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                                                                                                                              Date : 20050928

                                                                                                                Dossier : IMM-10626-04

                                                                                                            Référence : 2005 CF 1285

ENTRE :

                                                            RUSUDAN MIKIANI

                                                           KHATIA OSASHVILI

                                                            LEVANI OSASHVILI

                                                                                                                                    demandeurs

                                                                          - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d'une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 6 décembre 2004, par laquelle elle leur a refusé la qualité de réfugiés au sens de la Convention et la qualité de personnes à protéger, expressions définies dans les articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.


[2]         Rusudan Mikiani (la demanderesse principale), sa fille, Khatia Osashvili, et son fils, Levani Osashvili, sont des ressortissants de la Géorgie qui affirment avoir une crainte fondée de persécution en raison de la double origine de la demanderesse principale. Son père était géorgien et sa mère était abkhaze. La demanderesse affirme qu'elle a également été persécutée en raison de ses opinions politiques. Elle est membre du Parti de la table ronde pour une Géorgie libre. La revendication des enfants de la demanderesse est fondée sur celle de leur mère.

[3]         La Commission a fondé sa décision sur le fait qu'elle n'a pas cru la demanderesse. Pour les questions de crédibilité, la Cour ne peut substituer son opinion à celle de la Commission à moins que la demanderesse puisse prouver que la décision de la Commission est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée d'une manière abusive ou au mépris des documents qu'elle avait devant elle. Par ailleurs, la décision de la Commission ne sera modifiée que si elle est suffisamment déraisonnable pour justifier l'intervention de la Cour. Il est bien établi que la Commission est un tribunal spécialisé qui est en mesure d'apprécier la vraisemblance et la crédibilité d'un témoignage, pour autant que les conclusions qu'elle en tire ne soient pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et pour autant que ses motifs soient exposés clairement et intelligiblement (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).

[4]         La demanderesse fait valoir qu'un acte de naissance est une pièce d'identité valide et que la Commission l'a implicitement rejetéen tant que document essentiel prouvant l'origine de la demanderesse, une origine mi-abkhaze mi-géorgienne. La Commission a utilisé ce même document pour dire que « l'identité n'est pas mise en doute en l'espèce » , ce qui est arbitraire et déroutant selon la demanderesse.


[5]         Je partage l'avis du défendeur, pour qui la Commission n'a pas rejeté l'acte de naissance parce qu'il ne pouvait pas servir à identifier la demanderesse. Ce que la Commission a affirmé, c'est que, puisqu'un acte de naissance, contrairement à un passeport ou à une carte d'identité, n'est pas un document pouvant servir de pièce d'identité, la demanderesse ne pouvait pas prétendre que son origine abkhaze était notoire. La Commission a également relevé que, sur les autres documents utilisés comme pièces d'identité, c'est son origine géorgienne qui est mentionnée et non pas son origine abkhaze. Selon le défendeur, la Commission n'a pas commis d'erreur de fait lorsqu'elle a affirmé que, puisque l'unique document qui attestait l'origine abkhaze de la demanderesse était son acte de naissance, un document qui n'est pas utilisé comme pièce d'identité, la demanderesse ntait pas crédible lorsqu'elle disait être persécutée en raison de son origine abkhaze.

[6]         La demanderesse prétend également que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a affirmé que le nom, l'apparence et l'accent d'une personne ne sont pas des facteurs pertinents qui permettent de déterminer son origine.

[7]         Je ne crois pas que la Commission ait tiré une conclusion erronée lorsqu'elle a rejeté l'affirmation selon laquelle la demanderesse était persécutée en raison de son origine, attestée par son nom, son apparence et son accent. La demanderesse n'a pas expliqué en quoi les Géorgiens d'origine abkhaze, une origine qui n'est que partielle en ce qui concerne la demanderesse, se reconnaissent facilement à leur apparence et à leur accent. La Commission a relevé que, contrairement aux affirmations de la demanderesse, son patronyme est d'origine géorgienne, non abkhaze, puisque son père était géorgien.

[8]         Quant au reste, après examen de la preuve, je suis d'avis, à l'exception d'une erreur mineure et non décisive portant sur le retour que les demandeurs n'ont pas fait en Géorgie avant de venir au Canada, que la Commission n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu'elle aurait tirée d'une manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des documents qu'elle avait devant elle (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7).


[9]         Je suis également d'avis que les conclusions de la Commission relatives aux conditions qui ont cours aujourd'hui en Géorgie reposent sur la preuve documentaire la plus récente. Quant à l'affirmation selon laquelle, en raison de sa double origine, il est impossible à la demanderesse de vivre à l'abri de la persécution en Géorgie comme en Abhkazie, cette affirmation n'est pas étayée par l'ensemble de la preuve.

[10]       Finalement, quant à l'affirmation de la demanderesse selon laquelle la Commission s'est abstenue dvaluer le risque pour les enfants dtre exposés à la persécution, je suis d'avis que cette affirmation n'est pas fondée. Sur ce point, la Commission s'est exprimée ainsi dans sa décision :

Les deux enfants ont été interrogés sur les causes de leurs problèmes. Ils ont tous deux répondu qu'ils étaient persécutés en raison de l'origine ethnique abkhaze de leur mère.

Comme le tribunal ne croit pas que la mère ait été persécutée pour ce motif, il ne croit pas non plus que les enfants l'aient été pour ce même motif. En outre, leur nom « OSASHVILI » n'amènerait pas les gens à supposer qu'ils sont en partie abkhazes.

[11]       Il semble par conséquent que la Commission a interrogé les enfants sur la cause des difficultés qu'ils connaissaient dans leur pays d'origine. J'ai examiné les dépositions des enfants, aux pages 513 et 514 du dossier du Tribunal, et il est clair que, pour l'essentiel, ils ont répondu que la source de leurs difficultés était liée à l'origine de leur mère. Vu les circonstances particulières de la présente affaire, je suis d'avis que la Commission a convenablement évalué le risque de persécution auquel les enfants étaient exposés.


[12]       Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                     « Yvon Pinard »                         

       Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 28 septembre 2005

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. A.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                          IMM-10626-04

INTITULÉ:                                           RUSUDAN MIKIANI, KHATIA OSASHVILI, LEVANI OSASHVILI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                   MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 24 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                        LE 28 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Viken Artinian                                                                         POUR LES DEMANDEURS

Lucie St-Pierre                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Joseph W. Allen                                                                     POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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