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                                                                                                                                 Date : 20040405

                                                                                                                           Dossier : T-1364-03

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 522

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT W. ANDREW MacKAY

ENTRE :

                                                                 PURAFIL, INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                               PURAFIL CANADA LTD. - PURAFIL CANADA LTÉE

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 300 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, et ses modifications, par voie d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, et ses modifications (la Loi), de la décision datée du 5 juin 2003 par laquelle une agente d'audience a maintenu, au nom du registraire des marques de commerce, la marque de commerce de la défenderesse concernant le mot Purafil, décrit en une forme spéciale, après que la demanderesse eut présenté une demande conformément à l'article 45 de la Loi. À l'époque, l'enregistrement de la marque de commerce concernait des marchandises désignées comme des « filtres et pastilles imprégnées de permanganate utilisées comme désodorisant d'air » .

[2]                La décision en cause a été rendue après qu'à la demande de la demanderesse, le registraire eut donné, le 3 octobre 2002, un avis conformément à l'article 45 de la Loi enjoignant à la défenderesse, en sa qualité de propriétaire inscrit de la marque de commerce no 225,434, de fournir une preuve d'emploi de ladite marque au Canada au cours des trois ans précédant la date de l'avis. Après examen de la preuve de la défenderesse ainsi que des observations écrites et orales des parties, une décision a été rendue au nom du registraire.

[3]                La preuve fournie par la défenderesse était constituée de deux affidavits accompagnés de pièces et faits sous serment par M. Harry Topikian, vice-président - Exploitation de la défenderesse, le deuxième affidavit ayant été admis pour corriger une erreur dans le premier. L'article 45 de la Loi prévoit notamment :



45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement d'une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

(2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l'avis a été donné ou pour celle-ci.

(3) Lorsqu'il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l'égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'une de ces marchandises ou de l'un de ces services, n'a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l'avis et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l'enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trade-mark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.


[4]                En l'espèce, dans les observations qu'elles ont présentées à l'agente d'audience, les deux parties ont fait référence à la preuve qu'elles avaient produite en 1990 dans le cadre d'une procédure engagée sur le fondement de l'article 45 et se rapportant à la même marque de commerce et opposant les mêmes parties. L'agente d'audience n'a toutefois pas examiné la preuve déposée lors de l'audience antérieure parce qu'elle a estimé qu'elle n'était pas pertinente pour la présente affaire. Même si la demanderesse a soutenu que ces éléments de preuve antérieurs faisaient partie du dossier relatif à la marque de commerce déposée, l'agente d'audience les a exclus de son examen. Ces éléments de preuve ne faisaient pas partie de la preuve jointe à l'affidavit et aux pièces déposés par la défenderesse en réponse à l'avis du registraire d'octobre 2003.


[5]                Les parties reconnaissent que la norme de contrôle d'une décision rendue en vertu de l'article 45 au nom du registraire est celle qui a été énoncée par le juge Rothstein, pour les juges majoritaires de la Cour d'appel, relativement à un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi dans l'arrêt Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 45; 5 C.P.R. (4th) 180, au paragraphe [51] :

[51]... Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[6]                Bien qu'elles s'entendent sur la norme de contrôle appropriée, les parties ne sont pas du même avis quant à son application en l'espèce. La demanderesse prétend que la décision de l'agente d'audience était déraisonnable car les conclusions qu'elle a tirées sur la preuve n'étaient pas justifiées quant aux deux marchandises visées par l'enregistrement devant être utilisées avec la marque de commerce en question ou, subsidiairement, quant à l'une de ces deux marchandises.

[7]                Les principaux éléments de preuve concernant l'emploi qui ont été examinés en l'espèce se trouvent aux paragraphes, 3, 4, 5, 6 et 7 de l'affidavit de M. Topikian :

[Traduction]

3.             Purafil Canada utilise la marque de commerce PURAFIL Design en liaison avec les marchandises « filtres et pastilles imprégnées de permanganate utilisées comme désodorisant d'air » ainsi qu'avec les services de « conception et planification de systèmes de filtration utilisés pour le traitement de l'air » depuis au moins 1973. J'indique ci-dessous les chiffres concernant les ventes par ma société des filtres et des pastilles au Canada en liaison avec la marque de commerce PURAFIL Design pendant les périodes précisées :

PÉRIODE                                                               VENTES


(en dollars canadiens)

du 1er février 1997 à avril 1998                            111 200 $

du 1er février 1998 au 31 janvier 2001                    78 360 $

du 1er février 1999 au 31 janvier 2001                    82 550 $

du 1er février 2000 au 31 janvier 2001 102 680 $

4.             Ma société a vendu et continue de vendre de grandes quantités de filtres et de pastilles portant la marque PURAFIL Design. Ces ventes ont été faites dans la pratique normale du commerce à de nombreuses entreprises commerciales et industrielles.

5.             Je joins comme pièce B à mon affidavit des photos montrant le devant des contenants types des pastilles et des filtres de ma société tels qu'ils sont emballés, distribués et vendus au Canada depuis plusieurs années sous la marque de commerce PURAFIL Design.

6.             Je joins comme pièce C à mon affidavit des factures représentatives montrant que des filtres et des pastilles ont été vendus au Canada par ma société en liaison avec la marque de commerce PURAFIL Design. Je confirme que la mention « Media MMX » suivie d'un chiffre sur les factures est un renvoi aux filtres et pastilles visés par l'enregistrement de la marque de commerce. Je confirme également que la mention Purafil Canada Inc. sur les factures résulte d'une erreur de ma société au moment de la commande des factures. À toutes les époques pertinentes, les ventes mentionnées ont été réalisées par Purafil Canada Ltd. - Purafil Canada Ltée.

7.             Je joins comme pièce D à mon affidavit la « fiche technique sur la sécurité du matériel » qui accompagne chaque envoi par ma société de filtres et de pastilles portant la marque de commerce PURAFIL Design. Je joins comme pièce E à mon affidavit une copie d'un rapport des Laboratoires des assureurs du Canada sur les filtres et pastilles de ma société employés en liaison avec la marque de commerce PURAFIL Design. Comme on le verra plus loin, le rapport accordait la cote ULC et UL auxdits produits.


[8]                Dans sa décision, l'agente d'audience se reporte en détail aux observations faites par la demanderesse en tant que partie requérante au sujet des conclusions qui devraient être tirées eu égard à la preuve produite, observations qui ont été réexaminées dans le cadre du présent appel. Celles-ci concernaient principalement les pièces jointes aux affidavits de M. Topikian et les affidavits eux-mêmes. Je suis d'accord avec la défenderesse lorsqu'elle affirme que, dans sa décision, l'agente d'audience a examiné attentivement les éléments de preuve et les arguments de la demanderesse en tant que partie requérante.

[9]                En plus d'examiner en détail les éléments de preuve et les arguments, l'agente d'audience a résumé ses conclusions sur la preuve de la manière suivante :

Ayant examiné la preuve, j'arrive à la conclusion que même si celle-ci présente effectivement plusieurs lacunes, à mon humble avis, elle n'est pas manifestement ambiguë. Selon la jurisprudence se rapportant à l'interprétation de l'article 45 de la Loi, il est bien établi que la procédure en vertu de l'article 45 doit être simple, expéditive et de nature sommaire et qu'elle ne vise qu'à permettre au propriétaire inscrit de démontrer que sa marque de commerce est employée. Les questions de fait contestées doivent être traitées dans le cadre d'une procédure de radiation en vertu de l'article 57 de la Loi et non par la voie d'une procédure sommaire en vertu de l'article 45 (Meredith & Finlayson v. Registrar of Trade Marks et al., 40 C.P.R. (3d) 409).En l'espèce, l'examen de la preuve dans son ensemble, l'interprétation juste des paragraphes 3, 4, 5 et 6 de l'affidavit ainsi que l'examen des documents produits comme pièces B et C me permettent de conclure que les ventes des marchandises que spécifie l'enregistrement en liaison avec la marque de commerce ont été réalisées, durant la période pertinente, de la manière exigée par le paragraphe 4(1) et par l'article 45 de la Loi.[...]En ce qui concerne les chiffres de ventes fournis, M. Topikian a indiqué qu'ils se rapportaient aux ventes de filtres et de pastilles au Canada en liaison avec la marque de commerce. Il est vrai qu'au paragraphe 10 de son affidavit, il mentionne que les frais des services d'analyse sont inclus dans le prix de vente des filtres et des pastilles et que, parmi les centaines de clients qui ont acheté les marchandises durant la période pertinente, plus de 40 se sont prévalus des services d'analyse. Par conséquent, même si je suis d'accord avec la partie requérante lorsqu'elle dit qu'une partie des chiffres de ventes se rapportent aux « services » , il ne fait aucun doute qu'une partie de ces chiffres se rapportent aussi aux marchandises. Par conséquent, sur la foi des factures, des chiffres de ventes et des déclarations faites dans l'affidavit, j'arrive à la conclusion que les transferts des marchandises que spécifie l'enregistrement sont survenus durant la période pertinente et que l'emploi a été le fait du titulaire de l'enregistrement.


[10]            Je rappelle que les seuls éléments de preuve dont a été saisie l'agente d'audience en conformité avec la loi étaient ceux qui ont été produits par la défenderesse, c'est-à-dire les affidavits de M. Topikian et les pièces qui y ont été jointes. Ma tâche ne consiste pas à réévaluer les éléments de preuve ni à remettre en question la détermination par l'agente d'audience du poids qu'il convient d'accorder à la preuve. Elle consiste plutôt à examiner si la conclusion de l'agente fondée sur les éléments de preuve dont elle avait été saisie était déraisonnable. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas.

[11]            Le redressement subsidiaire sollicité par la demanderesse, savoir que la décision soit jugée déraisonnable eu égard à l'une des marchandises pour lesquelles la marque de commerce a été enregistrée, c'est-à-dire en ce qui concerne les « pastilles imprégnées de permanganate utilisées comme désodorisant d'air » , repose sur le principe selon lequel, de l'avis de la demanderesse, aucun des éléments de preuve ne concerne spécifiquement ces pastilles en tant que marchandises distinctes des « filtres » . Le témoignage par affidavit de M. Topikian concerne les marchandises collectivement. Je ne suis pas convaincu que leur emploi séparément soit visé par l'enregistrement de la marque de commerce. L'emploi des marchandises ensemble est étayé par la preuve par affidavit et par la conclusion de l'agente d'audience. Rien ne permet de conclure que l'une des marchandises enregistrées n'a pas été employée au cours de la période pertinente.

[12]            Pour ces motifs, l'ordonnance suivante est rendue.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :


1.         La présente demande, un appel interjeté de la décision rendue au nom du registraire des marques de commerce par une agente d'audience relativement à une procédure engagée sur le fondement de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, est rejetée.

2.         Les dépens sont adjugés à la défenderesse.

                                                                                                                      « W. Andrew MacKay »         

         Juge suppléant

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


  

                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-1364-03

INTITULÉ :                                           PURAFIL, INC. c. PURAFIL CANADA LTÉE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE LUNDI 29 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE JUGE SUPPLÉANT MacKAY

DATE DES MOTIFS :                         LE 5 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Mark Robbins                                            POUR LA DEMANDERESSE/REQUÉRANTE

Allen Israel                                                 POUR LA DÉFENDERESSE/INTIMÉE

                                                                                                                                                           

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :               

Mark Robbins

BERESKIN & PARR                                               

Toronto (Ontario)                                      POUR LA DEMANDERESSE/REQUÉRANTE

Allen Israel

LAPOINTE ROSENSTEIN

Montréal (Québec)                                    POUR LA DÉFENDERESSE/INTIMÉE


COUR FÉDÉRALE

                                      Dossier : T-1364-03

ENTRE :

                            PURAFIL, INC.

demanderesse

                                      - et -

          PURAFIL CANADA LTD.-PURAFIL

                            CANADA LTÉE

                                         

                                                             défenderesse

                                                                                

              MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                        ET ORDONNANCE

                                                                                


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