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Date : 20220125


Dossier : IMM‐2919‐20

Référence : 2022 CF 80

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2022

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

HARJINDER SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, M. Harjinder Singh, est un citoyen de l’Inde qui travaille comme conducteur de camion aux Émirats arabes unis [EAU] depuis 2012. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 2 juillet 2020 à la suite d’un nouvel examen [la décision contestée], par laquelle un agent des visas [l’agent] de l’ambassade du Canada à Abu Dhabi [l’ambassade] a rejeté sa demande de visa de résident temporaire et de permis de travail à titre de conducteur de camion sur long parcours en Colombie‐Britannique. L’agent a conclu que M. Singh n’avait pas établi qu’il était capable d’exercer les fonctions d’un conducteur de camion au Canada, qu’il n’avait fourni que très peu de renseignements au sujet de son expérience à titre de conducteur de camion sur long parcours, et qu’il n’avait fourni aucune information sur ses infractions routières pendant qu’il travaillait aux EAU. De plus, l’agent a conclu que les éléments de preuve présentés par M. Singh pour démontrer qu’il possédait une expérience de travail pertinente ne couvraient qu’une période de deux ans allant de décembre 2018 à décembre 2020 et non pas une période remontant à 2012. L’agent n’était par ailleurs pas convaincu que M. Singh possédait les compétences linguistiques nécessaires pour exercer adéquatement l’emploi pour lequel le permis de travail était demandé.

[2] M. Singh avait été embauché par une entreprise canadienne, Regal Transport Ltd [Regal], qui avait reçu une étude d’impact sur le marché du travail [EIMT] favorable pour le poste qu’il occuperait. M. Singh avait joint à sa demande de visa les résultats qu’il avait obtenus à l’examen de l’International English Language Testing System [IELTS]. Après les avoir convertis pour obtenir leur équivalence selon les Niveaux de compétence linguistique canadiens [NCLC], ces résultats révélaient que ses compétences linguistiques en anglais dépassent généralement le NCLC 4, qui, comme le soutenait M. Singh, est le niveau minimum requis pour les conducteurs de camion sur long parcours au Canada. D’après M. Singh, l’ambassade évaluait auparavant les compétences linguistiques en fonction d’un niveau minimum requis – le NCLC 4 – et d’une note globale à l’examen de l’IELTS d’au moins 5,0, ce qu’il avait obtenu. En ce qui concerne son aptitude à lire en anglais, pour laquelle il avait obtenu la note la plus basse, son niveau de compétence correspondait au NCLC 5. Pour cette raison, M. Singh s’attendait à ce que sa demande soit traitée. Toutefois, il semblerait qu’en 2020, l’ambassade ait modifié sa politique concernant les compétences linguistiques que doivent posséder les conducteurs de camion sur long parcours et qu’elle ait cessé d’utiliser un niveau minimum – en supposant qu’elle l’ait déjà fait – afin de permettre aux agents des visas d’évaluer les compétences de chaque demandeur au cours du processus d’entrevue.

[3] En général, les EIMT précisent les exigences particulières auxquelles un travailleur étranger doit satisfaire pour exercer un emploi au Canada, telles que les exigences en matière d’études, de langue et d’expérience. L’EIMT qui avait été délivrée à Regal exigeait que tous les conducteurs de poids lourds étrangers qui postulent pour un poste de conducteur de camion sur long parcours obtiennent, après leur arrivée au Canada, un permis de conducteur de véhicule lourd de classe 1 en Colombie‐Britannique, assorti de la mention de l’Insurance Corporation of British Columbia qui atteste qu’ils peuvent conduire un véhicule muni d’un système de freinage pneumatique, et qu’ils possèdent des [traduction] « compétences linguistiques de base en anglais » ainsi qu’un diplôme d’études secondaires. Toutes ces exigences sont compatibles avec celles de la Classification nationale des professions [la CNP], qui est la liste des professions établie par le gouvernement du Canada à laquelle sont rattachées des exigences en matière d’études et des conditions d’accès à la profession. Le poste de conducteur de camion sur long parcours est désigné par le code 7511 dans la CNP, qui prévoit que la norme de l’industrie est d’offrir une « formation en cours d’emploi » aux titulaires de ce poste. De plus, ni l’EIMT ni la CNP n’indiquent que les conducteurs étrangers doivent posséder de l’expérience au Canada.

[4] M. Singh soulève deux questions. Premièrement, il soutient que la décision contestée est déraisonnable parce que l’agent a exigé un niveau de compétences linguistiques qui était supérieur aux exigences de la province et de la CNP, et que l’agent a ajouté des exigences professionnelles pour le poste proposé qui ne figuraient pas dans l’EIMT ou la CNP. Deuxièmement, M. Singh a fait valoir dans ses observations écrites que l’agent a manqué à l’équité procédurale lorsqu’il a, d’une part, évalué ses compétences linguistiques selon une norme plus élevée que celle utilisée à l’égard des autres demandeurs – ce qui était contraire à la doctrine de l’attente légitime – et, d’autre part, lorsqu’il ne lui a pas donné la possibilité de présenter une réponse à sa décision d’ajouter des exigences professionnelles qui ne figuraient pas dans l’EIMT ou la CNP concernant le poste pour lequel il avait postulé. Cependant, le demandeur a par la suite abandonné la question de l’équité procédurale et cette question n’a pas été débattue devant moi.

[5] Les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 672 au para 8 [Patel]). La Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de la décision de l’agent des visas. Une décision est raisonnable si elle est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles (Patel au para 9; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]).

[6] La prémisse de départ est qu’un agent des visas ne peut pas délivrer un permis de travail s’il a des motifs raisonnables de croire qu’un demandeur est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis est demandé (art 200(3)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‐227 [le RIPR]). Il appartient au demandeur d’un permis de travail de fournir des éléments de preuve suffisants pour démontrer sa compétence, et un agent des visas possède un large pouvoir discrétionnaire pour trancher l’affaire (Sangha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 95 au para 42; Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 527 au para 52; Patel au para 20).

[7] En ce qui concerne la question des compétences linguistiques, les conclusions relatives aux niveaux de compétences linguistiques des travailleurs étrangers sont « hautement discrétionnaires » (Sulce c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1132 au para 8 [Sulce]; Grewal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 627 au para 17), et, à mon avis, M. Singh n’a pas démontré que l’agent était lié par les exigences linguistiques énoncées dans la CNP et l’EIMT et que, comme il s’est écarté de celles‐ci, son évaluation était donc déraisonnable.

[8] M. Singh s’appuie sur les décisions que notre Cour a rendues dans les affaires Begum c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 162 [Begum] et Bano c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 568 [Bano] pour faire valoir qu’un agent des visas ne peut pas exiger un niveau de compétences linguistiques supérieur à celui exigé dans l’EIMT et la CNP pour le poste visé, et qu’il n’était pas loisible à l’agent de rejeter sa demande en raison de ses compétences linguistiques, étant donné qu’il avait obtenu une note égale au niveau de compétences linguistiques minimum requis selon la CNP. Pour ma part, je ne vois pas en quoi ces affaires aident la cause de M. Singh. Outre le fait que les affaires Begum et Bano portaient toutes deux sur des décisions relatives à une demande de résidence permanente et non à une demande de résidence temporaire, elles ne s’intéressaient pas à un poste dont les exigences d’emploi pertinentes comprenaient la protection de la sécurité du public. La question à trancher dans ces deux affaires était plutôt celle de savoir si les demandeurs respectaient les exigences linguistiques nécessaires pour réussir leur établissement économique au Canada, et la conclusion déterminante était l’absence de justification dans la décision de l’agent des visas. En l’espèce, il ne fait aucun doute que M. Singh répondait aux exigences linguistiques énoncées dans la CNP, mais, comme il avait obtenu la note la plus basse pour ce qui est de ses compétences en lecture, l’agent n’était pas convaincu qu’il possédait les compétences nécessaires pour [traduction] « étudier et apprendre les règles de conduite au Canada, et ainsi s’assurer qu’il connaît les attentes auxquelles il faut satisfaire pour conduire un véhicule en toute sécurité selon les normes canadiennes ». L’agent a clairement indiqué que l’une des exigences d’emploi du poste convoité par M. Singh était la sécurité d’autrui, et il n’était pas convaincu que la capacité de lire l’anglais de M. Singh était [traduction] « suffisante pour qu’il puisse comprendre la signalisation routière en anglais, répondre aux demandes de renseignements officielles, interagir efficacement avec les services de police et les services d’urgence, et consigner des données dans des rapports et des dossiers ». Le raisonnement de l’agent était clair et justifié, et je ne suis pas convaincu qu’une telle conclusion était déraisonnable.

[9] Je reconnais que, depuis l’arrêt Vavilov, il faut justifier tout écart par rapport à la politique antérieure, mais M. Singh n’a pas démontré qu’il existait une politique selon laquelle la demande de permis de travail d’un demandeur doit être accueillie lorsque ce dernier satisfait aux exigences linguistiques énoncées dans la CNP ou l’EIMT. Au contraire, la politique actuelle – qui a été appliquée à M. Singh – confère aux agents des visas le pouvoir discrétionnaire de décider si un demandeur satisfait aux exigences linguistiques établies en utilisant les résultats obtenus par ce dernier à l’examen de l’IELTS ainsi que la CNP et l’EIMT comme des lignes directrices, et non comme des instruments contraignants. Quoi qu’il en soit, la CNP (code 7511) énonce un certain nombre de tâches qui doivent être accomplies par les conducteurs de camion sur long parcours – telles qu’obtenir les permis et les documents de transport requis et communiquer au moyen d’ordinateurs de bord – et qui exigent nécessairement un certain niveau de compétences en lecture. Le fait que l’agent a évalué les compétences en lecture d’un demandeur sans tenir compte de la note qu’il aurait obtenue à des tests d’évaluation linguistique ne me semble pas déraisonnable étant donné la nature du poste proposé.

[10] Le juge Diner a déclaré ce qui suit dans la décision Brar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 70 :

Au bout du compte, les agents doivent tirer leurs propres conclusions quant aux capacités des demandeurs en fonction de la preuve. En l’espèce, l’agente a simplement accordé un plus grand poids à l’entrevue en temps réel avec M. Brar qu’aux résultats des tests. Les conclusions relatives à la maîtrise d’une langue et aux capacités linguistiques tirées par les agents au titre de l’alinéa 200(3)a) du Règlement sont à la fois fondées sur les faits et discrétionnaires (Singh Grewal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 627, para 17 [décision Grewal], et Sulce c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1132, para 8 [décision Sulce]). Par conséquent, je suis d’avis que les conclusions relatives aux compétences linguistiques du demandeur tirées par l’agente étaient raisonnables en l’espèce.

En l’espèce, je souscris aux commentaires formulés par le juge Diner dans cette affaire.

[11] En ce qui a trait à la question de savoir s’il a ajouté de nouvelles exigences professionnelles pour le poste convoité qui n’étaient pas mentionnées dans l’EIMT ou la CNP, comme des antécédents d’emploi, une expérience de conduite et de l’information sur les antécédents d’infractions routières, l’agent a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Bien qu’il ait fourni une copie du certificat de dégagement de responsabilité à l’égard de toute infraction routière que lui avaient délivré les autorités des EAU, le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer s’il avait commis ou non des infractions routières aux EAU pendant qu’il y travaillait. La mesure dans laquelle le demandeur principal respecte le code de la route aux EAU est un facteur important pour déterminer la probabilité qu’il respecte le code de la route au Canada et, par conséquent, pour établir s’il peut exercer l’emploi convoité d’une manière qui ne met pas en danger la sécurité des Canadiens.

[12] M. Singh soutient qu’il est étrange que l’agent ait exigé qu’il fournisse de l’information concernant ses antécédents d’infractions routières, car le certificat de dégagement de responsabilité à l’égard de toute infraction routière que lui avaient délivré les autorités des EAU indique lui‐même que [traduction] « aucune amende n’avait été enregistrée [à son nom] dans le programme fédéral de sécurité routière et d’immatriculation ». Autrement dit, ce certificat confirmait que M. Singh n’avait aucun antécédent d’infractions routières aux EAU. Cependant, comme j’en ai discuté avec l’avocat de M. Singh durant l’audience, il est difficile de savoir si ce certificat présente uniquement les amendes pour des infractions routières qui n’ont pas encore été réglées ou s’il recense l’ensemble des antécédents d’infractions routières de M. Singh, dont les amendes pour des infractions routières qui ont déjà été payées. Aucun des éléments de preuve présentés ne me permet de savoir comment je devrais interpréter la déclaration qui se trouve sur ce certificat. Qui plus est, étant donné que l’agent était parfaitement au courant de l’existence de ce document et qu’il l’a mentionné explicitement dans sa décision, je n’ai aucune raison de croire qu’il considérait ce certificat autrement que comme une preuve que M. Singh n’avait actuellement aucune infraction routière non réglée. C’est là la seule interprétation logique à donner à ce certificat compte tenu de la manière dont l’agent a rédigé sa décision.

[13] M. Singh conteste également la dernière section de la décision de l’agent, dans laquelle ce dernier fait la déclaration suivante :

[traduction]

Étant donné que cet emploi exige de préserver la sécurité d’autrui, que les compétences en lecture du demandeur principal sont faibles, et que les routes et les conditions routières au Canada sont très différentes de celles aux EAU, je ne suis pas convaincu, tout compte fait, que le demandeur principal est capable d’exercer l’emploi convoité d’une manière qui ne met pas en danger la sécurité des Canadiens.

[14] M. Singh soutient que les conclusions de l’agent sont contredites par les faits énoncés dans l’affidavit de son employeur éventuel, Regal. Cet affidavit, dont disposait l’agent, décrivait l’expérience de l’entreprise avec les conducteurs des EAU, qui, au cours des dix dernières années, se sont révélés être des conducteurs exceptionnels, compétents et prudents qui avaient su bien s’adapter aux conditions de conduite nord‐américaines. Je dois admettre que la description de l’expérience de Regal avec les conducteurs des EAU est impressionnante, mais je ne vois pas comment cette description aiderait l’agent à décider si M. Singh est capable d’exercer l’emploi pour lequel il a demandé un permis de travail. En somme, l’agent a évalué le demandeur de visa, et rien dans l’affidavit de Regal ne me permet de croire que l’agent n’a pas apprécié les faits qui contredisaient son évaluation de M. Singh.

[15] M. Singh reconnaît que l’agent avait le pouvoir discrétionnaire d’évaluer les demandeurs de visa et qu’il avait manifestement des doutes quant à son expérience de conduite, mais il ajoute que l’expérience antérieure de la conduite de véhicules lourds n’était pas une exigence pour le poste convoité, d’autant plus que les conditions d’emploi de ce poste prévoyaient spécifiquement qu’une « formation en cours d’emploi » serait offerte. M. Singh affirme que ce n’est pas parce que l’agent avait ce pouvoir discrétionnaire qu’il avait compétence pour ajouter de nouvelles exigences relativement à un emploi en particulier. C’est peut‐être vrai, mais il n’en demeure pas moins que l’agent n’est pas lié par les exigences de la province, de la CNP ou de l’EIMT (Sulce au para 29; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 115 au para 20). Si M. Singh a raison, les agents des visas devraient accorder des permis de travail pour des postes de conducteurs de camion à des personnes qui ne possèdent absolument aucune expérience de la conduite de camions pour la simple raison que les exigences du poste précisent qu’une « formation en cours d’emploi » est offerte. Or, une telle affirmation ne tient nullement compte de l’alinéa 200(3)a) du RIPR.

[16] Il appartient au bout du compte aux agents des visas de décider si un demandeur possède les qualifications requises pour exercer un emploi, et ils peuvent raisonnablement conclure qu’un demandeur n’a pas les qualifications requises même s’il satisfait aux exigences de l’EIMT. En outre, « une EIMT favorable n’est pas déterminante pour ce qui est de savoir comment le pouvoir discrétionnaire sera exercé; il s’agit simplement d’une condition procédurale préalable à l’exercice du pouvoir discrétionnaire » (Sharma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 381 au para 19). En l’espèce, la décision de l’agent est compatible avec la décision qu’a récemment rendue notre Cour dans l’affaire Sangha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 95 [Sangha], dans laquelle la Cour a examiné le rôle que joue l’agent des visas dans l’analyse de la capacité des conducteurs à protéger la sécurité des Canadiens. Dans l’affaire Sangha, la Cour a déclaré que le paragraphe 200(3) du RIPR ne prescrit pas un niveau de compétence ou de sécurité en particulier, mais, dans le cas d’un conducteur de camion sur long parcours, la sécurité doit assurément être une exigence primordiale pour évaluer la compétence. La Cour a également déclaré que c’est au demandeur d’un permis de travail que revient le fardeau de fournir des éléments de preuve suffisants pour démontrer sa compétence, et qu’il faut faire preuve d’un haut niveau de retenue à l’égard de la décision d’un agent des visas. Il se peut que M. Singh soit en désaccord avec la décision de l’agent et qu’il croie à l’évidence que des éléments de preuve qui révèlent qu’une personne possède deux ans et demi d’expérience comme conducteur aux EAU sont suffisants, mais l’agent n’était pas de cet avis, et je ne pense pas que la Cour soit en mesure de substituer son opinion à celle de l’agent sur la question, compte tenu du large pouvoir discrétionnaire dont il dispose (Vavilov au para 83; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 aux para 59‐61).

[17] Je ne crois pas non plus que les décisions rendues par notre Cour dans les affaires Tan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1079 [Tan], et Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 934 [Gill], soient d’un grand secours en l’espèce. Dans l’affaire Gill, la Cour a conclu que la décision de l’agent des visas n’était pas transparente, intelligible et justifiée. Dans l’affaire Tan, un avis d’emploi réservé indiquait que M. Tan devait avoir une connaissance en anglais oral pour exercer l’emploi en question, mais pas qu’il devait posséder des compétences en anglais écrit. Or, l’agente des visas a conclu que M. Tan devait posséder une certaine compétence en anglais écrit pour exercer l’emploi réservé. La Cour a également conclu que l’agente des visas avait commis une erreur en exigeant que M. Tan démontre qu’il possédait des compétences en anglais écrit – en fait, en incorporant des exigences linguistiques plus rigoureuses que celles mentionnées dans l’avis d’emploi réservé. Ce n’est pas le cas en l’espèce; l’agent a évalué l’expérience de M. Singh et sa capacité à s’adapter aux conditions de conduite au Canada et à y conduire un véhicule en toute sécurité non pas comme des éléments distincts, mais à la lumière de ses compétences linguistiques insuffisantes. Je ne vois là rien de déraisonnable.

[18] L’agent a conclu que les éléments de preuve présentés par M. Singh pour démontrer son expérience ne concordaient pas avec l’expérience décrite dans son curriculum vitæ. De plus, il était d’avis que le dossier ne contenait aucune information attestant que M. Singh s’était conformé par le passé au code de la route aux EAU et que, compte tenu notamment de ses compétences linguistiques, M. Singh ne l’avait pas convaincu qu’il serait capable de conduire un véhicule en toute sécurité au Canada. Lorsqu’il est appelé à trancher la question de savoir si un étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé suivant l’alinéa 200(3)a) du RIPR, l’agent peut exiger que le demandeur produise des éléments de preuve pertinents pour démontrer qu’il est capable d’exercer l’emploi convoité. En l’espèce, il ressort clairement des motifs de l’agent que les éléments de preuve exigés étaient pertinents, et, comme les doutes soulevés par l’agent concernaient principalement la sécurité routière, je ne trouve rien de déraisonnable dans la décision contestée.

I. Conclusion

[19] Je suis d’avis de rejeter la demande.


JUDGEMENT dans le dossier IMM‐2919‐20

LA COUR STATUE :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Peter G. Pamel »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐2919‐20

 

INTITULÉ :

HARJINDER SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 MAI 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 JANVIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Gabriel Chand

 

POUR LE DEMANDEUR

Ezra Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chand & Company Law Corporation

Vancouver (Colombie‐Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‐Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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