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     Date : 19990617

     Dossier : T-2063-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 17 JUIN 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER


ENTRE :

     AKUA BANDELE UWE AKAN,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

     (Prononcés à l"audience

     à Ottawa le 15 juin 1999)

    

LE JUGE PELLETIER


[1]      Au terme de l"audition de la présente affaire, la Cour a prononcé ses motifs à l"audience. Voici les motifs écrits de la décision, motifs qui ont fait l"objet d"une révision pour leur intégralité et leur grammaticalité.

[2]      Il s"agit d"un appel interjeté par le demandeur Akua Bandele Uwe Akan à l"encontre de la décision du juge de la citoyenneté, Suzanne Pinel, qui a rejeté sa demande de citoyenneté canadienne.

[3]      Les faits de la présente affaire ne sont pas compliqués et sont décrits plus en détail dans le cadre de la décision du juge de la citoyenneté. Le demandeur est un médecin qui a fui le Nigéria et qui est arrivé au Canada à titre de résident permanent le 6 juin 1973. Sa femme est venue le rejoindre au même titre le 24 juillet 1973. Le couple a quatre enfants, dont deux sont nés au Canada. Les deux autres enfants qui n"avaient pas la citoyenneté ont par la suite obtenu le statut de résident permanent grâce à l"aide du demandeur.

[4]      Le demandeur est devenu membre de l"Ordre des médecins et chirurgiens de l"Ontario en 1973. Des organismes de réglementation professionnelle du Canada et des États-Unis lui ont décerné un certificat de spécialiste en chirurgie générale en 1976.

[5]      En 1988, l"unique frère du demandeur est décédé en laissant derrière lui six enfants. Les parents d"âge avancé du demandeur avaient également besoin qu"on prenne soin d"eux. Le demandeur est retourné au Nigéria pour régler les affaires de son frère en 1988, et y est demeuré en grande partie depuis, malgré le fait qu"il soit revenu en visite au Canada à 90 reprises. Il a été physiquement présent au Canada pendant 384 jours au cours des quatre années précédant la date de sa demande de citoyenneté. La famille du demandeur est demeurée au pays, dans la résidence familiale. Le demandeur a maintenu ses comptes bancaires au Canada durant son absence. Il est revenu au Canada quand il en avait l"occasion, notamment pour marquer des anniversaires et pour assister à la cérémonie où sa fille a obtenu un grade universitaire.

[6]      Sur l"ensemble de ces faits, le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur ne remplissait pas les critères de résidence énoncés à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29. Le juge a indiqué qu"elle préconisait ainsi l"approche formulée par le juge Reed dans l"affaire Re Koo, [1992] A.C.F. no 1107 (Q.L.). En se fondant sur cette approche, elle a jugé que le demandeur avait centralisé son mode de vie au Nigéria, et non au Canada. Dans l"affaire Koo , le juge Reed avait relevé six questions qui permettaient l"évaluation du statut de la résidence. Le juge de la citoyenneté a pu conclure, sur la foi des éléments de preuve qui lui ont été soumis, que les absences du pays du demandeur n"étaient pas un fait récent (question 1), que la fréquence de ses absences était considérable (question 4) et que les absences n"étaient pas clairement de nature temporaire puisqu"elles se sont prolongées au-delà de dix années (question 5). Le juge de la citoyenneté pouvait raisonnablement, et peut-être même correctement, en venir à la conclusion qu"elle a finalement tirée sur l"ensemble des éléments de preuve qu"on lui avait soumis.

[7]      D"un autre côté, si le juge de la citoyenneté avait mis l"accent plutôt sur les liens familiaux, le maintien de la résidence familiale au Canada et l"aide fournie par le demandeur pour que ses enfants qui n"étaient pas citoyens canadiens puissent immigrer au Canada, elle aurait pu arriver à une conclusion tout autre.

[8]      La Cour est d"avis que l"approche à suivre pour les appels en matière de citoyenneté est celle qui a été mise de l"avant dans l"affaire Re Lam , (1999) A.C.F. 410, une décision rendue par mon collègue le juge Lutfy. Ce dernier a estimé que, dans le cadre des appels en matière de citoyenneté, la question à trancher était celle de la norme de contrôle. Le Bureau de la citoyenneté est un tribunal spécialisé qui se consacre à son domaine d"expertise et, dans cette perpective, toutes ses décisions, même en instance d"appel, doivent faire l"objet d"une certaine retenue judiciaire. Voir les commentaires du juge Iaccobucci dans l"affaire Southam Newspapers Inc. c. Directeur des enquêtes et recherches, [1997] 1 R.C.S. 748.

[9]      Vu les opinions divergentes émises par la Cour sur la question de la résidence, un juge de la citoyenneté peut décider de suivre l"une de ces approches sans pour autant commettre une erreur du fait de cette démarche. Cependant, une fois l"approche choisie, le juge de la citoyenneté doit s"assurer de l"appliquer correctement, avec l"idée que la norme de contrôle judiciaire se trouve quelque part entre la norme de la décision correcte, d"une part, et celle du caractère raisonnable, d"autre part.

[10]      Dans la présente affaire, le juge de la citoyenneté a choisi d"appliquer le principe de l"affaire Koo , ce qu"il lui était loisible de faire. Elle a appliqué le critère pertinent, et en est arrivée à une conclusion raisonnable, sinon à une conclusion correcte. Il ne revient pas à la Cour de substituer son jugement au sien. Si le juge de la citoyenneté a correctement appliqué le critère en question, la Cour doit faire preuve de retenue judiciaire à l"égard de sa décision. La Cour est d"avis qu"elle a bien appliqué le critère en question, et aucune intervention de la Cour n"est ainsi justifiée.

[11]      Le demandeur réclame également qu"il soit ordonné au juge de la citoyenneté de recommander au ministre d"attribuer la citoyenneté au demandeur, conformément au paragraphe 15(1) de la Loi, en raison d"une situation de détresse, ainsi qu"il est prévu au paragraphe 5(4) de la Loi . Le pouvoir de faire ce genre de recommandation est de nature purement discrétionnaire et, en l"absence d"un quelconque motif irrégulier, la Cour n"interviendra pas dans l"exercice du pouvoir discrétionnaire du juge de la citoyenneté.

[12]      Pour les motifs précités, la Cour ordonne ce qui suit :


     O R D O N N A N C E

     VU LA DEMANDE faite par Akua Bandele Uwe Akan à l"encontre de la décision du juge de la citoyenneté Suzanne Pinel, en date du 28 septembre 1998, dans laquelle le juge a rejeté la demande de citoyenneté canadienne du demandeur;

     ET APRÈS AVOIR LU l"affidavit de Akua Bandele Uwe Akan, et après avoir entendu l"avocat du demandeur et celui du défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration;

     LA COUR ORDONNE PAR LA PRÉSENTE que l"appel soit rejeté.



     " J.D. Denis Pelletier "

     Juge

Traduction certifiée conforme


Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-2063-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Akua Bandele Uwe Akan c. Le ministre de la Citoyenneté                      et de l"Immigration

LIEU DE L"AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          17 juin 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PELLETIER

EN DATE DU :              17 juin 1999


COMPARUTIONS :

René St-Fort                  pour le demandeur

Greg Moore                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

René St-Fort                  pour le demandeur

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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