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Date : 20010615

Dossier : IMM-2220-00

Référence neutre : 2001 CFPI 663

Ottawa (Ontario), le 15 juin 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

SAMVEL AVANESYAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui a été soumise en vertu du paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, à la suite de la décision par laquelle l'agente des visas Marie Desbois avait refusé, le 20 mars 2000, la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada.


[2]                 Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision susmentionnée, une ordonnance de mandamus ou une directive prévoyant que la demande doit être approuvée, une ordonnance de mandamus ou une directive prévoyant que le demandeur doit être convoqué à une nouvelle entrevue, pareille entrevue devant être enregistrée ou devant avoir lieu en présence d'un avocat, et une ordonnance de mandamus ou une directive prévoyant que le défendeur doit mener à bonne fin la demande dans les quatre mois qui suivront la décision relative au présent contrôle judiciaire. Le demandeur sollicite également ses honoraires d'avocat, d'un montant de 6 550 $, ainsi que les frais de l'interrogatoire.

Les faits

[3]                 Le demandeur Samvel Avanesyan est un citoyen russe qui a présenté une demande à l'ambassade du Canada à Buenos Aires, en Argentine, le 19 juillet 1999 en vue de résider en permanence au Canada. La profession envisagée était celle d'analyste financier (no 1112.0 de la CNP).

[4]                 Le demandeur et sa conjointe se sont présentés à une entrevue à l'ambassade du Canada, à Buenos Aires, le 20 mars 2000. Le demandeur a été apprécié comme suit en vertu de la CNP, no 1112.0 :

Âge                                                                                                10

Études                                                                                           15

Demande dans la profession                                                  03

Facteur formation professionnelle                                     17

Emploi réservé                                                          00

Expérience professionnelle                                    02

Connaissance de l'anglais et du français                          07

Facteur démographique                                                           08

Proche parent au Canada                                                        00

Personnalité                                                              04

Total                                                            66


[5]                 À la suite de l'entrevue, le demandeur est retourné à l'ambassade et a insisté pour que l'agente des visas accepte des documents additionnels se rapportant à son expérience professionnelle. L'agente des visas a expliqué qu'il n'était pas nécessaire qu'elle voie les documents afin de prendre sa décision. Elle a expliqué qu'étant donné qu'elle ne remettait pas en question ce qui lui avait été dit à l'entrevue, le demandeur n'avait pas à lui fournir des documents additionnels à l'appui. Elle a refusé la demande.

Moyens invoqués à l'appui de la demande

[6]                 Les moyens invoqués dans l'avis de demande sont ci-après énoncés :

1.                    L'agente des visas n'a pas tenu compte de la preuve non controversée que le demandeur avait soumise au sujet de son expérience professionnelle.

2.                    L'agente des visas a sous-évalué les connaissances du demandeur en anglais.

3.                    L'agente des visas a commis une erreur en refusant d'examiner les documents du demandeur.

4.                    Le défendeur a commis une erreur en choisissant une agente des visas qui ne connaissait pas bien la profession envisagée en vue de tenir une entrevue avec le demandeur, refusant ainsi à ce dernier une appréciation équitable et appropriée.


5.                    L'existence de « raisons spéciales » justifie l'adjudication des honoraires d'avocat à l'encontre du défendeur.

Arguments du demandeur

[7]         Le demandeur soulève les questions suivantes :

6.                    L'agente des visas a commis une erreur en omettant de déterminer si, dans l'exercice de ses fonctions antérieures, le demandeur avait acquis l'expérience nécessaire aux fins de la profession envisagée.

7.                    L'agente des visas a sous-évalué le demandeur sur trois points.

8.                    L'agente des visas a commis une erreur en omettant d'examiner la lettre d'emploi du demandeur tant à l'entrevue qu'au moment où il la lui a subséquemment soumise.

9.                    L'existence de « raisons spéciales » justifie l'adjudication des honoraires d'avocat à l'encontre du ministre.

[8]         Appréciation du demandeur - Expérience

Le demandeur affirme que l'agente des visas a commis une erreur en refusant de tenir compte de l'expérience qu'il avait acquise avant le mois d'avril 1998.


[9]         Personnalité du demandeur

Le demandeur soutient que la façon dont l'agente des visas a évalué sa personnalité est suspecte et que l'évaluation devrait être annulée.

[10]       Le demandeur affirme que l'agente des visas a limité l'évaluation de sa personnalité en se fondant sur le fait (1) qu'il n'avait pas fait d'efforts pour obtenir à l'avance un emploi au Canada ainsi que sur le fait (2) que sa conjointe ne parlait pas l'anglais et que sa profession envisagée, à savoir celle de [TRADUCTION] « gardienne à son propre compte » , ne figurait pas dans la Liste générale des professions. Quant au premier facteur, le demandeur soutient que la recherche d'un emploi avant l'obtention de l'approbation n'est pas un élément pertinent et que l'agente des visas a omis de tenir compte de son expérience en comptabilité. Quant au deuxième facteur, le demandeur affirme que l'agente des visas a porté atteinte à son pouvoir discrétionnaire en supposant qu'étant donné que la profession envisagée de la conjointe ne figurait pas dans la Liste générale des professions, la conjointe ne serait pas en mesure de gagner un revenu.


[11]       Selon le demandeur, la Liste générale des professions est limitée aux emplois nécessitant une PPS de 6 ou plus en vertu de la Classification canadienne descriptive des professions. Or, dans le cas des gardiennes, la PPS est de 4. Le demandeur soutient que la profession ne figurait pas dans la liste parce qu'on ne pouvait pas en tenir compte à cause de sa nature non spécialisée et non parce qu'il n'y avait pas de demande. Toutefois, il maintient que la principale erreur qui a été commise dans l'évaluation de sa personnalité se rapportait au fait que l'agente des visas ne s'était pas renseignée sur toute son expérience professionnelle et qu'elle avait donc omis de déterminer de la façon appropriée la possibilité de faire valoir ses compétences au Canada.

[12]       Les connaissances du demandeur en anglais

L'agente des visas a abaissé l'évaluation des connaissances du demandeur en anglais de « couramment » à « correctement » sur deux points, le privant ainsi de deux points d'appréciation. Le demandeur soutient que le fait qu'il n'a pas répondu d'une façon concise n'indique pas nécessairement un manque de vocabulaire, mais que cela pourrait plutôt indiquer que les questions étaient peu précises ou qu'il s'exprime mal, et ce, quelle que soit la langue. En outre, la confusion peut découler du fait que l'agente des visas comprenait mal la profession exercée par le demandeur.

[13]       Résumé


L'agente des visas, qui a reconnu que le demandeur avait 23 mois d'expérience dans le poste qu'il occupait alors, a attribué à celui-ci deux points seulement sur un total possible de six pour l'expérience. Le demandeur a en outre obtenu quatre points seulement sur les dix points possibles pour la personnalité; de plus, l'évaluation de ses connaissances en anglais a été réduite de deux points. Le demandeur soutient qu'il ne lui faut que quatre autres points pour satisfaire aux critères de sélection et que dix points peuvent être attribués pour les trois facteurs susmentionnés. Le demandeur affirme que la Cour devrait donc annuler la décision de l'agente des visas.

[14]       Obligation d'examiner tous les éléments pertinents

Le demandeur affirme que l'agente des visas a en outre commis une erreur en concluant que son expérience antérieure n'était pas pertinente. Par conséquent, l'agente des visas a même refusé de lire la lettre d'emploi, qui aurait pu l'aider à poser des questions pertinentes. L'agente des visas, si elle n'attribue pas le nombre maximum de points pour l'expérience, commet une erreur en restreignant l'interrogatoire au poste que le demandeur occupe à ce moment-là, en particulier lorsque l'expérience antérieure se confond avec le poste existant.

[15]       Les dépens


Le demandeur et sa conjointe ont engagé les frais nécessaires en vue de se rendre en avion à Buenos Aires parce que, s'ils avaient présenté leur demande à Moscou, ils auraient attendu beaucoup plus longtemps que les Russes qui soumettent une demande à Buenos Aires. Le demandeur cite les décisions So c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1995), 28 Imm. L.R. (2d) 153 (C.F. 1re inst.) et Barbu c. Canada (Secrétaire d'État) (18 juin 1996) dossier IMM-4015-94 (C.F. 1re inst.) à l'appui de la prétention selon laquelle il existe en l'espèce des circonstances spéciales justifiant le paiement par le défendeur de tous les frais raisonnables attribuables à une nouvelle entrevue et des dépens du présent litige.

Arguments du défendeur

[16]       La norme de contrôle

Le défendeur affirme que le demandeur doit établir que les conclusions factuelles qui ont été tirées sont manifestement déraisonnables ou que le pouvoir discrétionnaire a été exercé d'une façon manifestement déraisonnable.

[17]       Évaluation de l'expérience

Le défendeur soutient que l'agent des visas doit évaluer l'expérience de façon qu'il suffise de l'évaluer à l'égard des professions envisagées. C'est ce qui est fait lorsque l'agent des visas examine les antécédents professionnels du demandeur et se renseigne au sujet des fonctions qu'il a exercées. L'agent des visas doit permettre au demandeur de réfuter une preuve extrinsèque qui lui est défavorable et qui n'a pas été soumise par celui-ci.


[18]       Le défendeur fait valoir qu'en l'espèce, l'agente des visas a tenté de questionner le demandeur au sujet de son expérience professionnelle, mais que celui-ci avait eu de la difficulté à répondre aux questions et qu'il n'avait pas pu parler de son expérience. Le défendeur affirme que les réponses du demandeur étaient vagues et évasives et que l'agente des visas n'a donc pas pu analyser son expérience. L'agente des visas a évalué l'expérience en se fondant sur les antécédents professionnels du demandeur, qui lui avait expliqué ces antécédents, et a attribué au demandeur tous les points d'appréciation pour son expérience à titre d'économiste en chef et de directeur. Toute omission d'évaluer l'expérience d'une façon appropriée était donc attribuable au demandeur plutôt qu'à l'agente des visas.

[19]       Évaluation de la personnalité

L'évaluation de la personnalité est limitée aux facteurs économiques; l'agente des visas ne peut pas effectuer un double comptage en tenant compte de facteurs qui ont déjà été pris en considération aux fins des autres parties de l'annexe I. Toutefois, le demandeur affirme que l'agente des visas peut tenir compte de la façon dont les facteurs qui ont déjà été comptés influent sous certains aspects sur le critère relatif à la personnalité; il fait remarquer que l'évaluation ne devrait être modifiée qu'exceptionnellement.


[20]       Le demandeur a soumis sa demande de résidence permanente huit mois avant l'entrevue, mais il n'avait pas effectué de recherches au sujet du marché du travail au Canada et il ne savait pas trop comment trouver un emploi. La conjointe du demandeur ne parlait ni l'anglais ni le français et elle exerçait une profession pour laquelle il n'y avait pas de demande au Canada. L'agente des visas ne croyait pas que la conjointe du demandeur puisse contribuer à l'établissement de la famille sur le plan financier, de façon qu'un plus grand nombre de points puissent être attribués pour la personnalité. En outre, si l'agente des visas n'a pas tenu compte de la possibilité pour le demandeur de faire valoir son expertise en comptabilité, c'est parce que celui-ci ne lui a pas donné d'explications à ce sujet.

[21]       Évaluation des connaissances linguistiques

Le défendeur soutient que l'agente des visas est mieux placée pour évaluer les compétences linguistiques et que pareilles évaluations ne devraient être annulées que si elles sont abusives, arbitraires ou manifestement déraisonnables : Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (22 juillet 1998), dossier IMM-4873-97 (C.F. 1re inst.). Le défendeur affirme que l'évaluation était fondée sur le fait que le demandeur avait de la difficulté à s'exprimer et qu'il avait un vocabulaire restreint, plutôt que sur son accent.

[22]       Absence d'erreur dans l'examen des éléments de preuve additionnels

L'agente des visas n'a pas examiné les documents du demandeur étant donné qu'elle avait conclu qu'il avait de l'expérience dans la profession envisagée. Il n'était donc pas nécessaire d'examiner ces documents pour prendre cette décision. En outre, le défendeur affirme que rien ne permet de dire que l'agente des visas ne pouvait pas refuser d'examiner les documents additionnels à moins d'attribuer au demandeur tous les points pour l'expérience.


[23]       Les dépens

Les dépens peuvent uniquement être adjugés s'il existe des raisons spéciales de le faire (article 400 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106). Le défendeur soutient que le demandeur n'a pas établi l'existence de raisons spéciales justifiant l'adjudication des dépens. Étant donné que le demandeur a décidé de présenter sa demande à Buenos Aires, le défendeur ne devrait pas être tenu responsable des frais de déplacement passés ou futurs. Le demandeur n'a pas droit aux frais d'interrogatoire non plus, étant donné qu'il n'y a pas eu d'interrogatoire. Le défendeur ne devrait pas être tenu de payer les frais juridiques du demandeur si la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

[24]       Réparation sollicitée par le demandeur

Le défendeur soutient que si cette demande de contrôle judiciaire est accueillie, il ne devrait pas être tenu de délivrer des visas d'immigrant au demandeur tant que celui-ci n'a pas démontré qu'il satisfait aux critères d'admission. Le défendeur n'a pas l'habitude d'enregistrer les entrevues et le demandeur n'a pas démontré qu'il était nécessaire de le faire. Le défendeur affirme également que le demandeur n'a pas droit à la présence de son avocat à l'entrevue. Il n'est pas justifié de donner une directive en ce sens. Enfin, le défendeur soutient que les demandes d'immigration n'ont pas à être traitées dans certains délais et que, cela étant, le demandeur n'a pas droit à pareille ordonnance.


Les dispositions législatives pertinentes

[25]       La disposition législative pertinente de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) est ainsi libellée:


19.(2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui_ :

[...]

d) soit ne se conforment pas aux conditions prévues à la présente loi et à ses règlements ou aux mesures ou instructions qui en procèdent, soit ne peuvent le faire.

19.(2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes :

. . .

(d) persons who cannot or do not fulfil or comply with any of the conditions or requirements of this Act or the regulations or any orders or directions lawfully made or given under this Act or the regulations.


[26]       Les facteurs 2, 8 et 9 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement) sont les suivants :

Colonne I

Facteurs

Colonne II

Critères

Colonne III

Nombre maximal de points



2. Études et formation

(1) À évaluer suivant le programme d'études et la période de formation professionnelle, d'apprentissage, de formation en usine ou de formation en cours d'emploi précisés dans la Classification nationale des professions comme étant nécessaires pour acquérir les connaissances théoriques et pratiques et les compétences qu'exige la profession pour laquelle le requérant est apprécié selon l'article 4. Les points d'appréciation sont attribués selon le barème suivant :

a) lorsqu'aucun programme d'études et aucune période de formation ne sont nécessaires, 1 point;

b) lorsque quelques années d'études secondaires, une formation en cours d'emploi ou de l'expérience sont nécessaires, 2 points;c) lorsqu'un diplôme d'études secondaires est nécessaire, 5 points;

d) lorsqu'un cours pratique, une formation, des ateliers ou de l'expérience reliés à la profession sont nécessaires, habituellement à la suite des études secondaires, 7 points;

e) lorsqu'un certificat ou un diplôme d'études collégiales ou techniques est nécessaire ou lorsqu'un programme de formation professionnelle, d'apprentissage ou de formation spécialisée est nécessaire, 15 points;

f) lorsqu'un diplôme d'études universitaires au niveau du baccalauréat est nécessaire, 17 points;

g) lorsqu'un diplôme d'études universitaires au niveau de la maîtrise ou du doctorat ou un diplôme d'études professionnelles qui requiert des études additionnelles au-delà du baccalauréat est nécessaire, 18 points;

(2) Lorsque plus d'un indicateur d'études et de formation est établi dans la Classification nationale des professions pour une profession donnée, l'indicateur minimal est retenu pour l'évaluation du facteur études et formation.

           18



8. Connaissance du français et de l'anglais

(1) Pour la langue que la personne indique comme sa première langue officielle, le français ou l'anglais, selon son niveau de compétence à l'égard de chacune des capacités suivantes : l'expression orale, la lecture et l'écriture, des crédits sont attribués de la façon suivante :

a) la capacité de parler, de lire ou d'écrire couramment, trois crédits sont attribués pour chaque capacité;

b) la capacité de parler, de lire ou d'écrire correctement mais pas couramment, deux crédits sont attribués pour chaque capacité;

c) la capacité de parler, de lire ou d'écrire difficilement, aucun crédit n'est attribué pour cette capacité.

(2) Pour la langue que la personne indique comme sa seconde langue officielle, le français ou l'anglais, selon le niveau de compétence pour chacune des capacités suivantes : l'expression orale, la lecture et l'écriture, des crédits sont attribués de la façon suivante :

a) la capacité de parler, de lire ou d'écrire couramment, deux crédits sont attribués pour chaque capacité;

b) la capacité de parler, de lire ou d'écrire correctement mais pas couramment, un crédit est attribué pour chaque capacité;

c) la capacité de parler, de lire ou d'écrire difficilement, aucun crédit n'est attribué pour cette capacité.

(3) Des points d'appréciation sont attribués sur la base du nombre total de crédits obtenus selon les paragraphes (1) et (2), d'après le barème suivant :

a) zéro ou un crédit, aucun point; b) de deux à cinq crédits, deux points;

c) six crédits ou plus, un point par crédit.

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9. Personnalité

Des points d'appréciation sont attribués au requérant au cours d'une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

           10

Les points litigieux

[27]       1.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en omettant de déterminer si, dans l'exercice de ses fonctions antérieures, le demandeur avait acquis de l'expérience pertinente aux fins de la profession envisagée?

2.          L'agente des visas a-t-elle sous-évalué le demandeur en ce qui concerne son expérience, sa connaissance de l'anglais et sa personnalité?

3.          L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en omettant d'examiner la lettre d'emploi du demandeur à l'entrevue et lorsqu'il l'a subséquemment soumise?

4.          Existe-t-il des raisons spéciales justifiant l'adjudication des dépens contre le ministre?


La norme de contrôle

[28]       Dans la décision Yin c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada (15 juin 2001) dossier IMM-49-00, j'ai statué que la norme de contrôle à appliquer à la décision de l'agent des visas est celle de la décision raisonnable simpliciter. J'appliquerai la même norme en l'espèce.

Analyse et décision

[29]       Première question

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en omettant de déterminer si, dans l'exercice de ses fonctions antérieures, le demandeur avait acquis de l'expérience pertinente aux fins de la profession envisagée?

Comme il a été statué dans la décision Alan Kin Chung Ho c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, (18 mai 2000), dossier IMM-533-99 (C.F. 1re inst.), il ne fait aucun doute que toute expérience issue d'un autre poste et applicable au poste envisagé doit être scrutée et que le demandeur doit pouvoir bénéficier de la portion de l'expérience qui a trait à la profession envisagée (voir Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 222 (C.F. 1re inst.) et Pinto c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 1 C.F. 619 (C.F. 1re inst.)).


[30]       Il faut maintenant déterminer si l'agente des visas a reconnu au demandeur la partie de l'expérience acquise, dans l'exercice de ses fonctions antérieures, qui est reliée à la profession d'analyste financier (CNP, no 1112.0). L'examen des notes consignées dans le STIDI indique ce qui suit :

[TRADUCTION] Étant donné que le demandeur occupe son poste depuis moins de deux ans, deux points seulement ont été attribués pour l'expérience; toutefois, même si des points étaient attribués pour deux années complètes, le demandeur n'aurait pas encore obtenu suffisamment de points pour être admissible.

Il est passablement évident que le demandeur travaille depuis le mois de février 1993. Selon les notes inscrites dans le STIDI au titre de l'expérience professionnelle, le demandeur a travaillé comme agent financier du mois de décembre 1995 au mois d'août 1997. Il semble raisonnable de supposer qu'en occupant ce poste, il a acquis une expérience polyvalente qui pourrait s'appliquer au poste d'analyste financier. L'agente des visas n'a pas tenu compte de cette partie des antécédents professionnels puisqu'elle n'a même pas tenu compte de l'expérience acquise au cours des deux années qui ont précédé la présentation de la demande et qu'elle a uniquement tenu compte de l'expérience acquise depuis que le demandeur exerce son emploi actuel, soit depuis le mois d'avril 1998. L'agente des visas a commis une erreur de droit susceptible de révision en ne scrutant pas l'expérience pertinente que le demandeur avait acquise dans ses anciens postes. Puisque je ne peux savoir combien de points d'appréciation l'agente des visas aurait attribué au demandeur si elle avait tenu compte de l'expérience que celui-ci avait acquise dans l'exercice de ses fonctions antérieures, la décision doit être annulée et l'affaire doit être renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à nouveau sur la demande.


[31]       Deuxième question

L'agente des visas a-t-elle sous-évalué le demandeur en ce qui concerne son expérience, sa connaissance de l'anglais et sa personnalité?

Étant donné la conclusion que j'ai tirée au sujet de la première question, il est évident que l'agente des visas a sous-évalué le demandeur à l'égard de l'expérience.

[32]       Je ne suis pas convaincu que l'agente des visas ait sous-évalué le demandeur sur le plan des connaissances linguistiques et de la personnalité. Aucune erreur susceptible de révision n'a été commise sur ces points.

[33]       Troisième question

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en omettant d'examiner la lettre d'emploi du demandeur à l'entrevue et lorsqu'il l'a subséquemment soumise?

Même si ce n'est pas nécessaire aux fins de la décision, je crois qu'il aurait été prudent pour l'agente des visas d'accepter les éléments que le demandeur voulait lui remettre, étant donné en particulier l'incertitude qui régnait au sujet de l'expérience du demandeur.

[34]       Quatrième question

Existe-t-il des raisons spéciales justifiant l'adjudication des dépens contre le ministre?


Je ne suis pas prêt à adjuger les dépens au demandeur. C'est le demandeur qui a décidé de se rendre à Buenos Aires pour que sa demande soit traitée plus rapidement.

[35]       Ni l'une ni l'autre partie ne voulait certifier une question grave de portée générale.

[36]       La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour qu'il statue à nouveau sur la demande.

ORDONNANCE

[37]       LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire.

                                                                                              « John A. O'Keefe »             

                                                                                                                          Juge                             

Ottawa (Ontario)

Le 15 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-2220-00

INTITULÉ :                                                        SAMVEL AVANESYAN

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                               TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 25 AVRIL 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                    LE 15 JUIN 2001

COMPARUTIONS :

M. Timothy E. Leahy                              POUR LE DEMANDEUR

M. Martin Anderson                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Timothy E. Leahy                                               POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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