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Date : 19990827

Dossier : IMM-512-99

ENTRE :

                          JIAN CHUO,

                                                 demanderesse,

                            - et -

      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                    défendeur.

                     MOTIF DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de Donald Barr, vice-consul au Consulat général du Canada à Hong Kong, en date du 18 décembre 1998, refusant le demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse. Celle-ci souhaite obtenir une ordonnance annulant cette décision et demande que l'affaire soit renvoyée à un agent des visas différent en vue d'un réexamen.

Historique

[2] La demanderesse, Jian Chuo, est une ressortissante de la Chine, âgée de 36 ans. Elle a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie Indépendant à titre de programmeuse le 16 février 1998.

[3] La demanderesse a obtenu un diplôme en logiciel à l'Université des travailleurs du district Chong Wen de Beijing, en 1990. Elle travaille à Praxair de Beijing, une usine d'oxygène où elle gère des bouteilles de gaz, depuis 1992, et elle décrit cet emploi comme étant celui de programmeuse dans sa demande de résidence permanente.

[4] Elle a passé son entrevue à Hong Kong le 23 novembre 1998. L'avocat de la demanderesse a décrit verbalement l'entrevue comme « de pure forme » . L'agent des visas a apprécié la demanderesse en fonction de la profession de programmeur, qui porte le numéro de classification 2163 dans le système de la Classification nationale des professions (CNP). Sur le fondement de l'entrevue, l'agent des visas a conclu que la demanderesse n'avait aucune expérience dans cette profession et il l'a appréciée dans la catégorie 1421 de la CNP, soit comme opératrice d'ordinateurs. Elle n'a obtenu que 49 points d'appréciation, soit en deçà du minimum requis de 70 points. Aussi l'agent des visas a-t-il rejeté sa demande.

[5] Au cours de l'entrevue, l'agent des visas a fait part des questions qu'il se posait au sujet de l'expérience de la demanderesse comme programmeuse. Il a noté que la demanderesse, bien qu'elle ait étudié le langage C à l'Université, n'en avait aucune expérience pratique, malgré le fait que, comme il le dit dans les notes au STIDI, ce langage [traduction] « est devenu un standard de l'industrie et le langage servant de fondement à de nombreux langages et applications modernes de programmation » (dossier certifié du tribunal, à la page 48). L'agent des visas poursuivait :

[traduction]J'ai demandé à la requérante pourquoi elle croit avoir une expérience de programmeuse si elle n'a jamais fait de programmation avec ce langage fondamental. La requérante répond qu'elle n'a d'expérience de programmeuse que dans l'emploi de Fox-Base. Elle est incapable d'expliquer la programmation par objets et ne connaît pas la logique booléenne. Ces deux termes se rapportent à des concepts fondamentaux de la programmation et le fait qu'elle soit incapable de les expliquer indique un manque de connaissance et d'expérience comme programmeuse. La CNP indique que les programmeurs sont employés dans des sociétés de services informatiques, des firmes d'experts-conseils en informatique et dans des services de programmation des secteurs privé et public. J'ai demandé à la demanderesse pourquoi une usine d'oxygène, qui avait pour activité non pas l'informatique, mais la vente de bouteilles de gaz, aurait besoin d'un programmeur à temps plein. Elle a répondu pour gérer les bouteilles de gaz. J'ai décidé que la demanderesse avait travaillé sur des ordinateurs non pas dans l'unité de programmation d'une société de services en informatique ou d'une firme d'experts-conseils en informatique, mais dans un bureau administratif d'une usine de gaz industriel. J'ai considéré ce cadre d'emploi par rapport au besoin probable d'un programmeur à temps plein au niveau de spécialisation envisagé par la définition du programmeur dans la CNP et j'ai décidé que les besoins de programmation reliés à la gestion des bouteilles de gaz ne seraient pas du même ordre que le travail accompli par un programmeur. Dans le sens de cette conclusion, on peut aussi noter la reconnaissance par la demanderesse qu'elle n'a pas d'expérience de programmation dans le langage C, et qu'elle n'a pas non plus d'expérience avec Sybase, Unix, Powerbuilder ou Visual Basic. Tous des outils de programmation caractéristiques de la profession de programmeur.

Position de la demanderesse

[6] Dans son affidavit, la demanderesse déclare que l'agent des visas a négligé de lui poser des questions au sujet de son niveau de connaissance du langage C et qu'il ne l'a pas non plus interrogée au sujet de ses autres fonctions comme programmeuse. Elle soutient que l'agent des visas ne lui a pas posé de questions au sujet de trois des quatre principales fonctions exposées dans la CNP 2163. Elle prétend qu'il ne l'a interrogée qu'au sujet de la première de ces quatre principales fonctions.

[7] La demanderesse fait valoir que l'agent des visas aurait entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en restreignant les endroits où un programmeur peut être employé de manière à exclure les bureaux administratifs d'entreprises commerciales. Elle plaide que cela revient à décider qu'une entreprise commerciale dont l'activité n'est pas l'informatique ne peut jamais avoir besoin d'un programmeur à temps plein, conclusion simplement « absurde » .

Position du défendeur

[8] Le défendeur soutient que, si l'agent des visas a conclu que la demanderesse n'avait pas d'expérience comme programmeuse, c'est en se fondant sur l'information fournie par celle-ci au cours de l'entrevue. L'agent des visas aurait invité la demanderesse à donner de plus amples renseignements au sujet de son expérience comme programmeuse en lui demandant pourquoi une société qui vend du gaz aurait besoin d'un programmeur à temps plein parmi son personnel.

[9] Le défendeur fait valoir que la demanderesse tente irrégulièrement de clarifier ou de compléter le témoignage qu'elle a donné à l'agent des visas dans son affidavit et qu'elle ne peut donc s'appuyer là-dessus dans sa demande de contrôle judiciaire.

[10]Enfin, le défendeur soutient qu'il incombe à la personne qui veut venir au Canada d'établir qu'elle y est admissible.

Questions en litige

[11]Ce n'est pas la conclusion tirée par l'agent des visas que la demanderesse doit être appréciée comme opératrice d'ordinateurs qui est en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire. C'est plutôt la façon dont il a apprécié la demanderesse comme programmeuse qui est attaquée. La question à trancher est la suivante : l'agent des visas a-t-il conclu à tort que la demanderesse n'avait pas l'expérience voulue pour travailler comme programmeuse?

Analyse

[12]Dans l'affaire Prasad c. Canada (MCI), (1996) 34 Imm.L.R. (2d) 91 (C.F. 1re inst.), la Cour a décidé, à la page 98, au paragraphe 7 :

Le requérant a le fardeau de convaincre l'agent des visas de tous les éléments positifs contenus dans sa demande. L'agent des visas n'a pas à attendre ni à offrir au requérant une deuxième chance ou même plusieurs autres chances de le convaincre d'éléments essentiels que le requérant peut avoir omis de mentionner. En l'espèce, l'agent des visas n'a commis aucune erreur de droit ni aucune erreur de fait manifeste, et n'a pas manqué d'impartialité. Il faut se rappeler que même si la Cour aurait pu en arriver à une conclusion différente, l'objet de la présente procédure est de déterminer si l'agent des visas s'est écarté de la ligne de conduite appropriée, en tenant compte des critères traditionnels établis en matière de contrôle judiciaire.

[13]Donc, il est bien établi en jurisprudence que le requérant a le fardeau de convaincre l'agent des visas de l'existence de tous les éléments positifs de sa demande. Les tribunaux font preuve d'une grande retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas : Hajaraiwala c. Canada (MEI), [1989] 2 C.F. 79 (1re inst.). Le tribunal chargé du contrôle judiciaire ne peut remettre en cause l'exercice par l'agent des visas de son pouvoir discrétionnaire lorsqu'il a été exercé de bonne foi et, le cas échéant, conformément aux principes de la justice naturelle, et lorsqu'il ne s'est pas fondé sur des considérations non pertinentes ou étrangères : Maple Lodge Farms Ltd., [1982] 2 R.C.S. 2.

[14]L'agent des visas doit toutefois soulever les questions qu'il peut se poser au sujet de la demande et donner au requérant la possibilité d'y répondre et d'en traiter. L'agent des visas n'est pas tenu d'aller au-delà et de présenter en définitive la demande pour le compte du requérant.

[15]En l'espèce, la demanderesse soutient que l'agent des visas ne lui a pas posé de questions à l'égard de certaines fonctions reliées à la programmation. Cependant, il ne semble pas que la demanderesse ait présenté de preuve lors de l'entrevue pour établir qu'elle satisfaisait aux exigences professionnelles. Également, l'agent des visas a donné à la demanderesse la possibilité de fournir des précisions au sujet de son expérience professionnelle, lorsqu'il lui a demandé pourquoi Praxair avait besoin d'un programmeur à temps plein.

[16]La détermination de la qualification d'un demandeur est une question de fait et, à moins que la décision ne soit manifestement déraisonnable, le tribunal chargé du contrôle judiciaire ne doit pas l'infirmer ou la modifier. La demanderesse n'ayant présenté à l'agent des visas aucune preuve pour établir qu'elle satisfaisait aux exigences de la profession, comment la conclusion ultérieure de l'agent des visas pourrait-elle être jugée manifestement déraisonnable?

[17]La conclusion de l'agent des visas était raisonnable et il pouvait légitimement tirer cette conclusion sur le fondement de la preuve qu'on lui avait présentée. De même, sur le fondement du dossier, il pouvait légitimement conclure que l'expérience de la demanderesse correspondait plus à celle d'un agent d'administration dans une société de gaz commerciale. L'agent des visas ne semble pas avoir commis d'erreur de nature à justifier l'intervention de la Cour. La demande est rejetée. Il n'y a pas de question à certifier.

                                  F.C. Muldoon

                                  Juge

Ottawa (Ontario)

Le 27 août 1999

Traduction certifiée conforme

_________________________

Richard Jacques, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DU DOSSIER : IMM-512-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :JIAN CHUO c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :LE 6 AOÛT 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU 27 AOÛT 1999

ONT COMPARU :

Dennis TanackPOUR LA DEMANDERESSE

Emilia Pech POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dennis TanackPOUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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