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Date : 20040922

Dossier : IMM-8291-03

Référence : 2004 CF 1296

Toronto (Ontario), le 22 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

BONIFACE TSHIBANGU MULAJA

PASCALINE KABEYA WA NTUMBA

demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience, puis mis par écrit pour plus de précision et de clarté)


[1]                Le demandeur est un citoyen de la République démocratique du Congo (la RDC). Le demandeur vivait à Kinshasa avec sa famille. Il y travaillait comme électricien et comme commerçant de pierres précieuses. Il a fui la RDC parce qu'il y était persécuté du fait de son appartenance à un parti politique appelé l'UDPS. Il a été arrêté à plusieurs reprises, on lui a ordonné de comparaître devant la Cour d'ordre militaire, mais il a réussi à sortir de prison en versant un pot-de-vin et s'est enfui au Canada le 6 juin 2001. Le 12 septembre 2003, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d'asile du demandeur et de sa fille mineure Pascaline.

[2]                En rendant sa décision, la Commission a commis cinq erreurs, qui, considérées cumulativement, ne me laissent pas d'autre choix que d'annuler sa décision.

[3]                Premièrement, la Commission a reçu (après l'audience, mais environ deux mois avant de rendre sa décision) une lettre de l'avocat du demandeur, à laquelle étaient annexés des éléments de preuve additionnels, en particulier un rapport daté d'octobre 2002 établi par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides de la Belgique. Ce rapport est particulièrement pertinent parce qu'il décrit en détail la « chasse aux sorcières » lancée par le gouvernement congolais contre l'UDPS. La Commission ne fait aucune mention de ce rapport dans sa décision. Bien qu'elle n'ait pas à traiter de chacun des éléments de preuve soumis (Voir Hassan c. Canada (M.E.I.) (1992) 147 N.R. 317), la Commission ne peut tenir aucun compte d'un rapport important qui fait autorité et qui est directement pertinent quant la question dont elle est saisie. La Commission aurait dû dire si elle acceptait ou si elle rejetait les conclusions du rapport belge.


[4]                Deuxièmement, la Commission a rejeté 10 assignations ordonnant au demandeur de comparaître devant les autorités congolaises pour le motif suivant : « [N]ous savons que des documents peuvent être délivrés facilement en RDC et se donnent libre cours sur le marché » . Après avoir examiné le dossier du tribunal (à la page 433), il est clair que la Commission a mis en doute la véracité de ces documents parce qu'ils ne portaient pas les emblèmes officiels. Bien qu'il soit loisible à la Commission d'accepter ou de rejeter des éléments de preuve, sa décision à cet égard doit être fondée sur des motifs suffisants. Voir Lin c. Canada (M.E.I.), [1994] A.C.F. no 1567, au paragraphe 10.

[5]                Troisièmement, la Commission a jugé « curieux » que le demandeur n'ait pas de permis de commerçant de diamants et s'est servie de ce fait pour mettre en doute le témoignage du demandeur relativement à son allégation de persécution par les autorités. Vu que rien ne prouve qu'un tel permis soit nécessaire en RDC et que le demandeur a déclaré dans son témoignage sous serment qu'un tel permis n'était pas requis, la Commission a commis une erreur en tirant cette conclusion. La Commission ne peut faire des constatations de fait sur la base d'hypothèses et retenir contre le demandeur le fait qu'il est incapable de réfuter celles-ci. Le fait que le demandeur ait affirmé le contraire dans son témoignage sous serment est suffisant pour réfuter toute hypothèse faite par la Commission.


[6]                Quatrièmement, l'un des éléments cruciaux du récit du demandeur était son appartenance à l'UDPS. Il a produit un document congolais et un document canadien pour établir ce fait. La Commission n'a tiré aucune conclusion sur ce point, mais elle a implicitement rejeté ces éléments de preuve parce qu'elle a jugé que le demandeur n'était pas un témoin crédible. Lorsque des éléments de preuve documentaire sont produits pour établir un fait important, il incombe à la Commission de les commenter et de leur accorder un certain poids. Vu que la Commission ne s'est pas acquittée de cette obligation en l'espèce, il est impossible de déterminer si la preuve documentaire relative à l'appartenance à l'UDPS était insuffisante et si, et pourquoi, la Commission n'en a pas tenu compte.

[7]                Cinquièmement, la demanderesse mineure était représentée par un autre conseil devant la Commission. La Commission a donné à celui-ci l'autorisation d'introduire des éléments de preuve additionnels après l'audience et elle a reconnu dans sa décision avoir reçu des observations additionnelles. Elle n'a toutefois fait aucun commentaire sur les documents reçus. Elle a simplement déclaré que, vu qu'elle avait conclu que la demande du demandeur devait être rejetée pour cause d'absence de crédibilité, la demande de la demanderesse mineure (qui reposait sur celle de son père) devait également être rejetée. Cependant, dans les observations additionnelles soumises et dans les documents produits à l'appui de celles-ci, des allégations tout à fait distinctes ont été faites pour le compte de la demanderesse mineure, allégations de recrutement forcé et d'abus sexuel. La Commission est tenue de traiter de chacune des allégations importantes avancées par le demandeur; en omettant de le faire, la Commission commet une erreur justifiant l'annulation de sa décision.

[8]                En conséquence, la présente demande sera accueillie.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié datée du 12 septembre 2003 soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il l'examine.

« K. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                 COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-8291-03

INTITULÉ :                                                    BONIFACE TSHIBANGU MULAJA

PASCALINE KABEYA WA NTUMBA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 21 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 22 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                                       POUR LES DEMANDEURS

David Tyndale                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                       POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                               COUR FÉDÉRALE

Date : 20040922

Dossier : IMM-8291-03

ENTRE :

BONIFACE TSHIBANGU MULAJA

PASCALINE KABEYA WA NTUMBA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                      


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