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Date : 20020528

Dossier : IMM-834-01

Référence neutre : 2002 CFPI 611

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2002

En présence de Monsieur le juge Blais

ENTRE :

                                                                      GUOMING HU

                                                                                                                                                  demanderesse

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

  • [1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale à l'égard de la décision en date du 4 janvier 2001 par laquelle l'agent des visas Alain Gingras [ci-après appelé agent des visas], de l'ambassade du Canada située à Manille, aux Philippines, a refusé la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse.

LES FAITS

  • [2]                 La demanderesse est une citoyenne de la Chine qui est née le 19 février 1975.
  • [3]                 De septembre 1993 à juillet 1997, la demanderesse a poursuivi des études au département d'études anglaises de la Tianjin Normal University et s'est spécialisée en anglais des affaires et du commerce pour obtenir un baccalauréat ès arts.
  
  • [4]                 Depuis qu'elle a obtenu son diplôme, la demanderesse travaille comme interprète et traductrice pour le bureau du directeur général de la coentreprise Tianjin Jin Tak Garments Company.
  • [5]                 De plus, depuis décembre 1997, la demanderesse travaille à temps partiel comme interprète et traductrice pour la Yacht and Secretaries Company, qui est une entreprise offrant des services de traduction et d'interprétation.
  
  • [6]                 La demanderesse a présenté sa demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants à titre d'interprète [CNP 5125.3] et de traductrice [CNP 5125.1].
  • [7]                 La demande a été reçue à l'ambassade du Canada à Manille le 23 février 2000.
  
[8]                 L'agent des visas a refusé la demande de résidence permanente au moyen d'une lettre. Aucune entrevue n'a été menée, la demanderesse n'ayant pas obtenu le minimum requis de 60 points d'appréciation.

QUESTIONS EN LITIGE

  
[9]                 Les questions à trancher en l'espèce sont les suivantes :

a)                    L'agent des visas a-t-il commis une erreur au cours de son évaluation du diplôme de la demanderesse en anglais des affaires et du commerce?

b)                    L'agent des visas a-t-il violé les principes de justice naturelle et d'équité procédurale en omettant d'indiquer dans sa lettre de refus qu'il avait évalué la demanderesse à titre de traductrice [CNP 5125.1]?

  

NORME DE CONTRÔLE

  

[1]                 La Cour fédérale a statué dans le passé que la décision de l'agent des visas est une décision de nature discrétionnaire. La question de savoir si la partie demanderesse possède la compétence ou l'expérience voulue dans l'occupation visée par la demande est une question de fait. La possibilité qu'elle en soit arrivée à une conclusion différente à la lumière de la preuve ne permet pas à la Cour de modifier à la légère une décision discrétionnaire. Par conséquent, il semblerait que la norme de contrôle de la décision d'un agent des visas est celle de la décision manifestement déraisonnable.


a)          L'agent des visas a-t-il commis une erreur au cours de son évaluation du diplôme de la demanderesse en anglais des affaires et du commerce?

[2]                 Non, l'agent des visas n'a pas commis d'erreur au cours de son évaluation du diplôme de la demanderesse en anglais des affaires et du commerce.

[3]                 Les conditions d'accès à la profession qui figurent sous la CNP 5125 prévoient ce qui suit : « Un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe et une spécialisation en traduction, en terminologie ou en interprétation au niveau des études supérieures sont exigés. » La demanderesse est titulaire d'un baccalauréat ès arts et s'est spécialisée en anglais des affaires et du commerce. Ce n'est pas un baccalauréat en traduction.

Discipline connexe

[4]                 Contrairement à ce qui s'était passé dans l'arrêt Woo c. M.C.I., [2000] A.C.F. n ° 2085 (C.F. 1re inst.), l'agent des visas en l'espèce s'est demandé si le diplôme de la demanderesse devait être considéré comme « un baccalauréat dans une discipline connexe » .

[5]                 La décision rendue dans Chen c. M.C.I,, [2000] A.C.F. n ° 613 (C.F. 1re inst.), est éclairante. Dans cette affaire, j'ai dû examiner le cas d'une personne qui détenait un baccalauréat en anglais et avait présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des immigrants indépendants sous l'occupation d'interprète, soutenant avoir travaillé dans ce domaine pendant sept ans. Voici la conclusion que j'ai tirée au sujet du baccalauréat de la demanderesse :


[par. 19] En l'espèce, comme la demanderesse n'était pas détentrice d'un baccalauréat en traduction, l'agente des visas a examiné la question de savoir si le diplôme en langue anglaise de cette dernière constituait une discipline connexe en considérant les cours qu'elle avait suivis. L'agente des visas a remarqué que la demanderesse n'avait suivi que deux cours liés au domaine de la traduction, et elle était d'avis que ces cours ne suffisaient pas à faire du diplôme en langue anglaise une discipline connexe à la traduction.

[par. 20] À mon avis, l'agente des visas a correctement interprété les conditions d'accès à la profession.

[6]                 Il appert clairement de ses notes STIDI (Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration) que l'agent des visas s'est attardé à la nature du baccalauréat de la demanderesse. À cette fin, il a examiné les cours que la demanderesse avait suivis à la Tianjin Normal University. À la page 3 du relevé certifié, les commentaires suivants sont formulés :

[TRADUCTION] Elle a obtenu un diplôme en anglais des affaires et du commerce. Ce diplôme comprend quelques cours de traduction et d'interprétation, mais il ne s'agit pas d'un diplôme de traduction semblable à celui qu'exige la CNP. Son diplôme est une variante du diplôme d'anglais langue seconde. C'est là un diplôme trop éloigné de celui de la traduction pour satisfaire aux conditions d'accès à la profession.


[7]                 Il appert clairement de l'extrait précité que l'agent des visas a examiné les cours énumérés dans le relevé d'emploi d'étudiant que la demanderesse lui a remis pour décider si le diplôme de celle-ci était un diplôme dans une discipline connexe. Des vingt-neuf (29) cours figurant sur la liste, seuls quatre étaient directement liés à la traduction ou à l'interprétation. Il s'agissait des cours suivants : traduction, traduction (de l'anglais au chinois), traduction (du chinois à l'anglais) et interprétation orale. Les autres cours figurant dans le programme de la demanderesse comprenaient des cours d'éducation physique, de grammaire, d'introduction à la culture chinoise et de politique contemporaine, pour n'en nommer que quelques-uns. Toutefois, la demanderesse fait valoir qu'elle a suivi treize (13) autres cours qui étaient directement liés à la traduction et à l'interprétation. Les treize (13) cours qui appartiendraient à une « discipline connexe » sont les suivants : lecture intensive, lecture suivie, anglais oral, rédaction pratique, compréhension auditive, rédaction anglaise, apprentissage général de l'anglais oral - pratiques orales et audiovisuelles, anglais oral, langue étrangère et seconde, journaux et périodiques de la Grande-Bretagne et des États-Unis, commerce et finance internationaux, anglais des affaires et du commerce correspondance des affaires et du commerce internationaux. Cependant, la demanderesse n'a pas réussi à prouver à la Cour en quoi ces treize (13) cours étaient liés à la profession d'interprète ou de traducteur.

[8]                 Dans la décision Chen, précitée, j'ai dû examiner le sens des mots « discipline connexe » :

[par. 16] Pour obtenir un diplôme en traduction, on doit suivre de nombreux cours en traduction du niveau élémentaire jusqu'au niveau avancé; on doit suivre des cours de langage gestuel ou dans le domaine des affaires, de la politique ou du droit. En outre, il existe diverses méthodes d'interprétation : simultanée, consécutive, chuchotée. Pour obtenir un diplôme en traduction, on doit également connaître plusieurs langues.

[par. 17] Voici comment le dictionnaire Webster définit le terme « related » : [TRADUCTION] « lié en raison d'une relation établie ou identifiable » ; ce même dictionnaire définit le terme « discipline » de la façon suivante : [TRADUCTION] « un domaine d'étude » .

[par. 18] Pour déterminer si le diplôme en langue anglaise est lié en raison d'une relation établie ou identifiable au diplôme en traduction, l'agente des visas devait nécessairement déterminer si les cours que la demanderesse a suivis étaient de quelque façon liés à la profession d'interprète ou de traducteur. Je ne veux pas dire que la discipline connexe doit être l'équivalent du domaine de la traduction ni que les cours suivis doivent tous être les mêmes. Il doit cependant y avoir un lien suffisamment étroit entre le diplôme en traduction et le diplôme que la demanderesse a obtenu pour que cette dernière remplisse les conditions d'accès à cette profession au Canada.

[9]                 Dans cette affaire, l'agente des visas a statué que le baccalauréat de la demanderesse n'était pas un diplôme dans une discipline connexe à la profession d'interprète ou de traducteur, mais se comparait davantage à un diplôme en anglais langue seconde.


[10]            Par conséquent, l'agent des visas a conclu que la demanderesse ne respectait pas les conditions d'accès à la profession de la CNP, parce qu'elle n'avait pas de baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe, et ne lui a donc attribué aucun point d'appréciation pour le facteur de la profession. Je souscris à la même conclusion.

b)          L'agent des visas a-t-il violé les principes de justice naturelle et d'équité procédurale en omettant d'indiquer dans sa lettre de refus qu'il avait évalué la demanderesse comme traductrice [CNP 5125.1]?

[11]            Non, l'agent des visas n'a pas violé les principes de justice naturelle et d'équité procédurale en omettant d'indiquer dans sa lettre de refus qu'il avait évalué la demanderesse comme traductrice [CNP 5125.1].

[12]            Dans sa demande, la demanderesse avait demandé d'être évaluée tant comme interprète [CNP 5125.3] que comme traductrice [CNP 5125.1]. Toutefois, dans sa lettre de refus, l'agent des visas n'a mentionné que la profession d'interprète [CNP 5125.3].

[13]            Dans Zhou c. M.C.I., [1998] A.C.F. n ° 271 (C.F. 1re inst.), le juge Joyal a statué comme suit :

[par. 23] [...] C'est pour dire que quelles que soient les erreurs qu'on peut attribuer à la décision de l'agente sur l'affaire, celles-ci ne suffisent pas à saper la validité essentielle de la décision.

[14]            À mon avis, la demanderesse n'a nullement été lésée par cette omission de la part de l'agent des visas, parce que, tel qu'il est mentionné plus haut, les conditions d'accès à la profession sont identiques pour toutes les descriptions des professions classées sous le numéro 5125 de la CNP, en l'occurrence, l'obligation de détenir un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe.

[15]            La demanderesse n'ayant pas respecté les conditions d'accès à la profession pour la profession d'interprète [CNP 5125.3], elle ne pouvait non plus les respecter dans le cas de la profession de traductrice [CNP 5125.1].

[16]            À mon avis, l'agent des visas n'a pas violé les principes de justice naturelle ou d'équité procédurale en omettant de mentionner l'occupation de traductrice [CNP 5125.1] dans la lettre de refus qu'il a fait parvenir à la demanderesse. Cette erreur ne suffit pas à saper la validité essentielle de la décision, car le résultat de l'évaluation de la demanderesse n'aurait pas été différent, qu'il s'agisse de la profession d'interprète [CNP 5125.3] ou de traductrice [CNP 5125.1]; par conséquent, l'évaluation de l'agent des visas n'aurait pas changé.

[17]            En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[18]            Les avocats n'ont proposé aucune question à faire certifier.

                                                                                                                                               « Pierre Blais »      

                                                                                                                                                                 Juge           

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

  

                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-834-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Guoming Hu c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 14 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                     le 28 mai 2002

COMPARUTIONS:

Rudolf Kischer                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Peter Bell                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Rudolf Kischer

Vancouver (C.-B.)                                                            POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LE DÉFENDEUR

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