Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20041027

Dossier : IMM-3782-03

Référence : 2004 CF 1510

ENTRE :

                                                                   ENIKO PAL

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON:

[1]                Les présents motifs font suite à l'audition d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié prononçant le désistement de la demande d'asile de la demanderesse. L'avis de décision est daté du 31 mars 2003.

[2]                La demanderesse est une citoyenne de la Hongrie. Elle est arrivée au Canada le 6 mars 2001 et a déclaré qu'elle avait l'intention de faire une demande d'asile le même jour.

[3]                L'audition de la demande d'asile de la demanderesse a été fixée au 6 mars 2003. La demanderesse et son conseiller, lequel n'est pas avocat, ont été informés de la date, de l'heure et de l'endroit de l'audition. La demanderesse ne s'est pas présentée à son audition mais son « conseiller » , lui, s'est présenté. Le conseiller a informé le président de l'audience que la demanderesse avait passé la nuit à l'hôpital, qu'elle avait obtenu son congé le matin de la journée fixée pour l'audition et qu'elle avait dû retourner à l'hôpital le jour suivant. Le président de l'audition a informé le conseiller qu'une nouvelle audition serait fixée au 17 mars 2003 pour donner à la demanderesse l'occasion de faire valoir les motifs pour lesquels on ne devrait pas prononcer le désistement de sa demande d'asile. Le conseiller a été informé que, lors de l'audience du 17 mars, la demanderesse devrait non seulement comparaître mais devrait également amener avec elle la « preuve médicale de son incapacité de se présenter » le 6 mars.

[4]                Une fois de plus, le 17 mars, la demanderesse ne s'est pas présentée devant la SPR, mais son « conseiller » , lui, s'est présenté. Le conseiller a une fois de plus informé la SPR que la demanderesse était absente pour raison de maladie. Un certain nombre d'éléments de preuve étayant le deuxième défaut de comparaître de la demanderesse ont été fournis, bien que la SPR ait estimé que ces éléments de preuve étaient loin d'être satisfaisants. Aucun élément de preuve quant à l'incapacité de la demanderesse de se présenter à l'audience du 6 mars n'a été fourni.

[5]                Voici des extraits de la transcription de l'audience du 17 mars :

[traduction]

LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : [ ... ] Y-a-t-il une raison, conseiller, pour laquelle je ne devrais pas prononcer le désistement de la présente demande? Autre que de tout simplement me sentir bien et de sentir que j'agis correctement?

LE CONSEILLER : Je ne sais pas. Je crois qu'il y a un motif suffisant pour ne pas prononcer le désistement de la demande. Je n'ai aucun autre motif, si ce n'est l'intérêt de la demanderesse.

[...]

LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : [...] Lors de la dernière audience, vous avez transmis à la demanderesse, par l'entremise de son ami, des directives précises selon lesquelles elle devait produire une preuve médicale de son incapacité de se présenter à l'audience du [6 mars]. Pas une preuve qu'elle était malade, mais une preuve qu'elle était incapable de se présenter à l'audience. Pour commencer, je ne vois pas cette preuve devant moi.

Ce que je vois devant moi, c'est une paire de notes médicales qui ressemblent à des formulaires de prescription. [La preuve relative au défaut de la demanderesse de se présenter le 17 mars][...] Je vais conclure, [conseiller], qu'aucun motif suffisant n'a été donné quant à savoir pourquoi la demanderesse était incapable de se présenter à l'audience du 6 mars et je vais prononcer le désistement de la présente demande au nom de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada[1][...]

[6]                Tel qu'il a été mentionné, un avis de décision de désistement a été fourni en date du 31 mars 2003. Il semble que la demanderesse n'ait eu connaissance de cet avis que le 12 mai 2003.

[7]                À la suite de l'audience du 17 mars 2003, la demanderesse a demandé la réouverture de sa demande d'asile. Dans un avis de décision datée du 30 avril 2003, la demande a été rejetée. On peut lire ce qui suit dans de courts paragraphes intitulés « Motifs/Commentaires » :


[traduction]

1.             Contrairement à la prétention de la demanderesse, aucune note médicale n'a été présentée pour son compte à l'audience du 6 mars 2003.

2.             La date de l'audience de Justification/Désistement a été fixée en présence du conseiller de la demanderesse à la suite du processus de désistement, lequel a été suivi d'un avis de convocation envoyé à la demanderesse et au conseiller. Si la date mentionnée sur l'avis posait un problème à la demanderesse et au conseiller, il leur était loisible de demander une modification de la date et de l'heure de l'audience. Cela n'a pas été fait [...].

3.             Les renseignements médicaux supplémentaires joints à la demande, à part d'être muets quant à la capacité de la demanderesse de se présenter devant la CISR le 17 mars 2003, sont également muets quant à l'absence de la demanderesse à l'audience du 6 mars 2003 ce qui a d'abord donné lieu à la procédure de désistement.

4.             Selon moi, il n'y a eu aucun manquement à la justice naturelle en déclarant que la demanderesse s'était désistée de sa demande[2].

[8]                Le contrôle judiciaire du rejet de la demande de réouverture de la demanderesse n'a pas été demandé; la demanderesse a plutôt déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de désistement elle-même. Devant la Cour, le conseiller de la demanderesse a fait valoir un large éventail d'erreurs pouvant à première vue faire l'objet d'un contrôle judiciaire dans le processus menant à la décision de désistement et dans la décision elle-même.

[9]                Dans la décision Zylinska c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[3], laquelle porte également sur une question de contrôle judiciaire d'une décision de désistement, mon collègue le juge O'Reilly a écrit aux paragraphes 4 et 5 de ses motifs :

[4]           Je puis écarter la décision de la Commission uniquement si je conclus qu'elle était déraisonnable, c'est-à-dire qu'elle n'était pas justifiée par la preuve.

[5]           Avant de prononcer le désistement d'une demande, la Commission doit tenir compte de l'explication de la demanderesse et des circonstances de l'affaire, y compris la question de savoir si la personne est prête à commencer ou à poursuivre sa demande [...].                   [Renvoi omis]

[10]            Dans la décision Ahamad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4], laquelle porte également sur une question de contrôle judiciaire d'une décision de désistement, mon collègue le juge Lemieux a écrit ce qui suit au paragraphe 37 :

Il ressort clairement d'un examen des motifs de la SSR en l'espèce que les membres de la formation ne sont pas posés la bonne question, savoir si, compte tenu de l'ensemble des circonstances et des facteurs pertinents, le comportement du demandeur suggérait clairement un désir ou une intention de ne pas poursuivre sa revendication. L'analyse de la SSR sur ce point est dépourvue de considérations pertinentes, sauf celle qui était liée au fait d'avoir fourni une excuse légitime.

[11]            Je n'interprète pas les mots du juge Lemieux comme imposant à SPR la charge d'obtenir les éléments de preuve quant à savoir pourquoi une demande ne devrait pas faire l'objet d'une déclaration de désistement; c'est à la demanderesse qu'il incombe de fournir ces éléments de preuve. Une fois que la demanderesse s'est acquittée de cette obligation, la tâche de la SPR consiste à examiner à fond l'ensemble de ces éléments de preuve.


[12]            Eu égard aux faits de l'espèce, la demanderesse ne s'est tout simplement pas acquittée de sa charge de fournir des éléments de preuve satisfaisants justifiant son omission de se présenter devant la SPR les 6 et 17 mars. Elle n'a pas non plus fourni de tels éléments de preuve à son « conseiller » . Dans les circonstances, pour citer les paroles du juge Lemieux, je suis convaincu que le comportement de la demanderesse ne donnait tout simplement pas clairement à penser qu'elle désirait ou avait l'intention de poursuivre sa revendication. C'est précisément le contraire qui est vrai. Le comportement de la demanderesse donnait clairement à penser qu'elle désirait ou avait l'intention de ne pas poursuivre sa revendication. Une telle preuve ne découle pas de l'absence de la demanderesse aux audiences du 6 et 17 mars, mais plutôt de son omission de fournir des éléments de preuve crédibles que, pour des raisons médicales ou pour toute autre raison, elle a tout simplement été incapable de se présenter à ces audiences. Son comportement a continué de suggérer un tel désintéressement lorsque, sans aucune explication, elle a omis de fournir son propre affidavit à l'appui de la présente demande de contrôle judiciaire.

[13]            Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la SPR n'a commis aucune erreur pouvant faire l'objet d'un contrôle judiciaire en arrivant à sa conclusion de désistement. La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Après avoir été informés de ma décision à la fin de l'audience, aucun des avocats n'a proposé la certification d'une question. Je suis convaincu que les faits de la présente affaire ne soulèvent aucune question grave de portée générale. En conséquence, aucune question ne sera certifiée.


[14]            La présente demande de contrôle de judiciaire devait d'abord être entendue le 6 juillet 2004. Lorsque la Cour s'est réunie cette journée-là, on a soulevé des questions que les avocats n'étaient pas prêts à débattre. En conséquence, l'audience a été ajournée à une date ultérieure, cette date a éventuellement été fixée au 18 octobre 2004. Environ deux (2) semaines avant la date fixée pour la reprise de l'audience, l'avocat de la demanderesse a fourni un affidavit supplémentaire, une fois encore non assermenté par la demanderesse, et un autre mémoire des arguments. Après l'argumentation de l'avocat au début de l'audience, j'ai conclu que les documents reçus tardivement ne devraient pas être déposés et j'ai informé l'avocat qu'ils ne seraient pas pris en compte à l'audience. Mon ordonnance mentionnée aux présentes confirmera que ces documents ne devraient pas être déposés au greffe de la Cour mais devraient plutôt être retournés à l'avocat du demanderesse.

« Frederick E. Gibson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 27 octobre 2004

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                        IMM-3782-03

INTITULÉ :                                                     ENIKO PAL

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                        

DATE DE L'AUDIENCE :                               LE 19 OCTOBRE 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT :                            LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                                      LE 27 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :                                        

George J. Kubes                                                  POUR LA DEMANDERESSE

406-360, rue Bloor

Toronto (Ontario)

M5S 1X1         

                                                                                   

Jamie Todd                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

30, rue King Ouest

Bureau 3400, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6                                

                                                                                                                       

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jozep Sarkozi                                                       POUR LA DEMANDERESSE

29 Gervais Drive

Bureau 200

Toronto (Ontario)                     

Urszula Kaczmarczyk                POUR LE DÉFENDEUR

pour Morris Rosenberg                                        

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                     

                                                                                   



[1]         Dossier du tribunal, pages 94 et 95.

[2]         Dossier du tribunal, page 91.

[3]       2004 CF 1024; [2004] A.C.F. no 1250 (Q.L.).

[4]         [2000] 3 C.F. 109 (C.F. 1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.