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Date : 20211217


Dossiers : T‐1813‐21

T‐1870‐21

Référence : 2021 CF 1443

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2021

En présence de madame la juge Fuhrer

Dossier : T‐1813‐21

ENTRE :

ILLO ANTONIO NERI, MORGAN CHRISTOPHER WARREN, MARIE‐GAELLE GRENIER et SHAUN CHARPENTIER

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

Dossier : T‐1870‐21

ET ENTRE :

RONALD ROBERT FLYNN et

BRYAN WILLIAM RUDLING

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs sont des membres des Forces armées canadiennes [les FAC] qui ne sont pas vaccinés contre la COVID‐19 pour diverses raisons. Ils s’opposent à une obligation vaccinale. Aucun des demandeurs ne s’est vu accorder une exemption ou une mesure d’accommodement. Les demandeurs craignent d’être destitués ignominieusement des FAC en raison de leur position. Par conséquent, ils sollicitent une [traduction] « injonction prohibitive provisoire » concernant l’application de toute directive du chef d’état‐major de la défense, maintenant en la personne du général W. Eyre [le CEMD], en matière d’obligation vaccinale, en attente de l’issue des demandes de contrôle judiciaire qu’ils ont présentées afin de contester les directives [les demandes de CJ].

[2] Les demandes de CJ sont essentiellement identiques. En conséquence, les requêtes des demandeurs ont été instruites conjointement de façon à utiliser optimalement les ressources limitées du système judiciaire et à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible, conformément aux articles 3 et 105 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106 (les Règles). (Voir l’annexe A pour prendre connaissance des dispositions législatives et réglementaires pertinentes.)

[3] Au vu de la preuve présentée par les parties, ainsi que de leurs arguments écrits et oraux, je conclus qu’aucun des demandeurs n’a satisfait au critère à remplir pour se voir accorder une injonction provisoire ou interlocutoire. Les demandeurs n’ont pas été à même d’établir l’existence d’une question sérieuse à trancher ou de démontrer que la Cour devrait exercer sa compétence résiduelle afin d’accorder l’injonction qu’ils sollicitent malgré le fait qu’ils n’ont pas épuisé tous les autres recours appropriés. Aussi n’ont‐ils pas convaincu la Cour qu’ils subiraient un préjudice irréparable non indemnisable par voie d’une réparation pécuniaire ou que la prépondérance des inconvénients joue en faveur du prononcé d’une injonction provisoire ou interlocutoire.

[4] Pour les motifs plus détaillés qui suivent, je rejette les requêtes de mesure injonctive des demandeurs visant à restreindre l’application de toute directive se rapportant à une obligation vaccinale en attente du résultat de leurs demandes de CJ.

[5] Je me pencherai d’abord sur le critère applicable à la réparation demandée ainsi que sur les questions que soulèvent les demandes de CJ, puis je passerai à l’examen du contexte et à mon analyse.

II. Le critère applicable aux injonctions interlocutoires et les questions soulevées

[6] Dans une requête en injonction provisoire (c.‐à‐d. interlocutoire), le rôle de la Cour n’est pas de répondre aux questions cruciales de l’instance sous‐jacente, mais plutôt de déterminer si le requérant satisfait au critère à trois volets qui est décrit dans l’arrêt RJR‐MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117 (CSC), [1994] 1 RCS 311 [RJR‐MacDonald].

[7] Le critère énoncé dans l’arrêt RJR‐MacDonald est formé des questions de nature conjonctive suivantes : i) existe‐t‐il une question sérieuse à trancher, ii) la partie qui sollicite l’injonction interlocutoire subira‐t‐elle, sans cette dernière, un préjudice irréparable, non quantifiable et non indemnisable par des dommages‐intérêts, et iii) quelle partie la prépondérance des inconvénients favorise‐t‐elle, c’est‐à‐dire à quelle partie l’octroi ou le refus de la requête causera‐t‐il le plus grand préjudice?

[8] Une conclusion ferme quant à l’une de ces trois questions peut faire abaisser le seuil des deux autres : Bell Media Inc. c GoldTV.Biz, 2019 CF 1432 [Bell Media] au para 56, citant Bell Canada c 1326030 Ontario Inc. (iTVBox.net), 2016 CF 612 au para 30.

[9] La principale question à examiner en l’espèce consiste à savoir si les demandeurs ont satisfait au critère de l’arrêt RJR‐MacDonald, ce qui justifierait l’octroi d’une injonction provisoire en attente de la résolution de leurs demandes de CJ. Les requêtes des demandeurs soulèvent les questions plus pointues suivantes :

(1) Y a‐t‐il une question sérieuse à trancher quant à savoir si les directives ont été émises de manière valide?

(2) Y a‐t‐il une question sérieuse à trancher quant à savoir si les directives et l’aide‐mémoire sont inconstitutionnels du fait qu’ils portent atteinte aux droits à la liberté religieuse, à la liberté, à la sécurité et à la vie privée des demandeurs en dérogation aux principes de justice fondamentale, en contravention avec les articles 2, 7, 8 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte]?

(3) Si l’injonction qu’ils demandent n’est pas accordée, les demandeurs subiront‐ils un préjudice irréparable d’ici l’instruction de leurs demandes de CJ?

(4) Est‐ce que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi ou le rejet de la mesure injonctive demandée?

[10] Pour savoir si les demandeurs ont établi l’existence d’une ou de plusieurs questions sérieuses à trancher, il est nécessaire d’examiner le fond des demandes : RJR‐MacDonald, précité, à la p 337; R c Société Radio‐Canada, 2018 CSC 5 [SRC] au para 12. Bien que ce volet soit généralement considéré comme peu exigeant, en ce sens que la cause du requérant ne doit pas être frivole ou vexatoire, un critère plus rigoureux s’applique lorsque le fait d’accorder l’injonction interlocutoire a essentiellement pour effet d’accorder la réparation sollicitée dans l’instance sous‐jacente. La Cour doit s’assurer, en procédant à un examen plus rigoureux, que les demandeurs sont susceptibles d’avoir gain de cause : Wojdan c Canada (Procureur général), 2021 CF 1341 [Wojdan] au para 12.

[11] Ensuite, les demandeurs doivent convaincre la Cour qu’ils subiraient un préjudice irréparable – un préjudice clair et non conjectural – si l’injonction interlocutoire était refusée : Reckitt Benckiser LLC c Jamieson Laboratories Ltd, 2015 CF 215 au para 51, citant Centre Ice Ltd c National Hockey League (1994), 53 CPR (3d) 34 (CAF) au para 50; Sleep Country Canada Inc. c Sears Canada Inc., 2017 CF 148 aux para 27‐29; SRC, précité, au para 12.

[12] Bien que la perte d’un emploi puisse entraîner des conséquences importantes, elle est généralement considérée comme un préjudice pouvant être compensé par une réparation pécuniaire, partant, elle n’est pas considérée comme un préjudice irréparable justifiant l’octroi d’une injonction : Lavergne‐Poitras c Canada (Procureur général), 2021 CF 1232 [Lavergne‐Poitras] aux para 7, 84; Wojdan, précitée, au para 36, citant Amalgamated Transit Union, Local 113 v Toronto Transit Commission, 2021 ONSC 7658 aux para 52‐53. À mon avis, la perte d’un logement ou d’une indemnité de service en campagne est d’une nature semblable à celle d’un préjudice pouvant être compensé par une réparation pécuniaire et, en conséquence, ne constitue pas un préjudice irréparable.

[13] Enfin, l’examen de la prépondérance des inconvénients consiste à « établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée » : SRC, précité, au para 12. La question primordiale consiste à savoir s’il serait juste et équitable d’accorder l’injonction eu égard à l’ensemble des circonstances et du contexte de l’affaire : Google Inc. c Equustek Solutions Inc., 2017 CSC 34 aux para 1, 25.

III. Contexte

(1) Le MDN/les FAC et la pandémie de COVID‐19

[14] Selon la Loi sur la défense nationale, LRC 1985, c N‐5 [la Loi], le ministère de la Défense nationale [le MDN] soutient les FAC dans leur rôle consistant à défendre les intérêts nationaux du Canada au pays et à l’étranger. Les employés du MDN et les membres des FAC composent l’Équipe de la Défense. Toutefois, les FAC sont une organisation distincte. Nommé par le gouverneur en conseil, le chef d’état‐major de la défense [le CEMD] est chargé de la direction et de la gestion des Forces canadiennes.

[15] Tôt dans la pandémie, le MDN et les FAC ont mis en œuvre la stratégie d’atténuation des risques stratifiée en matière de COVID‐19 [la SARS] afin de protéger l’Équipe de la Défense et la population qu’ils servent. Selon la preuve par affidavit du brigadier‐général [Bgén] Erik Simoneau, les FAC se sont concentrées sur la préservation de la santé des forces et de l’efficacité opérationnelle des capacités essentielles, ainsi que sur l’atténuation de la probabilité de transmission aux groupes vulnérables qu’elles peuvent être appelées à servir, et elles ont fait preuve d’un leadership responsable à cet égard en appliquant les mesures de santé publique. Par exemple, la SARS prévoyait la distanciation physique, le port du masque, le lavage des mains et le télétravail, lorsque possible. L’encouragement à se faire vacciner a été ajouté à la SARS ultérieurement une fois que Santé Canada a homologué quatre vaccins contre la COVID‐19.

[16] Le Bgén Simoneau a également attesté que les FAC ont contribué à l’intervention du gouvernement du Canada contre la pandémie de COVID‐19 et à la distribution des vaccins, notamment par le déploiement ou la fourniture de ce qui suit : membres des FAC dans les établissements de soins de longue durée en Ontario et au Québec; ressources médicales militaires au cours des crises dues à la COVID‐19 au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan; soutien destiné aux communautés nordiques, éloignées et des Premières Nations; soutien destiné à l’Agence de la santé publique du Canada [l’ASPC] au chapitre de la gestion et de la distribution d’équipement de protection individuelle; et établissement de sites de dépistage à la frontière terrestre à seize points d’entrée.

[17] Les répercussions de la pandémie de COVID‐19 sur la vie quotidienne, tant ici au Canada qu’à l’échelle mondiale, ne sauraient être minimisées. Mon collègue, le juge McHaffie, a récemment résumé la pandémie et les vaccins qui y ont été associés dans la décision Lavergne‐Poitras, précitée, aux paragraphes 17 à 22. Pour ce faire, il s’est fondé sur l’affidavit de Mme Celia Lourenco, chercheuse principale à Santé Canada. Cet affidavit constitue une pièce d’un plus récent affidavit de Mme Lourenco, présenté dans les requêtes dont je suis saisie, dans lequel elle retient et avalise son affidavit antérieur et fournit des renseignements actualisés.

[18] En particulier, en date du 26 novembre 2021, près de 60 millions de doses de vaccin ont été administrées au Canada. Au total, 27 747 personnes ont déclaré des effets indésirables; de ce nombre, 21 304 incidents (0,036 % des doses administrées) ont été jugés non graves, par exemple une douleur au site d’injection ou une légère fièvre. Ainsi, 6 443 incidents (0,011 % des doses administrées ou environ 1 dose sur 10 000) ont été considérés comme graves, notamment les réactions allergiques graves, qui, selon les déclarations, sont au nombre de 671 pour tous les vaccins contre la COVID‐19. Il n’en reste pas moins que les effets indésirables varient entre les groupes d’âge. Mme Lourenco souligne toutefois que les effets indésirables suivant l’immunisation ne sont pas nécessairement liés au vaccin.

[19] Selon Mme Lourenco, elle a homologué quatre vaccins contre la COVID‐19 mis au point par : (i) Pfizer‐BioNTech; (ii) Moderna; (iii) AstraZenca; et (iv) Janssen. Les deux premiers vaccins sont des vaccins à acide ribonucléique messager [vaccins à ARN messager], alors que les deux autres sont à base de vecteur viral. En raison du grand déploiement à l’échelle nationale, Santé Canada a imposé aux fabricants de vaccins des exigences accrues en matière de contrôle et de surveillance, en étroite collaboration avec l’ASPC. Faisant initialement l’objet d’une autorisation provisoire, les vaccins contre la COVID‐19 de Pfizer‐BioNTech et de Moderna ont été homologués en septembre 2021, assujettis à la surveillance réglementaire continue de Santé Canada qui vise tous les vaccins homologués.

[20] Comme l’a souligné le juge McHaffie concernant l’affidavit antérieur de Mme Lourenco : « la preuve démontre qu’avant d’être homologués, les vaccins contre la COVID‐19 font l’objet, par des fonctionnaires de Santé Canada, d’un examen scientifique rigoureux au sujet de leur innocuité et de leur efficacité, et ce, sans la participation d’aucun élu. La preuve établit aussi que les vaccins contre la COVID‐19 réduisent à la fois le risque et les conséquences de l’infection et que la vaccination est un élément clé des mesures prises par le Canada pour lutter contre la COVID‐19 » : Lavergne‐Poitras, précitée, au para 20.

[21] Le 6 octobre 2021, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié la « Politique sur la vaccination contre la COVID‐19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada » [la politique de vaccination de la fonction publique]. Cette politique a récemment fait l’objet d’un examen rigoureux par la Cour dans l’affaire Wojdan.

(2) La politique de vaccination des FAC en réponse à la pandémie de COVID‐19

[22] Bien que la politique de vaccination de la fonction publique s’applique aux employés du MDN, elle ne s’applique pas aux membres des FAC. Par conséquent, les FAC ont élaboré la politique des FAC sur la vaccination contre la COVID‐19 [la politique des FAC sur la vaccination], laquelle consiste maintenant en une série de trois directives émises par le CEMD le 8 octobre 2021 [la Directive 1], le 3 novembre 2021 [la Directive 2] et le 4 décembre 2021 [la Directive 3]. Essentiellement, les directives 2 et 3 complètent la Directive 1 et précisent les consignes du CEMD à l’intention des FAC. Je souligne que la politique des FAC sur la vaccination a été élaborée après que Santé Canada a homologué les vaccins de Pfizer BioNTech et de Moderna contre la COVID‐19, et qu’elle a été adaptée au moyen des directives émises au fil de l’évolution de cette pandémie complexe.

[23] La Directive 1 résume le contexte entourant la pandémie qui a donné lieu à l’élaboration de la politique des FAC sur la vaccination et mentionne qu’« afin de faire preuve de leadership auprès des autres ministères du GC [gouvernement du Canada] et de tous les Canadiens et Canadiennes, et de continuer à protéger l’Équipe de la Défense, les FAC respecteront l’esprit général de cette politique [la politique de vaccination de la fonction publique], tout en veillant à ce que les FAC soient situées pour répondre aux impératifs opérationnels ». La directive confirme que « [l]es efforts des FAC tout au long de la pandémie de la COVID‐19 ont été axés sur la protection de la santé des forces et de l’efficacité opérationnelle des capacités essentielles, ainsi qu’à prévenir la probabilité de transmission aux groupes vulnérables ». On y lit également que « [l]es FAC continueront de faire preuve de leadership en alignant les politiques et les ordonnances, dans la mesure du possible, avec la politique du Secrétariat du Conseil du Trésor [SCT] sur la vaccination de la main‐d’œuvre fédérale contre la COVID‐19 ».

[24] La Directive 1 reconnaît l’importance de confirmer le statut vaccinal des personnes tout en protégeant leurs droits en matière de protection des renseignements personnels, de mettre en œuvre des mesures d’adaptation raisonnables pour les personnes qui ne peuvent pas être vaccinées et de gérer la conformité aux fins des opérations et des audits. Par surcroît, la directive soutient que trois groupes d’individus seront formés à la suite de l’application de la politique des FAC sur la vaccination : les personnes complètement vaccinées; les personnes incapables de se faire vacciner; et les personnes qui ne veulent pas se faire vacciner (c’est‐à‐dire les personnes qui refusent de divulguer leur statut vaccinal ou auxquelles un accommodement n’a pas été accordé).

[25] Soulignons qu’il est présumé dans la Directive 1 que la politique des FAC sur la vaccination sera temporaire, une période de mise en œuvre initiale de 12 mois étant prévue, avec une possibilité de prolongation si nécessaire, jusqu’à ce que le taux de transmission de la COVID‐19 au Canada ne pose plus de risque pour le réseau national de la santé.

[26] C’est sur les prémisses ci‐dessus énoncées dans la Directive 1 que repose la politique des FAC sur la vaccination. En bref, la politique prévoit la vaccination complète des membres des FAC, l’attestation du statut vaccinal (comme solution de rechange à la production d’une preuve de vaccination) et la possibilité d’un accommodement fondé sur une contre‐indication médicale certifiée, un motif religieux ou un autre motif de distinction illicite ou analogue défini dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‐6 [la LCDP]. La directive met aussi en place des mesures d’atténuation et de rechange à l’intention des personnes qui n’auront pas confirmé leur vaccination complète avant le 15 novembre 2021, y compris des tests de dépistage de la COVID‐19 et des séminaires de formation sur les avantages de la vaccination. En outre, la directive énonce les éventuelles conséquences professionnelles auxquelles s’exposent les personnes qui demeurent non vaccinées.

[27] La Directive 2 présente des renseignements plus détaillés sur les exigences à remplir pour obtenir une exemption ou une mesure d’accommodement. Par exemple, un membre des FAC qui soumet une demande reposant sur une contre‐indication empêchant la vaccination doit y joindre un formulaire valide dûment rempli et signé par un fournisseur de soins de santé. Une demande mettant en jeu des motifs religieux ne peut pas s’appuyer uniquement sur une croyance sincère, mais doit être raisonnablement liée à des motifs religieux; le militaire doit expliquer en quoi ces motifs l’empêchent de se faire vacciner. De même, une demande fondée sur un motif de distinction illicite énoncé dans la LCDP doit être étayée par une déclaration sous serment dans laquelle le militaire explique le motif de discrimination applicable et la raison pour laquelle cela l’empêche de se faire vacciner.

[28] Rappelons que les membres des FAC avaient jusqu’au 15 novembre 2021 pour se conformer à la politique des FAC sur la vaccination, à défaut de quoi les commandants [les cmdt] devaient envisager l’ensemble des mesures administratives, y compris entreprendre des mesures correctives conformément à la Directive et ordonnance administrative de la défense 5019‐4. Cela dit, le cmdt pourrait envisager de conclure la mesure corrective lorsque la politique sera annulée ou lorsque le militaire se conformera.

[29] Le Directeur – Administration (Carrières militaires) a élaboré un aide‐mémoire visant à aider la chaîne de commandement à mettre en œuvre la Directive 2, lequel aide‐mémoire comprend des modèles de document. Bien que les demandeurs contestent également l’aide‐mémoire, il convient de préciser que celui‐ci ne fait pas partie de la politique des FAC sur la vaccination en soi.

[30] La Directive 3 reconnaît les retards dans le traitement des demandes de mesure d’accommodement et proroge au 18 décembre 2021 l’échéance pour la présentation des demandes de cette nature. En outre, la directive mentionne que les militaires qui sont en attente d’une décision sur leur demande de mesure d’accommodement ne feront pas l’objet de mesures correctives pour non‐conformité.

[31] Selon le Bgén Simoneau, les membres des FAC ont présenté quelque 1 300 demandes de mesure d’accommodement et, en date du 7 décembre 2021, 71 demandes ont été approuvées (33 pour des motifs liés à la santé, 24 pour des motifs religieux et 14 pour d’autres motifs), tandis que 308 demandes ont été rejetées, une décision étant attendue dans le cas des 914 autres demandes.

(3) Statut des demandeurs relativement à la politique des FAC sur la vaccination

[32] Le lieutenant‐colonel [Lcol] Illo Antonio Neri a fait carrière comme pilote militaire et sert au sein de la Force régulière et de la Force de réserve depuis plus de 28 ans. Sa demande de mesure d’accommodement a été rejetée le 19 novembre 2021. La lettre de décision est une pièce de l’affidavit du colonel James Kent Judiesch figurant dans le dossier T‐1813‐21 de la Cour [le premier affidavit du Col Judiesch]. La lettre résume les fondements de la demande, à savoir le droit à la vie privée, l’intégrité physique, le consentement éclairé et la discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques. Elle explique que le Lcol Neri ne peut être forcé ou obligé de recevoir un traitement médical, y compris des vaccins, mais souligne que les FAC ont le droit de déterminer leurs propres normes d’emploi. Ces normes peuvent comprendre l’obligation d’être vacciné. (De fait, les corporaux Flynn et Rudling, les demandeurs nommés dans le dossier T‐1870‐21 de la Cour, reconnaissent que les FAC détiennent le pouvoir d’exiger la vaccination de leurs membres; leur plainte concerne l’application de ce pouvoir.)

[33] La lettre de décision explique également que les FAC ne sont nullement tenues d’embaucher ou d’employer des citoyens qui ne répondent pas à ces normes. De l’information sur la demande de mesure d’accommodement et le statut vaccinal d’un militaire est recueillie conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P‐21, à la Politique sur la protection de la vie privée et aux instruments connexes. On peut lire dans la lettre que la mesure d’accommodement demandée par le Lcol Neri est rejetée parce qu’il n’a pas été à même de faire la preuve d’une discrimination liée à des motifs énoncés dans la LCDP et qu’il est loisible au demandeur de poursuivre sa contestation fondée sur la Charte en déposant un grief. Rien n’indique que le Lcol Neri a présenté un grief relativement au rejet de sa demande de mesure d’accommodement.

[34] L’adjudant Morgan Christopher Warren est sous‐officier au sein des FAC et sert dans la Force régulière et la Force de réserve depuis plus de 22 ans. Il a demandé une exemption pour des motifs religieux. En date du 8 décembre 2021, aucune décision définitive n’a été rendue concernant sa demande de mesure d’accommodement; cela dit, une décision est attendue prochainement.

[35] La caporale [Cpl] Marie‐Gaelle Grenier est une policière militaire qui sert dans la Force régulière depuis plus de 3 ans. Sa demande de mesure d’accommodement (reposant sur le motif lié à la discrimination génétique énoncé dans la LCDP) a été rejetée le 16 novembre 2021 parce que les motifs sous‐tendant sa demande n’étaient pas considérés comme s’inscrivant dans les critères établis dans la politique des FAC sur la vaccination. La Cpl Grenier a reçu un avis d’entreprise d’une mesure corrective (mise en garde et surveillance) et s’est vu offrir l’occasion de présenter des observations avant qu’une décision définitive soit rendue en faveur d’une mise en garde et surveillance. Ainsi, elle a soumis une nouvelle demande de mesure d’accommodement, laquelle est en suspens en date du 8 décembre 2021; cela dit, une décision est attendue prochainement.

[36] Le maître de 2e classe Shaun Kyle Charpentier est un spécialiste en communications navales qui sert dans la Force régulière depuis plus de 13 ans. Aucune décision n’a été rendue à ce jour concernant sa demande d’exemption pour raison médicale. Cependant, il est déjà en voie d’être libéré pour des raisons médicales qui ne se rapportent pas à la politique des FAC sur la vaccination.

[37] L’affidavit du colonel James Kent Judiesch figurant dans le dossier T‐1870‐21 de la Cour [le deuxième affidavit du Col Judiesch] explique que le Cpl Ronald Robert Flynn s’est vu offrir l’occasion de présenter un plan de vaccination par le vaccin Janssen (à base de vecteur viral) puisque ses objections ont trait aux vaccins à ARN messager. Le Cpl Flynn ne fait l’objet d’aucune mesure corrective ou administrative en ce moment.

[38] Le deuxième affidavit du Col Judiesch mentionne également qu’une mesure de mise en garde et surveillance a été prise à l’encontre du Cpl Bryan William Rudling le 26 novembre 2021; cette mesure a été suivie d’un avis d’intention de recommander la libération. Le Cpl Rudling dispose de 14 jours (à compter du 3 décembre 2021) pour présenter des observations en guise de réponse. Rien n’indique que le Cpl Rudling a déposé un grief contre la mesure de mise en garde et surveillance, ou l’avertissement écrit qu’il dit avoir reçu le 16 novembre 2021, dans son affidavit à l’appui de la requête dont il est question dans le dossier T‐1870‐21 de la Cour. Toutefois, on peut lire dans son affidavit que son contrat avec les FAC arrive à échéance en avril 2022, auquel moment il entend procéder à une libération honorable.

[39] Les caporaux Flynn et Rudling craignent de perdre leur logement s’ils sont libérés étant donné qu’ils occupent des résidences qui leur sont fournies en leur qualité de membres des FAC. En outre, ils craignent de perdre leur indemnité de service en campagne parce qu’ils ne sont pas vaccinés. Le deuxième affidavit du Col Judiesch mentionne qu’aucune décision en matière de libération n’a été rendue en ce qui concerne les caporaux Flynn et Rudling.

(4) Procédure de règlement des griefs

[40] Selon le paragraphe 29(1) de la Loi et du chapitre 7 du Volume 1, Administration, des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes [ORFC], un membre des FAC a le droit de déposer un grief s’il s’estime lésé par le rejet d’une demande de mesure d’accommodement, l’application d’une mesure corrective ou une décision en matière de libération découlant de l’application de la politique des FAC sur la vaccination, entre autres décisions, actes ou omissions touchant à l’administration des affaires des FAC. Selon l’affidavit de Gordon Prieur, un analyste principal en matière de politiques au sein du MDN, le grief doit être déposé dans les trois mois qui suivent la date à laquelle le plaignant a pris ou devrait raisonnablement avoir pris connaissance de la décision, de l’acte ou de l’omission qui fait l’objet du grief. Un grief déposé après cette période peut néanmoins être étudié si l’autorité compétente est convaincue qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire.

[41] La procédure de règlement des griefs des FAC comporte deux niveaux d’autorité : l’autorité initiale [l’AI] et l’autorité de dernière instance [l’ADI]. L’AI peut être le commandant du plaignant ou l’officier immédiatement supérieur, alors que l’ADI est le CEMD, à qui il est loisible de déléguer ce rôle dans certaines circonstances. En outre, certains griefs peuvent être soumis au Comité externe d’examen des griefs militaires [le CEEGM], une entité indépendante qui étudie les griefs et formule des recommandations destinées au CEMD. Cela dit, ce dernier n’est pas lié par les recommandations du CEEGM, mais il doit motiver sa décision s’il s’en écarte.

[42] Comme il a été mentionné ci‐dessus, les demandes fondées sur la Charte peuvent être prises en compte au cours de la procédure de règlement des griefs.

IV. Analyse

(1) Observation préliminaire

[43] Je commence mon analyse en faisant remarquer que les demandeurs nommés dans le dossier T‐1813‐21 de la Cour ont entamé l’audience en présentant de nombreuses observations qui, en soi, constituaient des éléments de preuve, plutôt que des arguments fondés sur la preuve au dossier, qui étaient truffées de conjectures et, de surcroît, qui représentaient une tentative inacceptable d’élargir la portée de l’avis de demande. Par exemple, concernant ce dernier point, l’avocate de ces quatre demandeurs a qualifié la politique des FAC sur la vaccination de traitement médical obligatoire qui constitue un abus de pouvoir et une atteinte à la liberté des membres des FAC.

[44] Qui plus est, l’avocate des demandeurs a déclaré que cette affaire concerne moins le CEMD, la chaîne de commandement ou même les demandeurs que la liberté des citoyens canadiens. Elle a affirmé que la dissidence et le débat n’étaient pas permis dans les FAC. Aussi a‐t‐elle prétendu qu’il n’y a pas de confiance ou de cohésion parmi les membres des FAC et que les directives représentent une oppression politiquement motivée qui engendre de la confusion, de la peur, de la honte, de l’intimidation, du harcèlement et une atteinte à la vie privée, se traduisant par un environnement de travail hostile.

[45] Toutefois, l’avocate des demandeurs n’a ni invoqué la preuve au dossier au soutien de ces observations orales ni traité de manière significative du critère énoncé dans RJR‐MacDonald, lequel est au cœur des requêtes dont je suis saisie. Par conséquent, je conclus que les demandeurs se fondent principalement sur leurs observations écrites en ce qui concerne le critère applicable à l’octroi d’une injonction provisoire ou interlocutoire.

[46] À mon avis, cette façon de s’adresser à la Cour ne constituait pas une utilisation optimale des ressources limitées du système judiciaire, n’a pas aidé la requête des demandeurs et est fortement découragée.

(2) Question sérieuse – les directives ont‐elles été émises de manière valide?

[47] Eu égard à l’exigence élevée à laquelle les demandeurs doivent répondre pour justifier l’intervention de la Cour, je ne suis pas convaincue que les demandeurs en l’espèce ont démontré qu’ils sont susceptibles d’avoir gain de cause concernant leurs demandes sous‐jacentes. Pour les motifs qui suivent, je conclus que les demandeurs n’ont pas satisfait au premier volet du critère établi dans RJR‐MacDonald pour l’un ou l’autre des fondements allégués.

[48] Comme il a été mentionné ci‐dessus, les demandeurs nommés dans le dossier T‐1870‐21 de la Cour reconnaissent que les FAC détiennent le pouvoir d’exiger la vaccination de leurs membres. Bien qu’ils soutiennent que la politique des FAC sur la vaccination est appliquée de manière inégale, ce qui comprendrait une diminution éventuelle du délai nécessaire à l’exécution d’une libération selon le motif 5f) (comme le prétendent les demandeurs dans les deux affaires), je conclus que la preuve au dossier n’est pas suffisante pour étayer cette allégation.

[49] En outre, en dépit de l’allégation d’abus de pouvoir évoquée par les demandeurs dans le dossier T‐1813‐21 de la Cour, la preuve soumise à la Cour démontre que le processus d’élaboration de la politique des FAC sur la vaccination était fondé sur des données probantes. L’affidavit du Bgén Simoneau établit que le processus a été éclairé par les modèles de santé publique. Il y explique le lien qui existe entre les politiques applicables aux employés du MDN (c.‐à‐d. la politique de vaccination de la fonction publique) et aux membres des FAC et souligne que les FAC ont une obligation générale d’assurer la santé et la sécurité de l’ensemble de l’Équipe de la Défense. De plus, il présente des statistiques à propos des demandes de mesure d’accommodement, y compris une ventilation des motifs (c.‐à‐d. médicaux, religieux ou autres) sur lesquels reposent les plus de 70 mesures d’accommodement accordées à ce jour, contredisant ainsi l’affirmation des demandeurs voulant que les FAC n’accordent pas d’accommodements.

[50] Quoi qu’il en soit, à moins que des circonstances exceptionnelles soient établies, les demandeurs doivent épuiser ou mener à terme tous les autres recours administratifs avant de solliciter un contrôle judiciaire : Strickland c Canada (Procureur général), 2015 CSC 37 au para 42; Canada (Agence des services frontaliers) c C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61 [CB Powell] aux para 30‐31; Lin c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CAF 81 [Lin] au para 5; Gupta c Canada (Procureur général), 2021 CAF 202 au para 7.

[51] Si les demandeurs en l’espèce sollicitaient des recours administratifs par l’entremise de la procédure de règlement des griefs qui est à leur disposition, cela créerait un dossier administratif plus complet fondé sur de véritables conclusions et résultats, plutôt que des conjectures, qui pourraient être contrôlés judiciairement de façon plus efficace. Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale, « ce n’est qu’à la fin du processus administratif que la cour de révision aura en mains toutes les conclusions du décideur administratif. Or, ces conclusions se caractérisent souvent par le recours à des connaissances spécialisées, par des décisions de principe légitimes et par une précieuse expérience en matière réglementaire » : CB Powell, au para 32. Voir aussi Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle‐Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10 au para 36.

[52] Rares sont les circonstances qui sont exceptionnelles, « ce seuil est le plus près possible de l’absolu de sorte que les contrôles judiciaires ne perturbent pas le déroulement ordonné et efficace des instances administratives » : Lin, au para 6. La Cour devrait exercer sa compétence résiduelle pour intervenir [traduction] « uniquement [...] lorsqu’il y a un manque, c’est‐à‐dire lorsqu’il n’existe aucune autre voie de recours adéquate à laquelle on peut recourir par l’intermédiaire du tribunal administratif compétent » : Amalgamated Transit Union, Local 113 v Toronto Transit Commission, 2021 ONSC 7658 au para 39. Je ne suis pas convaincue de l’existence d’un tel manque dans les circonstances des affaires en l’espèce.

[53] La Cour a souligné à maintes reprises l’étendue du droit de déposer un grief qui est prévu au paragraphe 29(1) de la Loi (« Ça comprend absolument tout [...] Il n’existe, dans aucune autre loi du Canada, de disposition équivalente à l’article 29 ») : Fortin c Canada (Procureur général), 2021 CF 1061 [Fortin] au para 25, citant Jones c Canada, [1994] 87 FTR 190 aux para 9, 10 et Bernath c Canada, 2005 CF 1232 au para 35. La juge McDonald souligne expressément que la procédure de règlement des griefs prévue dans la Loi et les ORFC est suffisamment large pour prendre en compte les allégations d’ingérence politique : Fortin, aux para 39‐40. À mon avis, eu égard à l’étendue de la procédure de règlement des griefs militaires, rarement y aura‐t‐il des circonstances qui seront considérées comme externes au ressort des FAC et commanderont l’exercice de la compétence résiduelle de la Cour. La présence de telles circonstances n’a pas été prouvée dans les affaires qui m’ont été soumises.

[54] Comme l’indique la Cour d’appel fédérale : « la Cour peut et doit, de son propre chef, toujours refuser d’entendre un contrôle judiciaire prématuré lorsque l’intérêt public le dicte, plus précisément lorsqu’un tel refus serait dans l’intérêt d’une saine administration et assurerait le respect de la compétence du décideur administratif » : Forest Ethics Advocacy Association c Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245 [Forest Ethics] au para 22. Qui plus est, je conclus que, dans les circonstances, les requêtes des demandeurs consistent en des griefs déguisés et des plaintes déguisées de discrimination prématurés et, partant, qu’elles visent à contourner la procédure de grief : Moodie c Canada (Défense nationale), 2010 CAF 6 au para 6.

(3) Question sérieuse – les directives et l’aide‐mémoire sont‐ils inconstitutionnels?

[55] À mon avis, les principes susmentionnés concernant l’épuisement des autres recours administratifs s’appliquent également aux questions relatives à la Charte que soulèvent les demandeurs puisque, comme il a été dit ci‐dessus, ces questions peuvent être prises en compte dans le cadre de la procédure de règlement des griefs des FAC. Néanmoins, je trouve qu’il convient de souligner que la jurisprudence donne à penser que l’existence d’une politique, telle que la politique des FAC sur la vaccination, ne suffit pas, en soi, à justifier une contestation au titre de l’article 7 de la Charte.

[56] Comme l’a admis la défenderesse, il se peut que la question soulevée par les demandeurs en l’espèce soit une question sérieuse à juger du fait qu’elle met en jeu leur vie, leur liberté ou leur sécurité (leur demande ne serait donc ni frivole ni vexatoire), partant, les demandeurs satisferaient au premier volet du critère à deux volets à remplir pour prouver qu’il y a eu violation de l’article 7 de la Charte : Lavergne‐Poitras, précitée, au para 61. Cela dit, à mon avis, ils n’ont pas réussi, aux fins de leurs requêtes, à répondre au deuxième volet du critère, lequel exige que les demandeurs établissent que la violation est contraire aux principes de justice fondamentale : Lavergne‐Poitras, précitée, au para 48.

[57] Les demandeurs en l’espèce assimilent la politique des FAC sur la vaccination à un [traduction] « ordre de se faire vacciner » au sens de l’article 126 de la Loi et font valoir que la politique ou l’ordre constitue, en soi, une atteinte à la sécurité personnelle. Comme il a été mentionné ci‐dessus, les demandeurs qualifient la politique de traitement médical obligatoire qui constitue un abus de pouvoir et une atteinte à la liberté des membres des FAC. Il n’empêche que les demandeurs n’ont pas présenté d’observations relativement au deuxième volet du critère, à savoir si la politique des FAC sur la vaccination concorde avec les principes de justice fondamentale.

[58] Par surcroît, la question de la conséquence possible d’un refus de se faire vacciner dans le contexte de l’article 126 de la Loi et de l’application de l’article 7 de la Charte a été examinée par la Cour d’appel de la cour martiale du Canada dans R. c Kipling, 2002 CACM 1; le juge en chef Strayer (maintenant retraité) ayant souligné ce qui suit au para 28 :

Je crois que les parties seront d’accord pour dire que la vaccination forcée d’un individu serait en soi une atteinte au droit à la sécurité, mais que ce n’est pas ce qui était en cause en l’espèce. Le Sergent Kipling n’a jamais été vacciné mais a plutôt été renvoyé chez lui pour faire face aux conséquences d’un éventuel procès dans lequel il pourrait être prouvé qu’il avait un « motif valable » pour refuser de subir une vaccination. À mon avis, il ne suffisait pas que le juge militaire conclue simplement comme il l’a fait que par le simple ordre il y avait eu une atteinte à la sécurité de la personne en soi; il avait de plus l’obligation d’examiner, en appliquant l’article 7, la question de savoir si ce droit à la sécurité était néanmoins refusé selon les principes de justice fondamentale. Il est clairement établi qu’un tribunal doit soupeser les intérêts personnels en fonction de l’intérêt public lorsqu’il décide en dernière analyse s’il existe un déni d’un droit qui va à l’encontre des principes de justice fondamentale, de sorte que la protection de l’article 7 puisse être invoquée.

[Non souligné dans l’original.]

[59] Similairement, je conclus que ce qui est en jeu pour les demandeurs en l’espèce, ce n’est pas la vaccination forcée, mais plutôt les conséquences du choix de ne pas se faire vacciner. En outre, rien n’indique que l’un ou l’autre des demandeurs fait face à des accusations aux termes de l’article 126 de la Loi. De plus, les demandeurs n’ont pas été en mesure de présenter des éléments de preuve ou des arguments qui montrent que leurs intérêts priment l’intérêt public consistant à assurer, dans la mesure du possible, la préparation, la santé et la sécurité des Forces, de l’Équipe de la Défense et des groupes vulnérables qu’ils seront possiblement appelés à servir dans le contexte de la pandémie de COVID‐19. Aussi n’ont‐ils pas réussi, à mon avis, à s’acquitter de leur charge de présentation consistant à établir l’existence d’une limitation d’un droit garanti à l’article 7 qui est arbitraire, qui a une portée excessive ou qui est totalement disproportionnée dans le contexte de la pandémie de COVID‐19.

[60] Comme je l’ai mentionné ci‐dessus, nonobstant le fait que la défenderesse a reconnu que les préoccupations relatives à la Charte qu’ont exprimées les demandeurs peuvent soulever une question sérieuse (comme l’a conclu la Cour dans Lavergne‐Poitras, précitée, aux para 6, 48‐49), lorsqu’un décideur administratif peut entendre et trancher des questions constitutionnelles, la Cour ne devrait pas contourner cette compétence en permettant que des questions constitutionnelles soient soulevées pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Forest Ethics, précité, au para 46.

[61] Par conséquent, je refuse d’examiner les autres questions fondées sur la Charte, pour lesquelles, de toute façon, le fondement probatoire nécessaire à une étude significative par la Cour fait défaut. Par exemple, en ce qui a trait à la liberté de religion garantie à l’alinéa 2a) de la Charte, l’adjudant Warren n’a invoqué comme preuve que le fait qu’il a demandé une exemption pour des motifs religieux. Sa demande n’a toutefois pas été produite en preuve, et la Cour ne dispose pas non plus d’éléments de preuve ou d’observations concernant ses croyances et la manière dont celles‐ci sont liées aux motifs religieux et l’empêchent de se faire vacciner. En revanche, la politique des FAC sur la vaccination prévoit clairement des mesures d’accommodement pour des motifs religieux, et la preuve soumise par la défenderesse montre que des accommodements ont bel et bien été accordés pour des motifs de cette nature.

[62] Autre exemple, concernant l’attente raisonnable en matière de respect de la vie privée qui est garantie par l’article 8 de la Charte, l’information qui est en jeu consiste en une attestation du statut vaccinal qui n’exige pas qu’un militaire produise une preuve de vaccination. Précisons toutefois que la preuve et les observations qui ont été soumises ne sont pas suffisantes pour montrer que cette exigence, même si elle porte atteinte à l’attente en matière de vie privée, est déraisonnable dans le contexte de la pandémie de COVID‐19. Autrement dit, l’incidence que la politique des FAC sur la vaccination est susceptible d’avoir sur le droit à la vie privée d’un militaire est modeste à première vue et est dépassée, à mon avis, par l’intérêt public consistant à assurer la préparation, la santé et la sécurité des Forces, de l’Équipe de la Défense et des personnes que ce militaire sera possiblement appelé à servir.

[63] Dernier exemple, concernant la protection contre la discrimination garantie à l’article 15 de la Charte, les demandes de mesure d’accommodement du Lcol Neri et de la Cpl Grenier, qui ont tous les deux demandé une telle mesure pour ce motif, n’ont pas été produites en preuve, et la preuve et les observations dont dispose la Cour ne suffisent pas à établir que la politique des FAC sur la vaccination est contraire à l’article 15. Plutôt, à mon avis, la politique permet clairement un accommodement conformément à la LCDP, y compris pour des motifs de discrimination analogues.

[64] Pour les motifs exposés ci‐dessus, je conclus que les demandeurs n’ont pas établi l’existence une question sérieuse concernant la validité ou la constitutionnalité des directives et de l’aide‐mémoire.

(4) Y a‐t‐il un préjudice irréparable?

[65] Comme j’ai conclu que les demandeurs n’ont pas satisfait au premier volet du critère conjonctif à trois volets énoncé dans l’arrêt RJR‐MacDonald (ce qui signifie qu’il faut satisfaire aux trois volets pour avoir gain de cause), je n’ai pas besoin de me pencher sur les deux autres volets. Néanmoins, je les examinerai brièvement.

[66] À mon avis, les demandeurs n’ont pas établi l’existence d’un préjudice manifeste ne reposant pas sur des conjectures qui ne peut pas être indemnisé par des dommages‐intérêts. Comme il a été mentionné ci‐dessus, la perte d’un emploi, d’un logement ou d’une indemnité liée à l’emploi peut être compensée par une réparation pécuniaire.

[67] En outre, les demandeurs soutiennent que s’ils sont libérés des FAC pour non‐conformité à la politique des FAC sur la vaccination, ils le seront en vertu du motif 5f) prévu au tableau de l’article 15.01 des ORFC. Une libération reposant sur le motif 5f) signifie que le militaire est libéré parce qu’il est « inapte à continuer son service militaire », ce motif s’appliquant à « la libération d’un officier ou militaire du rang qui, soit entièrement soit principalement à cause de facteurs en son pouvoir, manifeste des faiblesses personnelles ou un comportement ou a des problèmes de famille ou personnels qui compromettent grandement son utilité ou imposent un fardeau excessif à l’administration des Forces canadiennes ». Le premier affidavit du Col Judiesch confirme la probabilité que c’est en vertu du motif 5f) que sera libéré un membre des FAC qui refuse de se faire vacciner.

[68] Selon les demandeurs, une libération reposant sur le motif 5f) signifiera qu’ils seront destitués ignominieusement. Cela dit, cette affirmation n’est pas corroborée par l’alinéa 15.01(4) des ORFC, lequel prévoit ce qui suit :

(4) L’état de service d’un officier ou militaire du rang libéré doit porter l’une des mentions suivantes :

[...]

«Libéré honorablement» lorsqu’il est libéré en vertu du numéro 3, 4 ou 5.

[69] Abstraction faite de ce que les demandeurs eux‐mêmes affirment quant à l’issue d’une libération reposant sur le motif 5f) (à savoir une « destitution ignominieuse »), aucun des demandeurs n’a fourni des éléments de preuve montrant que quelqu’un d’autre a la même perception, que ce soit au sein ou à l’extérieur des FAC. Qui plus est, le Cpl Flynn a affirmé qu’une libération reposant sur le motif 5f) entacherait à tout jamais la réputation de la personne ainsi libérée. Cela dit, encore une fois, aucun élément de preuve n’a été produit au soutien de cette affirmation. De plus, l’affidavit du Bgén Simoneau atteste qu’en vertu de la Directive 3, les militaires non vaccinés ont l’option de demander une libération volontaire. En outre, la défenderesse a montré qu’une personne peut se réenrôler dans les FAC dans certaines circonstances avec l’approbation du CEMD. Aussi a‐t‐elle montré que les mesures correctives seront conclues officiellement si le militaire se fait vacciner, ou s’il est déterminé, à l’issue de la procédure de grief, que de telles mesures ont été appliquées incorrectement.

[70] Bien que certains demandeurs aient dit craindre de perdre des avantages à la suite de leur libération, le premier affidavit du Col Judiesch atteste qu’une libération fondée sur le motif 5f) n’a pas d’incidence sur les droits des militaires, par exemple, au titre de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes ou de la directive sur la réinstallation des Forces Armées canadiennes en ce qui a trait aux déménagements au lieu de libération projeté.

[71] Quoi qu’il en soit, la libération d’aucun des demandeurs n’a été approuvée en ce moment. Advenant une telle situation, les demandeurs peuvent recourir à la procédure de grief, dont l’issue peut être contestée par la présentation d’une demande de contrôle judiciaire à la Cour, contrairement à l’affirmation des demandeurs voulant qu’un membre des FAC ne puisse demander réparation relativement à une décision rendue par le CEMD. Par surcroît, le deuxième affidavit du Col Judiesch atteste que, en vertu de l’Instruction sur les logements du MDN, il existe une certaine marge de manœuvre pour permettre à un membre des FAC de continuer d’occuper son logement au‐delà de la date de sa libération. Je souligne que selon l’Instruction sur les logements du MDN, laquelle a été annexée au deuxième affidavit du Col Judiesch, il existe une procédure de résolution des différends en ce qui concerne les logements du MDN. Si la plainte d’un membre des FAC ne peut pas être réglée au moyen de ce mécanisme, le militaire en question peut déposer un grief.

[72] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont établi l’existence d’un préjudice manifeste ne reposant pas sur des conjectures qui justifierait l’intervention de la Cour dans les circonstances. Ainsi, je conclus que les demandeurs n’ont pas satisfait au deuxième volet du critère énoncé dans RJR‐MacDonald.

(5) Prépondérance des inconvénients

[73] Je conclus que la prépondérance des inconvénients favorise le maintien de la politique des FAC sur la vaccination pour le bien public et milite contre l’octroi de l’injonction demandée. Comme il a été mentionné ci‐dessus, les demandeurs n’ont pas montré que leurs intérêts priment l’intérêt public consistant à assurer la préparation, la santé et la sécurité des Forces, de l’Équipe de la Défense et des groupes vulnérables qu’ils seront possiblement appelés à servir, dans le contexte de la pandémie de COVID‐19. La preuve produite établit que la COVID‐19 a posé, et continue de poser, un risque important pour la santé des Canadiens, dont les membres des FAC qui sont susceptibles de servir ou d’interagir entre eux ou avec le public dans des espaces partagés. Une infection peut survenir dans un espace partagé, même lorsqu’est respectée la distanciation physique de deux mètres ou plus, étant donné que le virus peut se transmettre par voie aérienne. La preuve établit que la vaccination atténue grandement non seulement le risque d’infection, mais aussi la gravité de l’infection si celle‐ci survient en dépit de la vaccination.

[74] Par conséquent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, si l’injonction demandée était accordée, un préjudice appréciable à l’intérêt public s’ensuivrait, d’une part, par l’accroissement des risques pour la santé des membres des FAC et de la population qu’ils servent et, d’autre part, par l’affaiblissement d’une intervention mesurée fondée sur des données probantes, sous la forme de la politique des FAC sur la vaccination, qui a été mise en œuvre en réponse à une urgence de santé publique grave et complexe qui évolue rapidement et continuellement. À mon avis, ces préjudices l’emportent nettement sur ceux que les demandeurs subiront, à ce qu’ils disent, si l’injonction n’est pas accordée. En conséquence, la prépondérance des inconvénients favorise le rejet de la demande d’injonction.

V. Conclusion

[75] Pour tous les motifs qui précèdent, je rejette la requête d’injonction provisoire ou interlocutoire des demandeurs qui visait à restreindre l’application de toute directive concernant une obligation vaccinale en attente du résultat de leurs demandes de CJ.

VI. Dépens

[76] La défenderesse sollicite les dépens des présentes requêtes compte tenu du fait que la Cour a récemment rejeté des requêtes similaires visant l’octroi d’une injonction relativement à des politiques de vaccination appliquées à la main‐d’œuvre fédérale ou à des effectifs qui interagissent avec des membres de la main‐d’œuvre fédérale dans des lieux de travail fédéraux (p. ex. Wojdan et Lavergne‐Poitras). Cependant, à mon avis, les circonstances en l’espèce sont suffisamment différentes en ce que les parties sont différentes; les questions en jeu ne sont pas identiques malgré leur chevauchement; et les requêtes n’étaient ni frivoles ni vexatoires. Par conséquent, je refuse d’exercer mon pouvoir discrétionnaire d’adjuger les dépens des requêtes à la défenderesse, sous réserve du droit de cette dernière de solliciter les dépens des demandes de CJ sous‐jacentes si l’une d’entre elles suit son cours.


ORDONNANCE dans les dossiers T‐1813‐21 et T‐1870‐21

LA COUR ORDONNE :

  1. Les requêtes des demandeurs sont rejetées.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

[Claude Leclerc]


 

Annexe A : Dispositions pertinentes

Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106
Federal Courts Rules, SOR/98‐106

Principe général

General principle

3 Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3 These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits

Réunion d’instances

Consolidation of proceedings

105 La Cour peut ordonner, à l’égard de deux ou plusieurs instances;

105 The Court may order, in respect of two or more proceedings,

a) qu’elles soient réunies, instruites conjointement ou instruites successivement;

(a) that they be consolidated, heard together or heard one immediately after the other;

b) qu’il soit sursis à une instance jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à l’égard d’une autre instance;

(b) that one proceeding be stayed until another proceeding is determined; or

c) que l’une d’elles fasse l’objet d’une demande reconventionnelle ou d’un appel incident dans une autre instance.

(c) that one of the proceedings be asserted as a counterclaim or cross‐appeal in another proceeding.

Loi sur la défense nationale, LRC 1985, c N‐5
National Defence Act, RSC 1985, c N‐5

Griefs

 

Grievances

 

Droit de déposer des griefs

29 (1) Tout officier ou militaire du rang qui s’estime lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes a le droit de déposer un grief dans le cas où aucun autre recours de réparation ne lui est ouvert sous le régime de la présente loi.

...

Right to grieve

29 (1) An officer or non‐commissioned member who has been aggrieved by any decision, act or omission in the administration of the affairs of the Canadian Forces for which no other process for redress is provided under this Act is entitled to submit a grievance.

...

Autorités compétentes

29.1 (1) Les autorités qui sont initialement saisies d’un grief et qui peuvent ensuite en connaître sont désignées par règlement du gouverneur en conseil....

Authorities for determination of grievances

29.1 (1) The initial authority and subsequent authorities who may consider and determine grievances are the authorities designated in regulations made by the Governor in Council....

Dernier ressort

29.11 Le chef d’état‐major de la défense est l’autorité de dernière instance en matière de griefs. Dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent, il agit avec célérité et sans formalisme.

Final authority

29.11 The Chief of the Defence Staff is the final authority in the grievance process and shall deal with all matters as informally and expeditiously as the circumstances and the considerations of fairness permit

Refus d’immunisation ou d’examens médicaux

126 La transgression, délibérée et sans motif valable, de l’ordre de se soumettre à toute forme d’immunisation ou de contrôle immunitaire, à des tests sanguins ou à un traitement anti‐infectieux constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement de moins de deux ans.

Refusing immunization, tests, blood examination or treatment

126 Every person who, on receiving an order to submit to inoculation, re‐inoculation, vaccination, re‐vaccination, other immunization procedures, immunity tests, blood examination or treatment against any infectious disease, wilfully and without reasonable excuse disobeys that order is guilty of an offence and on conviction is liable to imprisonment for less than two years or to less punishment.


 

Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‐U.), 1982, c 11
Canadian Charter of Rights and Freedoms Part I of the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act 1982 (UK), 1982, c 11

Libertés fondamentales

Fundamental freedoms

2 Chacun a les libertés fondamentales suivantes

2 Everyone has the following fundamental freedoms:

a) liberté de conscience et de religion;

(a) freedom of conscience and religion;

b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

(b) freedom of thought, belief, opinion and expression, including freedom of the press and other media of communication;

c) liberté de réunion pacifique;

(c) freedom of peaceful assembly; and

Vie, liberté et sécurité

7 Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Life, liberty and security of person

7 Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

Fouilles, perquisitions ou saisies

8 Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

Search or seizure

8 Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

Égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi

15 (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Equality before and under law and equal protection and benefit of law

15 (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐1813‐21

INTITULÉ :

ILLO ANTONIO NERI, MORGAN CHRISTOPHER WARREN, MARIE‐GAELLE GRENIER et SHAUN CHARPENTIER c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

ET DOSSIER :

T‐1870‐21

INTITULÉ :

RONALD ROBERT FLYNN et

BRYAN WILLIAM RUDLING c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 DÉCEMBRE 2021

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

DATE DES MOTIFS :

LE 17 DÉCEMBRE 2021

COMPARUTIONS :

Catherine M. Christensen

pour les demandeurs dans le dossier T‐1813‐21

Gregory Tzemenakis

Helen Gray

Sharlene Telles‐Langdon

ames Elford

pour la défenderesse dans les dossiers T‐1813‐21 ET T‐1870‐21

Ronald Robert Flynn

Bryan William Rudling

pour les demandeurs dans le dossier T‐1870‐21

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Valour Legal Action Centre

St. Albert (Alberta)

pour les demandeurs dans le dossier T‐1813‐21

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

pour la défenderesse dans les dossiers T‐1813‐21 ET T‐1870‐21

Pour leur propre compte

Petawawa (Ontario)

pour les demandeurs dans le dossier T‐1870‐21

 

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