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Date : 20050531

Dossier : IMM-224-04

Référence : 2005 CF 773

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

BESNIK ARRINAJ

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) du 12 décembre 2003, selon laquelle le demandeur n'est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]                Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire devant une formation constituée différemment qui statuera conformément aux directives que la Cour jugera pertinentes.

Le contexte

[3]                Le demandeur, Besnik Arrinaj (le demandeur), est un ressortissant de l'Albanie qui prétend craindre avec raison d'être persécuté en Albanie par des agents du parti socialiste (PS) et de l'État en raison de ses opinions politiques.

[4]                Le demandeur a commencé ses activités politiques à l'école secondaire. En septembre 1992, il a commencé à participer aux activités du Forum jeunesse du Parti démocratique, dont il est devenu membre officiellement en 1996. Il a participé à des réunions et a fait campagne pour des candidats du Parti démocratique.

[5]                Par suite de ses activités au sein du Parti démocratique, de même que celles de son oncle et de son père qui étaient membres du même parti, on a fait feu dans sa direction, il a reçu des appels téléphoniques de menace et lui-même et son père ont été détenus par la police le 1er octobre 2000. Lors de l'incident au cours duquel on lui a tiré dessus, son cousin a été blessé mortellement et, par la suite, l'entreprise de la famille a été fermée.

[6]                Le demandeur a prétendu que lui-même et son père ont été battus par la police. Son père a dû être hospitalisé pendant 24 heures. Au cours des élections nationales de juin 2001, lui-même et son père ont fait campagne pour des candidats du Parti démocratique. Il a assisté à des réunions organisées par le Parti démocratique, mais il a tenté de demeurer discret. Les socialistes ont été réélus et il a commencé à recevoir des « appels téléphoniques » .

Les motifs de la Commission

[7]                La Commission a reconnu la citoyenneté albanaise du demandeur.

[8]                La Commission a défini la question principale de la revendication comme étant le caractère raisonnable de la crainte du demandeur d'être persécuté en Albanie par le PS et l'État en raison de ses activités comme membre du Parti démocratique.

[9]                La Commission a conclu que le demandeur était un simple membre du Forum jeunesse du Parti démocratique et qu'il possédait des connaissances de base sur les principes du Parti démocratique. Il n'occupait pas de poste de dirigeant au sein du parti, il a participé à des manifestations pacifiques et a soutenu des candidats du parti au cours des campagnes électorales. Par conséquent, la Commission a conclu que le demandeur ne possédait pas le profil politique pertinent et que, partant, il n'existait pas de risque sérieux qu'il soit considéré en Albanie comme un membre de l'opposition au gouvernement.

[10]            La Commission a noté que la preuve documentaire révèle que la violence et les vengeances à caractère politique en Albanie sont dirigées principalement contre le Parti démocratique d'Albanie. De plus, seuls les membres et dirigeants du Parti démocratique occupant un poste important ou en vue, ou ayant un profil politique particulier, ont été la cible des socialistes ou de leurs agents. Les documents font état de plusieurs cas où des membres du Parti démocratique occupant des postes de direction et des postes en vue ont été persécutés par le Parti socialiste. Cependant, le demandeur n'a pas occupé de poste important ou en vue et ne possède pas ce type de profil.

[11]            Selon la preuve documentaire, le Parti démocratique a soutenu que plusieurs de ses membres avaient été harcelés ou battus et que l'un d'entre eux avait été tué. Le Parti démocratique a aussi affirmé que plus de 21 de ses membres, partisans et ex-dirigeants nationaux ont été tués entre 1997 et 1998. Selon la Commission, aucun élément de la preuve documentaire ne permet de tirer une conclusion générale selon laquelle il existe une possibilité sérieuse que tous les membres du Parti démocratique et (ou) du Forum jeunesse du Parti démocratique soient persécutés en Albanie aujourd'hui en raison de leurs opinions politiques.

[12]            La Commission a souligné que les documents contenaient très peu de renseignements à l'appui des allégations selon lesquelles les membres des familles des partisans du Parti démocratique sont harcelés de la façon décrite par le demandeur.

[13]            Selon les rapports les plus récents sur les conditions dans le pays, y compris ceux du Département d'État des États-Unis et du ministère de l'Intérieur britannique, en 2002 il y a eu relativement peu de cas de détention et de harcèlement de partisans du Parti démocratique pour des motifs politiques.

[14]            L'avocat du demandeur a souligné que la violence politique existe encore dans l'Albanie actuelle et a cité plusieurs cas où des membres et des partisans du Parti démocratique ont été battus et agressés; l'un d'entre eux aurait même été tué. Cependant, en supposant que ces allégués seraient survenus par suite de l'association de la victime au Parti démocratique, la Commission a mentionné que les agressions présumées avaient été commises contre des personnalités importantes. Cette constatation est conforme à la majorité de la preuve documentaire indiquant que ce sont ces personnes, plutôt que celles qui ont le profil du demandeur, qui sont les plus susceptibles de courir ces risques.

[15]            La Commission a conclu aussi que le demandeur n'était pas une personne à protéger. La Commission a souligné que le demandeur n'avait pas le profil politique qu'il prétend être nécessaire qu'il ait. La preuve documentaire a montré clairement qu'une personne ayant le profil du demandeur, c'est-à-dire un membre ordinaire du parti n'occupant pas un poste important ou bien sans profil politique particulier, ne court pas de risque du fait de son appartenance au Parti démocratique.

[16]            Par conséquent, la Commission a statué que le demandeur n'est pas une personne à protéger parce que son renvoi en Albanie ne l'exposerait pas au risque de traitements ou peines cruels ou inusités et qu'il n'existe pas de motif sérieux de croire que son renvoi en Albanie l'exposerait au risque d'être soumis à la torture.

Les questions en litige

[17]            Voici les questions formulées par le demandeur :

1.          Est-ce que la Commission a commis une erreur en n'effectuant pas une analyse adéquate et distincte en vertu de l'article 97?

2.          Est-ce que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte d'un aspect important de la demande et en omettant une analyse distincte en vertu de l'article 97?

3.          Est-ce que la Commission a commis une erreur en ce qui concerne le critère légal en application de l'article 96?

4.          Est-ce que la Commission a commis une erreur en abandonnant son pouvoir discrétionnaire ou en suivant servilement l'analyse de profil?

Les observations du demandeur

[18]            Selon le demandeur, la Commission a commis une erreur en amalgamant le critère de la prépondérance des probabilités (en ce qui concerne les conclusions de fait sur l'aspect historique de la demande) à celui du caractère sérieux des motifs (la partie prospective du critère). La Commission a imposé au demandeur un fardeau de preuve trop lourd en affirmant qu'il n'existait pas de possibilité sérieuse que celui-ci soit soumis à la persécution (voir Ponniah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 132 N.R. 32 (C.A.F.) et Chichmanov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. N º 832).

[19]            Le fardeau de preuve qui incombe au demandeur consiste à démontrer l'existence de motifs valables de croire (voir Seifu c. Canada (Commission d'appel de l'immigration), [1983] A.C.F. N º 34 (QL)), ou l'existence d'une possibilité raisonnable, qu'il sera persécuté (voir Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.F.)).

[20]            Le demandeur a soutenu que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir compte de l'un des incidents essentiels, soit la fusillade du 23 juin 2000 pendant laquelle le demandeur et son cousin ont été visés et son cousin a reçu des blessures fatales, et à la suite de laquelle le magasin de la famille a dû être fermé.

[21]            Le demandeur a soutenu que la Commission avait commis une autre erreur en concentrant ses efforts sur l'élaboration d'un profil et en tirant ensuite la conclusion que le demandeur n'y correspondait pas. La Commission a abandonné son pouvoir discrétionnaire en se concentrant exclusivement sur un profil. La Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte du profil du demandeur selon le point de vue de l'agent de persécution, soit le Parti socialiste. Dans son témoignage, le demandeur a soutenu qu'il était un membre relativement en vue de son parti.

[22]            Le demandeur a soutenu que les tribunaux ont dit que, (i) la Commission, dans l'évaluation des opinions politiques d'un demandeur, commet une erreur en se concentrant uniquement sur les activités du demandeur à l'intérieur de son groupe politique (voir Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199); et (ii) le fait qu'une personne n'ait pas été un dirigeant n'est pas une considération pertinente (voir Butucariu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1992] A.C.F. N º 115).

[23]            De plus, la Cour d'appel fédérale a statué que « le critère fondamental à cet égard ne consiste pas à savoir si la Commission estime que le requérant était engagé dans des activités politiques mais plutôt si le gouvernement qui dirige le pays dont il déclare être réfugié attribue des activités politiques au requérant. » (Voir Re Inzunza and the Minister of Employment and Immigration (1979), 103 D.L.R. (3d) 105 (C.A.F.).)

[24]            Dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, la Cour a reconnu qu'une opinion politique non exprimée pouvait être un motif de persécution lorsqu'une opinion politique était imputée à la personne concernée à cause de ses activités et de son comportement. La Cour a reconnu aussi que la persécution pouvait être fondée sur une opinion politique attribuée à tort à une personne.

[25]            Le demandeur a soutenu que la Commission était donc tenue de déterminer si l'agent de persécution avait estimé que le demandeur ou son père constituait une menace et si les agents de persécution auraient simplement attribué à tort au demandeur un profil politique plus important que le sien.

[26]            Le demandeur a affirmé que l'article 97 de la Loi exige une analyse distincte s'il existe des éléments de preuve dignes de foi (voir Bouaouni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1211, et Kilic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 84). Dans cette dernière affaire, le témoignage du demandeur n'avait pas été rejeté explicitement. Par exemple : le demandeur était membre du principal parti d'opposition, son père en était un membre important, le demandeur avait essuyé des coups de feu, le demandeur et sa famille avaient reçu des téléphones de menace pendant plusieurs mois et lui-même et son père avaient été détenus pendant 4 heures dans un poste de police où ils avaient été menacés et battus.

[27]            Le demandeur a soutenu que la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur n'avait pas qualité de personne à protéger en vertu de l'article 97 parce qu'il ne possédait pas le profil des partisans du Parti démocratique pouvant courir des risques et qu'il [traduction] « ne courait pas de risque du fait de son appartenance au Parti démocratique » . Une discussion de la nature du risque lié aux opinions politiques relève de l'article 96 et non de l'article 97.

[28]            Selon le demandeur, la Commission a commis une erreur en se contentant de transposer la conclusion qu'elle avait tirée en application de l'article 96. Dans son témoignage, le demandeur a déclaré avoir essuyé des coups de feu et avoir été détenu et battu en compagnie de son père au poste de police pendant une période de 4 heures. Même si cela ne correspond pas à une crainte fondée de persécution du fait de son appartenance au Parti démocratique, il pourrait s'agir de torture ou de mauvais traitement conformément aux alinéas 97(1)a) et b). La Commission n'a pas effectué d'analyse distincte en application de l'article 97 (voir Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. N º 1, et Kilic, précité). Subsidiairement, la carence de la Commission à analyser distinctement la situation en application de l'article 97 équivalait à une violation de l'équité procédurale en l'absence de motifs suffisants.

Les observations du défendeur

[29]            Le défendeur a soutenu que le résumé que le demandeur a fait des conclusions de la Commission prête à confusion. La Commission a examiné correctement la preuve documentaire afin de déterminer si la demande reposait sur un fondement objectif. La Commission a statué que, d'après la preuve documentaire et la preuve produite par le demandeur, ce dernier ne possédait pas le profil politique requis.

[30]            Selon le défendeur, le demandeur a confondu l'exigence selon laquelle un demandeur doit prouver les faits relatifs à sa revendication selon la prépondérance des probabilités, d'une part, et l'exigence selon laquelle le demandeur doit démontrer que lesdits faits respectent la norme de preuve prévue par l'article 96, d'autre part. La Commission a appliqué la norme correcte exposée dans Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1982] 2 CF 680, dans sa conclusion concernant l'application de l'article 96.

[31]            Tout en reconnaissant que la Commission n'avait pas mentionné dans ses motifs le décès du cousin du demandeur, le défendeur a souligné qu'elle avait évoqué les coups de feu tirés vers le demandeur. Le défendeur a affirmé que la Commission avait tenu compte du témoignage concernant le décès du cousin du demandeur. Le fait que la Commission n'ait pas mentionné le décès du cousin du demandeur ne signifie pas que la Commission n'a pas tenu compte de cette partie du témoignage.

[32]            Le défendeur a soutenu que même si la Commission n'avait pas affirmé explicitement dans ses motifs qu'elle doutait de la crédibilité du demandeur, elle a souligné l'insuffisance d'éléments de preuve crédibles ou dignes de foi et que, partant, on pouvait en déduire que certains aspects de la version du demandeur étaient invraisemblables ou non crédibles.

[33]            La Commission a conclu que, selon le témoignage du demandeur, ce dernier n'était qu'un membre ordinaire du Forum jeunesse du Parti démocratique et qu'il possédait une connaissance de base des principes de ce parti. La Commission a conclu que, selon son propre témoignage, le demandeur ne correspondait au profil des personnes qui seraient ciblées par la persécution et qu'il n'existait pas de possibilité sérieuse qu'il soit perçu comme un citoyen opposé au gouvernement.

[34]            Le défendeur a affirmé que la Commission n'avait pas omis de tenir compte du point de vue d'un agent de la prétendue persécution. La Commission a tout simplement refusé de reconnaître que le demandeur était un membre important, unique ou en vue du Parti démocratique.

[35]            Selon la Commission, la preuve documentaire fait état de violence politique, mais cette dernière visait les dirigeants ou les membres du parti démocratique importants ou en vue ou affichant un profil unique, et elle a cité plusieurs cas où ce type de violence est survenu. La Commission a souligné que la preuve documentaire indiquait aussi que la politique en Albanie devient moins marquée par la partisanerie et que la violence à caractère politique y est en régression.

[36]            La Commission a conclu à l'absence d'élément de preuve étayant une conclusion selon laquelle il existe une possibilité sérieuse que tous les membres du Parti démocratique soient persécutés. De plus, la Commission a souligné que la preuve documentaire révélait que les membres des familles des partisans du Parti démocratique n'étaient pas ciblés par le Parti socialiste de la façon décrite par le demandeur. Par conséquent, la Commission avait tout loisir de conclure que le demandeur ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution s'il retournait en Albanie.

[37]            Selon le défendeur, la Commission a conclu qu'il n'existait pas suffisamment d'éléments de preuve crédibles ou dignes de foi pour étayer une crainte de persécution. Cette conclusion a démontré que la Commission entretenait certains doutes à l'égard du témoignage du demandeur. Par conséquent, puisque certains doutes subsistaient au sujet de la crédibilité du demandeur, une analyse distincte en vertu de l'article 97 n'était pas requise.

[38]            Même si une analyse distincte en vertu de l'article 97 est souhaitable, le défaut de l'effectuer n'a pas de conséquences graves lorsqu'aucun élément de preuve ne l'exige (voir Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 635; Kulendrarajah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. N º 94; Athansius c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. N º 915). Le défendeur a soutenu que la Commission avait néanmoins effectué une analyse adéquate en application de l'article 97.

[39]            Le défendeur a soutenu que la Commission avait examiné à fond la preuve documentaire et que, par conséquent, l'analyse en application de l'article 97 était suffisante (voir Nyathi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1119; et Bouaouni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. N º 1540).

[40]            Le défendeur a affirmé que la Commission n'avait pas discuté de la nature du risque fondé sur les opinions politiques du demandeur. La Commission a plutôt tenu compte de la preuve objective composée de la preuve documentaire et conclu que cette dernière démontrait que seules des personnes occupant un poste important ou en vue ou ayant un profil politique unique, étaient ciblées ou pouvaient être victimes de violence. Le demandeur en l'espèce n'occupait pas ce type de poste ou ne possédait pas ce profil et, par conséquent, ne risquait pas d'être soumis à des mauvais traitements ou à la torture. Le défendeur a soutenu que ces conclusions sont pertinentes dans une analyse effectuée en application de l'article 97.

Les dispositions législatives pertinentes

[41]            L'article 96 et le paragraphe 97(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, précitée, définissent comme suit les termes « réfugié au sens de la Convention » « et personne à protéger » :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention C le réfugié C la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes C sauf celles infligées au mépris des normes internationales C et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Analyse et décision

[42]            Je propose d'aborder en premier la question 3.

Est-ce que la Commission a commis une erreur en ce qui concerne le critère légal en application de l'article 96?

La Commission a énoncé à la page 2 de sa décision le critère suivant relativement à l'application de l'article 96 :

[TRADUCTION]

La formation estime aussi que le demandeur n'a pas prouvé qu'il existait une possibilité raisonnable ou une possibilité sérieuse qu'il soit exposé à la persécution ou au risque d'un préjudice s'il retournait en Albanie aujourd'hui par suite de son appartenance au Parti démocratique.

Et à la page 6 de sa décision, la Commission poursuivait en ces termes :

[TRADUCTION]

Par conséquent, en examinant la preuve documentaire dans son ensemble, de même que nos conclusion sur le profil politique du demandeur, la formation a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, il n'existe pas une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté en Albanie du fait de ses opinions politiques.

[43]            Dans Begollari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 1340, j'ai déclaré ce qui suit :

Dans l'arrêt Ponniah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. No 359 (C.F., 1re inst.) (QL), la Cour d'appel fédérale déclare, aux pages 2 et 3 :

Dans l'affaire Adjei, le juge MacGuigan a écrit au nom de la Cour :

Il n'est pas contesté que le critère objectif ne va pas jusqu'à exiger qu'il y ait probabilité de persécution. En d'autres termes, bien que le requérant soit tenu d'établir ses prétentions selon la prépondérance des probabilités, il n'a tout de même pas à prouver qu'il serait plus probable qu'il soit persécuté que le contraire. En effet, dans l'arrêt Arduengo c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (1981), 40 N.R. 436 (C.A.F.), à la page 437, le juge Heald, de la Section d'appel, a dit ce qui suit.

Par conséquent, j'estime que la Commission a commis une erreur en exigeant que le requérant et son épouse démontrent qu'ils seraient persécutés alors que la définition légale précitée exige seulement qu'ils établissent qu'ils « craignent avec raison d'être persécutés » . Le critère imposé par la Commission est plus rigoureux que celui qu'impose la loi.

Les parties ont convenu que l'on peut correctement décrire le critère applicable en parlant de « possibilité raisonnable » : existe-t-il une possibilité raisonnable que le requérant soit persécuté s'il retournait dans son pays d'origine?

Nous adopterions cette formulation, qui nous semble équivalente à celle utilisée par le juge Pratte, de la Section d'appel, dans Seifu c. Commission d'appel de l'immigration (A-277-82, en date du 12 janvier 1983, non publié) :

... que pour appuyer la conclusion qu'un requérant est un réfugié au sens de la Convention, il n'est pas nécessaire de prouver qu'il « avait été ou serait l'objet de mesures de persécution; ce que la preuve doit indiquer est que le requérant craint avec raison d'être persécuté pour l'une des raisons énoncées dans la Loi » . [C'est moi qui souligne].

Les expressions telles que « [craint] avec raison » et « possibilité raisonnable » signifient d'une part qu'il n'y a pas à y avoir une possibilité supérieure à 50 % (c'est-à-dire une probabilité), et d'autre part, qu'il doit exister davantage qu'une possibilité minime. Nous croyons qu'on pourrait aussi parler de possibilité « raisonnable » ou même de « possibilité sérieuse » , par opposition à une simple possibilité.

Aux termes de la décision Adjei, un demandeur n'a pas à prouver qu'il serait plus probable qu'il soit persécuté que le contraire. Il doit établir qu'il craint « avec raison » d'être persécuté ou qu'il existe une « possibilité raisonnable » de persécution.

Il ressort de la définition des expressions « avec raison » et « possibilité raisonnable » donnée dans la décision Adjei que celles-ci visent toute la zone contenue entre les limites supérieures et inférieures. L'exigence est moindre qu'une possibilité à 50 % (c.-à-d. une probabilité), mais supérieure à une possibilité minimale ou à une simple possibilité. Il n'y a pas d'exigence intermédiaire : entre ces deux limites, le demandeur craint « avec raison » .

Si, comme la Commission l'a écrit, le demandeur [TRADUCTION] « [ ... ] peut faire face à plus qu'une simple possibilité [ ... ] » de persécution, il a franchi la limite inférieure et a établi qu'il craignait « avec raison » d'être persécuté ou qu'il y avait une « possibilité raisonnable » de persécution.

[44]            En l'espèce, la Commission a énoncé deux critères différents dans deux parties différentes de la décision. Le premier critère -- énoncé à la page 2 -- est le bon, mais ce n'est pas le cas du second. En effectuant son analyse, la Commission s'est appuyée sur le critère incorrect. À partir de la décision, je ne peux dire quel critère la Commission a appliqué effectivement. Si la Commission a utilisé le mauvais critère pour rendre sa décision, alors elle a commis une erreur de droit. Puisqu'il m'est impossible de dire quel critère a été appliqué, je juge que la décision doit être annulée.

[45]            Je n'ai pas à traiter les autres questions litigieuses invoquées dans la demande.

[46]            La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie et l'affaire est renvoyée devant la Commission pour qu'une formation constituée différemment statue de nouveau à son sujet.

[47]            Aucune des parties ne m'a soumis une question grave de portée générale en vue de sa certification.

ORDONNANCE

[48]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée devant une formation différemment constituée de la Commission afin qu'elle statue de nouveau à son sujet.

« John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 31 mai 2005

Traduction certifiée conforme

Julie Poirier, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-224-04

INTITULÉ :                                                             BESNIK ARRINAJ

                                                                                 - et -

                                                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                 ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 13 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                             LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                            LE 31 MAI 2005

COMPARUTIONS:

Micheal Crane                                                            POUR LE DEMANDEUR

Margherita Branco                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Micheal Crane                                                            POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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