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Date : 20040310

Dossier : T-1354-97

Référence : 2004 CF 366

ENTRE :

                            DAVID WILLIAM LORD, LORRAINE ELOUISE LORD,

                              VERA HANNAH LORD, CORALEE REBECCA LORD,

                            DAWN ANDREA LORD, DERIK CHRISTOPHER LORD

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse

                                              TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur


[1]                En 1997, le demandeur, Derik Christopher Lord (Derik Lord), était détenu à l'établissement de Kent en Colombie-Britannique. Les cinq autres demandeurs sont des membres de sa famille : David William Lord (David Lord ) est son père, Lorraine Elouise Lord (Elouise Lord) est sa mère, Coralee Rebecca Lord (Coralee Lord) et Dawn Andrea Lord (Dawn Lord) sont ses soeurs et Vera Hannah Lord (Vera Lord) est sa grand-mère. La présente action en dommages-intérêts, qui a été intentée à la suite d'un incident survenu à l'établissement de Kent lors d'une visite familiale privée, a été accueillie en partie. La Cour a accordé respectivement les sommes de 500 $, 1 000 $, 2 000 $ et 2 000 $ en dommages-intérêts à Elouise Lord, Coralee Lord, Dawn Lord et Vera Lord. Au paragraphe [195] de son jugement, publié à [2001] A.C.F. no 640, la Cour a conclu que, « comme elles n'étaient pas représentées » , les quatre demanderesses en question (les quatre demanderesses) « n'ont pas droit, en ce qui concerne la défenderesse, à des honoraires d'avocat, cependant elles ont droit à des débours comme, par exemple, des frais de photocopie, des frais de déplacement, des indemnités de témoin, divers frais de transcription, d'affranchissement et d'appels interurbains. » La Cour a jugé que Derik Lord n'avait pas droit à des dommages-intérêts mais ne l'a pas condamné aux dépens. La Cour a rejeté les prétentions de David Lord et l'a condamné à payer les dépens de la défenderesse.

[2]                J'ai établi un échéancier pour le règlement par écrit de la taxation des dépens des quatre demanderesses. Comme elle l'a fait pendant tout le déroulement du procès, Elouise Lord semble s'être occupée de recueillir et de produire les pièces pertinentes au nom des quatre demanderesses. Les premières pièces qui ont été produites m'ont incité à donner des directives formelles aux quatre demanderesses et à les prévenir que les exigences des Règles en matière de pratique et de procédure devaient être respectées en ce qui concerne la signification, l'interdiction faite aux profanes de se représenter les uns les autres en justice, le détail des frais, le mode de preuve, les formalités à respecter en ce qui concerne les affidavits, etc. On constate, à la lecture des pièces qui ont été soumises, qu'on a affaire à des plaideurs qui agissent pour leur propre compte et qui essaient de se débrouiller avec les subtilités de la procédure.

[3]                Les quatre demanderesses ont soumis trois mémoires de dépens. Dans le premier mémoire (le mémoire du 26 juin 2003), qui était annexé à un affidavit mais auquel n'était jointe aucune facture justificative, les quatre demanderesses réclament des frais sous treize rubriques : Coralee Lord (2 342 $) Dawn Lord (822,95 $ : chiffre corrigé parce qu'un montant de 179,52 $ n'a, par inadvertance, pas été inclus dans les frais divers), Vera Lord (530,42 $) et Elouise Lord (17 505,78 $). Les indemnités individuelles accordées à titre de dommages-intérêts ont été incluses inutilement dans le présent mémoire de dépens et, dans le cas d'Elouise et de Coralee Lord, le montant inscrit était incorrect.


[4]                À la suite de leur requête en prorogation de délai, les quatre demanderesses ont signé et présenté un mémoire de dépens conjoint (le mémoire conjoint du 11 août 2003), ainsi que des observations écrites et un affidavit à l'appui. Le mémoire conjoint du 11 août 2003 était différent du mémoire du 26 juin 2003 du fait que, dans le cas d'Elouise Lord, les frais de déplacement sont passés de 150,60 $ à 1 550 $ et les frais de photocopie, qui s'élevaient à 9 866,85 $ (28 191 copies à 0,35 $ la page) ont été portés à 27 562,50 $ (78 750 copies à 0,35 $ la page), de sorte que le montant total réclamé est passé de 21 201,15 $ à 40 296,20 $ pour les quatre demanderesses. En outre, même si, là encore, cette mesure n'était pas nécessaire, les montants réclamés à titre de dommages-intérêts ont été corrigés. On ne sait pas avec certitude si le mémoire conjoint du 11 août 2003 et les pièces y afférentes ont été signifiés à la défenderesse. Toutefois, dans sa lettre du 17 septembre 2003, l'avocat de la défenderesse mentionne le paragraphe 14 d'un affidavit d'Elouise Lord (souscrit par cette dernière le 21 mai 2003). Cet affidavit est identique à l'affidavit précédent qu'elle avait souscrit le 21 mai 2003 et qui avait été soumis avec les pièces du 26 juin 2003, à l'exception du nouveau paragraphe 14). La déposante y promettait de produire des pièces justificatives. Par ailleurs, dans les observations écrites qui ont été soumises ultérieurement pour le compte de la défenderesse, il est question d'un montant réclamé pour 78 750 copies. Ces deux mentions étaient propres aux documents du 11 août 2003, malgré le fait qu'il était fait mention, dans la lettre du 17 septembre 2003, de frais d'environ 21 000 $ réclamés par les quatre demanderesses dans le mémoire du 26 juin 2003. Tout cela indique que l'avocat de la défenderesse parlait du mémoire conjoint du 11 août 2003. Dans la lettre du 17 septembre 2003, il est également précisé que chaque partie doit soumettre son propre mémoire de dépens et y joindre des pièces justificatives. On constate, à la lecture du dossier de la Cour, que des directives ont par la suite été données soit en réponse aux requêtes en prorogation de délai des quatre demanderesses, soit en réponse aux lettres dans lesquelles la défenderesse affirmait que les demanderesses n'avaient pas suivi les directives en question, le tout dans le but d'inciter les quatre demanderesses à tenir leur engagement de produire les pièces justificatives promises. Ces directives portaient notamment sur le mode de preuve à utiliser pour les pièces justificatives en question. Elles avertissaient aussi les quatre demanderesses qu'elles ne pouvaient soulever de nouvelles questions dans les pièces produites en réponse et qu'elles devaient se contenter de répondre aux questions soulevées par la défenderesse dans les documents qu'elle avait déposés en réponse.

[5]                Elouise Lord a écrit le 10 novembre 2003 une lettre dans laquelle elle exprimait ses préoccupations au sujet de l'insuffisance de l'avis de directives et de la correspondance et dans laquelle elle affirmait que, si on lui accordait encore une autre prorogation de délai, elle pourrait produire toutes les pièces qui manquaient au plus tard le 27 novembre 2003. L'avocat de la défenderesse a, dans une lettre datée du 13 novembre 2003, exprimé son désaccord avec les assertions formulées par les quatre demanderesses au sujet de l'avis et il a fait valoir que, compte tenu des prorogations de délai qui avaient déjà été accordées, il n'y avait pas lieu d'autoriser d'autres prorogations. Le 24 novembre 2003, j'ai donné des directives dans lesquelles j'ai prorogé une fois de plus les délais, en reportant au 4 décembre 2003 le délai imparti aux quatre demanderesses pour produire toutes leurs pièces, au 30 décembre 2003 le délai accordé à la défenderesse pour soumettre sa réponse et au 23 janvier 2004, le délai imparti aux quatre demanderesses pour produire leurs documents en réplique. Il était précisé dans ces directives que [TRADUCTION] « les demanderesses devront agir de façon à permettre à la partie adverse d'obtenir le règlement des questions encore en suspens dans un délai raisonnable » , de sorte que le délai du 4 décembre 2003 était péremptoire et que les quatre demanderesses étaient tenues d'agir en conséquence. Ces directives ont été laissées dans la boîte vocale d'Elouise Lord le 24 novembre 2003 et lui ont été envoyées par la poste le même jour.


[6]                Elouise Lord a écrit le 3 décembre 2003 une lettre dans laquelle elle confirmait avoir reçu les directives le 2 décembre 2003 et dans laquelle elle sollicitait une nouvelle prorogation pour diverses raisons. L'avocat de la défenderesse a, dans une lettre datée du 9 décembre 2003, signalé le caractère péremptoire du délai et s'est opposé à ce que toute autre prorogation de délai soit accordée en confirmant par ailleurs son intention de respecter l'échéance du 30 décembre 2003 en dépit du défaut des quatre demanderesses de produire les documents requis. Je n'ai donné aucune nouvelle directive et j'ai choisi de ne pas modifier l'échéancier prévu. La défenderesse a respecté l'échéance en ce qui concerne le dépôt de ses documents en réponse, mais, fidèles à leur habitude, les quatre demanderesses n'ont pas respecté l'échéance fixée pour le dépôt de leurs documents en réplique. Le 26 janvier 2004, elles ont soumis des documents, qui comprenaient des observations écrites, une liasse de pièces justificatives et un mémoire de dépens conjoint modifié en date du 20 décembre 2003. Suivant la défenderesse, en produisant ces documents, les quatre demanderesses n'ont pas respecté plusieurs échéances, y compris le délai péremptoire final. Elle ajoute qu'on ne devrait pas tenir compte de ces documents, étant donné qu'elle n'a pas pu consulter ces documents récents lorsqu'elle a formulé ses documents en réponse. J'ai donné pour instructions au greffe de retourner aux demanderesses les documents du 26 janvier 2004 et de ne pas les verser au dossier. Ces documents n'étaient pas de la nature d'une réplique; ils constituaient plutôt des documents présentés à titre de preuve principale et ils auraient lésé la défenderesse, qui aurait été forcé de rédiger ses documents en réponse sans avoir pu consulter des pièces qui auraient dû faire partie des documents produits le 11 août 2003.


[7]                Toutefois, malgré le fait que la défenderesse se soit opposée à cette façon de procéder, je vais permettre aux parties demanderesses de réclamer individuellement leurs dépens par le biais du mémoire conjoint du 11 août 2003. J'appliquerai les conclusions que j'avais tirées au sujet du pouvoir discrétionnaire dans l'affaire Grace M. Carlile c. Sa Majesté La Reine, (1997), 97 D.T.C. 5284 (O.T.), à la page 5287, et les commentaires que le juge Russell a formulés dans l'arrêt Re Eastwood (deceased) (1974), 3 All E.R. 603, à la page 608, selon lesquels, en matière de taxation des dépens, [TRADUCTION] « la justice est rendue de façon sommaire, en ce sens que de nombreuses approximations sensées sont faites » pour en arriver à un résultat raisonnable au sujet des dépens. De plus, conformément à l'article 3 des Règles et à l'opinion que j'ai exprimée dans la décision Feherguard Products Ltd. c. Rocky's of B.C. Leisure Ltd., [1994] 2 C.F. 20, [1994] A.C.F. no 2012 (O.T.), au paragraphe 10, selon laquelle « la meilleure manière de déterminer le montant des dépens consiste à adopter dans l'application des dispositions un point de vue positif et non étroit et négatif » , l'exercice du pouvoir discrétionnaire devrait faire partie d'un processus raisonné qui permet de régler la question de la taxation de façon équitable pour les deux parties.

Droits de dépôt (640 $) et frais judiciaires (563 $) réclamés par Elouise Lord

Thèse des parties


[8]                Elouise Lord affirme que ces frais font partie du montant adjugé par la Cour. La défenderesse fait valoir de façon générale en ce qui concerne toutes les rubriques de frais qu'il est difficile de plaider efficacement lorsque les éléments d'information présentés sont incomplets, voire inexacts, et en tout cas non étayés par des pièces justificatives. La défenderesse admet que les droits de dépôt ont été acquittés mais elle ajoute que, faute de pièces justificatives, je ne devrais accorder que la somme de 350 $ (50 $ et 300 $ respectivement pour la déclaration et la conférence préparatoire) qui ressort à l'évidence du dossier de la Cour. Par ailleurs, compte tenu du fait que seulement quatre des six demandeurs ont droit à des dépens, seulement 233,33 $ (4/6e de 350 $) sont recouvrables. Suivant la défenderesse, faute de preuve que les frais judiciaires ont été payés, rien n'est recouvrable. À titre subsidiaire, conformément à la thèse précitée de la défenderesse, les demanderesses ont droit à seulement 4/6e de 563 $.

Taxation


[9]                J'ai conclu, dans l'affaire Milliken & Company et al. c. Interface Flooring Systems (Canada) Inc., [2003] A.C.F. no 1586 (O.T.) que les dépens peuvent être liquidés en fonction des circonstances de l'espèce. J'accorde 233,33 $ à Elouise Lord pour les droits de dépôt. Quant aux frais judiciaires, compte tenu de l'état des pièces produites par les quatre demanderesses relativement à ces dépens, les préoccupations de la défenderesse sont compréhensibles. Il ne s'ensuit pas pour autant que les quatre demanderesses ne doivent pas profiter de mon expérience en matière de taxation des dépens, en particulier lorsqu'on a affaire à des pièces qui comportent plusieurs lacunes. Les sommes réclamées correspondent peut-être à des dépenses véritables et nécessaires et un résultat de zéro dollar dans une taxation de dépens serait absurde. D'autres droits ont été payés au greffe après l'instruction conformément au tarif 2A. Il s'agissait de droits payables pour une audience d'une durée de plus de trois jours. Chacune des parties, y compris la défenderesse, devait 34,29 $. Le paiement de cette somme par les quatre demanderesses est confirmé par le dossier de la Cour et j'accorde donc 137,16 $ à Elouise Lord (étant donné qu'elle a payé les droits de tous les demandeurs). Le dossier de la Cour ne permet pas de conclure que le greffe a réclamé d'autres frais judiciaires et je rejette donc le solde de 563 $. Une partie de ce solde aurait pu être réclamé en vertu du paragraphe 1(3) du tarif A en tant que copies de documents provenant du dossier de la Cour, mais j'estime que la conclusion à laquelle j'en arrive plus loin au sujet des photocopies suffit.

Indemnités de témoin (600 $) et frais de déplacement des témoins (1 500 $) réclamés par Elouise Lord

Frais de déplacement des parties : 263,50 $, 310,75 $, 190 $ et 1 550 $ réclamés par Coralee, Dawn, Vera et Elouise Lord respectivement

Appels interurbains : 129,64 $, 115,76 $, 105,48 $ et 979,56 $ réclamés par Coralee, Dawn, Vera et Elouise Lord respectivement

Télécopies : 24,96 $, 23,78 $, 25,48 $ et 118,25 $ réclamés par Coralee, Dawn, Vera et Elouise Lord respectivement

Photocopies : 15,34 $, 15,34 $, 10,67 $ et 27 562,50 $ réclamés par Coralee, Dawn, Vera et Elouise Lord respectivement

Signification de documents (114,37 $) et transcriptions (838,25 $) réclamés par Elouise Lord

Thèse des quatre demanderesses


[10]            S'appuyant sur la décision Entreprises Blanchet Ltée c. Canada, [1989] 2 C.F. D-43 (O.T.), Elouise Lord soutient que le témoin qui est également une partie a le droit de recevoir une indemnité de témoin. Les quatre demanderesses affirment que les frais de déplacement ont, dans la mesure du possible, été réduits au minimum et elles ont soutenu également, en se fondant sur la décision Desloges c. Canada (Procureur général) [2001] A.C.F. no 1627 (O.T.) qu'un plaideur qui agit pour son propre compte peut réclamer des frais de déplacement. Les frais de déplacement de 1 550 $ réclamés par Elouise Lord concernent plusieurs voyages à Kamloops et à Victoria pour recueillir des signatures et obtenir des documents des autres demandeurs et les frais de déplacement réclamés par Coralee, Dawn et Vera Lord portent sur leur comparution au procès. Les quatre demanderesses ont multiplié les requêtes et les demandes de prorogations de délais au cours du procès, ce qui a nécessité un échange intense de communications entre les parties sous forme d'appels téléphoniques interurbains et de télécopies, et les frais afférents à ces rubriques et à d'autres articles ont été soigneusement consignés, conformément aux Règles, et la Cour a tenu compte de tous ces frais dans son adjudication des dépens. Elouise Lord a expliqué que le chiffre de 78 750 était sa meilleure estimation du nombre de photocopies.

Thèse de la défenderesse

[11]            La défenderesse affirme que les seules personnes qui ont témoigné étaient les demandeurs et qu'en tant que parties, ils ne peuvent réclamer d'indemnité de témoins. À titre subsidiaire, si cette somme leur est accordée, elle devrait se limiter aux jours où chacune des quatre demanderesses a témoigné et non pour chaque jour d'instruction. David et Derik Lord n'ont droit à aucune somme à ce titre. L'absence de pièces justificatives m'empêche d'analyser la réclamation de 600 $.


[12]            La défenderesse soutient que la somme de 50 $ par jour réclamée pour transporter Derik Lord du lieu où il était détenu jusqu'au tribunal est critiquable puisque c'est Sa Majesté, et non Elouise Lord, qui a assumé ces frais. La défenderesse réitère l'argument qu'elle a précédemment invoqué, en l'occurrence le fait qu'en tant que parties, les demandeurs ne peuvent réclamer de frais de déplacement à titre de témoins. À titre subsidiaire, comme elle l'a soutenu précédemment, la défenderesse affirme que seuls les frais qui correspondent aux jours où des témoignages ont effectivement été entendus peuvent être réclamés et que David et Derik Lord n'ont droit à aucune somme. Faute de pièces justificatives, et vu le fait qu'il s'agit de membres d'une même famille, il est douteux que chacune des demanderesses ait utilisé sa propre voiture. Suivant la défenderesse, les frais de déplacement réclamés par Elouise Lord pour rencontrer les autres demandeurs sont excessifs, compte tenu de l'ordonnance du 20 octobre 1997 qui obligeait chacun des demandeurs à agir pour son propre compte. Par ailleurs, il existait d'autres moyens de rechange raisonnables et beaucoup plus économiques tels que le télécopieur, la poste ou les services de messagerie.


[13]            La défenderesse soutient que rien ne devrait être accordé pour les appels interurbains, faute de pièces justificatives. À titre subsidiaire, elle fait valoir que toute somme qui pourrait être accordée devrait être réduite pour tenir compte de la probabilité que, sur une période aussi longue, il y ait eu des discussions familiales sans rapport avec le présent litige. La défenderesse n'a pas pris position au sujet des télécopies des quatre demanderesses ou des photocopies relatives à Coralee, Dawn et Vera Lord, mais elle a soutenu, en se fondant sur le jugement Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp., (1990), 13 C.P.R. (2d) 248 (C.F. 1re inst.), qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, les 78 750 copies réclamées par Elouise Lord n'étaient pas raisonnables et essentielles, compte tenu des treize affidavits distincts soumis à la Cour en plus du témoignage de vive voix donné par chacune des demanderesses. Un autre montant excessif est le tarif de 0,35 $ réclamé, compte tenu du tarif moyen de 0,25 $ la page établi dans le jugement Moloney c. Canada, [1989] 1 C.T.C. 213 (C.F. 1re inst.). La défenderesse soutient que rien ne devrait être accordé aux demanderesses pour la signification des documents, au risque de faire double emploi avec les frais de télécopie déjà accordés. Elle rappelle aussi qu'Elouise Lord signifiait habituellement les documents par télécopieur. La défenderesse conteste les frais de transcription, vu l'absence de pièces justificatives et soutient en outre que ces frais sont recouvrables dans le cas d'un mémoire de frais présenté en appel, mais pas dans une situation comme la présente.

Taxation



[14]            Par définition, le plaideur qui agit pour son propre compte doit se présenter en personne devant le tribunal pour plaider sa cause, ce qui ne lui donne pas pour autant droit aux frais prévus au paragraphe 3(1) et 3(3) du tarif A pour le temps qu'il a consacré à témoigner dans sa propre cause (Top Notch Construction Ltd. c. Top-Notch Oilfield Services Ltd., [2002] AC.F. no 304 (O.T.)). Je n'accorde donc rien à titre d'indemnité de témoin ou de frais de déplacement de témoin. Les frais de déplacement exposés par une partie sont traités différemment parce qu'il est essentiel que le plaideur qui agit pour son propre compte doit se rendre au lieu où se déroule le procès, lieu qui peut être éloigné de son domicile, pour être présent du début à la fin pour plaider sa cause. Le temps consacré à témoigner ne constituerait qu'une fraction de ce temps. Si les demanderesses avaient été représentées par un avocat, j'aurais probablement refusé en totalité leurs frais de déplacement, mais elles devaient être présentes pour plaider leur cause. Il ressort des pièces déposées par les quatre demanderesses que les frais d'hôtel et de repas ne sont pas des facteurs qui ont joué en l'espèce. Malgré les autres éléments de preuve versés au dossier, j'ai consulté le sommaire de l'audience pour obtenir l'adresse des quatre demanderesses. Dans le cas de Coralee Lord (Victoria) et de Vera Lord (Kamloops), il n'aurait pas été pratique pour elles de rentrer chaque soir chez elles au cours des quatre jours qu'a duré l'instruction. Le trajet que devaient effectuer chaque jour Dawn et Elouise Lord (Chilliwack) n'était pas négligeable. Je crois que c'est avec raison que la défenderesse a exprimé ses préoccupations au sujet de la difficulté que présentait la confirmation du caractère raisonnable de ces déplacements, compte tenu des problèmes soulevés par les pièces des quatre demanderesses et de leur façon de procéder. Par exemple, dans les directives que j'ai données le 26 juin 2003, en partie en réponse au premier affidavit qu'Elouise Lord a souscrit le 21 mai 2003, j'ai insisté sur la nécessité pour les quatre demanderesses de produire des pièces justificatives. Je m'attendais à recevoir un nouvel affidavit. Or, les documents du 11 août 2003 qui ont été envoyés au greffe par télécopieur comprenaient un affidavit souscrit par Louise Lord le 21 mai 2003 qui était à première vue identique au précédent, qui portait une date et des signatures manuscrites, mais auquel avait été ajouté un nouveau paragraphe, portant le numéro 14, dans lequel la déclarante promettait de déposer [TRADUCTION] « un document distinct intitulé PIÈCES JUSTIFICATIVES » . Bien que je sois convaincu, lecture faite du dossier, que certains des frais réclamés par les quatre demanderesses ont été engagés inutilement en raison de leur manque d'expérience en matière de pratique et de procédure, je constate qu'au moment où elles ont pris la décision d'engager ces frais, elles ne pouvaient avoir la certitude de les récupérer par la suite. Rien ne permet de penser que Coralee, Dawn et Vera Lord n'ont pas fait preuve de la nécessaire retenue qui doit caractériser l'engagement de frais dans un procès. Les montants ostensiblement plus élevés que réclame Elouise Lord par rapport aux trois autres demanderesses ne s'expliquent probablement pas par une volonté consciente d'engager des frais excessifs lors du déroulement du procès, mais plutôt par le fait qu'elle n'a pas pu bénéficier des connaissances spécialisées d'un avocat chevronné qui aurait pu prendre des décisions éclairées au sujet des dépenses qui pouvaient être raisonnables à l'époque. J'accorde donc 140 $, 120 $, 190 $ et 180 $ pour les frais de déplacement de Coralee, Dawn, Vera et Elouise Lord respectivement.

[15]            Bien que je comprenne les raisons pour lesquelles la défenderesse soutient énergiquement que les frais réclamés pour les appels téléphoniques interurbains compte tenu du caractère douteux de la preuve, j'estime qu'en raison des réalités du présent procès, certains frais ont dû être engagés à ce chapitre. J'accorde 50 $ à Coralee, Dawn et Vera Lord et 150 $ à Elouise Lord.


[16]            Eu égard aux circonstances entourant le présent litige, la somme de 27 562,50 $ réclamée par Elouise Lord pour les photocopies est injustifiable. Un plaideur qui agit pour son propre compte doit avoir la possibilité de plaider sa cause, sans pour autant réaliser un profit inattendu sous forme de dépens, en particulier si l'on considère que les décisions qu'a prises Elouise Lord, qui semble avoir assumé la plus grande partie des frais afférents à la préparation du dossier, ne se sont pas toujours traduites par des dépenses raisonnables et nécessaires. Par ailleurs, certaines des photocopies se rapportaient probablement à David et Derik Lord, mais je n'ai pas l'intention d'essayer de faire une répartition de documents pour en extraire les frais non recouvrables par ces deux demandeurs. D'autres exemples de difficultés que soulèvent ces articles sont les montants réclamés pour les copies d'un dossier de requête qui semble être daté du 5 octobre 1998 et qui ne figure pas au dossier de la Cour, ainsi que les frais réclamés pour les copies du dossier de requête déposé le 5 octobre 2000 qui a donné lieu le 18 octobre 2000 à une ordonnance enjoignant aux autorités d'assurer la présence chaque jour du procès de Derik Lord, qui était alors détenu, mais qui était muette sur la question des dépens, ce qui m'empêche d'accorder un montant pour les frais connexes tels que les frais de photocopies. Conformément à la décision Re Eastwood (deceased), précitée, et à la démarche que j'ai suivie dans les affaires Carlile et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4004 c. Air Canada, [1997] A.C.F. no 464 (O.T.), j'accorde la somme réduite de 850 $ à Elouise Lord pour les photocopies. Les frais de 114,37 $ réclamés pour la signification des documents (services de messagerie, etc.) pouvaient être nécessaires et raisonnables compte tenu des divers endroits où se trouvaient les parties. J'accorde un montant réduit de 55 $.


[17]            Les frais afférents à la transcription de l'interrogatoire préalable peuvent être réclamés dans un mémoire de dépens soumis à la Cour fédérale. Les pièces des quatre demanderesses n'excluent pas la possibilité que les frais réclamés en l'espèce pour la transcription se rapportent à l'appel dont désistement. On trouve dans le dossier de la Cour une lettre écrite le 24 septembre 1998 par Elouise Lord à l'avocat de la défenderesse pour lui demander s'il a l'intention de renoncer aux interrogatoires préalables. Dans la demande de conférence préparatoire qu'ils ont présentée le 12 octobre 1999, les demandeurs attestaient que tous les interrogatoires préalables qu'ils entendaient tenir étaient terminés. On ne sait pas avec certitude, en consultant le dossier de la Cour, si des interrogatoires préalables ont effectivement été tenus. Les quatre demanderesses n'ont par conséquent droit à aucun montant en ce qui concerne David et Derik Lord pour ce qui est des interrogatoires préalables. En ce qui a trait à David Lord, la défenderesse ne réclame pas, dans son mémoire des dépens, d'honoraires d'avocat ou de frais de transcription pouvant se rattacher à l'enquête préalable. Un extrait d'une transcription des débats du tribunal d'une autre province a été joint à l'affidavit déposé à l'appui du dossier de la requête susmentionné visant à obtenir la présence, pour toute la durée du procès, de Derik Lord, qui était alors détenu. Les frais engagés pour obtenir cette transcription ne sont pas taxables dans le cadre de la présente procédure. J'estime que, compte tenu de l'opinion que j'ai au sujet de la conduite des demandeurs en ce qui concerne le déroulement du présent procès, la tenue d'un interrogatoire préalable aurait créé des problèmes qui seraient ressortis au vu du dossier de la Cour, ce qui aurait obligé la Cour à intervenir en réponse à la requête. Indépendamment de l'attestation des quatre demanderesses suivant laquelle les interrogatoires préalables étaient terminés, je ne suis pas convaincu que ces interrogatoires ont effectivement eu lieu et je refuse par conséquent d'accorder les 838,25 $ réclamés.


Honoraires du notaire public : 52,80 $, 52,80 $, 52,80 $ et 105,60 $ réclamés par Coralee, Dawn, Vera et Elouise Lord respectivement

Honoraires d'avocat : 1 700 $, 125 $ et 1 456,74 $ réclamés par Coralee, Dawn et Elouise Lord respectivement

Frais divers : 155,76 $, 179,52 $, 145,99 $ et 572,56 $ réclamés par Coralee, Dawn, Vera et Elouise Lord respectivement

Thèse des quatre demanderesses

[18]            Les quatre demanderesses affirment que les frais se rapportant aux services rendus par les avocats qu'elles ont consultés sur des points précis mais dont elles n'ont pu retenir les services, faute de moyens. Les quatre demanderesses font valoir, en citant le jugement Canada (Procureur général) c. Kahn, [1998] A.C.F. no 1542 (C.F. 1re inst.), qu'un plaideur qui agit pour son propre compte peut réclamer des dépens pour la consultation d'un avocat ou pour son propre temps. Les quatre demanderesses affirment que les frais du notaire public se rapportaient aux affidavits que celui-ci avait reçus et que le jugement autorisait les divers frais réclamés.

Thèse de la défenderesse

[19]            La défenderesse affirme que rien ne devrait être accordé en ce qui concerne les frais du notaire public, faute de pièces justificatives. Elle rappelle par ailleurs que la Cour avait expressément déclaré que les quatre demanderesses n'avaient pas droit à des honoraires d'avocat. La défenderesse soutient que, faute de pièces justificatives et de moyen d'identifier les articles, les divers frais réclamés ne devraient pas être accordés.


Taxation

[20]            On pourrait soutenir que les quatre demanderesses, mais pas David ou Derik Lord, pourraient réclamer des dépens à la suite de l'ordonnance interlocutoire du 20 octobre 1997 par laquelle la Cour a radié leur déclaration en ce qui concerne tous les défendeurs, à l'exception de Sa Majesté la Reine, et a qualifié cet acte de procédure de [TRADUCTION] « déroutant, en ce sens qu'il est décousu, mal défini et confus [...] de sorte qu'il est impossible d'y répondre de manière cohérente [...] et qu'il ne détermine pas la matière du litige avec assez de précision pour permettre à la Cour de diriger adéquatement les débats » . La Cour a assorti la modification de cet acte de procédure de certaines conditions et a déclaré que les dépens suivraient le sort du principal. Ainsi que je l'ai déjà signalé, il existe d'autres incidents d'instance qui ne donnent pas droit aux dépens aux quatre demanderesses. Dans la présente taxation de dépens, j'ai tenté de trouver un juste milieu entre, d'une part, le droit des quatre demanderesses d'être remboursées des véritables dépenses qu'elles doivent, selon mon expérience, avoir effectivement engagées, bien qu'elles les aient engagées dans des circonstances dans lesquelles j'estime que leurs décisions ne reposaient pas toujours sur la nécessité et ont probablement entraîné des frais qu'elles ont inclus dans leur mémoire de dépens mais qu'elles ne peuvent légitimement réclamer à la défenderesse, et, d'autre part, la nécessité d'éviter d'obliger la défenderesse à payer des frais qui ne sont ni raisonnables, ni nécessaires ou, dans le cas de David et de Derik Lord, qui ne donnent pas droit à des dépens. Pour ce qui est des frais du notaire public, j'accorde 20 $ à Coralee, Dawn et Vera Lord respectivement, et 40 $ à Elouise Lord.

[21]            Dans son jugement, la Cour a expressément déclaré que les demanderesses n'avaient pas droit à des honoraires d'avocat. En tout état de cause, les sommes facturées par des avocats qui ne sont pas inscrits au dossier et qui sont présentées comme étant des débours donneraient lieu à une indemnisation avocat-client qui n'est pas autorisée dans ces circonstances. Pour ce qui est de l'argument tiré du jugement Canada c. Kahn, précité, au sujet des dépens réclamés pour son propre temps, j'ai conclu que cette question relève du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 400(1) des Règles et qu'elle échappe donc à ma compétence (Turner c. Canada, [2001] A.C.F. no 250 (O.T.), confirmé à [2001] A.C.F. no 1506 (C.F. 1re inst.)). Je n'accorde rien en ce qui concerne les honoraires d'avocat. Quant aux frais divers, j'estime que les sommes que j'ai accordées à ce titre remboursent suffisamment les quatre demanderesses, compte tenu de l'insuffisance des pièces qu'elles ont produites, à l'exception peut-être des articles comme la reliure. Pour les frais divers, j'accorde 20 $ à Coralee, Dawn et Vera Lord respectivement et j'accorde 100 $ à Elouise Lord.

[22]            Le mémoire de frais de 2 342 $, 822,95 $, 530,42 $ et 36 600,83 $ présenté respectivement pour Coralee, Dawn, Vera et Elouise Lord, est taxé respectivement à 270,30 $, 249,12 $, 316,15 $ et 1 863,74 $. Pour en arriver à ces chiffres, je suis conscient du fait que certaines de ces sommes représentent une fraction appréciable des dommages-intérêts qui ont été accordés dans le cadre du présent procès ou même qu'elles les excèdent. Il convient toutefois de


rappeler que l'adjudication des dépens est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire du tribunal et qui s'inscrit dans le cadre du pouvoir du tribunal de contrôler le déroulement du procès.

        « Charles E. Stinson »        

              Officier taxateur

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 10 mars 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                  COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-1354-97

INTITULÉ :                                       DAVID WILLIAM LORD et autres

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                             

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER DANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS : CHARLES E. STINSON

DATE DES MOTIFS :                     LE 10 MARS 2004

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                      POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada


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