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Date : 20211203


Dossier : T‐464‐21

Référence : 2021 CF 1347

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2021

En présence de madame la juge Rochester

ENTRE :

MARIE‐JEANNE CAROLA

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse Marie‐Jeanne Carola est caporale au sein de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC]. Elle demande le contrôle judiciaire d’une décision d’appel en matière de déontologie rendue par un arbitre disciplinaire de la GRC [l’arbitre] le 11 février 2021 [la décision d’appel].

[2] L’arbitre a confirmé une décision antérieure par laquelle l’autorité disciplinaire [la décideuse initiale] a conclu que la demanderesse avait enfreint une disposition du code de déontologie de la GRC [la décision initiale]. La décideuse initiale a imposé deux mesures disciplinaires : une réprimande écrite et l’obligation de suivre deux cours en ligne. En appel, l’arbitre a confirmé les mesures disciplinaires imposées par la décideuse initiale.

[3] La demanderesse allègue que la décideuse initiale a manqué aux principes d’équité procédurale et que l’arbitre n’a pas tenu compte de ce manquement dans la décision d’appel. Elle ajoute que l’arbitre a rejeté l’appel pour des raisons autres que celles qui ont été soulevées en appel. Enfin, la demanderesse soutient que la décision de l’arbitre est manifestement déraisonnable.

[4] La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision d’appel et prescrivant que soit accueilli son appel relatif à la décision initiale. Subsidiairement, elle demande que l’appel soit renvoyé pour réexamen.

[5] Le défendeur soutient que la décision d’appel confirmant les mesures disciplinaires était raisonnable et résultait d’une procédure équitable.

[6] Les parties ont convenu que les dépens, qui doivent être adjugés à la partie ayant gain de cause, devraient s’élever à 2 100 $.

[7] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Contexte

[8] La demanderesse est membre de la GRC depuis 20 ans et travaille aux Services nationaux de communication de la GRC à Ottawa.

[9] En début de soirée le 5 juillet 2018, alors que la demanderesse n’était pas en service, elle est entrée dans une épicerie, a acheté des produits et est ressortie. Alors qu’elle chargeait ses courses dans sa voiture, la demanderesse a été abordée par une femme adulte [la plaignante 1] qui a affirmé que la demanderesse avait heurté sa cheville avec son chariot. La demanderesse a ignoré la plaignante 1 et est montée dans son véhicule.

[10] La demanderesse affirme qu’alors qu’elle cherchait à sortir de sa place de stationnement, le mari de la plaignante 1 [le plaignant 2] a couru vers son véhicule, en a pris des photos avec son téléphone et l’a accusée de racisme. Le plaignant 2 est retourné à son véhicule, et la demanderesse a pris sa plaque d’immatriculation en photo lorsqu’il a quitté sa place de stationnement. La plaignante 1 a confirmé avoir vu la demanderesse prendre une photo de sa plaque d’immatriculation.

[11] La demanderesse est partie dans la direction opposée à celle des plaignants, mais le plaignant 2 a fait demi‐tour et a positionné son véhicule devant celui de la demanderesse, dans le but de la coincer et de l’empêcher de poursuivre sa route. Le plaignant 2 est sorti de son véhicule, s’est approché de celui de la demanderesse et a menacé d’appeler la police. La demanderesse est restée dans son véhicule.

[12] La demanderesse a allégué que le plaignant 2 bloquait la circulation, troublait l’ordre public, l’accusait de racisme et était agressif et agité. Elle a affirmé qu’elle avait demandé au plaignant 2 de déplacer son véhicule, mais qu’il avait continué à lui crier dessus. La demanderesse a allégué qu’une file de véhicules s’était créée, entraînant un embouteillage. Lorsque le plaignant 2 n’a pas déplacé son véhicule en réponse à sa première demande, la demanderesse a déclaré qu’elle l’avait alors informé qu’elle était policière et qu’elle lui avait de nouveau demandé de déplacer son véhicule. Par la suite, le plaignant 2 a baissé la voix et est retourné à son véhicule.

[13] Les plaignants ont allégué que la demanderesse les avait frôlés en voiture et que le plaignant 2 avait bloqué son véhicule pour lui dire qu’il allait appeler la police. Le plaignant 2 a soutenu que la demanderesse lui avait dit être policière et avait ensuite cherché à les intimider et à leur faire peur en tenant des propos tels que [traduction] « [l]a police, c’est moi; vous allez voir de quoi je suis capable ».

[14] Le même soir, les plaignants ont appelé au 911. Le plaignant 2 a informé le Service de police d’Ottawa qu’il pensait que l’incident s’était produit parce que les plaignants sont membres d’une minorité visible et qu’il estimait que la demanderesse avait eu tort de les intimider.

[15] La demanderesse n’a pas signalé l’incident ni pris d’autres mesures. Elle affirme avoir estimé qu’elle avait suffisamment désamorcé la situation. Plus tard le même soir, le Service de police d’Ottawa a informé la GRC d’un incident au cours duquel une agente de la GRC avait présenté son insigne. Le Service de police d’Ottawa n’a porté aucune accusation et n’a mené aucune enquête complémentaire.

[16] Le 9 juillet 2018, la directrice générale des Services de communication nationaux, Sharon Tessier, a été informée de l’incident. La directrice générale est également la supérieure hiérarchique de la demanderesse et était la décideuse initiale dans la présente affaire. Le 8 août 2018, la décideuse initiale, Mme Tessier, a demandé une enquête en vertu du code de déontologie, dont la demanderesse a été informée. Après avoir reçu la lettre relative à cette enquête, la demanderesse s’est rendue au magasin et au centre commercial, s’est identifiée en tant que policière et a finalement obtenu une copie de la vidéo de surveillance du magasin le jour de l’incident allégué.

[17] Les parties impliquées dans l’incident ou qui en ont été témoins, notamment la demanderesse, les plaignants et le caissier, ont fait des déclarations dans le cadre de l’enquête disciplinaire. À la fin du mois de novembre 2018, le Groupe de la responsabilité professionnelle de la GRC a achevé l’enquête interne et a remis son rapport à la décideuse initiale et à la demanderesse. À la suite de cette enquête, la décideuse initiale a émis un avis de réunion disciplinaire pour le 3 avril 2019. L’avis de réunion disciplinaire comprenait deux allégations :

[traduction]

Première allégation : Le 5 juillet 2018 à Ottawa ou dans ses environs, dans la province de l’Ontario, la caporale Marie‐Jeanne Carola, qui n’était pas de service, a eu une altercation avec Salma Hafez et Omar Badreldin, des membres du public, devant une épicerie Farm Boy locale, les portant à craindre pour leur sécurité. Il est donc allégué que la caporale Marie‐Jeanne Carola a enfreint l’article 7.1 du code de déontologie.

« Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

Deuxième allégation : Le 5 juillet 2018, à Ottawa ou dans ses environs, dans la province de l’Ontario, la caporale Marie‐Jeanne Carola, qui n’était pas de service, a présenté son insigne de police de la GRC à Omar Badreldin, dans une épicerie Farm Boy locale, en déclarant : « La police, c’est moi. Vous allez voir de quoi je suis capable. » Il est donc allégué que la caporale Marie‐Jeanne Carola a enfreint l’article 3.2 du code de déontologie.

« Les membres agissent avec intégrité, équité et impartialité sans abuser de leur autorité, de leur pouvoir ou de leur position ou les compromettre. »

[18] Après avoir reçu le rapport d’enquête, la demanderesse a présenté des observations écrites supplémentaires.

A. La réunion disciplinaire et la décision initiale

[19] Lors de la réunion disciplinaire du 3 avril 2018, la demanderesse a fait des observations orales, dans lesquelles elle a décrit l’incident et donné sa version des faits. Dans ses observations, la demanderesse a cité le Modèle d’intervention pour la gestion d’incidents [le MIGI], un modèle qu’utilisent les agents de la GRC pour évaluer et gérer les risques lors de leurs interactions avec le public et déterminer leurs options d’intervention. Selon la décision initiale, la demanderesse a expliqué à la décideuse initiale qu’à partir du moment où elle s’est retrouvée coincée et où le plaignant 2 s’est mis à crier, elle a estimé que la situation était dangereuse pour elle‐même et pour le public, au point de devenir un problème de sécurité publique. Elle a montré son badge pour lui ordonner de déplacer son véhicule et a estimé que l’utilisation de son badge était conforme au MIGI, à savoir que la [traduction] « présence policière » est une option d’intervention.

[20] Le jour même de la réunion disciplinaire, la demanderesse a été informée de vive voix que, selon la prépondérance des probabilités, la première allégation (code de déontologie, article 7.1 – Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie) n’était pas établie, mais que la deuxième allégation (code de déontologie, article 3.2 – abus de pouvoir) l’était. La demanderesse a également été informée des mesures disciplinaires qui lui seraient imposées, et qu’elle recevrait une décision écrite, intitulée compte rendu des décisions, en temps voulu.

[21] Environ trois semaines après la réunion disciplinaire, le 25 avril 2018, la décideuse initiale a transmis ce compte rendu des décisions. Je ferai référence à la décision verbale initiale, c’est‐à‐dire la communication orale lors de la réunion disciplinaire du 3 avril 2018, et à la décision écrite initiale, c’est‐à‐dire la décision écrite rendue le 25 avril 2018, qui constituent ensemble la décision initiale.

[22] Dans la décision écrite initiale, la décideuse initiale a conclu que, pour ce qui est de la première allégation, les plaignants avaient amplifié l’incident et avaient peut‐être provoqué la demanderesse. La décideuse initiale a mis en question la décision de la demanderesse d’ignorer la plaignante 1 lorsque cette dernière s’est adressée à elle, mais a estimé que cela ne constituait pas une violation du code de déontologie. Elle a également conclu que les craintes alléguées des plaignants pour leur sécurité n’étaient pas crédibles étant donné leur comportement pendant l’incident. Enfin, la décideuse initiale a conclu que l’allégation des plaignants selon laquelle la demanderesse avait avancé son véhicule de manière agressive vers eux dans le stationnement manquait de crédibilité.

[23] En ce qui concerne la deuxième allégation, la décideuse initiale a conclu que celle‐ci était établie selon la prépondérance des probabilités. La décideuse initiale a estimé que la demanderesse était personnellement impliquée dans un incident à titre civil et que, par conséquent, le fait de produire son insigne de police et de se servir de son statut d’agente de police était inapproprié et constituait un abus de pouvoir. En ce qui concerne le MIGI, la décideuse initiale a déclaré que la demanderesse l’avait cité pour justifier ses actes, mais que le MIGI ne pouvait pas être utilisé de cette manière et que la référence à ce modèle démontrait une mauvaise compréhension du MIGI et de son objectif. La décideuse initiale a souligné que le MIGI s’applique à une intervention en service ou à un appel de service, avant de déclarer : [traduction] « J’ai ensuite consulté la personne‐ressource nationale sur le recours à la force, qui est arrivée à la même conclusion que moi. »

B. Consultation avec la « personne‐ressource »

[24] Avant la publication de la décision écrite initiale, ni la demanderesse ni son conseiller en milieu de travail des membres de la Direction générale [le conseiller de la demanderesse] n’étaient au courant qu’une consultation avait eu lieu avec une [traduction] « personne‐ressource nationale sur le recours à la force » [la personne‐ressource].

[25] Après avoir reçu la décision écrite initiale, le conseiller de la demanderesse s’est renseigné et a établi que la personne‐ressource en question était le sergent Raymond. Le 9 mai 2019, le conseiller de la demanderesse a envoyé un courriel à la décideuse initiale concernant la déclaration figurant dans la décision écrite initiale : [traduction] « J’ai ensuite consulté la personne‐ressource nationale sur le recours à la force [le sergent Raymond] qui est arrivée à la même conclusion que moi. » Dans ce courriel, le conseiller de la demanderesse s’est dit préoccupé par le fait que la consultation a eu lieu sans que la demanderesse ait eu la possibilité de parler au sergent Raymond des faits qui lui étaient présentés et sur lesquels il s’était appuyé pour rendre son avis. Le conseiller de la demanderesse a estimé que cela constituait un problème d’équité procédurale et a informé la décideuse initiale que, selon les supérieurs du sergent Raymond, ce dernier [traduction] « n’avait pas reçu tous les faits pour donner un quelconque conseil ou avis ». Le conseiller de la demanderesse a également informé la décideuse initiale qu’il savait qu’elle n’avait pas parlé directement au sergent Raymond, et que c’était en fait un conseiller disciplinaire travaillant à ses côtés dans ce dossier, le sergent Adm, qui avait discuté avec le sergent Raymond. Le conseiller de la demanderesse a demandé la divulgation des communications qui avaient eu lieu avec le sergent Raymond au sujet de l’infraction au code de déontologie prétendument commise par la demanderesse.

[26] Le 14 mai 2019, la demanderesse a soumis un formulaire de déclaration d’appel, dans lequel elle a indiqué qu’elle faisait appel de la décision initiale au motif que la décideuse initiale avait enfreint les principes d’équité procédurale, et a demandé tous les documents pertinents concernant les communications avec le sergent Raymond.

[27] Le 17 mai 2019, en réponse à la question d’équité procédurale soulevée dans le courriel du conseiller de la demanderesse et dans la déclaration d’appel, le conseiller disciplinaire de la décideuse initiale, le sergent Adm, a envoyé un courriel au conseiller disciplinaire de la Direction générale de la GRC afin d’apporter des [traduction] « clarifications » concernant sa consultation avec la personne‐ressource, le sergent Raymond. Dans ce courriel, le sergent Adm a confirmé qu’il avait communiqué avec le sergent Raymond après la décision verbale initiale [traduction] « et discuté de façon générale de l’incident et de l’application du [MIGI] dans les circonstances évoquées par la [demanderesse] ». Le sergent Adm a déclaré que la consultation avait [traduction] « eu lieu par souci d’équité envers la [demanderesse], étant donné que la [décideuse initiale] est [fonctionnaire] et qu’elle n’a pas reçu de formation officielle sur le recours à la force ». Le courriel du sergent Adm précise en outre que la décideuse initiale était déjà parvenue à sa décision et que la consultation était [traduction] « une étape supplémentaire pour cerner tous les aspects de la question et ainsi montrer que sa décision était équitable pour la [demanderesse] ». Le sergent Adm a expliqué que la décideuse initiale avait [traduction] « demandé l’avis d’une personne plus expérimentée pour confirmer le caractère judicieux et équitable de sa décision envers la [demanderesse] avant que cette dernière reçoive la [décision écrite initiale] ».

[28] La demanderesse a affirmé qu’à l’exception du courriel susmentionné du 17 mai 2019 reçu au cours de la procédure d’appel, elle n’avait jamais reçu de document relatif à la consultation du sergent Raymond ou à ses qualifications. Le 31 décembre 2019, la demanderesse a déposé des observations écrites sur le fond de l’appel, dans lesquelles elle a réitéré son motif de manquement aux principes d’équité procédurale. Elle a également présenté dans ses observations un autre motif de manquement aux principes d’équité procédurale, ainsi que des allégations selon lesquelles la décision initiale était déraisonnable parce qu’elle était fondée sur des considérations non pertinentes et sur une mauvaise compréhension des éléments de preuve, soit au total quatre motifs d’appel.

[29] Dans les observations en appel de la demanderesse, dans ses observations dans le cadre du présent contrôle judiciaire et lors de l’audience devant la Cour, la demanderesse a affirmé que son conseiller avait communiqué avec le sergent Raymond et que ce dernier, après avoir reçu un résumé plus complet des faits, avait revu sa position initiale et convenu que les actes de la demanderesse étaient conformes au MIGI. Cela ne ressort pas du dossier qui m’est soumis. Bien que le courriel du 9 mai 2019 envoyé par le conseiller de la demanderesse à la décideuse initiale indique qu’il a été informé que le sergent Raymond n’avait pas reçu tous les faits et qu’il communiquerait avec lui, aucun élément du dossier ne prouve qu’il l’a effectivement fait et que le sergent Raymond lui a affirmé avoir revu sa position.

III. La décision d’appel

[30] Selon l’arbitre, pour que la demanderesse ait gain de cause dans son appel, elle devait établir que la décision initiale a) contrevenait aux principes d’équité procédurale, b) était entachée d’une erreur de droit, ou c) était manifestement déraisonnable (paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014‐289).

[31] Après avoir exposé le contexte, l’historique de la procédure et un aperçu juridique, l’arbitre a examiné chacun des quatre motifs d’appel soulevés par la demanderesse. En outre, l’arbitre a donné son avis sur la question de l’abus de pouvoir dans une rubrique distincte intitulée [traduction] « Point supplémentaire » avant de conclure que la demanderesse ne l’avait pas convaincu que la décision initiale contrevenait aux principes d’équité procédurale, était entachée d’une erreur de droit ou était manifestement déraisonnable.

[32] En ce qui concerne l’équité procédurale, l’arbitre a indiqué que l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [ Baker], établissait le cadre d’examen des questions d’équité procédurale et que la décision Smith c Canada (Procureur général), 2019 CF 770 [Smith], appliquait les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker au contexte du processus disciplinaire de la GRC. L’arbitre a reconnu que, dans la décision Smith, il a été établi qu’un niveau très élevé d’équité procédurale était requis en raison du paragraphe 45.16(9) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R‐10 [Loi sur la GRC], qui prévoit qu’une décision d’appel est définitive et exécutoire. L’arbitre a établi qu’un membre de la GRC qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire possède trois droits principaux : le droit d’être informé, le droit d’être entendu et le droit à un décideur impartial. L’arbitre a conclu que ces droits avaient été respectés étant donné que la demanderesse avait été informée de la réunion disciplinaire, qu’elle avait fourni des observations écrites et orales et que la décideuse initiale [traduction] « semblait avoir été impartiale ».

[33] L’arbitre a pris note de l’argument de la demanderesse selon lequel la consultation avec le sergent Raymond concernant certains aspects du MIGI et les actes de la demanderesse pendant l’incident constituait un manquement aux principes d’équité procédurale. La demanderesse a fait valoir, entre autres, a) qu’à aucun moment durant la procédure disciplinaire elle n’avait été informée que cette consultation aurait lieu ou avait eu lieu, b) que les titres de compétences du sergent Raymond n’avaient pas été établis, c) que l’avis du sergent Raymond ou les renseignements sur lesquels il était fondé n’avaient pas été documentés, d) qu’elle avait été privée de la possibilité de s’opposer à la consultation et de soumettre une contre‐preuve, e) que le sergent Raymond n’était pas au courant de tous les faits et, après avoir reçu des renseignements supplémentaires, avait jugé que les actes de la demanderesse étaient conformes au MIGI, et f) que la décideuse initiale s’étant appuyée sur la consultation dans sa décision d’imposer des mesures disciplinaires, on ne pouvait pas dire que la consultation était dans l’intérêt de la demanderesse.

[34] L’arbitre a confirmé que la consultation avec le sergent Raymond avait eu lieu après la réunion disciplinaire et la décision verbale initiale. Il a déclaré qu’il souscrivait à la position de la décideuse initiale, qui était également la défenderesse aux fins de l’appel, à savoir que [traduction] « la consultation a eu lieu après la réunion disciplinaire sans but illégitime et n’a eu aucun effet sur la décision [de la décideuse initiale] concernant les allégations et les mesures disciplinaires finalement imposées dans la [décision écrite initiale] ». Étant donné que la [traduction] « décision et les mesures disciplinaires n’ont aucunement évolué entre la date de la réunion disciplinaire et la signification » de la décision écrite initiale, l’arbitre a conclu que la consultation du sergent Raymond n’avait entraîné aucun manquement aux principes d’équité procédurale.

[35] En ce qui concerne la question de l’erreur de droit, l’arbitre a conclu que, même si la demanderesse avait allégué plusieurs erreurs de fait ayant contribué à rendre la décision déraisonnable, aucune erreur de droit n’avait été commise.

[36] Sur la question de savoir si la décision initiale était manifestement déraisonnable, l’arbitre a reconnu que les responsables disciplinaires, comme la décideuse initiale, jouissent d’une discrétion considérable dans l’exercice de leurs responsabilités et qu’ils ont droit à la retenue lorsqu’ils prennent des décisions disciplinaires. La demanderesse s’est appuyée sur plusieurs motifs pour affirmer que la décision initiale était manifestement déraisonnable, et l’arbitre a traité chacun de ces motifs séparément.

[37] En ce qui concerne la question de l’abus de pouvoir, la demanderesse a allégué que rien ne permettait de prouver qu’elle avait dit : [traduction] « La police, c’est moi. Vous allez voir de quoi je suis capable. » Elle a fait valoir que la décideuse initiale avait estimé que les plaignants avaient provoqué l’altercation et qu’ils manquaient de crédibilité. L’arbitre a estimé que, même si la demanderesse n’avait pas prononcé ces mots, elle s’était identifiée dans le seul but de désamorcer la situation et qu’elle avait donc utilisé son pouvoir en tant qu’agente de police pour prendre le contrôle de la situation.

[38] Contrairement aux arguments de la demanderesse, l’arbitre a conclu que la décideuse initiale n’avait pas mal compris ou mal saisi les éléments de preuve. Il a estimé que les intentions de la demanderesse, quant à savoir si elle avait envisagé d’arrêter le plaignant 2 ou si ce dernier aurait été reconnu coupable d’avoir troublé l’ordre public étaient [traduction] « d’importance secondaire et n’auraient pas changé la décision [de la décideuse initiale] ».

[39] L’arbitre a également conclu que l’argument de la demanderesse selon lequel la décideuse initiale n’avait pas fourni de raisons suffisantes pour justifier sa conclusion d’abus de pouvoir était sans fondement.

[40] Dans un dernier point, l’arbitre a estimé que, bien que les actes de la demanderesse aient été peu agressifs, ils n’étaient pas de bonne foi, car elle avait choisi de résoudre un problème personnel en utilisant sa position d’agente de police. Essentiellement, il a estimé qu’en s’identifiant comme agente de police, elle avait abusé de son autorité. Par conséquent, le 11 février 2019, l’arbitre a rejeté l’appel et confirmé la décision initiale ainsi que les mesures disciplinaires imposées.

IV. Les notes manuscrites de la consultation avec le sergent Raymond

[41] Peu après l’audience du présent contrôle judiciaire, la Cour a donné des instructions orales concernant un document d’une page contenu dans le dossier de la demanderesse et figurant dans une copie du dossier certifié du tribunal (DCT), qui n’était pas lisible dans la copie du DCT déposée auprès de la Cour :

[traduction]

Dans leurs observations écrites et orales, les parties ont soulevé la question de la consultation qui a eu lieu entre le conseiller disciplinaire sergent Adm et la « personne‐ressource nationale sur le recours à la force » sergent Raymond. Bien que les parties aient fait référence à des documents du dossier, notamment le courriel de Steve Madden du 9 mai 2019 et le courriel d’Helen Meinzinger du 17 mai 2019, il ne semble pas qu’elles aient fait référence aux notes prises le 8 avril 2019 concernant la consultation du sergent Adm avec le sergent Raymond (notes de consultation). Une copie lisible des notes de consultation est contenue dans le DCT à la page 237 du dossier de la demanderesse. Ce document est intitulé « Notes de discussion sur le recours à la force » dans la table des matières du DCT à la page 98 du dossier de la demanderesse. Il convient de souligner que la copie des notes de consultation contenue dans la copie du DCT ID 7 déposée auprès de la Cour le 12 avril 2021 n’est pas lisible. La Cour estime que les notes de consultation peuvent être pertinentes. Par conséquent, si les parties souhaitent présenter des observations, dans la limite de cinq (5) pages, sur les notes de consultation, elles auront jusqu’à 16 h 30 le mercredi 17 novembre 2019 pour ce faire.

[42] En réponse aux instructions orales de la Cour, les deux parties ont présenté des observations supplémentaires. Les parties reconnaissent que la page de notes est constituée de notes manuscrites prises le 8 avril 2019 par le sergent Adm au sujet de sa consultation avec le sergent Raymond, la « personne‐ressource nationale sur le recours à la force ». Je traiterai du contenu des notes manuscrites dans le cadre de mon analyse plus loin.

V. Les questions en litige

[43] La demanderesse a soulevé les questions suivantes :

a) Quel est le critère de contrôle approprié à appliquer aux conclusions en cause dans la décision d’appel?

b) L’arbitre a‐t‐il commis une erreur en concluant que l’impossibilité pour la demanderesse de consulter la personne‐ressource n’a pas entraîné un manquement aux principes d’équité procédurale?

c) L’arbitre a‐t‐il privé la demanderesse de son droit à l’équité procédurale en soulevant de nouvelles questions sans lui donner l’occasion de présenter des observations?

d) L’application par l’arbitre du critère juridique de l’abus de pouvoir était‐elle raisonnable?

[44] Le défendeur a cité comme seule question en litige celle de savoir si la décision d’appel était raisonnable. Néanmoins, il reconnaît et aborde les deux questions d’équité procédurale soulevées par la demanderesse.

[45] Je reformule les questions en litige de la façon suivante :

a) La décideuse initiale a‐t‐elle respecté son devoir d’équité procédurale?

b) Si tel est le cas, le manquement aux principes d’équité procédurale a‐t‐il été corrigé au cours de la procédure d’appel devant l’arbitre?

c) Dans la négative, quelle est la réparation appropriée?

d) L’arbitre a‐t‐il manqué à son devoir d’équité procédurale en soulevant deux nouvelles questions?

e) La décision d’appel sur le fond et sur les mesures disciplinaires était‐elle raisonnable?

[46] Comme je l’explique ci‐dessous, compte tenu de mes conclusions sur les trois premières questions, a) à c), il est inutile que j’examine les questions d) et e).

VI. Analyse

A. Équité procédurale

[47] Un tribunal qui évalue si un décideur a respecté son devoir d’équité procédurale « doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [Chemin de fer Canadien Pacifique] au para 54). Cette évaluation se fait selon la norme de la décision correcte (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, au para 35; Chemin de fer Canadien Pacifique, aux para 54 à 56). La question ultime consiste à savoir si la demanderesse connaissait la preuve à réfuter et si elle a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre (Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 56).

[48] Bien que les arbitres de la GRC possèdent une expertise spécialisée dans le maintien de l’intégrité et du professionnalisme de la GRC et que, par conséquent, leurs décisions dans de tels cas commandent une retenue (Calandrini c Canada (Procureur général), 2018 CF 52, au para 51), ils n’ont pas à faire preuve de retenue sur les questions concernant les manquements aux principes d’équité procédurale (McBain c Canada (Procureur général), 2016 CF 829, au para 40).

[49] L’arbitre a fait référence aux facteurs énoncés dans l’arrêt Baker et a noté la conclusion de la Cour dans la décision Smith, à savoir qu’un niveau très élevé d’équité procédurale s’impose dans le contexte des questions de procédure disciplinaire de la GRC (décision d’appel, para 21). La demanderesse fait valoir que, comme dans la décision Smith, un haut degré d’équité procédurale lui est dû. Je suis d’accord.

B. La décideuse initiale a‐t‐elle respecté son devoir d’équité procédurale?

[50] La demanderesse soutient que le fait que la décideuse initiale se soit fiée à la personne‐ressource, le sergent Raymond, est une atteinte à son droit d’être entendue, également appelée règle audi alteram partem. Elle fait valoir que la consultation du sergent Raymond a entraîné un manquement aux principes d’équité procédurale. L’idée maîtresse de son argument est que la décideuse initiale n’était pas autorisée à participer dans une recherche unilatérale des faits, à rencontrer des tiers au sujet de la question en litige, ou à mener des entretiens privés pour compléter la preuve présentée à l’audience sur une question de fait qui était contestable. La demanderesse soutient qu’on aurait dû lui donner la possibilité de répondre aux éléments de preuve fournis par le sergent Raymond.

[51] Le défendeur affirme que la décision et les mesures disciplinaires imposées n’ont pas changé entre la décision verbale initiale et la décision écrite initiale, et que le sergent Raymond n’a pas assumé le rôle de décideur. Il a été souligné, lors de l’audition de l’affaire, que l’arbitre avait estimé que la consultation n’avait « eu aucun effet » sur la décision initiale. En réponse, la demanderesse fait valoir que si les principes d’équité procédurale avaient été respectés, non seulement cette consultation aurait pu avoir un effet sur la décision initiale, mais elle aurait probablement eu un effet.

[52] La demanderesse a fait valoir qu’après avoir reçu un résumé plus complet des faits, le sergent Raymond avait modifié sa position initiale et s’était rangé à l’avis de la demanderesse sur la question de l’utilisation du MIGI. Lors de l’audience, le défendeur a fait valoir que les éléments du dossier ne montraient pas que le sergent Raymond avait changé d’avis. Je suis d’accord avec le défendeur. Au mieux, les éléments du dossier indiquent que le sergent Raymond n’a pas été informé de tous les faits et que le conseiller de la demanderesse avait l’intention de contacter personnellement le sergent Raymond. Lors de l’audience, la demanderesse a soutenu qu’entre le 9 mai 2019, date à laquelle son conseiller a envoyé un courriel à la décideuse initiale, et le 31 décembre 2019, date des observations en appel, le sergent Raymond a fait savoir qu’il avait changé d’avis, raison pour laquelle ce point figurait dans ses observations en appel et avait été soulevé devant l’arbitre, puis devant la Cour. Sur la foi du dossier dont je dispose, je ne suis pas prête à conclure que le sergent Raymond a effectivement changé d’avis concernant la conformité au MIGI des actes de la demanderesse. Néanmoins, que le sergent Raymond ait effectivement changé d’avis ou non n’est pas déterminant dans la présente affaire.

[53] Dans l’arrêt SITBA c Consolidated‐Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 RCS 282) [Consolidated‐Bathurst], la Cour suprême du Canada a conclu que les discussions relatives à des questions de fait, lorsque des personnes qui n’ont pas entendu toute la preuve sont concernées, constituent généralement un manquement aux principes de justice naturelle, à savoir le droit d’être entendu, ou la règle audi alteram partem (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, au para 62, discutant de l’arrêt Consolidated‐Bathurst). La Cour suprême a établi une distinction entre les discussions sur des questions de fait et les discussions sur des questions juridiques ou politiques, les premières posant problème, car elles permettent à des personnes autres que les parties de faire des observations sur des questions de fait alors qu’elles n’ont pas entendu les éléments de preuve (arrêt Consolidated‐Bathurst, para 86). La Cour suprême a estimé que, généralement, de telles discussions factuelles constituent une violation de la règle audi alteram partem (arrêt Consolidated‐Bathurst, au para 86).

[54] Le défendeur soutient qu’en l’espèce la consultation avec le sergent Raymond [traduction] « concernait des questions de politique et d’interprétation, avait eu une influence sans valeur coercitive et ne portait pas sur des conclusions de fait ». La demanderesse n’est pas d’accord et soutient que les faits ont bien fait l’objet d’une discussion lors de la consultation. Les parties s’accordent pour dire que c’est le conseiller disciplinaire de la décideuse initiale, le sergent Adm, qui s’est entretenu avec le sergent Raymond le 8 avril 2019, comme en témoignent ses notes manuscrites de cette date. En dehors de ces notes manuscrites, la consultation n’a pas été documentée.

[55] Je constate que les notes manuscrites de la consultation font effectivement référence à des éléments factuels et contextuels de l’incident. Les notes manuscrites comprennent les annotations suivantes : [traduction] « Carola – a parlé à Steve Raymond du recours à la force »; « MIGI – Présence de l’agent lorsqu’il est personnellement impliqué alors qu’il n’est pas en service »; « Pouvoir de [la demanderesse] à se déclarer en service »; « Motifs d’arrestation? », « arrestation lorsque quelqu’un exprime son inquiétude quant à votre comportement (sic)? »; « trouble à l’ordre public PAS envers l’agente de la paix impliquée dans l’incident »; « pas de congé de maladie signalé »; « obligation de rapport une fois qu’on s’est identifié comme agent de police »; « article 175 + méfait »; et « jurisprudence à consulter ».

[56] Il est acquis de part et d’autre que le sigle O.D.S. utilisé dans les notes originales rédigées en anglais fait référence à l’expression « Off Duty Sick » (congé maladie). Le défendeur explique que, si la demanderesse était en congé maladie, elle n’était pas apte à travailler ou à se déclarer en service. La demanderesse affirme que l’état de service mentionné dans ces notes est inexact, car elle n’était pas en congé maladie au moment de l’incident. La mention d’un trouble à l’ordre public ou d’un trouble envers l’agente de police, ainsi que les mentions « article 175 + méfait » et « jurisprudence à consulter », sont liées à la notion qu’un agent de police ne peut pas être perturbé mais que c’est plutôt l’ordre public qui doit l’être. Selon les notes manuscrites et les observations supplémentaires des deux parties, ces annotations portent sur les circonstances de fait de la demanderesse et sur la question de savoir si elle a été dérangée en tant que partie à l’incident, témoin et policière, et s’il y a eu trouble à l’ordre public. Le défendeur admet qu’il y a eu une discussion sur les déclarations de la demanderesse concernant le fait que le plaignant 2 avait créé un trouble à l’ordre public. La demanderesse soutient que de multiples circonstances de fait propres à sa situation ont été discutées lors de la réunion, et que certains points en litige ont ensuite été repris dans la décision écrite initiale par la décideuse initiale. En effet, la décision écrite initiale traite de la gêne subie par un agent de police par rapport à la perturbation de l’ordre public, mentionne l’article 175 du Code criminel, LRC (1985), c C‐46, et s’appuie sur la jurisprudence établissant que le fait de crier dans un lieu public ne suffit pas à caractériser une perturbation au sens de l’article 175 du Code criminel.

[57] Comme indiqué au paragraphe 27 du présent jugement, à la suite de la publication de la décision écrite initiale et des plaintes relatives à l’équité procédurale déposées par la demanderesse et son conseiller, le sergent Adm a envoyé un courriel au conseiller disciplinaire de la Direction générale de la GRC, dans lequel il apporte plusieurs [traduction] « clarifications ». Dans ce courriel, le sergent Adm indique qu’il a [traduction] « discuté de façon générale de l’incident et de l’application du MIGI dans les circonstances évoquées par la [demanderesse] » avec le sergent Raymond. Le sergent Adm déclare également que la décideuse initiale [traduction] « a demandé l’avis » du sergent Raymond par souci d’équité envers la demanderesse, car elle n’a pas reçu de formation officielle sur le recours à la force. Le sergent Adm a expliqué que la décideuse initiale [traduction] « avait demandé l’avis d’une personne plus expérimentée pour confirmer le caractère judicieux et équitable de sa décision envers la [demanderesse] avant que cette dernière reçoive la [décision écrite initiale] ». Le défendeur soutient que la décideuse initiale a effectué cette consultation par simple [traduction] « bonne conscience » afin de « dissiper ses doutes quant au fait que le [MIGI] ne soit pas un argument de défense valable contre les allégations, et ce malgré l’argument soulevé par la demanderesse lors de la réunion disciplinaire ». À l’inverse, la demanderesse soutient que, lors de la consultation, le sergent Adm et le sergent Raymond ont discuté des circonstances de fait la concernant et se sont entretenus longuement pour déterminer si ses actes étaient justifiables, tant aux termes du MIGI que sur le plan des motifs potentiels d’arrestation et des autres obligations potentielles à respecter. Elle soutient que leur discussion visait également à déterminer si elle aurait dû se présenter au Service de police d’Ottawa.

[58] J’estime que la position du défendeur, selon laquelle la consultation n’a pas porté sur les conclusions de fait, contredit le dossier dont je dispose. Les notes de consultation du sergent Adm et son courriel contenant des [traduction] « clarifications » témoignent d’une discussion qui a approfondi les faits de l’incident en question et qui a permis de déterminer si les actes de la demanderesse, sur la base des faits présentés au sergent Raymond, étaient conformes au MIGI et aux autres obligations pouvant lui incomber. À part les notes manuscrites du sergent Adm, la consultation n’a pas été documentée. Au moment de la consultation, de l’aveu même du défendeur, le sergent Raymond n’avait pas entendu tous les éléments de preuve présentés à la décideuse initiale. Pour l’essentiel, la demanderesse en a été réduite à faire des suppositions concernant les déclarations du sergent Raymond sur des questions de fait durant cette consultation avec le sergent Adm, ce qui a finalement abouti a) à la déclaration dans la décision initiale écrite selon laquelle le sergent Raymond [traduction] « était d’accord » avec la décideuse initiale, et b) à l’adoption de certains points issus de la discussion dans les motifs écrits de la décideuse initiale. Je m’appuie sur l’arrêt Consolidated‐Bathurst pour conclure que la consultation constitue un manquement aux principes de justice naturelle.

[59] En outre, les décideurs administratifs [traduction] « ne sont généralement pas autorisés à établir les faits unilatéralement ou à s’entretenir en privé avec une partie ou des tiers au sujet de la question en litige » (Donald J.M. Brown et al., Judicial Review of Administrative Action in Canada, Thomson Reuters, 2021, section 12:2, page 12‐7). Ces réunions sont problématiques, notamment parce qu’une ou plusieurs parties peuvent ne pas avoir l’occasion équitable de répondre aux renseignements qui ont été fournis (Judicial Review of Administrative Action in Canada, page 12‐6). La question de savoir si les actes de la demanderesse étaient justifiés au regard du MIGI, compte tenu des éléments de preuve présentés, était au cœur de la décision initiale. Étant donné que la consultation portait précisément sur cette question et sur d’autres, la demanderesse aurait dû en être informée et avoir la possibilité de répondre. J’estime qu’une fois la consultation effectuée, le fait de ne pas donner à la demanderesse la possibilité de répondre à la contribution du sergent Raymond a constitué un manquement aux principes d’équité procédurale. Plus précisément, cela était contraire à la règle audi alteram partem (le droit d’être entendu).

[60] Le défendeur s’appuie sur le courriel du sergent Adm contenant des [TRADUCTION] « clarifications » au sujet de la consultation pour affirmer que la consultation se voulait, et était, dans l’intérêt de la demanderesse. Le sergent Adm est le conseiller disciplinaire (également décrit comme un préposé au registre des communications) qui assistait la décideuse initiale pendant la procédure disciplinaire. Le sergent Adm a rédigé ce courriel après que la demanderesse a été informée de la consultation, a soulevé la question de l’équité procédurale et a fait appel pour ce motif. Je ne suis pas prête à attribuer un quelconque poids aux déclarations du sergent Adm selon lesquelles la consultation a eu lieu dans l’intérêt de la demanderesse. Le courriel du sergent Adm est une tentative de répondre à l’argument de l’équité procédurale avancé par la demanderesse dans le courriel que son conseiller a envoyé à la décideuse initiale et dans sa déclaration d’appel. C’est, à mon avis, une démarche inopportune. Dans la décision Canada (Commission des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2012 CF 445 [Canada (Commission des droits de la personne)], une partie a demandé un contrôle judiciaire pour, entre autres, des motifs d’équité procédurale après avoir reçu la décision d’un tribunal qui mentionnait l’existence de plus de 10 000 pages dans le dossier alors qu’en fait les parties n’avaient soumis qu’environ 2 000 pages. Lorsqu’il a répondu à une demande de divulgation après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire, le directeur des opérations du greffe du tribunal a inclus une lettre d’accompagnement indiquant que certains documents n’avaient pas été pris en compte par la présidente lorsqu’elle avait rendu sa décision. La juge MacTavish a mis en garde les arbitres contre le fait de chercher à étayer leurs décisions avec des documents postérieurs aux faits :

[187] Les cours de révision ont à de nombreuses reprises mis en garde les décideurs contre la tentation d’étoffer leurs décisions au moyen d’une preuve par affidavit produite après le fait en réponse aux demandes de contrôle judiciaire de leurs décisions : voir, par exemple, Sapru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 35, 413 N.R. 70, au par. 51, et Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, [2009] 2 R.C.F. 576, au par. 45.

[188] Ce qui s’est produit en l’espèce est encore plus problématique que dans les affaires Sapru et Sellathurai. Lorsqu’un décideur produit un affidavit pour tenter après coup d’améliorer sa décision, les déclarations en cause sont faites sous serment et la partie lésée peut à tout le moins les contester en contre‐interrogatoire.

[189] En l’espèce, la déclaration énumérant les documents que le Tribunal a examinés ou pas pour trancher la requête en rejet n’émanait pas de la commissaire elle‐même, mais plutôt d’un fonctionnaire du greffe du Tribunal. Rien n’explique comment le représentant du greffe a su ce que la commissaire avait examiné ou pas pour rendre sa décision. Rien n’explique non plus la présence d’énoncés contradictoires dans la décision. De plus, la déclaration en cause est faite dans une lettre plutôt que dans un affidavit. Les demanderesses n’ont donc aucun moyen de contester les affirmations du représentant du greffe.

[190] Tout compte fait, tout ce dont nous disposons est la propre affirmation du Tribunal selon laquelle il avait « passé au crible » 10 000 pages de documents relativement à la requête en rejet, alors que le dossier soumis relativement à cette requête ne comportait qu’environ 2 000 pages. En outre, aucune des parties n’a avancé que la jurisprudence soumise en relation avec la requête pouvait un tant soit peu expliquer une différence de 8 000 pages.

[191] Acceptant telles que formulées les affirmations faites par le Tribunal dans sa décision, force m’est de conclure que celui‐ci a examiné des milliers de pages de documents qui ne lui avaient pas été dûment présentés dans le cadre de la requête en rejet, sans en informer les parties, et sans leur accorder la possibilité de soumettre des observations à cet égard. Il s’agit d’une violation flagrante de l’équité procédurale : Pfizer Co. c. Sous‐ministre du Revenu National pour les douanes et l’accise, [1977] 1 R.C.S. 456, à la p. 463.

[61] Comme dans la décision Canada (Commission des droits de la personne) ci‐dessus, la demanderesse n’avait aucun moyen de contester ce qu’affirmait le sergent Adm dans son courriel sur l’impact, ou l’absence alléguée d’impact, de la consultation sur la décision écrite initiale. Il ne s’agissait pas d’un affidavit sur lequel le sergent Adm pouvait être contre‐interrogé, et le dossier ne contient pas non plus d’affidavit de la décideuse initiale. Au contraire, tout ce dont la demanderesse dispose est le courriel du sergent Adm envoyé après coup, qui ne sert que les intérêts de ce dernier, et les notes manuscrites de sa consultation avec le sergent Raymond.

[62] En outre, je ne suis pas convaincue par l’argument du défendeur selon lequel il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale parce que la consultation n’a pas eu d’impact sur la décision consignée dans la décision écrite initiale. Dans son courriel contenant les [traduction] « clarifications », le sergent Adm a cité le paragraphe de la décision écrite initiale concernant le MIGI qui se terminait par [traduction] « [j’]ai ensuite consulté la personne‐ressource nationale sur le recours à la force, qui est arrivée à la même conclusion que moi » mais assurait au lecteur qu’il n’avait [traduction] « pas demandé ou inclus dans la [décision écrite initiale] l’opinion personnelle du sergent Raymond à propos des actes de la [demanderesse] ». Je ne suis pas d’accord. Comme indiqué ci‐dessus, si la sanction finale (mesures disciplinaires) n’a pas changé, le raisonnement de la décideuse initiale a été à tout le moins complété par les résultats de la consultation avec le sergent Raymond. Cela apparaît clairement dans la formulation de la décision écrite initiale lorsqu’on l’associe aux notes de consultation du sergent Adm. De plus, quel est l’intérêt de souligner que le sergent Raymond était soi‐disant d’accord avec la décideuse initiale si cela n’avait aucun sens? Dans l’ensemble, le dossier montre que la consultation du sergent Raymond a eu un impact, et la demanderesse ne peut que se demander si la décision écrite initiale aurait été différente si le sergent Raymond avait reçu une version complète des faits ou s’il avait été en désaccord avec le sergent Adm.

[63] La demanderesse n’a pas besoin de démontrer qu’elle a subi un préjudice réel découlant de la prise en compte par la décideuse initiale des conclusions de la consultation avec le sergent Raymond pour prouver que l’équité procédurale lui a été refusée. Selon la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kane, la « Cour ne cherchera pas à savoir si la preuve a de fait joué au détriment de l’une des parties; il suffit que cette possibilité existe ». (Kane c Conseil d’administration de l’University of British Columbia, [1980] 1 RCS 1105, p 1116; voir aussi Canada (Commission des droits de la personne), au para 195). J’estime que la demanderesse a démontré qu’elle a pu subir un préjudice du fait a) que la décideuse initiale s’est appuyée sur des documents obtenus lors de la consultation avec le sergent Raymond, b) qu’on ne lui a pas donné la possibilité de participer à la réunion avec le sergent Raymond et c) qu’elle n’a pas eu la possibilité d’examiner les conclusions de la réunion avec le sergent Raymond avant la publication de la décision écrite initiale. Par conséquent, je conclus que le manquement aux principes d’équité procédurale commis par la décideuse initiale peut avoir raisonnablement porté préjudice à la demanderesse.

[64] L’observation du défendeur selon laquelle la décision n’a pas changé entre la décision verbale initiale et la décision écrite initiale vise essentiellement à faire valoir que la décision aurait été la même s’il n’y avait pas eu de consultation avec le sergent Raymond. Conformément aux conclusions de la Cour suprême du Canada, la négation du droit à une audition équitable « doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l’audition aurait vraisemblablement amené une décision différente » (Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643, à la p 661) [Kent]). Il ne m’appartient pas, en tant que juge d’une cour de révision, de faire des hypothèses sur ce qu’aurait pu être la décision initiale si le manquement aux principes d’équité procédurale n’avait pas eu lieu (Kent, à la p 661).

[65] Un manquement aux principes d’équité procédurale rend habituellement une décision invalide. Il existe toutefois des exceptions restreintes à ce qui précède, notamment lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir ou lorsque le résultat est inéluctable sur le plan juridique (Canada (Commission des droits de la personne), au para 203; Canada (Procureur général) c McBain, 2017 CAF 204, au para 10 [McBain]). Dans de tels cas, une cour de révision peut ne pas tenir compte d’un manquement à l’équité procédurale. Compte tenu du dossier, j’estime que cette exception ne s’applique pas au présent contrôle judiciaire. De l’aveu même du défendeur, la décideuse initiale avait [traduction] « [d]es doutes » et cherchait à obtenir [traduction] « l’avis d’une personne plus expérimentée ». Par conséquent, on ne peut pas dire que l’issue de la procédure d’examen disciplinaire était sans espoir ou inéluctable sur le plan juridique.

[66] En résumé, une discussion unilatérale a eu lieu, qui concernait, du moins en partie, des questions de fait, avec une personne qui n’avait pas entendu toute la preuve et qui ne participait pas à la procédure disciplinaire de la GRC visant la demanderesse. La demanderesse n’a pas eu la possibilité d’être présente et n’a pu examiner ni les éléments qui ont été discutés ni les conclusions de la discussion. Ces points, qu’ils soient considérés isolément ou ensemble, sont tels qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

C. Le manquement aux principes d’équité procédurale a‐t‐il été corrigé au cours de la procédure d’appel devant l’arbitre?

[67] Ayant conclu qu’il y a bien eu une violation des principes d’équité procédurale, je conclus que la décision initiale est invalide. D’ordinaire, la réparation consisterait à ordonner une nouvelle audience, sauf lorsque le manquement aux principes d’équité procédurale a été corrigé en appel (McBain, au paragraphe 10). Le défendeur soutient que si la décideuse initiale a enfreint les principes d’équité procédurale, ce manquement a été corrigé par l’arbitre, de sorte que la procédure dans son ensemble a atteint un niveau acceptable d’équité. La demanderesse n’est pas de cet avis.

[68] Pour déterminer si une procédure d’appel a permis de remédier à un manquement aux principes d’équité procédurale dans le contexte des procédures disciplinaires de la GRC, la Cour d’appel fédérale a adopté l’approche suivante dans l’arrêt McBain :

[13]... Dans l’arrêt Taiga Works, la Cour d’appel de la Colombie‐Britannique adopte les cinq facteurs relevés par De Smith, Woolf et Jowell dans l’ouvrage intitulé Judicial Review of Administrative Action, 5e éd. (London : Sweet & Maxwell, 1995), aux pages 489 et 490, pour déterminer si une procédure d’appel a remédié aux vices de procédure antérieurs. Il s’agit de (i) la gravité de l’erreur commise en première instance; (ii) la probabilité que les effets préjudiciables de l’erreur puissent se répercuter sur la nouvelle audience; (iii) la gravité des conséquences pour la personne concernée; (iv) l’étendue des pouvoirs de l’organisme d’appel; (v) la question de savoir si la décision d’appel est rendue sur la seule foi des documents dont disposait le décideur initial ou à l’issue d’une nouvelle audience.

[69] En l’espèce, j’estime que les manquements à l’équité procédurale survenus en première instance, devant la décideuse initiale, sont graves. De plus, j’estime qu’ils ont probablement imprégné la procédure devant l’arbitre. S’appuyant sur le courriel rédigé après coup par le sergent Adm et contenant ses [traduction] « clarifications », l’arbitre a conclu qu’il souscrivait à l’avis de la « défenderesse » selon lequel la consultation avait eu lieu [traduction] « sans but illégitime et n’[avait] eu aucun effet sur la décision de la défenderesse concernant les allégations et les mesures disciplinaires finalement imposées dans la [décision écrite initiale] ». Comme indiqué précédemment, le terme « défenderesse » dans la décision d’appel désigne la décideuse initiale, puisqu’elle était effectivement « défenderesse » dans le cadre de l’appel. En outre, la décision d’appel ne mentionne pas les notes manuscrites du sergent Adm sur la consultation, et rien n’indique que le contenu de ces notes ait été pris en compte par l’arbitre.

[70] En ce qui concerne la gravité des conséquences, l’arbitre a noté que dans la décision Smith, la décision disciplinaire a été considérée comme importante par la Cour, car elle pouvait avoir indéfiniment des répercussions sur la carrière du membre. La demanderesse fait valoir que les conséquences sont graves étant donné que les mesures disciplinaires resteront indéfiniment inscrites dans son dossier et entacheront sa crédibilité si elle est appelée à témoigner dans une procédure pénale. Je suis d’accord avec la demanderesse.

[71] Il ne s’agissait pas d’un appel de novo où l’arbitre ne tenait pas du tout compte de la décision antérieure.

[72] Bien que l’arbitre ait examiné la question de l’équité procédurale soulevée par la demanderesse et qu’il ait été lié par le même devoir d’équité procédurale, il a conclu qu’il n’y avait pas eu de manquement aux principes d’équité procédurale, entre autres parce que la demanderesse avait eu la possibilité d’être entendue lors de la réunion disciplinaire et que la [traduction] « décision et les mesures disciplinaires » n’avaient pas changé entre la décision verbale initiale et la décision écrite initiale. L’arbitre n’a pas saisi les répercussions de la consultation en privé sur la décision écrite initiale, comme en témoignent la décision écrite initiale elle‐même, les notes prises lors de la consultation et le courriel rédigé postérieurement par le sergent Adm.

[73] Sur la base des facteurs qui précèdent, je conclus que les manquements aux principes d’équité procédurale n’ont pas été corrigés par l’arbitre lors de la procédure d’appel.

D. La réparation

[74] Ayant conclu à un manquement aux principes d’équité procédurale et à l’absence de correction de ce manquement lors de la procédure d’appel, j’examine maintenant la question de la réparation. En général, la réparation consiste à renvoyer l’affaire au même décideur administratif ou à un autre décideur administratif du même organisme pour qu’il rende une nouvelle décision . Comme l’a indiqué mon collègue le juge Grammond, « [c]ette façon de procéder permet de respecter les missions respectives de la Cour et des organismes administratifs. En effet, dans ce cas‐ci, c’est aux instances mises en place par la [Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R‐10] que le Parlement a confié le rôle de trancher les griefs des membres de la GRC, et non à notre Cour » (Frémy c Canada (Procureur général), 2018 CF 434, au para 48).

[75] J’estime qu’il convient de renvoyer l’affaire à un autre arbitre disciplinaire pour qu’il la réexamine conformément aux motifs qui précèdent. Ayant conclu que le manquement aux principes d’équité procédurale était déterminant, il n’est pas nécessaire pour moi d’examiner les deux autres questions soulevées par la demanderesse.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‐464‐21

LA COUR STATUE que :

  1. la demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. la décision d’appel de l’arbitre est annulée;

  3. la présente affaire est renvoyée à un autre arbitre disciplinaire afin d’être réexaminée conformément aux présents motifs;

  4. des dépens de 2 100 $ sont adjugés à la demanderesse.

« Vanessa Rochester »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐464‐21

INTITULÉ :

MARIE‐JEANNE CAROLA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er novembre 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DES MOTIFS :

Le 3 décembre 2021

COMPARUTIONS :

Malini Vijaykumar

Adrienne Fanjoy

Pour la demanderesse

Yusuf Khan

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan, O’Brien, Payne s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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