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     Date : 19980924

     Dossier : IMM-1979-97

OTTAWA (ONTARIO) LE JEUDI 24 SEPTEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROTHSTEIN

Entre :

     SANTIAGO BENITEZ VASQUEZ,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     O R D O N N A N C E

         L'audition est ajournée jusqu'au lundi 16 novembre 1998 à 10 h à Calgary (Alberta).

                                 " Marshall Rothstein "

                        

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980924

     Dossier : IMM-1979-97

Entre :

     SANTIAGO BENITEZ VASQUEZ,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     [prononcés à l'audience à Calgary (Alberta)

     le mercredi 16 septembre 1998 et révisés]

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      Il a été statué que la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur n'avait pas un minimum de fondement le 23 avril 1992. Il a donc quitté le Canada. Il est ensuite revenu au Canada en 1994 et a revendiqué une deuxième fois le statut de réfugié au sens de la Convention. Sa demande a été rejetée par la section du statut de réfugié au sens de la Convention le 25 avril 1997 et c'est cette décision qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[2]      Le demandeur soulève deux questions.

1.      La section du statut a-t-elle commis une erreur en restreignant l'évaluation de sa revendication à la preuve qui a été recueillie après le rejet de sa revendication non fondée le 23 avril 1992 ?
2.      La section du statut a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la preuve ayant trait à la revendication du demandeur fondée sur le paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 ?

[3]      Pour ce qui concerne la première question, il semble que les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration soient l'alinéa 46.01(1)c) et le paragraphe (5) :

         46.01(1) La revendication de statut n'est pas recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes :                 
             c) depuis sa dernière venue au Canada, il a fait l'objet :                         
                 (i) soit d'une décision de la section du statut lui refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou établissant le désistement de sa revendication,                         
                 (ii) soit d'une décision d'irrecevabilité de sa revendication par un agent principal;                         

     [...]

         (5) La rentrée au Canada de l'intéressé après un séjour à l'étranger d'au plus quatre-vingt dix jours n'est pas, pour l'application de l'alinéa (1)c), prise en compte pour la détermination de la date de la dernière venue de celui-ci au Canada.                 

[4]      Il est manifeste que l'alinéa 46.01(1)c) est la formulation légale du principe de la res judicata. Une fois qu'il a été statué qu'une personne n'était pas un réfugié au sens de la Convention, ses demandes ultérieures sont irrecevables.

[5]      Le paragraphe 46.01(5) crée une exception à l'irrecevabilité des demandes ultérieures. Je conviens avec la section du statut que l'exception semble avoir été incorporée à la Loi pour tenir compte du changement de situation dans un pays. Un demandeur ne serait pas empêché de présenter une nouvelle revendication du statut de réfugié en s'appuyant sur une nouvelle preuve ayant trait au changement de situation dans son pays, même après le rejet de sa première revendication.

[6]      Cette affaire se complique du fait que la décision concernant le minimum de fondement de la revendication a été prise par une formation composée d'un membre de la section du statut et d'un arbitre en matière d'immigration. Il y a donc lieu de se demander si la formation constituait la " section du statut de réfugié " et si l'alinéa 46.01(1)c ) s'applique aux faits de l'espèce et, dans la négative, si, et dans quelle mesure, le principe de la res judicata peut encore être invoqué pour limiter la preuve dont peut tenir compte la section du statut dans une revendication ultérieure à la preuve d'événements qui se sont produits après la décision du 23 avril 1992 statuant que la revendication n'avait pas un minimum de fondement.

[7]      La deuxième question qui se pose concernant la revendication du demandeur se fonde sur le paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration. Ce paragraphe dispose comme suit :

         2(3) Une personne ne perd pas le statut de réfugié pour le motif visé à l'alinéa 2e) si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée.                 

[8]      Le père du demandeur a été assassiné sous ses yeux en 1980, alors que celui-ci n'avait que 13 ans. La section du statut a conclu que le long séjour du demandeur au Salvador après cet événement n'était pas compatible avec la crainte subjective d'une personne qui est victime de persécution atroce ou épouvantable. Elle a également conclu que ce type de persécution n'était pas exceptionnel dans le contexte de la guerre civile qui sévissait à cette époque. Elle poursuit dans ces termes :

         [TRADUCTION]                 
         La persécution était dirigée contre le père du demandeur, mais ce dernier n'était pas visé.                 

C'est cette dernière considération qui, selon le demandeur, n'est pas pertinente. Il prétend que la section du statut a commis une erreur de droit en en tenant compte.

[9]      Le demandeur s'appuie sur l'opinion du juge Gibson dans l'affaire Velasquez c. Canada (M.E.I.) (1994), 76 F.T.R. 210, à la page 213 :

             Bien que la requérante en l'espèce puisse ne pas avoir été directement victime de persécution épouvantable, je conclus que peu de gens ne conviendraient pas que son conjoint a été victime de persécution épouvantable ou atroce. Il importe de signaler que le passage extrait du Guide du HCR indique que cet élément, à lui seul, peut constituer une raison impérieuse de ne pas renvoyer un requérant dans la même situation que la requérante en l'espèce.                 

[10]      J'accepte que le fait que le demandeur lui-même n'ait pas été visé est une considération non pertinente et que la section du statut a commis une erreur en s'appuyant sur celle-ci. Toutefois, avant de décider de l'effet qu'a eu cette erreur, il faut répondre à une question préliminaire, c'est-à-dire la question de savoir si la Commission avait compétence pour examiner la revendication du demandeur fondée sur le paragraphe 2(3) en s'appuyant sur la preuve relative aux faits qui se sont produits en 1980.

[11]      De nouveau, la question de la res judicata se pose. Le demandeur ne peut, après que sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention ait été refusée, présenter une nouvelle demande, même en vertu du paragraphe 2(3), en s'appuyant sur la preuve qu'il a produite pour sa première revendication. C'est au moment où il a présenté cette première revendication qu'il devait soulever cette question. Il ne peut avoir gardé cette preuve en réserve pour fonder une deuxième revendication du statut de réfugié au sens de la Convention.

[12]      Je ne doute nullement que si la section du statut avait conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention le 23 avril 1992, celui-ci ne pourrait plus s'appuyer sur la preuve qui était disponible à cette époque pour présenter une nouvelle revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, même si cette preuve a trait à une revendication fondée sur le paragraphe 2(3). La question qui se pose alors est de savoir si la formation qui s'est prononcée sur le minimum de fondement de la revendication le 23 avril 1992 était la section du statut de réfugié pour les fins de l'alinéa 46.01(1)c) et, dans la négative, si le principe de la res judicata rend irrecevable la preuve de faits qui étaient connus à cette époque.

[13]      L'audience est ajournée pour permettre aux avocats d'échanger leurs arguments écrits et de soumettre d'autres observations à la Cour sur ces points.

                                 " Marshall Rothstein "

                        

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

le 24 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              IMM-1979-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SANTIAGO BENITEZ VASQUEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 16 SEPTEMBRE 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROTHSTEIN

DATE :                  LE 24 SEPTEMBRE 1998

ONT COMPARU :

CHARLES DARWENT                  POUR LE DEMANDEUR

BRAD HARDSTAFF                  POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

CHARLES R. DARWENT                  POUR LE DEMANDEUR

CALGARY (ALBERTA)

MORRIS ROSENBERG                  POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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