ce changement. Les demanderesses, chiffres à l’appui, réclament 100 000 $ de ces coûts de changement de nom et de transformation, ce qui représente une réduction par rapport au montant total de leur réclamation initiale.

[111] M. Kam affirme que le changement de nom pour devenir FieldShare était attribuable à Matidor, mais les défendeurs font valoir que l’intention d’effectuer un tel changement date du début de l’année 2019, soit bien avant l’apparition de Matidor sur le marché. Ils affirment que le nom de domaine Fieldshare.io a été enregistré en juin 2019 et renvoient à une déclaration faite sur le site Web d’Arkit, vue pour la première fois au mois d’avril 2021 : [TRADUCTION] « Notre cheminement de changement de nom, d’Arkit à Fieldshare, était prévu depuis près de deux ans ». Cette information concorde avec les allégations faites en réponse par Ark Innovation et son directeur, Edwin Tseng, dans le cadre du litige fondé sur l’allégation d’abus instruit en Colombie-Britannique :

[traduction]

M. Tseng avait également l’intention de changer le nom du logiciel Arkit, car son nom était semblable à celui d’un produit Apple appelé « ARKit » (Augmented Reality Kit). Les recherches sur Internet pour « Arkit » donnaient des résultats liés à ARKit, ce qui occasionnait de la confusion chez les clients et les clients éventuels. En conséquence, Ark Technology a acheté le nom de domaine Internet « fieldshare.io » en juin 2019.

[112] À la lumière de cette preuve et des déclarations faites par Ark Innovation, l’affirmation de M. Kam selon laquelle le changement de nom était attribuable à Matidor ne semble être qu’un effort non justifié en vue d’accroître le montant de la réclamation en dommages-intérêts des demanderesses. La prétention des demanderesses selon laquelle les éléments de preuve mentionnés précédemment renvoyaient au changement de nom du produit Arkit seulement, et non de toute l’entreprise, n’est absolument pas convaincante. Les frais de changement de nom et de transformation des demanderesses n’ont pas été causés par une violation du droit d’auteur ni des pratiques de commercialisation trompeuse de la part des défendeurs.

[113] Par conséquent, je conclus que les demanderesses ont établi qu’elles avaient droit à des dommages-intérêts de 111 000 $ en raison d’une violation du droit d’auteur et d’une commercialisation trompeuse, montant qui comprend 91 000 $ pour des ventes perdues, 15 000 $ pour la réduction du prix accordée à Summit Liability Solutions et 5 000 $ pour le préjudice causé en ce qui a trait à la réputation et à l’achalandage.

(ii) Les profits des défendeurs

[114] Les demanderesses cherchent également à appuyer leur demande de dommages-intérêts généraux de 900 000 $ au moyen d’un calcul des profits réalisés par les défendeurs en raison de l’octroi de licences pour le logiciel Matidor contrefait. En particulier, elles renvoient aux revenus provenant d’un projet de développement de logiciel nommé « LifeSaver project » et aux revenus d’abonnement provenant des licences du logiciel Matidor contrefait. En ce qui concerne chacune de ces sources de revenus, les demanderesses notent que, dans la détermination des profits, elles ne sont tenues d’établir « que ceux provenant de la violation », tandis que les défendeurs doivent « prouver chaque élément du coût qu’il allègue » : Loi sur le droit d’auteur, art 35(2). Les demanderesses allèguent en outre que les défendeurs se sont enrichis de la valeur du logiciel Arkit.

[115] Les défendeurs prétendent que les revenus provenant du projet LifeSaver étaient principalement destinés aux services professionnels, à savoir la prestation de services de développement de logiciel pour un tout nouveau logiciel, et non pour le logiciel Matidor. Ils allèguent également que le logiciel contrefait n’est pas ce qui leur a permis d’obtenir un rôle dans le projet LifeSaver. En ce qui concerne les autres revenus provenant d’abonnements, ils soutiennent que les coûts de Matidor étaient plus élevés que les revenus tirés et qu’ils n’ont par conséquent toujours pas fait de profits de l’octroi de licences du logiciel Matidor.

[116] Comme il a été mentionné précédemment, les défendeurs ont soutenu que les demanderesses n’avaient pas prouvé la contrefaçon des versions du logiciel Matidor après la version de juin 2020. Ils n’invoquent toutefois pas les versions ultérieures pour contester l’évaluation des dommages-intérêts. Vu cette position et mes conclusions quant à la contrefaçon, l’évaluation des dommages-intérêts est fondée sur le fait que les défendeurs ont utilisé jusqu’au 15 septembre 2021 des versions du logiciel Matidor qui constituent une violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit.

Le projet LifeSaver

[117] Le projet LifeSaver était un projet destiné au développement d’un logiciel de modélisation de transmission de la COVID-19, à l’initiative d’une organisation connue sous le nom de Digital Technology Supercluster. Matidor a présenté une déclaration d’intérêt et a été mise en contact avec une entreprise nommée Unity Technologies. Unity Technologies a présenté une proposition de projet de deuxième phase en tant que chef de projet, dans laquelle elle a identifié un certain nombre d’autres partenaires de projet, dont Matidor. La proposition indiquait que Matidor fournirait une équipe multidisciplinaire de développement Web et que l’une de ses activités consisterait à [TRADUCTION] « accroître la plateforme Web de Matidor pour mettre en service une carte interactive en temps réel qui permet[trait] de visualiser les données à partir des interfaces de protocole d’application (API) de pipelines ». Sous la rubrique [TRADUCTION] « Expertise », la description de Matidor renvoyait à son [TRADUCTION] « produit phare, Matidor ». La proposition indiquait également que Matidor financerait le projet en accordant gratuitement une licence pour accéder à la plateforme Matidor. Au moment de ces déclarations, la plateforme Web de Matidor décrite dans la proposition de projet était la version du logiciel Matidor qui violait le droit d’auteur sur le logiciel Arkit.

[118] La participation de Matidor au projet LifeSaver a été approuvée et Matidor en a tiré des revenus importants. Les parties conviennent que les revenus provenant du projet LifeSaver peuvent être estimés à |||||||||| $, ce qui représente environ | % des revenus totaux de Matidor du mois de juillet 2020 au mois de mars 2021.

[119] Selon les demanderesses, les revenus découlant du projet LifeSaver constituent des revenus attribuables à l’utilisation par Matidor de son logiciel contrefait. Les défendeurs affirment que le projet consistait en fait à développer de nouveaux logiciels et à accroître la plateforme Web de Matidor comme le prévoyait la proposition. Ils soutiennent que leurs revenus provenaient principalement de services professionnels de développement de logiciels et n’étaient pas associés au logiciel Matidor contrefait. Les défendeurs ont effectivement fait une démonstration du logiciel Matidor à Unity Technologies en septembre 2020, mais ils affirment que ce qui a été montré n’était que le frontal réécrit du logiciel. Ils soulignent également des affirmations dans les documents de projet renvoyant à la capacité de Matidor à fournir des services de développement de logiciels et prétendent que Unity Technologies a retenu Matidor pour sa capacité à fournir ces services et non en raison du logiciel Matidor.

[120] Je conclus que les demanderesses ont établi, selon la prépondérance des probabilités, que le logiciel Matidor contrefait a joué un rôle essentiel au regard de la capacité de Matidor à devenir un partenaire technologique d’Unity Technologies, et de l’acceptation de la proposition de projet d’Unity Technologies. Les documents de projet font référence à l’expertise de Matidor en matière de développement de logiciels, mais ce qui ressort des déclarations mentionnées ci‐dessus et de la licence du logiciel Matidor ayant été utilisée en tant que contribution financière au projet, c’est que l’existence du logiciel Matidor contrefait était importante pour l’obtention des contrats qui ont donné lieu aux revenus de Matidor. M. Lam a confirmé en contre‐interrogatoire que Matidor avait émis des factures à l’intention de LifeSaver sur lesquelles étaient indiqués le prix de la licence et le rabais correspondant, ce qui reflétait l’intention de fournir la licence de plateforme sans frais.

[121] En même temps, je conclus que les défendeurs ont démontré selon la prépondérance des probabilités que le véritable travail effectué dans le cadre du projet LifeSaver et les revenus connexes étaient en grande partie liés au développement de nouveaux logiciels et non à l’octroi de licences, à l’utilisation ou à l’expansion du logiciel Matidor. La situation est donc que Matidor a été en mesure de décrocher le projet LifeSaver, du moins en partie, grâce au logiciel contrefait, mais ce logiciel n’a joué qu’un rôle minime, voire nul, dans les services professionnels pour lesquels Matidor a été payé par la suite. À mon avis, cela soulève une question d’attribution ou de répartition, bien que ce soit dans un contexte quelque peu différent du contexte habituel.

[122] Le paragraphe 35(1) de la Loi sur le droit d’auteur fait référence au recouvrement de « la proportion [...] des profits que [quiconque viole le droit d’auteur] a réalisés en commettant cette violation ». Comme il doit y avoir un lien de causalité entre la contrefaçon et les profits, il peut être nécessaire de diviser ces derniers en profits attribuables à la contrefaçon et en profits non attribuables à la contrefaçon : Cinar, au para 77. Me fondant sur la preuve présentée relativement au projet LifeSaver, je conclus qu’une estimation raisonnable du degré de causalité entre le logiciel Matidor contrefait et les profits réalisés par Matidor dans le cadre du projet se chiffre à 20 %. Autrement dit, un cinquième des profits de Matidor provenant du projet LifeSaver était attribuable à son utilisation et à sa possession du logiciel Matidor contrefait lorsque celui‐ci a été approuvé pour le projet et sa mise en œuvre.

[123] En ce qui concerne ensuite le montant des profits découlant du projet LifeSaver, j’ai énoncé précédemment les revenus convenus. Les défendeurs sont tenus de prouver chaque élément du coût qu’ils allèguent : Loi sur le droit d’auteur, art 35(2).

[124] M. Lam affirme, au paragraphe 76 de son affidavit, qu’au cours de la période visée les dépenses de Matidor s’élevaient à environ |||||||||| $ , montant qui, selon les défendeurs, devrait être déduit des revenus. Ce montant correspond aux chiffres qui figurent dans un état des profits et des pertes pour la même période, joint à l’affidavit de M. Lam en tant que pièce AC.

[125] Les dépenses rapportées par M. Lam sont réparties en quatre catégories : Vente et marketing, Recherche et développement [R et D], Exploitation et Rémunération. Parmi ces dépenses, les plus importantes sont celles liées à la R et D (environ |||||||||| $). Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que les dépenses de R et D ne sont pas des éléments prouvés, mais que le reste des dépenses peut être considéré comme des coûts réduisant les revenus générés par le projet LifeSaver.

[126] Comme il ressort du paragraphe 87 de l’affidavit de M. Lam et de la pièce AE, Matidor a continué de réécrire le logiciel Matidor au moins jusqu’au mois de décembre 2020, et probablement encore par la suite. Il ressort de l’interrogatoire préalable de M. Lam et d’un état des profits et pertes plus détaillé produit par Matidor en tant que document F.3 (dans la pièce I jointe à l’affidavit de Mme Li) que Matidor a consigné ses dépenses relatives à la réécriture du logiciel Arkit-Matidor comme des dépenses de R et D. Il n’est pas raisonnable de reconnaître les dépenses liées à la réécriture du logiciel Matidor effectuées dans le but de rendre celui-ci non contrefait comme des coûts qui réduisent les revenus des défendeurs tirés de la violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit. En d’autres termes, les défendeurs ne peuvent prétendre avoir tiré moins de profits de la violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit au motif qu’ils ont dépensé une partie des fonds pour écrire leur propre logiciel. Par conséquent, accepter une telle réduction de la réparation des demanderesses au titre de la contrefaçon reviendrait, en fait, à demander aux demanderesses de payer pour le développement du logiciel des défendeurs.

[127] Il n’existe aucune autre preuve quant à la ventilation des dépenses de R et D. En l’absence d’une preuve additionnelle, je conclus que les défendeurs n’ont pas démontré que les dépenses de R et D étaient des dépenses déductibles des revenus de Matidor découlant de la contrefaçon.

[128] La preuve dont je dispose me convainc que les autres dépenses engagées pendant cette période (environ |||||||||| $) sont attribuables aux revenus de Matidor, y compris ses revenus découlant du projet LifeSaver. Les dépenses liées à la rémunération semblent comprendre la rémunération des développeurs de logiciels pour leur travail de prestation de services professionnels relativement au projet LifeSaver. Les dépenses de vente et marketing ainsi que d’exploitation sont de nature à couvrir des frais généraux plus importants liés aux travaux de Matidor pendant cette période, dont la plus grande partie se rapportait au projet LifeSaver. La Cour d’appel fédérale a récemment reconnu, dans le contexte de la contrefaçon d’un brevet, que les frais généraux répartis pouvaient à bon droit être pris en compte pour évaluer les profits réalisés par un contrefacteur, ce qui remet en question la jurisprudence antérieure, laquelle rejetait la déduction de tous frais engagés, et ce, même si le défendeur n’avait pas commis de violation : Nova Chemicals, aux para 155-164, remettant en question Teledyne Industries Inc c Lido Industrial Products Ltd (1982), [1982] A.C.F. no 1024 (CF) aux p 210, 213.

[129] Attribuer | % de ces dépenses restantes aux revenus du projet LifeSaver donne un profit à Matidor découlant du projet LifeSaver d’environ |||||||||| $. En appliquant la répartition de 20 % relative au lien de causalité, on obtient comme résultat que 116 400 $ des profits réalisés par Matidor grâce au projet LifeSaver sont attribuables à la violation du droit d’auteur. Ces profits n’ont pas été « pris en compte pour la fixation des dommages-intérêts » et je considère qu’il est juste qu’ils soient restitués aux demanderesses : Loi sur le droit d’auteur, art 35(1).

Revenus de licences

[130] Les défendeurs soutiennent que Matidor a tiré profit de l’octroi de licences pour le logiciel contrefait. Les états financiers de Matidor indiquent que les licences d’abonnement ont été une source de revenus. Aucun autre produit que le logiciel Matidor contrefait n’a été identifié par les défendeurs comme source de revenus liés à l’octroi de licences.

[131] Le paragraphe 59 de l’affidavit de M. Lam fournit un tableau indiquant les revenus et les dépenses de la période allant de l’année 2019 à maintenant. Le tableau fait état des revenus nets de Matidor réalisés par l’octroi de licences pour la période en cause (en tenant compte des licences d’abonnement moins les rabais accordés), soit un total de |||||| $. Cette somme correspond aux renseignements figurant dans un état des profits et des pertes (pièce T jointe à l’affidavit de M. Lam) couvrant la période du 15 juillet 2019 au 13 août 2021. Aucune partie de cette somme ne semble être attribuable aux licences accordées dans le cadre du projet LifeSaver, car M. Lam a déclaré que les revenus tirés des licences avaient entièrement servi à compenser les rabais correspondants dans le cadre de ce projet, et qu’il n’y avait donc eu aucun revenu.

[132] Au paragraphe 63 de son affidavit, M. Lam a également fourni un tableau différent indiquant les revenus réalisés jusqu’alors pour chacun des quatre clients abonnés. Ce tableau indique des revenus totaux de |||||| $ issus de ces clients. M. Lam n’explique pas d’où proviennent les chiffres figurant dans ce tableau ni la raison pour laquelle le total est inférieur aux revenus d’abonnement indiqués au paragraphe 59 de son affidavit. Il fait référence à la pièce Y, soit un état des profits et des pertes couvrant la période de décembre 2019 à mars 2021. Toutefois, à l’exception des revenus provenant d’un client, qui semblent correspondre aux revenus de licence d’abonnement obtenus par Matidor en décembre 2019, les chiffres figurant dans le tableau du paragraphe 63 ne sont pas expliqués par la pièce Y. Au procès sommaire, l’avocat n’a pas pu expliquer la différence entre les revenus d’abonnement plus élevés figurant au paragraphe 59 et aux pièces T et Y et les revenus figurant au paragraphe 63.

[133] Étant donné que les revenus figurant au paragraphe 59 concordent avec les données figurant à la pièce T, laquelle concorde également (après ajustement pour tenir compte des différences de période) avec celles figurant aux pièces Y et AC, j’accepte l’affirmation des demanderesses selon laquelle les revenus de Matidor provenant de l’octroi de licences, après déduction des rabais, sont de |||||| $ pour la période allant jusqu’au 13 août 2021. Comme j’ai conclu que le logiciel Matidor avait été contrefait pendant cette période, tous ces revenus sont attribuables à la contrefaçon.

[134] Les défendeurs prétendent que les coûts associés à l’octroi de licences sont supérieurs à leurs revenus. Ces coûts semblent comprendre les dépenses de R et D pour lesquelles j’ai conclu qu’elles ne pouvaient être réclamées pour compenser les profits réalisés en raison de la contrefaçon. Cependant, avant même d’examiner quelque coût que ce soit, il est manifeste que |||||||||||||||||||||||||||||||||| de Matidor est inférieur au montant de 111 000 $ correspondant aux dommages que j’ai conclu que les demanderesses ont subis en raison des licences. Je conclus que tous les profits réalisés par les défendeurs grâce à ces licences ont été « pris en compte pour la fixation des dommages-intérêts » : Loi sur le droit d’auteur, art 35(1). En d’autres termes, en payant les dommages-intérêts subis par les demanderesses, les défendeurs auront restitué tous les profits qu’ils ont réalisés au moyen de l’octroi de licences pour le logiciel Matidor. Je ne considère donc pas que de tels profits devraient être ajoutés à la réparation des demanderesses.

Dommages-intérêts fondés sur la règle du « tremplin » ou l’enrichissement sans cause

[135] Les demanderesses affirment également qu’en s’appropriant et utilisant le logiciel Arkit, les défendeurs se sont enrichis sans cause de la valeur du logiciel, soit d’environ 1 700 000 $ en date du départ de M. Lam de l’entreprise. Elles renvoient à la décision Airbus Helicopters, une affaire de brevet dans laquelle la défenderesse a été jugée responsable d’avoir utilisé un train d’atterrissage contrefait pour concevoir son hélicoptère, même si elle n’a vendu que des hélicoptères équipés d’un train d’atterrissage non contrefait : Airbus Helicopters, S.A.S. c Bell Helicopter Texteron Canada Limitée, 2017 CF 170 aux para 371-379, conf par 2019 CAF 29.

[136] Dans la décision Airbus Helicopters, le juge Martineau a cherché à évaluer à combien devrait s’élever une « redevance raisonnable » pour déterminer les dommages-intérêts à accorder à la demanderesse, en tenant compte de la redevance sur laquelle les parties s’entendraient dans le cadre d’une négociation hypothétique : Airbus Helicopters, aux para 112-113. Même s’il ne s’agit pas de l’approche proposée par l’une ou l’autre des parties en l’espèce, un certain nombre d’observations faites par le juge Martineau sur la manière dont il est parvenu à sa conclusion sur les dommages-intérêts sont pertinentes. Une considération centrale du juge Martineau pour parvenir à sa conclusion à l’égard de la redevance raisonnable a été la reconnaissance du fait que la défenderesse avait tiré un avantage financier de sa contrefaçon en réduisant les coûts de recherche et de développement et étant en mesure de concevoir et commercialiser son propre hélicoptère, et ce, même si elle n’a pas tiré de profit direct de l’article contrefait puisqu’il n’a jamais été vendu : Airbus Helicopters, aux para 308-309, 373-376. Même si le juge Martineau a reconnu que « la Cour ne peut pas déterminer avec exactitude le temps que la défenderesse a économisé en recherche et développement en raison de l’utilisation illicite » de l’article breveté, il a fait de son mieux pour évaluer, compte tenu de la preuve dont il disposait, l’avantage que représentait pour la défenderesse le fait de disposer de l’article contrefait : Airbus Helicopters, aux para 323-325, 376‐379.

[137] Dans l’affaire Airbus Helicopters, la demanderesse a fait valoir que cet avantage donnait lieu à un « enrichissement sans cause » de la défenderesse ou que celle-ci avait bénéficié d’un « tremplin » pour le développement de son hélicoptère : Airbus Helicopters, au para 309. Le juge Martineau a reconnu que la défenderesse s’était « injustement enrichie » du fait de l’utilisation du train d’atterrissage contrefait : Airbus Helicopters, au para 373. En l’espèce, les demanderesses ont employé les termes [TRADUCTION] « tremplin » et « enrichissement sans cause » de façon semblable pour décrire l’avantage pour les défendeurs découlant de l’utilisation du logiciel contrefait.

[138] Contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, je ne conclus pas que le fait que les demanderesses réclament des dommages-intérêts fondés sur la règle du « tremplin » constitue une reconnaissance de la part de ces dernières du fait qu’ils ont cessé de commettre la violation. Le terme « tremplin » peut être employé pour décrire les profits réalisés après l’expiration d’un droit de propriété intellectuelle, si les profits résultent de la contrefaçon commise par les défendeurs avant l’expiration : NOVA Chemicals, aux para 122-142. Toutefois, ce terme est également employé pour décrire un dédommagement équitable pour la perte d’exclusivité dont ont pu bénéficier les demanderesses pendant une période hypothétique en raison de l’utilisation de renseignements confidentiels : Cadbury Schweppes Inc. c Aliments FBI Ltée, [1999] 1 RCS 142 aux para 67-77. Dans l’arrêt Cadbury Schweppes, le juge Binnie a notamment renvoyé aux notions d’enrichissement sans cause dans son exposé relatif à la doctrine du tremplin : Cadbury Schweppes, au para. 76.

[139] Les défendeurs soutiennent également que, pour conclure qu’il y a eu enrichissement sans cause, il faut prouver l’enrichissement des défendeurs, l’appauvrissement correspondant des demanderesses et l’absence de motif juridique justifiant l’enrichissement, ce qui n’a pas été démontré par les demanderesses selon eux : Garland c Consumers' Gas Co., 2004 CSC 25 au para 30; Kerr c Baranow, 2011 CSC 10 au para 32. Cependant, les demanderesses ne cherchent pas à obtenir des dommages-intérêts pour enrichissement sans cause comme cause d’action indépendante, comme ceux reconnus dans les arrêts Garland et Kerr c Baranow. Elles ont plutôt invoqué l’enrichissement à l’appui de leur demande générale de dommages‐intérêts généraux comme réparation pour la violation du droit d’auteur et la commercialisation trompeuse.

[140] La Cour suprême du Canada a reconnu que la restitution des profits en vertu de l’article 35 de la Loi sur le droit d’auteur vise principalement à empêcher « l’enrichissement injustifié » d’un défendeur, sans qu’il soit question de cause d’action distincte : Cinar, au para 86. Il s’agit également de l’un des objectifs des dommages‐intérêts préétablis : Rallysport Direct LLC c 2424508 Ontario Ltd., 2020 CF 794 au para 6, citant Telewizja Polsat S.A. c Radiopol Inc., 2006 CF 584 au para 40. À mon avis, quelle que soit la terminologie employée, la Cour peut tenir compte d’un avantage injustement reçu par un défendeur en conséquence de sa violation d’un droit de propriété intellectuelle pour l’évaluation des dommages-intérêts ou des profits découlant de cette violation. Étant donné que la cause d’action relative à la violation est établie, il n’est pas nécessaire que l’examen d’un tel enrichissement aux fins d’évaluation des dommages-intérêts corresponde aux éléments de la cause d’action relative à l’enrichissement sans cause. Cela semble avoir été l’approche retenue par le juge Martineau dans la décision Airbus Helicopters pour reconnaître l’enrichissement sans cause comme élément d’évaluation d’une redevance raisonnable.

[141] En ce qui concerne l’enrichissement allégué, le chiffre de 1 700 000 $ mentionné par les demanderesses reflète les montants payés par Ark Platforms de 2011 à 2017 pour le développement et la commercialisation du logiciel. Même s’il est possible que ce chiffre corresponde à l’investissement effectué par Ark Platforms durant cette période, il n’y a aucune preuve que cela témoigne de la valeur du logiciel et du matériel de marketing en 2017. Une entreprise peut investir des sommes dans le développement d’un produit qui sont grandement supérieures à la valeur en fin de compte de ce produit, et inversement. Sans preuve pertinente de la valeur du logiciel et du matériel de marketing en 2017, la Cour ne peut pas simplement conclure que cette valeur était égale au montant investi.

[142] Les défendeurs attirent l’attention sur le prix de 100 000 $ payé par Ark Innovation pour les actifs d’Ark Platforms lors de la vente des actifs en 2019, et sur le fait qu’il s’agit d’une valeur beaucoup moins élevée que celle alléguée par les demanderesses. En réponse, ces dernières soutiennent que la vente comprenait également la prise en charge d’une dette de 260 000 $, de sorte que le prix d’achat était en fait 360 000 $. Elles font également remarquer la situation financière d’Ark Platforms en 2019 et la nature de la transaction, s’agissant d’une « vente sur saisie-gagerie », qui aurait tendance à réduire le prix d’achat par rapport à la juste valeur marchande.

[143] Les positions des parties relativement au prix d’achat de la vente des actifs sont quelque peu ironiques compte tenu de leurs positions respectives dans le recours pour abus en Colombie‐Britannique. Devant notre Cour, les défendeurs ont souligné le faible prix d’achat, bien qu’ils prétendent dans le recours pour abus que le prix de la transaction s’élevait à des [TRADUCTION] « millions de dollars sous la juste valeur marchande des actifs ». Inversement, devant notre Cour, les demanderesses font état de la vente sur saisie-gagerie pour expliquer la raison pour laquelle le prix de vente de 360 000 $ est inférieur à la valeur de 1 700 000 $ qu’elles invoquent, alors qu’elles allèguent dans le litige en Colombie-Britannique que la vente des actifs [TRADUCTION] « correspondait à la juste valeur marchande ». Aucune des parties n’a présenté de preuve devant notre Cour quant à la juste valeur marchande du logiciel Arkit. Je conclus que, compte tenu des positions contradictoires des parties à cet égard, je ne peux pas me fier au prix d’achat des actifs pour déterminer la valeur du logiciel Arkit. Quoi qu’il en soit, les profits réalisés par les défendeurs en raison du recours au logiciel Arkit contrefait ne peuvent être présumés correspondre à la valeur totale du logiciel.

[144] Cela étant dit, je conviens avec les demanderesses que l’utilisation par les défendeurs de copies contrefaites du logiciel Arkit comportait une certaine valeur pour le développement du logiciel Matidor. M. Lam est un développeur de logiciels chevronné et il disposait d’une équipe de développeurs. Le fait que les défendeurs aient choisi d’utiliser des copies contrefaites du logiciel Arkit comme point de départ, plutôt que de développer leur propre logiciel en partant de zéro, montre qu’ils reconnaissaient que le logiciel de départ avait une certaine valeur. En effet, même après que leur contrefaçon a été signalée dans la mise en demeure des demanderesses, les défendeurs ont continué de développer le logiciel Matidor à partir de la version de décembre 2019 contrefaite.

[145] De plus, le recours au matériel de marketing contrefait avait clairement une certaine valeur pour les défendeurs. En prenant simplement le matériel d’Arkit et en remplaçant « Arkit » par « Matidor », les défendeurs n’ont pas eu, dans une certaine mesure, à supporter les coûts de l’élaboration de ce matériel et de la réalisation de leurs propres études de cas. Cela leur a également permis de se présenter devant des clients à un stade précoce, dotés d’un ensemble complet de documents de marketing. Il ressort du fait que les défendeurs ont envoyé des copies des études de cas et de la fiche de produit, ainsi que des liens vers la vidéo promotionnelle, à de nombreux clients éventuels à la fin de l’année 2019 qu’ils reconnaissaient la valeur de ces produits.

[146] Par conséquent, bien que je rejette la prétention des demanderesses selon laquelle le logiciel Arkit valait 1 700 000 $ ou selon laquelle les défendeurs ont réussi, en raison de leur conduite, à obtenir cette valeur, ou presque cette valeur, j’estime que les défendeurs ont obtenu, en raison de leur contrefaçon, un profit qui doit être restitué. Comme le juge Martineau l’a fait remarquer dans la décision Airbus Helicopters, il est difficile de quantifier avec précision les profits réalisés, et cela doit donc faire l’objet d’une évaluation « approximative ». Selon les renseignements qui m’ont été présentés, y compris les coûts engagés par Matidor pour la réécriture du logiciel et la preuve relativement à l’entrée de Matidor sur le marché en 2019, j’évalue cette valeur pour Matidor à 50 000 $.

[147] Avant de conclure sur la question des profits, j’examinerai l’affirmation des défendeurs selon laquelle Matidor n’a pas réalisé de profits depuis sa création. Cette affirmation est fondée sur les états cumulatifs des profits et des pertes de Matidor, qui indiquent que les dépenses globales jusqu’au 13 août 2021 sont légèrement plus élevées que le revenu total. À mon avis, cette évaluation globale des profits n’aide pas les défendeurs, et ce, pour deux raisons. Premièrement, l’évaluation des profits à restituer est une évaluation des profits attribuables à la contrefaçon, et non des profits dans leur ensemble réalisés par l’entreprise, qui peuvent comprendre divers revenus et dépenses non liés à la contrefaçon. Deuxièmement, comme on l’a vu, les dépenses que Matidor a déclarées comprennent des dépenses importantes pour le développement de son propre logiciel. Comme je l’ai déjà mentionné, refuser d’exiger que Matidor restitue ses profits issus de la contrefaçon sous prétexte que l’entreprise a dépensé une partie de ces profits pour développer son propre logiciel serait injuste et contraire à l’objectif même de l’exercice d’évaluation des profits.

c) La conclusion sur les dommages-intérêts

[148] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que les demanderesses devraient obtenir 111 000 $ à titre de dommages-intérêts, plus la somme de 166 400 $, qui représente les profits des défendeurs qui n’ont pas été pris en compte dans le calcul des dommages-intérêts. J’accorde aux demanderesses une somme totale de 277 400 $ à titre de dommages-intérêts.

(2) Dommages-intérêts punitifs

[149] Les demanderesses demandent des dommages-intérêts punitifs de 75 000 $. Elles soutiennent que la contrefaçon commise par les défendeurs était flagrante et délibérée, et qu’elle émanait d’un ancien cadre d’Ark Platforms parce qu’il était [TRADUCTION] « furieux » que ses efforts au sein de l’entreprise se soient envolés et croyait que l’entreprise était en [traduction] « en voie de disparition progressive » et qu’elle ne ferait donc pas valoir ses droits. Elles renvoient aux fausses déclarations délibérées faites par les défendeurs auprès de clients éventuels, y compris aux déclarations ayant trait à l’historique et à la clientèle de Matidor, et celles qui laissaient entendre que Matidor n’était que le nouveau nom d’Arkit. Elles soutiennent que cette conduite doit être dénoncée. Elles font valoir les 50 000 $ en dommages‐intérêts punitifs accordés récemment par la Cour dans la décision Trimble Solutions, et soutiennent que le contexte concurrentiel et commercial actuel justifie une somme encore plus élevée : Solutions Trimble, au para 79.

[150] Selon les défendeurs, il ne s’agit pas d’une affaire où il serait approprié d’accorder des dommages-intérêts punitifs. Ils soutiennent que M. Lam était [TRADUCTION] « un cofondateur négligent », qu’il avait cru, au départ, qu’il pouvait utiliser le logiciel, et que, après avoir reçu la mise en demeure des demanderesses, il a travaillé à réécrire le logiciel pour qu’il ne constitue plus une contrefaçon. Les défendeurs font remarquer que la situation dans l’affaire Trimble Solutions était très différente, et que la présente espèce s’apparente davantage à l’affaire Slumber-Magic, où la cour a conclu que des dommages-intérêts exemplaires n’étaient pas justifiés parce que le défendeur croyait être en droit de faire ce qu’il a fait et qu’il avait [TRADUCTION] « agi de manière naïve plutôt que frauduleuse et calculée ».

[151] Les dommages-intérêts punitifs sont réservés aux affaires exceptionnelles dans lesquelles une conduite « malveillante, opprimante et abusive » représente un « écart marqué par rapport aux normes ordinaires en matière de comportement acceptable » et choque le sens de la dignité de la cour : Whiten c Pilot Insurance Co., 2002 CSC 18 aux para 36, 94. Ils ne devraient pas être attribués si des dommages-intérêts compensatoires sont suffisants pour atteindre les objectifs du châtiment, de la dissuasion et de la dénonciation : Whiten, au para 94; Trimble Solutions, au para 77; Cinar, aux para 136, 141.

[152] En soi, la violation du droit d’auteur ne justifie pas l’octroi de dommages-intérêts punitifs. De plus, le fait que M. Lam était « furieux » lorsqu’il a commencé la violation ne constitue pas à mon avis un facteur particulièrement aggravant. J’accepte l’affirmation des demanderesses selon laquelle, étant donné que M. Lam reconnaît qu’il comprenait qu’Ark Platforms était le titulaire du droit d’auteur sur le logiciel Arkit, et compte tenu de son rôle d’ingénieur logiciel chevronné, la violation qu’il a commise peut être considérée comme étant connue et délibérée. J’ai également certaines réserves en ce qui concerne le comportement de M. Lam : il a présenté des copies contrefaites d’Arkit comme étant le produit de Matidor, et a continué de le faire après avoir reçu la mise en demeure des demanderesses et, pire encore, il a déclaré à des clients éventuels que Matidor avait réécrit le programme dans sa totalité et qu’elle n’utilisait aucun logiciel Arkit, alors qu’il savait que ce n’était pas vrai. M. Lam n’était pas simplement « un cofondateur négligent » comme l’affirment les défendeurs.

[153] Toutefois, malgré ces réserves, je conclus que, de façon générale, la conduite des défendeurs ne satisfait pas à la norme décrite dans l’arrêt Whiten. Les défendeurs ont pris des mesures en réaction à la mise ne demeure des demanderesses, mais n’ont pas cessé d’utiliser le logiciel contrefait. Ils ont déployé des efforts considérables pour réécrire le logiciel afin d’éviter la contrefaçon. Ils ont répondu à la présente instance et y ont participé, en communiquant des renseignements permettant d’évaluer les réparations appropriées. De plus, ils s’exposent à d’importantes pertes financières qui, selon moi, suffiront à atteindre les objectifs de châtiment, de dissuasion et de dénonciation.

[154] Je refuse donc d’octroyer des dommages-intérêts punitifs.

(3) Injonction et remise

[155] Les demanderesses sollicitent une ordonnance interdisant aux défendeurs de continuer de commettre la violation du droit d’auteur sur les œuvres Arkit. Ils cherchent également à interdire aux défendeurs de faire ce qui suit :

  1. continuer d’utiliser toute copie contrefaite des œuvres Arkit ou tout logiciel ou matériel dérivé directement ou indirectement de reproductions de parties importantes des œuvres Arkit ou d’autoriser de tels actes;

  2. vendre ou louer une copie des œuvres Arkit ou de toute partie importante de celles-ci;

  3. distribuer une copie des œuvres Arkit ou de toute partie importante de celles-ci dans la mesure où cela porte préjudice à Ark Innovation.

[156] Les défendeurs ne s’opposent pas à une ordonnance leur interdisant de continuer de violer le droit d’auteur des demanderesses. Ils ne s’opposent pas non plus aux ordonnances les empêchant de « continuer d’utiliser toute copie contrefaite » et de « vendre ou louer » de telles copies, bien qu’ils proposent un libellé qui renvoie à la violation du droit d’auteur, plutôt qu’à des reproductions de parties importantes. Les défendeurs s’opposent toutefois à la formulation suivante, à l’alinéa a. ci-dessus : « logiciel ou matériel dérivé directement ou indirectement de reproductions de parties importantes des œuvres Arkit ». Pour les raisons exposées ci-après, je conviens avec les défendeurs que l’injonction de la Cour ne devrait pas comporter ces mots.

[157] La formulation proposée par les demanderesses empêcherait les défendeurs d’utiliser un logiciel qui ne constitue pas une violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit, en raison du fait qu’il a été préparé à l’aide du logiciel Arkit, et, en particulier, à l’aide de copies non autorisées et contrefaites du logiciel Arkit ou d’un logiciel qui constituait lui-même une contrefaçon du logiciel Arkit. Essentiellement, les demanderesses cherchent à interdire l’utilisation de tout logiciel que Matidor n’a pas développé dans un scénario de « salle blanche ». Selon cette approche, un tel logiciel peut être considéré comme ayant donné lieu à des « gains acquis illégalement » à partir desquels les défendeurs ne devraient pas être autorisés à continuer de réaliser des profits.

[158] La Loi sur le droit d’auteur prévoit les droits exclusifs d’un titulaire de droit d’auteur. Le terme « droit d’auteur » est défini au paragraphe 3(1) de la Loi sur le droit d’auteur comme étant le « droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque », définition suivie d’exemples aux alinéas 3(1)a) à j). L’essence de ce qui est protégé par la Loi sur le droit d’auteur est la production ou la reproduction d’une œuvre ou d’une partie importante de celle-ci. Si l’œuvre d’un défendeur constitue une reproduction d’une partie importante de l’œuvre d’un titulaire de droit d’auteur, elle viole le droit d’auteur : Cinar, au para 1. Inversement, si le travail ne constitue pas une reproduction d’une partie importante de l’œuvre d’un titulaire de droit d’auteur, il ne s’agit pas d’une copie contrefaite.

[159] Une « partie importante » est une notion souple, déterminée en évaluant la qualité plutôt que la quantité de la partie visée, en fonction de l’originalité de l’œuvre protégée par le droit d’auteur : Cinar, au para 26. Tel qu’il ressort clairement du raisonnement de la juge en chef McLachlin quant à la démarche qu’il convenait de suivre pour déterminer si une « partie importante » avait été reproduite dans l’affaire Cinar, ce qui importe est la nature de l’œuvre contestée et non la méthode ou le processus au moyen desquels elle a été créée : Cinar, aux para 33-47. L’accès à une œuvre originale, ou même à une copie contrefaite d’une œuvre originale, ne suffit pas pour faire de l’œuvre d’un défendeur une contrefaçon.

[160] Dans l’arrêt Théberge, la Cour suprême a reconnu que certaines « œuvres dérivées » tombent sous le coup de la définition et des exemples du paragraphe 3(1) de la Loi sur le droit d’auteur : Théberge, aux para 70-73. Toutefois, la Cour a rejeté l’élargissement de la portée de la protection des droits d’auteur aux œuvres dérivées qui ne relèvent pas des dispositions du paragraphe 3(1) : Théberge, au para 73.

[161] Les demanderesses n’ont pas été en mesure de présenter un précédent où la Cour aurait interdit au contrefacteur non seulement de commettre d’autres contrefaçons, mais aussi d’utiliser des œuvres non contrefaites dérivées d’œuvres contrefaites. Elles soutiennent cependant qu’une injonction est une réparation en equity permettant à la Cour de trouver une solution juste et appropriée eu égard aux circonstances.

[162] Les injonctions sont des réparations en equity, mais l’injonction sollicitée en l’espèce est une réparation demandée pour la violation du droit d’auteur en vertu de la Loi sur le droit d’auteur. C’est ce qui est juste et approprié qui doit être pris en compte dans ce contexte. Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’exclure la possibilité d’une telle ordonnance peu importe les circonstances, la Cour devrait à mon avis hésiter à accorder une réparation en vertu de la Loi sur le droit d’auteur qui interdit l’utilisation d’œuvres qui ne constituent pas une violation du droit d’auteur, sur le fondement de la manière dont ces œuvres ont été créées.

[163] Les demanderesses soutiennent également que le contrat d’emploi de M. Lam lui interdisait, au moment de la cessation d’emploi, [TRADUCTION] « d’octroyer des licences à l’égard de tout produit ou service qui incorpore des renseignements confidentiels ou en est dérivé ou d’exploiter, directement ou indirectement, de tels produits ou services ». Le terme [TRADUCTION] « renseignements confidentiels » dans le contrat englobe les [TRADUCTION] « logiciels de tout type ou sous toute forme ». Les demanderesses ne cherchent pas à faire exécuter le contrat d’emploi, mais elles soutiennent que cette clause renforce leur position selon laquelle il serait juste et approprié d’accorder une injonction empêchant M. Lam d’utiliser des logiciels dérivés, directement ou indirectement, du logiciel Arkit. Je ne peux pas convenir que la clause figurant dans le contrat d’emploi appuie l’injonction demandée. La Cour n’a pas compétence pour faire exécuter le contrat d’emploi de M. Lam, et l’action des demanderesses n’a pas pour objet de faire exécuter ce contrat. Le fait de recourir aux clauses du contrat pour appuyer une réparation sollicitée en vertu de la Loi sur le droit d’auteur consisterait à contourner les limites de la compétence de notre Cour pour lui demander de rendre une ordonnance qui exécuterait le contrat d’emploi par des moyens détournés.

[164] Je partage également l’opinion des défendeurs selon laquelle la formulation proposée par les demanderesses, [TRADUCTION] « dérivée de », soulève des inquiétudes pratiques quant à sa portée et à son caractère exécutoire. En particulier, en l’absence de jurisprudence sur la question de savoir dans quelles circonstances une œuvre est « dérivée » d’une autre œuvre sans constituer une violation du droit d’auteur sur cette autre œuvre, il serait difficile pour un défendeur de savoir ce qui est et ce n’est pas autorisé par l’injonction. Cette situation est particulièrement préoccupante compte tenu des conséquences potentielles du non‐respect d’une injonction.

[165] Il est également utile de souligner que les demanderesses ont déjà été dédommagées par l’octroi des dommages-intérêts mentionnés précédemment pour les profits réalisés par les défendeurs en utilisant le logiciel contrefait pour développer leur propre logiciel. Exiger en plus, comme le demandent les demanderesses, que les défendeurs suppriment tout ce qui se rapporte au logiciel Matidor écrit à ce jour et repartent de zéro, serait, à mon avis, indûment punitif.

[166] Par conséquent, je refuse d’inclure dans l’ordonnance d’injonction une exigence selon laquelle les défendeurs doivent éviter d’utiliser des logiciels dérivés du logiciel Arkit ou du logiciel constituant une violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit. En ce qui concerne l’inclusion de la formulation « reproductions d’une partie importante », j’estime qu’il est plus précis de simplement se référer aux œuvres qui constituent une violation du droit d’auteur sur les œuvres Arkit, car cela exprime l’idée de reproduction d’une partie importante.

[167] Le même raisonnement s’applique à l’ordonnance de remise sollicitée. Les parties sont d’accord quant aux autres aspects de l’ordonnance de remise.

[168] Je ferai une dernière remarque sur les ordonnances d’injonction et de remise, vu la conclusion à laquelle je suis parvenu selon laquelle les défendeurs ont commis une violation du droit d’auteur jusqu’à la date indiquée dans la preuve de M. Lam. Comme je l’ai déjà dit, j’ai tiré cette conclusion en raison de l’inférence concernant la version de juin 2020 et du fait que les défendeurs n’ont pas fourni de preuve quant aux versions ultérieures du logiciel pour montrer qu’ils ont cessé de commettre une violation du droit d’auteur à un moment donné. Je ne prétends pas que cette conclusion tranche la question de savoir si le logiciel Matidor, en date du jugement, constitue une violation du droit d’auteur sur le logiciel Arkit selon le principe de la chose jugée. En d’autres termes, si les défendeurs soutiennent qu’ils utilisent maintenant une version de Matidor qui ne constitue pas une violation du droit d’auteur et qu’ils peuvent continuer à utiliser cette version malgré l’injonction et l’ordonnance de remise de la Cour, cette question devra être tranchée par la Cour et n’a pas été préjugée dans le cadre de la présente décision.

V. Dépens

[169] Les parties ont demandé la possibilité de traiter la question des dépens après le jugement, indiquant l’existence d’offres de règlement ou d’autres questions susceptibles de rendre inapproprié le règlement des dépens lors de l’instruction du procès sommaire. J’encourage les parties à discuter et à s’entendre sur les dépens si elles sont en mesure de le faire. Si elles n’y parviennent pas, elles pourront présenter des observations écrites sur les dépens conformément au calendrier suivant :

  • dans les vingt jours suivant la date du présent jugement, les demanderesses peuvent déposer des observations sous la forme d’une lettre ne dépassant pas 5 pages, à laquelle elles peuvent joindre en annexe un mémoire de dépens;

  • dans les dix jours suivant la réception des observations des demanderesses, les défendeurs peuvent déposer des observations sous la forme d’une lettre ne dépassant pas 5 pages, à laquelle ils peuvent joindre en annexe un mémoire de dépens et/ou des observations, d’au plus deux pages, portant sur des articles précis du mémoire de dépens des demanderesses (si elles en ont déposé un);

  • dans les cinq jours suivant la réception des observations des défendeurs, les demanderesses peuvent déposer des observations en réplique sous la forme d’une lettre ne dépassant pas deux pages, à laquelle elles peuvent joindre en annexe des observations, d’au plus deux pages, portant sur des articles précis du mémoire de dépens des défendeurs (s’ils en ont déposé un).

[170] Une copie des sommes ou des tableaux des mémoires de dépens des parties doit être déposée dans leur format d’origine, comme Word ou Excel. Si les parties ont besoin de plus de temps, en particulier pour engager ou conclure des discussions de règlement sur les dépens, elles peuvent s’adresser à la Cour par simple demande.


JUGEMENT dans le dossier T-129-20

LA COUR DÉCLARE ET ORDONNE :

  1. Sont protégés par le droit d’auteur le logiciel Arkit, le document promotionnel Arkit intitulé « Medicine Hat – The Gas City », le document promotionnel Arkit intitulé « Summit Liability Solutions – A Customer Story », la fiche de produit Arkit intitulée « The Best Way to Manage and Share Location-Based Work » et la vidéo Arkit intitulée « Say Hello to Arkit » (collectivement les « œuvres Arkit ») et, comme le reconnaissent les demanderesses et les défendeurs, la demanderesse Ark InnovationTechnology Inc. est titulaire de ce droit d’auteur.

  2. Les défendeurs ont commis une violation du droit d’auteur sur les œuvres Arkit, en contravention de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42.

  3. Il est interdit aux défendeurs de continuer à commettre une violation du droit d’auteur sur les œuvres Arkit, y compris au moyen des pratiques suivantes :

    1. utiliser ou autoriser l’utilisation ultérieure d’une copie contrefaite des œuvres Arkit ou de tout programme d’ordinateur ou de toute autre œuvre qui constitue une violation du droit d’auteur sur les œuvres Arkit;

    2. vendre ou louer une copie des œuvres Arkit, de tout programme d’ordinateur ou de toute autre œuvre qui constitue une violation du droit d’auteur sur les œuvres Arkit.

  4. Les défendeurs ont appelé l’attention du public sur leurs marchandises, leurs services et leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’ils ont commencé à y appeler l’attention, entre leurs produits, leurs services et leur entreprise et ceux des demanderesses, ce qui contrevient au paragraphe 7b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13.

  5. Il est interdit aux défendeurs eux-mêmes ou par l’intermédiaire de leurs employés, de leurs dirigeants et de leurs mandataires, de continuer à appeler l’attention du public sur leurs marchandises, leurs services et leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion entre leurs marchandises, leurs services et leur entreprise et ceux des demanderesses.

  6. Les défendeurs doivent verser aux demanderesses la somme de 277 400 $ au titre des dommages-intérêts auxquels ont droit les demanderesses en raison de la violation du droit d’auteur, de la commercialisation trompeuse et des profits réalisés par les défendeurs découlant de la violation du droit d’auteur.

  7. Les demanderesses ont droit à des intérêts antérieurs et postérieurs au jugement sur le montant indiqué ci-dessus, selon un intérêt à taux simple de 2,5 %.

  8. Les parties peuvent présenter des observations sur les dépens conformément au calendrier donné dans les motifs.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-129-20

 

INTITULÉ :

ARK INNOVATION TECHNOLOGY INC ET ARK PLATFORMS INC C MATIDOR TECHNOLOGIES INC ET WING CHUEN LAM ALIAS VINCENT LAM

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

DU 18 AU 20 OCTOBRE 2021

 

VERSION PUBLIQUE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 1ER DÉCEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Paul Smith

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Alexander D. Buonassisi

Fiona Darkin

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smiths IP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Oyen Wiggs Green et Mutala LLP, Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.