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Date : 19991110


Dossier : IMM-572-99

OTTAWA (ONTARIO) LE 10 NOVEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE L"HONORABLE JUGE TREMBLAY-LAMER

Entre :

     ARMANDO NEHEMIA OVILA ARCHILA

     AURA ALICIA MORALES VARGAS

     JULIO NEHEMIA OLIVA MORALES

     JEISSI MARIELA OLIVA MORALES

     Demandeurs


     - et -


     LE MINISTRE

     Défendeur



     O R D O N N A N C E



     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.




     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE






        



Date : 19991110


Dossier : IMM-572-99


Entre :

     ARMANDO NEHEMIA OVILA ARCHILA

     AURA ALICIA MORALES VARGAS

     JULIO NEHEMIA OLIVA MORALES

     JEISSI MARIELA OLIVA MORALES

     Demandeurs


     - et -


     LE MINISTRE

     Défendeur



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER:



[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue par la Commission de l"immigration et du Statut de Réfugié, Section du statut, en date du 4 janvier 1999 selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]      Les demandeurs sont citoyens du Guatemala. Il s"agit d"une famille composée de Armando Nehemia Oliva Archila, de son épouse et de leurs deux enfants. M. Archila allègue une crainte bien-fondée de persécution parce qu"il craint l"armée de son pays qui l"aurait accusé d"être un collaborateur avec la guérilla. Son épouse et ses enfants fondent leur revendication sur la sienne comme membres de la famille.


[3]      Le tribunal a conclu que depuis le départ des demandeurs, il a eu un changement de circonstances au Guatemala de sorte qu"il n"y a pas de possibilité raisonnable que ceux-ci soient persécutés advenant leur retour au Guatemala. Il s"appuie particulièrement sur une "Réponse à une demande d"information" de la D.G.D.I.R. à Ottawa qui explique la transformation progressive des différents groupes de guérilla en parti politique. L"état respecte leur existence et leur permet de se réunir officiellement.


[4]      Le tribunal note également que les demandeurs n"ont pas revendiqué le statut de réfugié lors de leur séjour aux État-Unis et que ce comportement est incompatible avec une crainte subjective de persécution.


[5]      Le demandeur soutient que le tribunal a erré dans son appréciation du changement de circonstances depuis les accords de paix.

[6]      Je suis d"accord avec le demandeur que la preuve documentaire brosse un tableau peu reluisant de la situation politique au Guatemala depuis les accords de paix de 1996. Il n"en demeure pas moins qu"elle fait état du changement d"attitude vis-à-vis des groupes de guérilla, lesquels n"ont plus à craindre d"être ciblés puisqu"ils sont reconnus officiellement. Ceux-ci n"étant plus en danger, il n"était pas manifestement déraisonnable pour la Section du statut de conclure que le demandeur, qui n"a joué qu"un rôle mineur comme sympathisant, n"a plus à craindre.


[7]      Les groupes à risque sont identifiés comme étant principalement les militants des droits de la personne, les journalistes, étudiants, syndicalistes, juges, avocats. Le demandeur ne peut être identifié à aucun de ces groupes à risque. Il a formulé sa crainte uniquement comme sympathisant de la guérilla et non pas comme militant des droits de la personne.


[8]      Quant au fait que le tribunal de s"appuyer plus particulièrement sur un seul document, il existe une présomption selon laquelle le tribunal a considéré toute la preuve1. De plus, la jurisprudence a reconnu qu"il peut puiser dans la preuve documentaire celle qui se conjugue le mieux avec la réalité. Dans la décision A.V. c. Canada (M.C.I.)2, le juge Noël indique:

Je rejette aussi la prétention des requérants qui reprochent au tribunal de ne pas les avoir confrontés avec la preuve documentaire qui a servi à atténuer leur crédibilité. Les documents retenus par le tribunal étaient inclus parmi ceux qui furent soumis par l"agent d"audition au début de l"audition et étaient énumérés dans l"index du cartable sur l"État d"Israël reçu par les requérants avant l"audition. Les requérants ont présenté leur propre preuve documentaire. Le tribunal était en droit de puiser à même cette preuve celle qui, à son point de vue, se conjuguait le mieux avec la réalité. C"est ce qu"il a fait.3


[9]      Quant au délai pour revendiquer le statut, le demandeur soumet qu"il s"agit d"un élément pertinent mais non déterminant, et que le délai doit être examiné dans le contexte des autres éléments pertinents. Pour sa part, le défendeur souligne que le fait que le demandeur soit demeuré 10 jours au Mexique et 2 mois aux États-Unis sans revendiquer le statut de réfugié démontre qu"il n"a pas agit comme une personne qui possédait une crainte subjective de persécution.

[10]      Dans l"arrêt Ali c. Canada (M.C.I.)4, j"ai repris la jurisprudence sur l"impact d"un délai à revendiquer et j"ai conclu que le tribunal pouvait prendre en considération cet élément dans l"évaluation de la crainte subjective d"un revendicateur:

[TRADUCTION] Comme l'ont déclaré la Commission et l'intimé, les affaires, Heer, Huerta, Ilie, Bogus et Hue c. M.E.I. militent pour dire que la Commission a le droit de prendre en considération le retard à présenter une demande de statut de réfugié.    Comme l'intimé l'a soutenu, malgré le droit de l'immigration américain, la Commission était fondée à conclure sur l'état d'esprit du requérant, compte tenu du fait qu'il n'avait pas demandé le statut de réfugié aux États-Unis.    Le droit américain n'était pas en cause devant la Commission, et il n'est pas nécessairement vrai que les requérants connaissaient cette loi ou l'aient prise en considération à l'époque en cause.    La conclusion selon laquelle une personne qui craint, avec raison, d'être persécutée aurait fait une demande de statut de réfugié plus tôt, une fois aux États-Unis, pouvait raisonnablement être tirée par la Commission5.


[11]      C"est donc à bon droit que le tribunal a noté ce fait, lequel de toute façon a peu compté puisque le demandeur a été jugé crédible.

[12]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[13]      Le procureur du demandeur propose la certification d"une question quant à la norme de contrôle appropriée dans le présent dossier. Les critères quant à la norme de contrôle ayant été formulés clairement par la Cour suprême du Canada récemment dans les arrêts Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)6 et Baker v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration)7, je suis d"avis qu"il n"y a pas lieu de certifier une question.





     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 10 novembre 1999


__________________

1      Florea c. Canada (M.E.I.) (Le 11 juin 1993) A-1307-91 (C.A.F.).

2      (Le 14 juin 1995) IMM-5170-94 (C.F. 1ère inst.).

3      Ibid. au para 10.

4      (1996), 112 F.T.R. 9.

5      Ibid. au para 17.

6      [1998] 1 R.C.S. 982.

7      (1999), 174 D.L.R. (4th ) 193.

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