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Date : 20060531

Dossier : IMM-5070-05

Référence : 2006 CF 667

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

 

 

ENTRE :

 

MARIUS MARCEL GORBANESCU

demandeur

 

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Gorbanescu a travaillé sur un navire de croisière au large de la Polynésie française pendant la majeure partie des huit mois précédant son arrivée au Canada. Il est arrivé au Canada en octobre 2004 et a déclaré qu’il était une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, en raison de son orientation sexuelle, parce qu’il est homosexuel. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger. Le demandeur demande le contrôle judiciaire de cette décision aux motifs que la Commission a tiré une conclusion erronée au sujet de la crédibilité et qu’elle a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas réfuté la présomption de l’existence de la protection de l’État.

 

[2]               Les motifs du commissaire comportent une erreur factuelle manifeste parce qu’il a conclu que le demandeur avait résidé aux États-Unis du 15 février 2004 au 20 octobre 2004, alors qu’il était seulement passé par les États-Unis brièvement, d’abord de passage pour se rendre de son domicile en Roumanie au navire de croisière, puis, à son retour, pour venir au Canada. Le demandeur a expliqué ce fait en détail au cours de l’audience, qui a eu lieu le 22 mars 2005, mais le commissaire n’a écrit ses motifs que le 20 juillet 2005 et il a alors confondu les faits. La Cour sait très bien que ce type d’erreur est d’autant plus susceptible de se produire quand le délai entre l’audience et la décision est prolongé.

 

[3]               Cette erreur aurait pu, en soi, comme l’affirme le défendeur, ne pas être déterminante, si ce n’était la nature de la demande et l’importance que le commissaire a accordé au présumé séjour aux États-Unis. Le commissaire a conclu que le défaut de présenter une demande aux États-Unis pouvait s’expliquer par le fait que le demandeur craignait d’être victime de la partialité dont ce pays fait preuve envers les homosexuels, mais que le fait qu’il ait tardé à venir au Canada au cours de son séjour aux États-Unis était incompatible avec une crainte subjective d’être persécuté.

 

[4]               Le commissaire a tiré d’autres conclusions défavorables au sujet de la crédibilité, mais le désir du demandeur de venir au Canada était crucial pour sa demande. Le demandeur a témoigné qu’avant de quitter la Roumanie, il avait fait la connaissance d’un visiteur canadien et il s’était renseigné sur la façon dont les homosexuels étaient traités au Canada et sur le mécanisme de demande d’asile du pays. Son objectif, lorsqu’il a accepté l’emploi sur le navire de croisière, était de venir au Canada.

 

[5]               Bien que les conclusions au sujet de la crédibilité relèvent de « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges de faits », elles doivent être étayées par la preuve. En l’espèce, je ne suis pas convaincu que la conclusion manifestement déraisonnable tirée au sujet du délai n’entache pas de nullité la conclusion du commissaire au sujet du manque général de crédibilité du demandeur.

 

[6]               Bien que le commissaire ait fondé sa décision sur ses conclusions au sujet de la crédibilité, il a ajouté que la preuve matérielle ne lui permettait pas de conclure qu’il existait un risque sérieux de persécution en Roumanie en raison de l’orientation sexuelle, et que le demandeur n’avait pas demandé la protection de l’État dans son pays.

 

[7]               Le dossier en l’espèce contient des preuves plutôt contradictoires au sujet de l’existence de la protection de l’État pour les homosexuels et de la persécution envers eux en Roumanie. Compte tenu de cette preuve, le commissaire pouvait conclure, comme il l’a fait, que le demandeur ne courait pas de risque et que la présomption de l’existence de la protection de l’État était toujours applicable, mais sa brève analyse de ces questions faisait référence à son évaluation de la crédibilité du demandeur. Par conséquent, je ne suis pas prêt à conclure que la décision dans son ensemble était raisonnable et devrait être confirmée.

 

[8]               Aucune question de portée générale n’a été énoncée et aucune ne sera certifiée.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée devant un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié différemment constitué pour nouvel examen. Aucune question n’est certifiée.

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5070-05

 

INTITULÉ :                                       MARIUS MARCEL GORBANESCU

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 mai 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 mai 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Raoul Boulakia

 

POUR LE DEMANDEUR

Matina Karvellas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

RAOUL BOULAKIA

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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