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Date : 19980403


Dossier : T-2863-96


ENTRE :

     GARRY B. MacLEOD,


requérant,


- et -


TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL),

PROCUREUR GENERAL DU CANADA,


intimés.

    

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MCKEOWN :


[1]      Le requérant demande le contrôle judiciaire d'une décision du Tribunal de révision et appel des anciens combattants (le Tribunal) rendue le 30 juillet 1996 relativement à l'appel du requérant d`une décision rendue le 2 février 1995 par un comité d'examen. Cette décision a accordé au requérant une compensation pour incapacité exceptionnelle de niveauV à compter du 2 février 1995 et a modifié la date d'entrée en vigueur de l'admissibilité du requérant, la fixant au 19 novembre 1993. Le requérant demande que la décision soit annulée et que l'affaire soit renvoyée au Tribunal. La demande soulève trois questions :

     (1)      Le Tribunal a-t-il négligé d'exercer sa compétence quand il a affirmé ne          pas pouvoir corriger une erreur que la Commission canadienne des pensions          a commise en omettant de mener une enquête d'allocation pour inca-              pacité exceptionnelle en 1987 après que le requérant est devenu un              pensionné de catégorie 1?

     (2)      Le Tribunal a-t-il commis une erreur en omettant de conclure à la              crédibilité du témoignage du requérant?

     (3)      Le Tribunal a-t-il rendu sa décision sans tenir compte de la preuve dont il          disposait en ce qu"il a ignoré la preuve selon laquelle le requérant aurait          dû recevoir une allocation pour incapacité exceptionnelle de niveau IV              plutôt que l"allocation de niveau V qui lui a été octroyée et, de plus, la date          rétroactive de l"allocation pour incapacité exceptionnelle du requérant              n"aurait-elle pas dû être le 12 avril 1985 ou le 21 mars 1982 plutôt que le          19 novembre 1993?

[2]      En ce qui concerne la première question, le requérant allègue que le Tribunal avait conclu que la Commission canadienne des pensions (la CCP) avait commis une erreur en ne menant pas une enquête immédiatement après que le requérant est devenu un pensionné de catégorie 1 le 7 janvier 1987, mais qu"il a refusé d"exercer sa compétence en ne rendant pas l"allocation pour incapacité exceptionnelle rétroactive au 12 avril 1985 ou au 21 mars 1982. Pour trancher cette question, il est nécessaire d"examiner les faits pertinents. Le requérant est un ancien capitaine des Forces armées qui a été blessé en août 1973 alors qu"il effectuait des manoeuvres acrobatiques dans un aéronef à réactions dans le cadre de ses fonctions militaires. Le requérant a été libéré avec honneur des Forces armées le 30 décembre 1976 et a présenté une demande de pension d'invalidité le 16 juin 1978 relativement à une psychonévrose et, le 15 août 1979, relativement à la maladie du disque lombaire.

[3]      En 1979, la CCP a rendu une décision selon laquelle la condition du requérant en ce qui a trait à la psychonévrose n"ouvrait pas droit à une pension et, le 12 octobre 1979, la CCP a conclu que la condition du requérant en ce qui a trait à la maladie du disque lombaire n"ouvrait pas droit à une pension, cette condition n"étant pas directement reliée au service militaire en temps de paix. Le requérant a interjeté appel de cette décision et a commencé à recevoir une pension au taux de un cinquième pour la portion de la maladie du disque lombaire qui était directement reliée au service dans les Forces régulières en temps de paix.

[4]      Au cours des années, il a été admis que la psychonévrose était une cause d"invalidité et, le 7 janvier 1987, le Conseil de révision des pensions a accordé au requérant l"admissibilité à une pension complète (cinq cinquièmes) pour la psychonévrose à compter du 21 mars 1982 au motif que celle-ci découlait du service militaire en temps de paix. Cependant, l"invalidité du requérant résultant de la psychonévrose n"a pas été évaluée à cent pour cent avant le 12 avril 1985. À cette date, le requérant est devenu un pensionné de catégorie 1 et a ainsi satisfait à une des exigences d"admissibilité à l"allocation pour incapacité exceptionnelle, que prévoit la Partie IV de la Loi sur les pensions . Etant donné que l"invalidité résultant de la psychonévrose n"a pas été évaluée à cent pour cent avant le 12 avril 1985, le requérant ne pouvait pas devenir un pensionné de catégorie 1 avant cette date et, en conséquence, satisfaire à l"une des exigences d"admissibilité à l"allocation pour incapacité exceptionnelle.

[5]      Il est important de noter la différence entre le droit à une pension et l"évaluation selon l"article 21 de la Loi sur les pensions . Ce qui est examiné, c"est le pourcentage de la condition du requérant qui est lié au service militaire et celui-ci est généralement exprimé en cinquièmes. Cependant, il existe une deuxième composante qui est l"évaluation mesurant le degré de cette invalidité. En conséquence, la prétention du requérant selon laquelle l"allocation pour incapacité exceptionnelle devrait être établie rétroactivement à compter de mars 1982 ne peut être acceptée. A la page 3 de sa décision, le Tribunal a correctement dit que :

[TRADUCTION]
Le comité est d"accord avec l"appelant lorsque celui-ci prétend que l'ancienne Commission canadienne des pensions a commis une erreur en ne menant pas une enquête afin de déterminer si l"appelant avait droit à une allocation pour incapacité exceptionnelle quand il est devenu un pensionné de catégorie 1.
Le comité note que le Manuel de directives prévoit que:
...la date d"entrée en vigueur de la compensation est la date à laquelle il a satisfait aux exigences énoncées dans la Loi sur les pensions , soit, selon le cas, la plus récente des dates suivantes : (1) celle à laquelle il est devenu un pensionné de catégorie 1; (2) celle à partir de laquelle il a été considéré admissible à l"allocation pour incapacité exceptionnelle; ou (3) le 30 mars 1971, selon le cas.
Mais, après avoir examiné toute la preuve, le comité remarque que l"allocation pour incapacité exceptionnelle de niveau V a été accordée sur la foi d'un rapport du psychiatre daté du 25 janvier 1995. Le psychiatre a rencontré l"appelant pour la première fois le 29 juin 1994. Ces dates se situent toutes après le 14 février 1994, date à partir de laquelle, suivant la décision du comité, l"appelant avait droit à la pension.
Le comité ne peut remédier à l"erreur d"omission qu"a commise la Commission canadienne des pensions en ne menant pas une enquête en 1987 au moment où M. McLeod est devenu un pensionné de catégorie 1. Parce que cela n"a pas été fait, le comité ne dispose pas de suffisamment d"information pour déterminer si, oui ou non, le pensionné était admissible à une allocation additionnelle avant sa demande du 19 novembre 1993.

[6]      Comme il a été mentionné précédemment, le requérant allègue que le Tribunal a refusé d"exercer sa compétence en ne remontant pas à 1985, année où M. McLeod est devenu un pensionné de catégorie 1. Toutefois, comme le Tribunal l'indique, l"erreur que la CCP a commise en ne menant pas une enquête en 1987 dès qu"elle a appris qu"il est devenu un pensionné de catégorie 1 est une erreur d"omission. De plus, une personne devenant un pensionné de catégorie 1 n"est pas automatiquement admissible à recevoir une allocation pour incapacité exceptionnelle. L"article 72 de la Loi sur les pensions prévoit qu"un membre des forces armées qui reçoit une pension du montant indiqué à la catégorie 1 de l'annexe 1 et qui souffre d"une incapacité exceptionnelle qui est la conséquence d'une telle invalidité ou qui a été totalement ou partiellement causée par celle-ci, doit recevoir une allocation pour incapacité exceptionnelle. Comme le Manuel de directives du ministère des Anciens combattants le note au sous-alinéa 3b) de l"article 72(1), les critères ne sont pas les mêmes que pour une allocation pour incapacité exceptionnelle. Le paragraphe 7.08 de la Table des invalidités prévoit :

Lorsqu"on accorde une telle allocation, la date d"entrée en vigueur est fixée en fonction de la date où on a démontré médicalement que le pensionné souffrait d"une incapacité exceptionnelle. En l"absence d"une telle preuve, la date d"entrée en vigueur sera la date à laquelle on a entrepris les démarches pour l"obtention de la compensation. Le présent paragraphe devrait être lu de concert avec l"article 72(1), paragraphe (3), du Manuel de directives de la CCP. [Souligné dans l"original]

[7]      Le Tribunal a examiné la preuve médicale dont il disposait en remontant jusqu'aux années 1970 et décidé qu'il n'y avait pas suffisamment d"éléments de preuve pour conclure que le requérant avait droit à l"allocation additionnelle avant que la CCP ne commence la demande le 19 novembre 1993. Le Tribunal a mentionné par inadvertance que le requérant a déposé la demande le 19 novembre 1993 alors que c"est la date à laquelle la CCP a commencé la demande. Bien que non requis de le faire, le requérant a néanmoins déposé une demande le 14 février 1994. Il a fait une demande pour l"allocation pour incapacité exceptionnelle et/ou l"allocation pour soins. La question de l"allocation pour soins n"a pas été soulevée devant moi.

[8]      Le Tribunal a examiné toute la preuve produite par le requérant et par la CCP et a décidé que la preuve était insuffisante pour conclure qu"il était admissible à une allocation additionnelle avant le 19 novembre 1993. Cela ne constitue pas un refus d"exercer sa compétence.

[9]      Il est vraiment regrettable que le requérant puisse avoir subi la perte de cette allocation additionnelle de 1987 à 1993 en raison de l"omission de la CCP de mener une enquête en 1987 lorsqu"il est devenu un pensionné de catégorie 1. Toutefois, il ne s"agit pas d"une erreur du Tribunal. Je pourrais ajouter que même si j"avais conclu à une erreur de compétence en l"espèce et si j"avais renvoyé l"affaire au Tribunal pour nouvelle audition, il est improbable que l"information disponible en 1998 aurait été meilleure que celle qui existait en décembre 1993. Toutes enquêtes médicales additionnelles, si nécessaires, auraient dues être faites en 1987 après que le requérant est devenu un pensionné de catégorie 1. Cela n"est pas une erreur du Tribunal.

[10]      En examinant cette demande de contrôle judiciaire, la question que je dois me poser est de savoir si la décision du Tribunal est manifestement déraisonnable, sauf en ce qui concerne les cas d"erreurs de compétence, où la norme à suivre est celle de l"absence d"erreur. Voir National Corn Growers Association c. Canada (Tribunal des importations) , [1990] 2 R.C.S. 1324, à la p. 1369, et Moar c. Canada (Procureur général), [1995] 103 F.T.R. 314 (C.F. 1re inst.).

[11]      Comme il a été mentionné précédemment, il n"y a pas d"erreur de compétence. À mon avis, la décision du Tribunal relativement à l"insuffisance des informations dont il disposait n"était pas manifestement déraisonnable.

[12]      Le requérant allègue que le Tribunal a commis une erreur en omettant de conclure à la crédibilité du requérant sur la deuxième question. Selon les articles 3 et 39 de la Loi, le Tribunal doit tirer les conclusions les plus favorables possibles au requérant, trancher en sa faveur toute incertitude et interpréter les dispositions des lois pertinentes de façon large. Tout cela a été fait. Le Tribunal a examiné toute la preuve soumise par le requérant de manière exhaustive et attentive. Le Tribunal n"ayant pas tiré de conclusion spécifique quant à la crédibilité, il faut en conclure que le Tribunal aurait trouvé le requérant crédible. Cependant, le Tribunal examinait d"abord et avant tout la preuve médicale relative à cette allocation pour incapacité exceptionnelle. À au moins deux reprises, le Tribunal a dit avoir examiné toute la preuve. Il revient au Tribunal de choisir la preuve qu"il préfère. Il n"y a rien de manifestement déraisonnable à ce que le Tribunal préfère la preuve médicale à la preuve crédible présentée par le requérant concernant une réclamation de nature médicale.

[13]      Le requérant allègue aussi que le Tribunal est arrivé à ses conclusions sans tenir compte de la documentation qui lui était soumise. Comme je l"ai déjà dit, le Tribunal a examiné toute la preuve. Le requérant a pu soumettre toute la preuve qu"il désirait et il n"est pas dit qu"on lui a nié le droit de le faire. Comme je l"ai dit plus tôt, le Tribunal a commis une erreur en disant que le requérant a déposé sa demande le 19 novembre 1993, mais il est clair qu"il s"agit de la date à laquelle l"enquête a été instituée par la CCP. En réalité, le Tribunal a étendu la période de rétroactivité du 14 février 1994, date à laquelle le requérant a déposé sa demande, au 19 novembre 1993, date à partir de laquelle, selon la décision du Tribunal, l"allocation prenait effet. Encore une fois, le Tribunal n"a pas agi de manière manifestement déraisonnable en ne choisissant pas la date du 12 avril 1985. Il y avait de la documentation devant le Tribunal qui lui permettait de prendre sa décision.





[14]      La demande de révision judiciaire est rejetée.


                                 " William P. McKeown "

                             ______________________________

                                         Juge

TORONTO (ONTARIO)

LE 3 AVRIL 1998

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.





















     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier


DOSSIER :                      T-2863-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          GARRY B. MacLEOD

                         - et -

                         LE TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL),

                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU                              CANADA

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 18 MARS 1998

LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR : LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU :                   3 AVRIL 1998

COMPARUTIONS :                     

                         Mme Carmine Tiano

                             pour le requérant

                         Mme Sadian Campbell

                             pour les intimés

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :             

                         Juan F. Carranza

                         Avocats

                         301-1315 Finch Avenue West

                         Toronto (Ontario)

                         M3J 2G6

                             Pour le requérant

                          George Thomson

                         Sous-procureur général du Canada

                             Pour l"intimé

                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 19980403

                        

         Dossier : T-2863-96


                         Entre :


                         GARRY B. MACLEOD,

     requérant,

                         - et -


                         LE TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL),

                    

     intimé.




                    

                        

            

                                                                         MOTIFS DE L"ORDONNANCE


                        




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