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Date : 20050601

Dossier : IMM-4002-04

Référence : 2005 CF 793

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O=KEEFE

ENTRE :

MARTIN EZEKIEL PASCAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L=IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L=ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O=KEEFE

[1]         Il s=agit d=une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision rendue le 25 mars 2004 par laquelle un agent de l=immigration (l=agent) a conclu que les raisons d=ordre humanitaire et d=intérêt public mises de l=avant par le demandeur ne justifiaient ni le traitement de sa demande de résidence permanente à l=intérieur du Canada, ni une dispense de l=application du paragraphe 11(1) de la Loi sur l=immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).


[2]                Le demandeur a demandé que la Cour contrôle et annule la décision de l=agent, selon laquelle le demandeur ne recevra pas de dispense lui permettant, pour des raisons d=ordre humanitaire, de présenter une demande de résidence permanente depuis l=intérieur du Canada.

Le contexte

[3]                Le demandeur, Martin Ezekiel Pascal (le demandeur) est un ressortissant de la Grenade qui est arrivé au Canada le 8 octobre 1999. Par la suite, il a revendiqué le statut de réfugié. En novembre 2001, sa revendication a été rejetée.

[4]                En janvier 2002, le demandeur a présenté une demande fondée sur des raisons d=ordre humanitaire, qui a été rejetée le 14 janvier 2003. Il a présenté une deuxième demande pour des raisons d=ordre humanitaire le 30 janvier 2003.

[5]                Le 4 février 2004, le demandeur a été prié de mettre à jour les renseignements liés à sa demande fondée sur des raisons d=ordre humanitaire. Le 3 mars 2004, on a reçu du demandeur la demande et les renseignements mis à jour.

[6]                Le 25 mars 2004, l=agent a examiné la demande fondée sur des raisons d=ordre humanitaire et, le même jour, l=a rejetée.

[7]                Il s=agit ici du contrôle judiciaire de cette décision.


Les motifs de l=agent

[8]                À la page 5 du dossier, l=agent précise ce qui suit :

[TRADUCTION]

DÉCISION ET JUSTIFICATION

Les quatre enfants du demandeur vivent présentement à Trinidad avec leur mère. Je ne dispose d=aucune information indiquant que le demandeur verse une pension pour ces enfants ou que leur beau-père les maltraite à Trinidad. Le demandeur n=est plus avec ses enfants depuis quatre ans maintenant et il n=a pas prouvé comment il a maintenu une relation avec eux.

Je ne dispose pas d=information m=indiquant que le demandeur sera dans l=impossibilité de poursuivre une carrière similaire à la Grenade. L=avocat du demandeur affirme que ce dernier est un briqueteur-maçon qualifié et un chauffeur professionnel. Il serait raisonnable d=affirmer qu=il peut y avoir un marché pour de telles compétences dans la plupart des pays et que le demandeur pourrait tirer parti de sa formation et de son expérience professionnelle au Canada. D=après son avocat, le demandeur compte plus de 17 années d=expérience dans son domaine particulier.

Je note que le demandeur s=est blessé au Canada, et je note également que le traitement qu=il reçoit porte fruit. Je ne suis saisi d=aucune information prouvant que le demandeur ne sera pas en mesure de recevoir ce traitement à la Grenade.

Le demandeur a des économies au Canada, comme le démontre son carnet de banque. Ces économies devraient faciliter sa réintégration à la Grenade.

Le demandeur a vécu à la Grenade et à Trinidad durant la plupart de sa vie adulte. Il devrait être au fait des us et coutumes locaux, et il est raisonnable de s=attendre à ce qu=il puisse se réintégrer avec peu de difficulté.

L=aptitude du demandeur à s=établir au Canada n=exclut pas la possibilité qu=il soumette une demande de visa de l=extérieur du Canada, selon la démarche habituelle. Je ne suis pas convaincu que la longueur de son séjour au Canada avait pour cause son incapacité de quitter le pays, ou encore l=agitation ou la guerre civile dans son pays.

Ayant examiné l=ensemble de la preuve déposée, je ne suis pas convaincu que le demandeur subirait des difficultés inhabituelles, injustes ou indues si elle [sic] était obligée de quitter le Canada et de demander un visa d=immigrant à l=extérieur du Canada, selon la démarche habituelle. La demande de dispense de l=application du paragraphe 11(1) de la LIPR est rejetée.

D. Jonas

Les questions en litige

[9]                Le demandeur a formulé les questions litigieuses de la manière suivante :


1.          L=agent a-t-il ignoré des éléments de preuve rattachés à la demande qui constituaient le fondement de la demande pour des raisons d=ordre humanitaire?

2.          L=agent a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur ne subirait pas de difficultés excessives s=il devait retourner à la Grenade pour présenter sa demande?

3.          L=agent a-t-il commis une erreur en fondant ses conclusions sur des considérations non pertinentes?

[10]            Le défendeur a formulé la question litigieuse de la manière suivante :

La décision de l=agent, à savoir que les raisons d=ordre humanitaire mises de l=avant par le demandeur ne justifiaient pas qu=on lui accorde un redressement spécial, était-elle raisonnable?

Les observations du demandeur

[11]            Le demandeur a fait valoir que l=agent doit respecter certaines lignes directrices dans l=exercice de son pouvoir discrétionnaire relativement aux demandes fondées sur des raisons d=ordre humanitaires.


[12]            En l=espèce, l=agent n=a pas agi de manière équitable. L=exposé de ses motifs révèle que la demande n=a pas fait l=objet d=un examen approprié et que l=agent n=a pas tenu compte des lignes directrices dans les motifs qui fondent sa décision. L=omission de la part de l=agent d=aborder l=authenticité de la crainte du demandeur de retourner à la Grenade avant de décider si ce dernier serait exposé personnellement à un risque constitue une erreur de droit donnant lieu à révision.

[13]            Le demandeur a prétendu que les lignes directrices stipulent que les demandes de dispense de visa soient examinées par un agent conscient des difficultés qu=une décision négative pourrait imposer au demandeur ou aux membres de sa famille immédiate.

[14]            L=agent a entravé l=exercice de son pouvoir discrétionnaire en tenant compte d=éléments de preuve sans rapport avec le fond de la demande. Le demandeur avait présenté à l=agent des éléments de preuve concernant ses liens professionnels, sociaux et psychologiques au Canada, ainsi que sa crainte de retourner à la Grenade. Le demandeur a prétendu qu=il avait inclus des observations préparées par son consultant en immigration qui mettaient en lumière les difficultés qu=il subirait si on l=obligeait à retourner à la Grenade.

[15]            Même s=il était loisible à l=agent de rejeter la demande à la lumière des renseignements à sa disposition, il n=aurait pas dû la rejeter en se basant sur des allégations sans fondement que le demandeur ne serait exposé à aucun risque s=il retournait à la Grenade. De plus, l=agent n=a pas accordé au demandeur la possibilité de répondre aux préoccupations soulevées.


[16]            De plus, le demandeur a fait valoir que l=affirmation de l=agent que [TRADUCTION] * [...] je ne suis pas convaincu que le demandeur subirait des difficultés inhabituelles, injustes ou indues si elle était obligée de quitter le Canada [...] +, bien que le demandeur soit de sexe masculin, reflète le peu d=attention que l=agent a consacrée à l=examen de la demande.

[17]            Le demandeur a fait valoir que l=agent avait omis aussi de faire état de la question de l=établissement du demandeur au Canada.

Les observations du défendeur

[18]            Le défendeur a fait valoir que, pour une décision d=ordre humanitaire, la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable simpliciter (voir Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [2005] A.C.F. No 507).

[19]            Le défendeur a fait valoir qu=un examen pour des raisons d=ordre humanitaire est hautement discrétionnaire. Il incombe au demandeur de convaincre l=agent que sa situation est telle qu=il subirait des * difficultés inhabituelles, injustes ou indues + s=il devait quitter le Canada et présenter une demande de visa selon la démarche habituelle. L=agent a apprécié l=ensemble de la preuve et a tiré la conclusion raisonnable que les raisons d=ordre humanitaire mises de l=avant ne justifiaient pas une dérogation à l=exigence de présenter la demande de visa de l=extérieur du Canada. Le demandeur a demandé à la Cour d=apprécier à nouveau les difficultés qu=il aurait à endurer si on l=obligeait à retourner à la Grenade pour demander le droit d=établissement.


[20]            D=après le défendeur, le demandeur a prétendu que l=agent avait entravé l=exercice de son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de considérations non pertinentes, mais sans préciser lesquelles.

[21]            Le défendeur a fait valoir aussi que la demande pour des raisons d=ordre humanitaire présentée par le demandeur mettait l=accent sur son établissement au Canada, sur une blessure subie pendant son séjour au Canada et le traitement que cette blessure nécessite, ainsi que sur la situation de ses enfants à Trinidad. Il n=a fait aucune mention d=une menace à sa vie ou d=un risque auquel il serait exposé personnellement à son retour au Canada. Aucun des documents présentés pour étayer la demande fondée sur des raisons d=ordre humanitaire n=a trait à une menace à la vie du demandeur ou à un risque auquel celui-ci serait exposé personnellement à son retour à la Grenade.


[22]            En ce qui concerne les observations préparées par le consultant en immigration, le défendeur a fait valoir que : (i) elles sont contenues dans une lettre ne portant pas de date; (ii) le demandeur n=a présenté aucune preuve (par exemple, une preuve de signification) attestant que ces observations ont été déposées de quelque manière que ce soit; (iii) l=agent a confirmé que la lettre sans date ne faisait pas partie de son dossier et ne faisait pas partie des observations qui lui ont été soumises pour examen; et (iv) le demandeur avait avisé le CIC d=Etobicoke que son avocat était Clement Edwards chez Clem=s Paralegal, et non Cheryl B. Smith chez Mavaacs Consulting. Étant donné que le demandeur n=a présenté aucune preuve concernant une prétendue menace à sa vie ou un risque auquel il serait exposé personnellement à son retour à la Grenade, l=agent n=a pas commis d=erreur dans son évaluation de la demande.

[23]            Le défendeur a allégué que l=agent était au courant que le demandeur était de sexe masculin et a confirmé qu=une simple faute de frappe explique la présence du mot * elle + [* she + au lieu de * he + dans le texte original anglais] au dernier paragraphe de la section du rapport réservée à la décision et aux motifs de l=agent. L=agent a examiné et apprécié de manière appropriée l=ensemble de la documentation qui lui a été soumise.

Les dispositions législatives pertinentes

[24]            Les articles 11 et 25 de la LIPR stipulent, en partie, ce qui suit :

11. (1) L=étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l=agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d=un contrôle, qu=il n=est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.




25. (1) Le ministre doit, sur demande d=un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s=il estime que des circonstances d=ordre humanitaire relatives à l=étranger C compte tenu de l=intérêt supérieur de l=enfant directement touché C ou l=intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister=s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

Analyse et décision

[25]            La norme de contrôle applicable à une décision d=ordre humanitaire rendue par un agent est celle de la décision raisonnable simpliciter (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [1999] 2 R.C.S. 187).

[26]            Question préliminaire

Le demandeur a signalé au début de l=audience que, d=après le défendeur, un ensemble de documents préparés par Mavaacs Consulting et portant sur les difficultés auxquelles le demandeur serait exposé s=il était contraint de retourner à la Grenade, n=avaient pas été soumis à l=agent qui a rendu la décision. La lettre de Mavaacs ne portait pas de date. L=agent saisi de la demande a attesté dans un affidavit qu=il ne disposait pas des documents de Mavaacs au moment où il a rendu sa décision. Ainsi, puisque les documents n=étaient pas à la disposition de l=agent au moment où la décision fut prise, nous n=en tiendrons pas compte dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

[27]            À l=audience, on a formulé la question de la façon suivante : la décision de l=agent était-elle raisonnable? Le demandeur a soulevé un certain nombre de préoccupations concernant la décision de l=agent et je vais aborder ces préoccupations.


[28]            Compétences facilement transposables

L=agent a conclu qu=il est raisonnable de penser que les compétences du demandeur à titre de briqueteur qualifié pourront servir à Trinidad. Il s=agit d=une conclusion raisonnable.

[29]            Pension versée pour les enfants

Il n=y a que la déclaration générale selon laquelle le demandeur verse une pension pour ses enfants. Il n=y a aucun renseignement précis au sujet du montant ou de la fréquence des versements destinés à ses enfants à Trinidad. À la lumière de la documentation dont je dispose, je ne peux conclure que la décision de l=agent était déraisonnable sur ce point.

[30]            Erreur quant au sexe du demandeur

L=agent a utilisé le pronom * elle + [* she + dans le texte original anglais] pour désigner le demandeur au dernier paragraphe de sa décision. Je suis convaincu, à la suite d=un examen des autres sections de sa décision où l=agent désigne le demandeur au moyen de pronoms masculins et à la lumière de l=affidavit de l=agent, qu=il s=agit d=une faute de frappe.

[31]            Examen de la demande par l=agent


Ayant passé en revue la décision de l=agent, j=estime que celui-ci a tenu compte de l=ensemble de la documentation que le demandeur lui a présentée. L=agent n=a commis aucune erreur sur ce plan. Il incombe au demandeur de mettre les renseignements nécessaires à la disposition de l=agent.

[32]            Risque ou menace

Le demandeur n=a pas fait valoir à l=agent qu=il serait exposé à des risques ou à des menaces. C=est plutôt la documentation préparée par Mavaacs, qui ne fait pas partie du dossier, qui aborde ces questions. Par conséquent, l=agent n=a pas commis d=erreur en n=évaluant pas les risques ou menaces auxquels le demandeur serait exposé s=il retournait à la Grenade.

[33]            À mon avis, la décision de l=agent était raisonnable et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[34]            Les parties ne m=ont pas soumis de question grave de portée générale en vue de la certification.

ORDONNANCE

[35]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

* John A. O=Keefe +

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 1er juin 2005


Traduction certifiée conforme

Julie Poirier, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-4002-04

INTITULÉ :                                                    MARTIN EZEKIEL PASCAL

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L=IMMIGRATION

LIEU DE L=AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L=AUDIENCE :                           LE 18 MAI 2005

MOTIFS DE L=ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE O=KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 1ER JUIN 2005

COMPARUTIONS :

Laurence Cohen                                                POUR LE DEMANDEUR

Vanita Goela                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Laurence Cohen                                               POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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