Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220125


Dossier : IMM-3278-21

Référence : 2022 CF 77

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2022

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

GERARDO DE JESUS MORALES GARCIA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L´IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (SAR) le 12 mars 2021. La demande de contrôle judiciaire est faite en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [la Loi]. À l’audience de cette demande de contrôle judiciaire, la Cour a décidé du sort de la demande en prévenant les parties que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec motifs à suivre. Le présent jugement constitue les motifs annoncés.

[2] Tant la Section de la protection des réfugiés (SPR) que la SAR ont conclu que la question déterminante en l’espèce était la possibilité d’un refuge intérieure au Mexique pour le Demandeur. Cette conclusion n’a pas été inquiétée dans cette demande de contrôle judiciaire.

[3] Les faits de cette affaire sont simples et ils ne sont pas contestés par le Demandeur. Le 10 mars 2019, des membres de l’Armée Zapatiste de libération nationale (AZLN) se sont accaparé de force une terre agricole de deux hectares qui était cultivée par le Demandeur. Celui-ci a eu peur et s’est rendu dans les montagnes environnantes où il s’est caché pour le reste de la journée. Il s’est plaint aux autorités locales dans l’État mexicain du Chiapas. Une semaine plus tard, soit le 18 mars 2019, il quittait le Mexique pour se rendre au Canada où il y a demandé l’asile. L’épouse et les deux enfants du couple sont restés au Chiapas, l’État mexicain où résidait le Demandeur et sa famille au moment des incidents.

[4] Deux endroits ont été identifiés par la SPR où on devait explorer la possibilité de refuge intérieure. Comme il est bien connu, une fois qu’un Demandeur d’asile a établi un risque prospectif à l’endroit qu’il a quitté pour obtenir l’asile à l’extérieur de son pays d’origine, il peut être possible que plutôt que d’obtenir l’asile au Canada, il doive réfuter la possibilité d’un refuge intérieur dans son pays d’origine. C’est ce qui s’est produit en l’espèce. Un demandeur doit supporter le fardeau de la preuve et convaincre le tribunal administratif qu’il risque sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où il existe une possibilité de refuge. Le demandeur pourra aussi démontrer qu’il serait déraisonnable de trouver refuge aux endroits identifiés compte tenu de toutes les circonstances.

[5] La SAR, dont la décision fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire, a conclu, notamment sur la base de la preuve documentaire au sujet du Mexique se trouvant dans le Cartable national de documentation, que la possibilité de refuge intérieur existe bel et bien, le fardeau supporté par le Demandeur n’ayant pas été déchargé. Je note, au passage, que l’Appelant avait témoigné devant la SPR à l’effet qu’il n’avait aucunement l’intention de retourner au Chiapas pour y réclamer les terres qu’il utilisait. On voit bien qu’il ne recherche pas la confrontation et qu’il souhaite vivre en paix. Non seulement la famille du Demandeur continue de demeurer au Chiapas, mais son fils de 16 ans fréquente la même école où il étudiait au moment des évènements. Il ne semble pas y avoir eu de querelle depuis mars 2019. Aucune difficulté à l’égard de la famille du Demandeur n’a été enregistrée depuis deux ans au Chiapas même. On voit mal comment il en serait autrement dans un autre État du Mexique où le Demandeur trouverait refuge.

[6] Le seul argument présenté par le Demandeur vient d’un paragraphe tiré de l’onglet 13.1 du Cartable national de documentation. Sous la section 1.2 de l’onglet 13.1 (Réponses aux demandes d’informations), on y lit que depuis maintenant plus de 25 ans, trente mille personnes se trouvent en situation de déplacement prolongé au Chiapas à la suite du conflit Zapatiste de 1994-1995. On peut aussi lire à la section 1.2 : « SinEmbargo, journal numérique mexicain, a écrit que dans les cas de dépossession au Chiapas, les agents du gouvernement de l’État, avec le soutien de la police, forcent en toute impunité les groupes autochtones et les partisans Zapatistes à quitter leur terre (4 février 2015) ». Si je comprends l’argument que le Demandeur a tenté de présenter, il serait placé entre les Zapatistes qui l’ont évincé de son lot de terre et les autorités gouvernementales qui pourraient tenter de forcer les partisans Zapatistes à quitter ces terres ainsi acquises. Mais là n'est pas la question en notre espèce alors que le Demandeur ne cherchait pas à reprendre ces terres.

[7] À l’évidence, cet argument qui procède de la spéculation n’a aucune corrélation avec la possibilité de refuge intérieur. Cette possibilité de refuge amènerait le Demandeur à plusieurs centaines de kilomètres du lieu où il a fait l’objet d’une expulsion.

[8] Qui plus est, cet argument ne répond en aucune manière aux deux volets du test applicable au Demandeur en l’espèce. Comme l’écrivait de façon succincte le Défendeur, au paragraphe 32 de son mémoire des faits et du droit, « (l)e demandeur peut s’acquitter de ce fardeau soit en démontrant qu’il y serait encore persécuté ou exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, soit en démontrant que ce serait déraisonnable qu’il tente de s’y installer. »

[9] Cette démonstration n’a pas été faite, et même tentée. Il en découle que la demande de contrôle judiciaire doit être refusée. Aucune question grave de portée générale ne saurait être certifiée aux termes de l’article 74 de la Loi.

 


JUGEMENT au dossier IMM-3278-21

LA COUR STATUE:

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question grave de portée générale est à être certifiée aux termes de l’article 74 de la Loi.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3278-21

 

INTITULÉ :

GERARDO DE JESUS MORALES GARCIA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

tenue par vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JANVIER 2022

ORDONNANCE ET motifs :

LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

LE 25 janvier 2022

COMPARUTIONS :

Felipe Morales

Pour le demandeur

 

Suzon Létourneau

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Semperlex avocats

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.