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Date : 19980205


Dossier : IMM-1260-97

ENTRE :

     MARGARITA ENGOIAN

     ARMEN AZATIAN

     LILIA AZATIAN

     requérants,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED :

[1]      Les requérants sollicitent l'annulation d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a conclu que les requérants étaient citoyens de l'Arménie. Les requérants affirment être citoyens de l'Azerbaïdjan.

[2]      Les requérants soutiennent que la Commission n'a pas évalué tous les éléments de preuve et, en particulier, qu'elle n'a pas tenu compte du fait que le dossier contenait des éléments de preuve documentaire contradictoires quant au statut des résidents de l'Azerbaïdjan qui se sont enfuis en Arménie en 1990.

[3]      La requérante Margarita Engoian est la mère des deux autres requérants. Elle est née en Géorgie, elle est Arménienne de souche et elle a résidé en Azerbaïdjan de 1981 à 1990. Ses deux enfants sont nés en Arménie, mais ils seraient aussi citoyens de l'Azerbaïdjan.

[4]      Le tribunal a donné les motifs suivants pour conclure que les trois requérants étaient citoyens arméniens :

     [TRADUCTION]

             Les motifs de la décision du tribunal sont les suivants :             
             -      les revendicateurs ne possèdent aucun document confirmant, comme ils le prétendent, qu'ils sont des ressortissants de l'Azerbaïdjan;             
             -      l'Azerbaïdjan a adopté une nouvelle loi sur la nationalité qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1991, après que les revendicateurs eurent quitté le pays;             
             -      la nouvelle loi sur la nationalité confère au gouvernement de l'Azerbaïdjan " un large pouvoir discrétionnaire " pour déterminer qui sera reconnu sujet azéri, et les Arméniens nés à l'extérieur de l'Azerbaïdjan n'auront pas " droit à la nationalité azerbaïdjanaise ";             
             -      la revendicatrice, son mari et leurs deux enfants sont tous nés à l'extérieur de l'Azerbaïdjan, la revendicatrice en Géorgie et son mari et leurs enfants en Arménie;             
             -      même si la revendicatrice et son mari ont habité en Azerbaïdjan de 1981 à 1990 comme résidents inscrits possédant un " propiska ", ce simple fait ne leur conférerait pas aujourd'hui la citoyenneté azerbaïdjanaise;             
             -      la revendicatrice est détentrice d'un passeport soviétique délivré par l'Arménie en 1993 et valide pour une période cinq ans (C-1). Ce passeport, sur lequel sont aussi inscrits les revendicateurs mineurs, est estampillé " Propriété de la République d'Arménie ".             

[5]      L'avocat des requérants soutient que la Commission a commis une erreur parce qu'elle n'a pas tenu compte du fait que le dossier contenait des éléments de preuve documentaire contradictoires provenant de l'ambassade d'Arménie à Washington (D.C.). La partie pertinente de la décision de la Commission est la suivante :

     [TRADUCTION]

             Le tribunal souligne que tant le FRP de la revendicatrice que celui de son mari indiquent qu'elle-même et les enfants ont vécu en Arménie de 1990 à 1994. Le tribunal souligne en outre que tant les membres de la famille de la revendicatrice que ceux de la famille de son mari vivent en Arménie et sont citoyens arméniens, l'Arménie étant donc l'endroit où la revendicatrice et ses enfants sont les plus susceptibles d'avoir résidé de 1990 à 1994. Le tribunal conclut que, suivant la prépondérance des probabilités, la revendicatrice et ses enfants ont vécu en Arménie à partir du moment où ils se sont enfuis de l'Azerbaïdjan en 1990 jusqu'à leur arrivée au Canada en 1994.             
             Cette conclusion de fait est compatible avec la délivrance d'un passeport arménien à la revendicatrice et à ses enfants en juillet 1993, un mois après que le mari de la revendicatrice est arrivé au Canada. Quant à l'importance de ce document, le tribunal se fonde sur la preuve documentaire reprenant les propos d'un attaché de l'ambassade d'Arménie à Washington (D.C.) qui dit :             
                     ...les Arméniens de souche qui ont des " passeports (soviétiques) étrangers " délivrés en Arménie et qui vivent dans des pays étrangers peuvent s'inscrire à l'ambassade d'Arménie dans les pays où ils se trouvent; dès leur inscription, ces personnes seront considérées comme des Arméniens.                     
             Appliquant la décision Bouianova, le tribunal conclut qu'il est loisible aux revendicateurs de simplement s'inscrire auprès de l'ambassade d'Arménie au Canada afin d'être reconnus comme des ressortissants arméniens. En d'autres mots, il leur suffit de demander la citoyenneté arménienne pour l'obtenir. Par conséquent, le tribunal conclut que l'Arménie, et non l'Azerbaïdjan, est le pays de référence aux fins de ces revendications du statut de réfugié.             

L'extrait cité dans la décision de la Commission est tiré du document AMN18189.E., daté du 12 septembre 1994. Ce document reproduit la réponse qu'a donnée un attaché de l'ambassade d'Arménie lorsqu'on lui a demandé s'il existait, du 23 août 1990 à la fin de 1991, une procédure d'examen des demandes de citoyenneté arménienne.

[6]      La preuve documentaire avec laquelle ce document serait incompatible est le document AMN18190.E., daté lui aussi du 12 septembre 1994. En voici un extrait :

     [TRADUCTION]

             Objet : ...      Arménie : Demande d'information sur le statut des Arméniens de souche qui ont fui l'Azerbaïdjan pour se réfugier en Arménie le 23 août 1990, et sur la question de savoir si ces Arméniens ont besoin de propiskas pour l'Arménie afin d'être considérés comme des résidents de ce pays             
                      ...             
                  Les Arméniens de souche qui ont fui l'Azerbaïdjan pour l'Arménie en 1990 étaient considérés comme des réfugiés et non comme des citoyens ou des résidents permanents de l'Arménie. Même si, à l'époque, il n'existait pas en Arménie une loi sur la citoyenneté permettant de régler le statut de tels réfugiés, certains de ces Arméniens ont présenté une demande de citoyenneté. Les autorités arméniennes ont accordé la citoyenneté à tous les membres d'une même famille qui présentaient une demande de citoyenneté lorsque l'un des parents était citoyen arménien. Les familles dont les parents étaient tous les deux des citoyens de l'Azerbaïdjan n'avaient pas droit à la citoyenneté arménienne.             
                  Comme la plupart des Arméniens de souche qui ont quitté l'Azerbaïdjan pour se réfugier en Arménie n'avaient pas de carte d'identité ni d'argent, les autorités arméniennes leurs ont délivré des certificats d'identité. Ces certificats, qui étaient " une sorte de propiska ", permettaient à ces Arméniens de souche de recevoir les choses de première nécessité, tels des coupons d'alimentation, un logement et le reste. La délivrance de ces cartes d'identité ne changeait pas le statut de ces personnes en Arménie, et celles-ci étaient encore considérées comme des réfugiés. L'attaché affirme que le statut final de ces réfugiés pourra être déterminé lorsque l'Arménie adoptera une loi sur la citoyenneté.             

[7]      Je ne considère pas que ces documents sont contradictoires. Dans le document cité par la Commission, il est question des Arméniens qui ont des " passeports (soviétiques) étrangers " et qui se trouvent à l'extérieur de l'Arménie. Les documents mentionnés dans le document AMN181819.E sont des cartes d'identité ayant un rôle analogue à celui d'un " propiska ", qui est un document d'enregistrement de la résidence et non un passeport permettant de voyager à l'étranger. De plus, le lecteur de l'un ou l'autre de ces documents est expressément invité à se reporter à l'autre document de même qu' à d'autres documents pour obtenir des renseignements sur la question en cause.

[8]      Dans le document AMN18189.E., auquel la Commission renvoie et qui concerne la question de savoir s'il existait, entre 1990 et la fin de 1991, une procédure pour traiter les demandes de citoyenneté arménienne, on trouve l'explication suivante :

     [TRADUCTION]

             L'attaché affirme qu'en l'absence d'une loi sur la citoyenneté, les autorités arméniennes ne disposaient d'aucun critère clair leur permettant de déterminer le statut de ces réfugiés qui n'avaient pas droit à la citoyenneté arménienne d'après les autres critères susmentionnés. Toutefois, les autorités arméniennes étaient, et sont encore, habilitées à examiner les demandes de citoyenneté cas par cas.             

     [non souligné dans l'original]

[9]      L'avocat des requérants a mentionné une phrase se trouvant dans un document du Département d'État des États-Unis de janvier 1995 (p. 106 du dossier du tribunal). Voici la phrase en cause :

             [TRADUCTION]             
             N'ayant pas adopté de loi sur la citoyenneté, l'Arménie délivre encore des passeports internationaux de type soviétique aux individus qui voyagent à l'extérieur de ce pays.             

Si je comprends bien l'argument de l'avocat, il faudrait considérer que cela signifie que l'Arménie délivrait des passeports arméniens de type soviétique aux individus qu'elle ne considérait pas comme des citoyens arméniens. Je ne suis pas convaincue qu'il s'agisse d'une interprétation correcte de ce passage particulier lorsqu'on l'interprète en tenant compte de l'ensemble du document du Département d'État. Par exemple, le même document contient les passages suivants :

             [TRADUCTION]             
             Un grand nombre d'Arméniens qui ont fui l'Azerbaïdjan et qui ont cherché à se réinstaller en Arménie ont par la suite continué leur route jusqu'en Russie et dans d'autres pays de l'ancienne Union soviétique. Même si ces individus ont été autorisés à se réinstaller en Arménie, deux facteurs ont eu un effet négatif. L'un était l'économie primitive et la situation matérielle auxquelles ils ont dû faire face en Arménie. L'autre était le fait qu'une grande proportion de ceux-ci avaient peu de liens familiaux en Arménie et que leur langue maternelle était le russe, qu'ils ne connaissaient pas l'arménien ou le parlaient mal et qu'ils se sentaient mal à l'aise dans un pays dont la langue dominante est l'arménien.             

     [non souligné dans l'original]

[10]      Enfin, la décision de la Commission n'était pas que le requérants possédaient à l'heure actuelle la citoyenneté arménienne, mais qu'ils auraient droit à celle-ci s'ils présentaient une demande à cet effet. En conséquence, l'évaluation de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention devait être faite par rapport à l'Arménie.


[11]      Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     " B. Reed "

Juge

Toronto (Ontario)

5 février 1998

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Date : 19980205


Dossier : IMM-1260-97

ENTRE :

MARGARITA ENGOIAN

ARMEN AZATIAN

LILIA AZATIAN,

     requérants,

     - et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

    

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

DOSSIER :                  IMM-1260-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MARGARITA ENGOIAN
                     ARMEN AZATIAN
                     LILIA AZATIAN

     - et -

                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

    

DATE DE L'AUDIENCE :          30 JANVIER 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE REED EN DATE DU 5 FÉVRIER 1998

ONT COMPARU :     

Hart Kaminker              pour les requérants

Brian Frimeth              pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Hart A. Kaminker

MAMANN KRANC

Avocats

212, King Street ouest

Pièce 410

Toronto (Ontario)

M5H 1K5                  pour les requérants

George Thomson

Sous-procureur général du Canada pour l'intimé

            

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