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Date : 19990907

Dossier : IMM-4558-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 SEPTEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN

     

ENTRE :

GANA MILOVANOVA,

demanderesse,

                             

                                      et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

                                  ORDONNANCE

      Vu la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur contre la décision de

l'agente d'immigration Sara Trillo datée du 30 juillet 1998 rejetant la demande de résidence

permanente du demandeur;

     

      LA COUR ORDONNE que la demande est accueillie; l'affaire est renvoyée à un autre

agent d'immigration pour qu'il rende une nouvelle décision.

                                               

B. Cullen                      

______________________________

J.C.F.C.                        

Traduction certifiée conforme

Philippe Méla

                             

                                               


Date : 19990907

Dossier : IMM-4558-98

ENTRE :

GANA MILOVANOVA,

demanderesse,

                             

                                     et-

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIF DE L'ORDONNANCE

LE JUGE CULLEN

[1]    La demanderesse demande le contrôle judiciaire de la décision datée du 30 juillet 1998, rendue par l'agente d'immigration Sara Trillo au Consulat général du Canada à New York, dans laquelle la demande de résidence permanente de la demanderesse a été rejetée. La demanderesse cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision et demande que son affaire soit renvoyée à un autre agent d'immigration pour qu'il rende une nouvelle décision.

Historique

[2]    La demanderesse, Gana Milovanova, est d'Ukraine, mais elle travaille aux Étas-Unis, apparemment sans statut, depuis 1996. Elle a fait une demande de résidence permanente au Canada alors qu'elle travaillait aux États-Unis et a demandé à être évaluée sous la catégorie de travailleur autonome à titre de chef cuisinier. Elle a passé une entrevue avec Mme Trillo le 18 juin 1998 et le 24 juillet 1998 au consulat canadien.


[3]    Dans sa lettre de refus, l'agente d'immigration a indiqué que la demanderesse avait été évaluée quant à l'emploi de chef cuisinier en général qu'elle avait l'intention d'occuper, de la manière décrite dans la Classification canadienne descriptive des professions ( « CCDP » ), CCDP 6121-111. L'agente d'immigration a conclu que la demanderesse n'avait ni les qualifications nécessaires ni le minimum d'un an d'expérience requis et lui a attribué 61 points d'appréciation. Comme la demanderesse n'avait ni les 70 points d'appréciation ni l'expérience dans l'emploi qu'elle avait l'intention d'occuper, l'agente d'immigration ne pouvait pas lui délivrer son visa.

[4]    L'agente d'immigration a également évalué la demanderesse en vertu des dispositions de l'ancienne Classification nationale des profession ( « CNP » ), CNP 6241.1, 6241.2 et 6241.3, mais a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences professionnelles de ces emplois. Sous la CNP 6242, la demanderesse n'a pas accumulé le nombre de points requis.

La position de la demanderesse

[5]    La demanderesse soutient que l'agente d'immigration a commis une erreur en quatre occasions : en ne lui attribuant aucun point pour son expérience; en ne lui attribuant que 10 points pour son éducation; en ne lui attribuant que 3 points de personnalité et en ne lui attribuant aucun point pour sa connaissance de la langue.

[6]    Relativement à son expérience professionnelle, la demanderesse soutient qu'elle a fourni à l'agente d'immigration son livret d'emploi officiel, deux lettres de recommandation ainsi qu'une description verbale de son expérience professionnelle à la Bereg Cooperative de 1992 à 1996. La demanderesse prétend que cette preuve établit qu'elle a été formée à titre de chef cuisinier par le chef cuisinier de la Bereg Cooperative, qu'elle a remplacé quand celui-ci a pris sa retraite. La demanderesse prétend également que cette preuve établit qu'elle a travaillé à titre de cuisinière de 3e degré à la Bereg Cooperative entre juin 1992 et août 1994, qu'elle a été promue au rang de cuisinière de 4e degré en septembre 1994 et qu'elle a conservé cet emploi jusqu'en novembre 1996.

[7]    Selon la demanderesse, son travail chez Bereg comprenait la planification et la préparation du repas du midi pour 12 directeurs. Ses taches comprenaient l'estimation des besoins en nourriture à l'avance, la préparation de soupes, de plats de viande et de poisson, de pommes de terre, riz, pâtes, salades, fruits et légumes. Elle surveillait également les installations de la cuisine et supervisait deux personnes.

[8]    La demanderesse prétend que cette expérience professionnelle correspond aux fonctions de chef cuisinier en général ou de cuisinier d'établissement.

[9]    Relativement au facteur éducation, la demanderesse conteste l'évaluation de 10 points de l'agente d'immigration sous cette catégorie. La demanderesse possède un diplôme du Odessa Pedagogical College, relatif à des études poursuivies de 1987 à 1991. Se fondant sur une preuve qui prend la forme de lettres du University of Toronto's Comparative Education Service, la demanderesse prétend que son diplôme est équivalent à un diplôme de fin d'études secondaires de l'Ontario plus deux années d'études postsecondaires comparables à un diplôme de deux ans en éducation préscolaire. Elle prétend également, sur la base de ces mêmes lettres, que sa formation au Odessa Training Centre en 1992 est comparable à un certificat d'un an en cuisine d'un collège des arts appliqués et de technologie de l'Ontario.

[10] La demanderesse prétend que l'agente d'immigration a commis une erreur en omettant d'examiner si son diplôme du Odessa Training Centre lui donnait droit à 13 points d'appréciation. Elle allègue qu'elle devrait avoir droit aux points supplémentaires parce que le programme d'un an en cuisine qu'elle a suivi s'adressait à des étudiants qui avaient terminé leurs études secondaires. En conséquence, son diplôme de 1991 aurait dû être évalué de manière différente.

[11] En ce qui concerne la personnalité, la demanderesse conteste les trois points sur un maximum de dix qui lui ont été attribués. La demanderesse prétend que l'agente d'immigration s'est fondée sur des motifs non valables, exposé dans les notes de l'agente d'immigration. L'agente d'immigration a noté que la demanderesse avait reçu cinq points à titre gracieux pour son éducation; qu'elle ne s'était pas arrangée pour apprendre l'anglais, malgré le fait qu'elle ait vécu aux É.-U. pendant plus d'un an; que ses récits relatifs à son éducation et à son expérience professionnelle n'étaient pas crédibles; qu'elle travaillait illégalement aux É.-U. et qu'elle était venue aux É.-U. frauduleusement.

[12] La demanderesse prétend que ces facteurs n'ont pas de relation avec son habileté à s'établir avec succès au Canada. De plus, l'agente d'immigration a commis une erreur en réexaminant sa connaissance de la langue et son éducation, introduisant ainsi un double comptage. La demanderesse prétend que l'agente d'immigration n'a pas tenu compte du fait qu'elle avait été employée depuis 18 mois aux USA, qu'elle s'était inscrite à des cours d'anglais à temps partiel tout en travaillant à temps complet et qu'elle avait reçu des réponses positives à ses demandes de renseignements auprès d'une agence de placement canadienne.

[13] Enfin, relativement à l'attribution de zéro point par l'agente d'immigration pour sa connaissance de la langue anglaise, la demanderesse prétend qu'elle a été évaluée incorrectement et de manière inéquitable comme parlant et lisant [TRADUCTION] « avec difficulté » plutôt que, [TRADUCTION] « bien » . Elle précise que la première entrevue a eu lieu sans la présence d'un interprète et qu'elle a été capable de communiquer correctement les faits relatifs à sa demande. Elle précise également que les premières 30 minutes de la seconde entrevue ont eu lieu sans l'intervention d'un interprète.

[14] La demanderesse conteste l'impartialité de l'agente d'immigration qui lui a fait lire et expliquer une partie de la formule de demande de résidence permanente, IMM 0008.

[15] La demanderesse prétend que l'agente d'immigration a omis de tenir compte des difficultés occasionnées lors de la discussion par la glace en plexiglas qui les séparait. La demanderesse prétend également que l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de la preuve indiquant qu'elle avait été placée au niveau quatre sur un total de six du cours d'anglais du John Adams Community College Centre de San Fransisco, où elle s'était inscrite à un cours de langue anglaise en mars 1997.

La position de la demanderesse

[16] Le défendeur prétend que l'agente d'immigration était en droit de conclure que les fonctions de la demanderesse à la Bereg Cooperative ne satisfaisaient pas aux exigences de la catégorie chef cuisinier en général quant à la formation et à l'expérience. À défaut, le défendeur prétend que même si l'agente d'immigration avait attribué les points en question, elle n'aurait toujours pas atteint les 70 points d'appréciation nécessaires.

[17] Le défendeur prétend que, relativement aux points d'appréciation attribués pour l'éducation, les documents fournis par la demanderesse démontrent que son certificat d'école intermédiaire, qu'elle a obtenu en 1987, ne lui permetait pas de s'inscrire à l'université.

[18] Relativement à l'évaluation de la personnalité, le défendeur maintient que la décision de l'agente d'immigration a été rendue à bon droit et que de plus, l'agente ne s'est pas livrée à un double comptage en reprenant en compte l'inhabileté de la demanderesse à parler l'anglais après avoir vécu quelque deux ans aux É.-U.

[19] Le défendeur prétend enfin que l'agente d'immigration a recouru à un interprète après avoir essayé d'interroger toute seule la demanderesse le 18 juin 1998. Le défendeur maintient que l'évaluation par l'agente d'immigration de l'habileté linguistique de la demanderesse a été faite de manière équitable et qu'elle était en droit de lui attribuer zéro point.

La question en litige

[20] Le question est de savoir si l'agente d'immigration a commis une erreur en évaluant la demanderesse sous les catégories relatives à l'expérience, à l'éducation, à la personnalité et à la connaissance de la langue.

Analyse

[21] La jurisprudence pertinente place, dans un cas comme celui-ci, le fardeau sur la demanderesse qui doit convaincre totalement l'agente d'immigration de tous les éléments positifs contenus dans sa demande de résidence permanente. Les commentaires du juge Muldoon dans l'affaire Prasad c. Canada (M.C.I.) (1995), 34 Imm. L.R. (2d) 91(C.F. 1re inst.) sont instructifs :

Le requérant a le fardeau de convaincre l'agent des visas de tous les éléments positifs contenus dans sa demande. L'agent des visas n'a pas à attendre ni à offrir au requérant une deuxième chance ou même plusieurs autres chances de le convaincre d'éléments essentiels que le requérant peut avoir omis de mentionner. En l'espèce, l'agent des visas n'a commis aucune erreur de droit ni aucune erreur de fait manifeste, et n'a pas manqué d'impartialité. Il faut se rappeler que même si la Cour aurait pu en arriver à une conclusion différente, l'objet de la présente procédure est de déterminer si l'agent des visas s'est écarté de la ligne de conduite appropriée, en tenant compte des critères traditionnels établis en matière de contrôle judiciaire.

[22] Dans l'affaire Hajaraiwala c. Canada (M.E.I), [1989] 2 C.F. 79 (1re inst.), la Cour a fait preuve d'une très grande retenue dans le contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas.

[23] La Cour qui siège en révision ne doit pas s'ingérer dans l'exercice qu'un agent des visas fait de son pouvoir discrétionnaire accordé par la loi, lorsque le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, et lorsque l'agent ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères : Maple Lodge Farm Ltd . c. Gouvernement du Canada et autres, [1982] 2 R.C.S. 2.

L'expérience

[24] En l'espèce, la demanderesse a été évaluée en vertu de la CCDP 6121-111, en tant que chef cuisinier en général. La description de cette profession est la suivante :

Prépare, assaisonne et fait cuire les aliments destinés être consommés dans les hôtels, les restaurants et d'autres établissements analogues. Dresse les menus. Lit le menu pour estimer les besoins en aliments. Obtient les aliments de la réserve. Règle les commandes du thermostat pour régler la température du four, des grils, des friteuses, des brûleurs, des marmites express, des rôtissoires, des autoclaves et autres ustensiles de cuisine. Fait cuire au four, sur le gril, à l'étuvée et à la vapeur, fait rôtir, griller, frire, mariner, pocher, braiser, bouillir, sauter et rissoler les viandes, les poissons et autres aliments. Ajoute les assaisonnements aux aliments pendant le mélange ou la cuisson selon son propre jugement, sa propre expérience et les recettes. Observe, goûte et sent les aliments pendant la cuisson pour déterminer la phase de cuisson. Distribue les portions d'aliments, les place dans des plats appropriés, des récipients ou des casseroles, ajoute le jus et les sauces. Nettoie ou donne des ordres au personnel chargé de nettoyer les plats, les ustensiles, les appareils de cuisine et le poste de travail. Range les aliments dans les installations à température réglable.

                             

[25] La formation et les conditions d'accès à la profession de chef cuisinier ou de cuisinier dans cette catégorie exigent de huit à dix ans de formation générale; trois ou quatre ans dans un programme d'apprentissage; de la formation professionnelle dans un collège communautaire ou un centre de formation professionnelle et environ trois ans de formation en milieu de travail; ou une formation progressive en milieu de travail encadrée par des cuisiniers expérimentés pendant une période d'un ou deux ans.

[26] Il est clair que la demanderesse ne possédait pas les deuxième et troisième exigences. Elle prétend cependant que son expérience entre dans la disposition relative à la formation progressive en milieu de travail. L'agente d'immigration a conclu que la demanderesse n'entrait pas dans cette catégorie et cette conclusion était fondée en partie sur le défaut de la demanderesse de produire la preuve crédible d'une formation progressive en milieu de travail encadrée par un cuisinier expérimenté. La demanderesse a bien fourni deux lettres de recommandation de la Bereg Cooperative; mais elles sont écrites en termes assez généraux qui indiquent seulement qu'elle était experte dans la préparation de salades faites à base de fruits et de légumes (dossier de la demande de la demanderesse, pages 21 et 22).

[27] Comme il ressort de la jurisprudence, le fardeau de convaincre l'agente d'immigration qu'elle satisfait aux exigences de la profession qu'elle a l'intention d'occuper incombe à la demanderesse. Cela comprend fournir la preuve qui établit qu'elle a l'expérience de travail nécessaire. La demanderesse n'y est cependant pas parvenue. La preuve qu'elle a fournie n'appuie pas son affirmation qu'elle a la formation progressive en milieu de travail. La conclusion de l'agente d'immigration sur ce point ne montre aucune erreur justifiant une intervention judiciaire.

L'éducation

[28] Relativement à l'éducation, l'annexe I du Règlement sur l'immigration prévoit :


(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), des points d'appréciation sont attribués selon le barème suivant :

b) lorsqu'un diplôme d'études secondaires a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants :

      

(i) si le diplôme ne rend pas le titulaire admissible à des études universitaires et ne lui confère pas de qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 5 points,

(ii) si le diplôme rend le titulaire admissible à des études universitaires dans le pays où il a été obtenu, 10 points,

(iii) si le diplôme confère une qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 10 points;

c) lorsqu'un diplôme ou un certificat d'apprentissage d'un collège, d'une école de métiers ou de tout autre établissement postsecondaire, qui comporte au moins un an d'études à temps plein en salle de cours, a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants :

(i) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé aux sous-alinéas b)(i) ou (iii), 10 points,

(ii) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé au sous-alinéa b)(ii), 13 points;

   

[29] L'agente d'immigration a appliqué l'alinéa 1c)(i) à la demanderesse en lui attribuant dix points d'appréciation.

[30] La demanderesse a fourni trois lettres du University of Toronto Comparative Education Service, auquel elle avait donné ses diplômes afin de les faire évaluer relativement aux normes canadiennes (dossier de la demande de la demanderesse, pages 32 à 34). Le diplôme de 1987 de la demanderesse a été évalué comme étant comparable à une dixième année de l'Ontario. Son diplôme de 1991 en éducation préscolaire a été reconnu équivalent à un diplôme de fin d'études

secondaires de l'Ontario, plus deux années d'études postsecondaires. Les deux années d'études supplémentaires ont été considérées comparables à un diplôme de deux ans délivré par un collège des arts appliqués et de technologie de l'Ontario. Le troisième diplôme de la demanderesse, obtenu en 1992 de l'Odessa Training Centre, a été évalué comme étant comparable à un certificat d'un an en cuisine, délivré par un collège des arts appliqués et de technologie de l'Ontario.

[31] L'agente d'immigration n'a pas fait référence à ces lettres dans son affidavit. Dans ses notes informatiques, il est indiqué qu'elles ont été reçues par télécopie le 21 juillet 1998. Il n'est cependant pas clair si elle a pris en considération cette preuve lors de l'évaluation du facteur éducationnel de la demanderesse.

La personnalité

[32] Voici la définition de personnalité qui figure à l'annexe I du Règlement :

Des points d'appréciation sont attribués au requérant au cours d'une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

[33] Dans l'affaire Amir c. Canada (M.C.I.) (1996), 125 F.T.R. 158 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé a émis l'avis que le facteur personnalité était un facteur économique et que l'agent d'immigration devait se demander si le requérant réussira dans son domaine au Canada. La Cour a conclu dans l'affaire Amir que l'agent d'immigration avait commis une erreur en fondant son évaluation du facteur personnalité sur deux facteurs non appropriés : le fait que le requérant avait l'intention d'aller visiter sa femme et son enfant au Pakistan une fois l'an et le fait que le requérant n'avait pas pris de mesures pour élever son niveau d'éducation.      

[34] En l'espèce, la demanderesse a obtenu trois points d'appréciation pour sa personnalité. Dans son affidavit, l'agente d'immigration explique cette décision :

[TRADUCTION]

En évaluant sa personnalité, j'ai tenu compte de l'habileté de la requérante à réussir son installation au Canada, fondée sur sa faculté d'adaptation, sa motivation, son esprit d'initiative et son ingéniosité. La requérante n'est jamais entrée au Canada. Elle n'a jamais payé d'impôts dans le pays où elle a résidé et a travaillé. Après avoir vécu aux États-Unis pendant presque deux ans, elle n'a pas trouvé le moyen d'apprendre l'anglais. Elle n'a aucune connaissance de la façon de vivre des Canadiens et n'a montré aucune compréhension de ce que cela impliquerait que de trouver un emploi au Canada. Elle a des attentes irréalistes quant à ce qui arrivera à son arrivée au Canada. Après avoir tenu compte de tout cela, j'ai attribué trois points d'appréciation à la requérante pour sa personnalité

(Dossier de la demande de la demanderesse, page 14)

[35] Dans les notes qui figurent dans son ordinateur, voici ce qu'a noté l'agente d'immigration sous personnalité :

[TRADUCTION]

LUI AI DÉJÀ ATTRIBUÉ GRACIEUSEMENT 5 POINTS POUR SON ÉDUCATION. ELLE N'A PAS TROUVÉ LE MOYEN D'APPRENDRE L'ANGLAIS APRÈS AVOIR VÉCU PLUS D'UN AN AUX É.-U. SON RÉCIT N'EST PAS CRÉDIBLE, PARAÎT NE PAS AVOIR FINI SON SECONDAIRE, A ÉTUDIÉ POUR ÊTRE UNE ENSEIGNANTE AU PRÉSCOLAIRE, DIT QU'ELLE A ÉTÉ ENGAGÉE À CE TITRE PUIS DIT QU'ELLE ÉTAIT UNE CUISINIÈRE, PUIS A FAIT UNE DEMANDE DE CVC ALORS QU'ELLE ÉTAIT SUPPOSÉE ÊTRE UNE SECRÉTAIRE (LE TOUT POUR LA MÊME COMPAGNIE DE CONSTRUCTION, BEREG) A REÇU UN VISA D'ENTRÉE AUX É.-U. À TITRE D'ARTISTE DU SPECTACLE, ARRIVÉE AUX USA ET N'A PAS TRAVAILLÉ À CE TITRE, DIT QU'ELLE A TRAVAILLÉ COMME SECRÉTAIRE (PAS CRÉDIBLE, NE CONNAÎT MÊME PAS L'ANGLAIS) TRAVAILLE MAINTENANT COMME DOMESTIQUE POUR UNE FAMILLE AU MASS. QUI A MÊME LES DATES SUR LA LETTRE ATTESTANT


QU'ELLE Y A TRAVAILLÉ SONT FAUSSES, C'EST CE QU'ELLE DIT. ILLÉGALE AUX É.-U., ENTRÉE FRAUDULEUSEMENT. 3 POINTS D'APPRÉCIATION POUR PERSO.

(Dossier de la demande de la demanderesse, page 18)

[36] La jurisprudence est bien établie qu'un agent d'immigration ne peut procéder à un double comptage lorsqu'il évalue le facteur personnalité d'un demandeur. En conséquence, un agent d'immigration ne peut pas prendre en considération l'habileté linguistique ou l'éducation d'un demandeur : Zeng c. Canada (M.E.I.) (1991), 12 Imm.L.R. (2d) 167 (C.A.F.)

[37] D'autres facteurs peuvent cependant être pris en compte pour l'évaluation de la personnalité tant qu'ils sont considérés sous un angle différent : Ajmal c. Canada (M.C.I.)

(IMM-2399-97, 17 avril 1998); Stefan c. Canada (M.C.I.) (1995), 35 Imm. L.R. (2d) 21

(C.F. 1re inst.).

[38] Il ressort de la jurisprudence que la connaissance du Canada est un facteur pertinent dans l'évaluation des qualités personnelles : Hussain c. Canada (M.C.I.) (1997), 36 Imm. L.R. (2d)

232 (C.F. 1re inst.); Ali c. Canada (M.C.I.) (IMM-4873-97, 22 juillet 1998).

[39] Le défaut de communiquer avec des employeur ou de se chercher un emploi au Canada est également une considération pertinente quant à la personnalité : Bhatia c. Canada (M.C.I.) (1996), 121 F.T.R. 85 (1re inst).

[40] Dans ses considérations, l'agente d'immigration paraît avoir pénalisé la demanderesse parce qu'elle n'a jamais visité le Canada ou n'a jamais payé d'impôts aux É.-U.. Il est difficile de concevoir comment l'un ou lautre de ces deux facteurs sont pertinents quant aux qualités personnelles mentionnées dans le Règlement et interprétées dans la jurisprudence.

[41] L'agente d'immigration a également pénalisé la demanderesse parce que cette dernière n'a pas réussi à apprendre l'anglais, ce qui constitue un double comptage puisque la demanderesse avait déjà été évaluée négativement sur ce point, n'ayant obtenu aucun point d'appréciation pour sa connaissance de la langue. En fait, l'agente d'immigration n'indique même pas que la demanderesse a essayé d'apprendre l'anglais lorsqu'elle était à San Fransisco, si faible que cette tentative ait été.

[42] De plus, l'avocat de la demanderesse a télécopié une lettre, portant la mention urgent, à l'agente d'immigration le 20 juillet 1998, indiquant que la demanderesse avait commencé de manière rudimentaire à chercher un emploi. Même si cette lettre n'est peut-être pas déterminante quant à la question, elle aurait dû être prise en compte par l'agente d'immigration et un poids, aussi minime soit-il, aurait dû lui être attribué.

La connaissance de la langue

[43] Pour ce qui est de l'évaluation par l'agente d'immigration de la connaissance de la langue par la demanderesse, qui s'est traduite par zéro point d'appréciation, sa conclusion ne justifie pas l'intervention de la Cour. L'agente d'immigration était dans une bien meilleure position que la Cour pour évaluer l'aptitude de la demanderesse à parler l'anglais. La nécessité d'une deuxième entrevue, avec l'aide d'un interprète, appuie la conclusion de l'agente d'immigration que la demanderesse parlait l'anglais « avec difficulté » . La même conclusion peut être tirée quant à l'évaluation par l'agente d'immigration de l'aptitude de la demanderesse à lire et à comprendre.


Conclusion

[44] En conclusion, du fait que l'agente d'immigration paraît ne pas avoir tenu compte de la preuve de la demanderesse relative à l'évaluation comparative de ses diplômes et du fait que l'agente d'immigration a tenu compte de considérations non pertinentes lors de l'évaluation de la personnalité, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie est l'affaire est renvoyée à un autre agent d'immigration pour qu'il rende une nouvelle décision.

Ottawa (Ontario) B. Cullen

Le 7 septembre 1999_______________________

J.C.F.C                     .

Traduction certifiée conforme

Philippe Méla

     


SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :IMM-4558-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :Gana Milavanova c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE:Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE:Le 1er septembre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN

EN DATE DU :7 septembre 1999

ONT COMPARU :

M. David Cranton                     POUR LA DEMANDERESSE

M. Toby Hoffman                      POUR LE DÉFENDEUR

                 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. David CrantonPOUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

                                         

M. Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

                       

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