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Date : 20051003

Dossier : T-1969-04

Référence : 2005 CF 1353

ENTRE :

ALEX YAARI

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HUGHES

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision datée du 27 septembre 2004 par laquelle la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles a décidé de maintenir la détention du demandeur au sein du système pénitentiaire fédéral jusqu'à l'expiration de sa peine, conformément au sous-alinéa 129(2)a)(i) et au paragraphe 130(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC).

[2]                Le demandeur, Alex Yaari, connu antérieurement sous le nom d'Alexander Sergeevich Podlesny, a été déclaré coupable d'un chef d'homicide involontaire coupable et d'un chef de vol qualifié par la Cour de l'Ontario (Division générale) et a été condamné le 7 mars 1994 à une peine de 16 ans d'emprisonnement sur le chef de vol qualifié et à six ans, à purger concurremment, pour le chef d'homicide involontaire coupable. La déclaration de culpabilité et la peine ont été confirmées en appel. Le demandeur a donc été incarcéré dans un pénitencier fédéral. Sa date de libération d'office était le 5 novembre 2004 et la date d'expiration du mandat est le 6 mars 2010.

[3]                Le demandeur est né en Russie, a immigré en Israël et est venu par la suite au Canada. S'il est remis en liberté au Canada, il semble qu'il sera déporté en Israël. Le demandeur a fait l'objet d'un examen du cas en vue d'un éventuel maintien en incarcération qui, s'il avait obtenu gain de cause, lui aurait donné le droit d'être mis en liberté pour être expulsé à la date de libération d'office. Cet examen a été effectué par la Section de première instance de la Commission nationale des libérations conditionnelles, qui a rendu sa décision le 8 juillet 2004. Selon son appréciation du risque, elle était convaincue que, si le demandeur était remis en liberté, il commettrait probablement une infraction entraînant un dommage grave à une autre personne avant l'expiration de la peine qu'il purge actuellement conformément à la loi; la libération d'office lui a donc été refusée. Cette décision a été confirmée par la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles le 27 septembre 2004. C'est cette confirmation qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.

[4]                La libération d'office que sollicite le demandeur en l'espèce a été qualifiée de « droit aléatoire » , de droit qui peut être retiré avant même d'avoir été exercé. Le juge Décary, parlant au nom de la Cour dans l'arrêt Cartier c. Canada (Procureur général), [2003] 2 C.F. 317 (C.A.F.), déclare au paragraphe 12 :

La libération d'office est un droit conféré par le paragraphe 127(1) « sous réserve des autres dispositions de la présente loi » . Dans un cas comme celui de M. Cartier, l'article 129 impose au commissaire l'obligation, avant de permettre au délinquant d'exercer ce droit, de faire étudier le cas par le Service correctionnel du Canada, ce qui peut amener un renvoi à la Commission, laquelle pourra, après examen, « interdire la mise en liberté » (paragraphe 130(3)). Le droit à la libération d'office est donc un droit qui est susceptible d'être retiré par la Commission avant même qu'il ne soit exercé. Il s'agit en ce sens d'un droit aléatoire, d'un droit qui n'est pas véritablement garanti. [...]

[5]                Lorsque la Commission examine la question de savoir s'il y a lieu d'accorder la libération d'office, elle est tenue de procéder à un examen conformément au paragraphe 130(1) de la LSCMLC qui énonce :

130. (1) Sous réserve des paragraphes 129(5), (6) et (7), la Commission informe le détenu du renvoi et du prochain examen de son cas - déféré en application des paragraphes 129(2), (3) ou (3.1) - et procède, selon les modalités réglementaires, à cet examen ainsi qu'à toutes les enquêtes qu'elle juge nécessaires à cet égard.

[6]                Les critères que la Commission doit utiliser pour procéder à un tel examen dans le cas d'une personne déclarée coupable d'une infraction ayant causé la mort ou un dommage grave sont exposés au paragraphe 132(1) de la LSCMLC :

132. (1) Le Service et le commissaire, dans le cas des examens et renvois prévus à l'article 129, ainsi que la Commission, pour décider de l'ordonnance à rendre en vertu de l'article 130 ou 131, prennent en compte tous les facteurs utiles pour évaluer le risque que le délinquant commette, avant l'expiration légale de sa peine, une infraction de nature à causer la mort ou un dommage grave à une autre personne, notamment :

a) un comportement violent persistant, attesté par divers éléments, en particulier :

(i) le nombre d'infractions antérieures ayant causé un dommage corporel ou moral,

(ii) la gravité de l'infraction pour laquelle le délinquant purge une peine d'emprisonnement,

(iii) l'existence de renseignements sûrs établissant que le délinquant a eu des difficultés à maîtriser ses impulsions violentes ou sexuelles au point de mettre en danger la sécurité d'autrui,

(iv) l'utilisation d'armes lors de la perpétration des infractions,

(v) les menaces explicites de recours à la violence,

(vi) le degré de brutalité dans la perpétration des infractions,

(vii) un degré élevé d'indifférence quant aux conséquences de ses actes sur autrui;

b) les rapports de médecins, de psychiatres ou de psychologues indiquant que, par suite d'une maladie physique ou mentale ou de troubles mentaux, il présente un tel risque;

c) l'existence de renseignements sûrs obligeant à conclure qu'il projette de commettre, avant l'expiration légale de sa peine, une infraction de nature à causer la mort ou un dommage grave à une autre personne;

d) l'existence de programmes de surveillance de nature à protéger suffisamment le public contre le risque que présenterait le délinquant jusqu'à l'expiration légale de sa peine.

[7]                La procédure que doit suivre la Commission lorsqu'elle effectue cet examen a été qualifiée d' « inquisitoire » par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Winko c. Colombie-Britannique (Forensic Psychiatric Institute), [1999] 2 R.C.S. 625. Au paragraphe 54, la juge McLachlin (maintenant juge en chef), parlant au nom de la majorité, a déclaré :

La rupture du régime avec l'ancien modèle contradictoire souligne le rôle particulier des dispositions de la partie XX.1 dans le cas du système de justice pénale. Il arrive souvent que le ministère public ne participe pas à l'audition. Bien qu'il assiste à celle-ci et qu'il ait le droit d'être représenté par avocat, l'accusé non responsable criminellement ne se voit imposer aucun fardeau. Le système est de type inquisitoire. Il incombe au tribunal ou à la commission d'examiner tous les éléments de preuve pertinents de part et d'autre. Le tribunal ou la commission d'examen ont en effet l'obligation de rechercher et d'évaluer non seulement les éléments qui sont favorables à la restriction de libérer l'accusé, mais aussi ce qui milite en faveur de la libération inconditionnelle ou de la libération assujettie à des conditions minimales et ce, que l'accusé soit présent ou non. La procédure est équitable, car l'accusé non responsable criminellement n'est pas toujours en mesure de défendre sa propre cause. Le fardeau ultime est le fardeau de présentation en ce qui concerne l'établissement de la preuve que l'accusé non responsable criminellement représente un risque important pour la sécurité du public, justifiant une décision de restreindre sa liberté, incombent en tout temps au tribunal ou à la commission d'examen. En cas d'incertitude de la part du tribunal ou de la commission d'examen, la partie XX.1 prévoit que tout doute doit être tranché en faveur de la mise en liberté de l'individu.

Elle déclare au paragraphe 70 :

[...] Il appartient au tribunal ou à la commission d'examen, dans le cadre d'une procédure inquisitoire, d'enquêter sur la situation qui existe au moment de l'audition et de déterminer si l'accusé représente un risque important pour la sécurité du public. [...]

Au paragraphe 185, le juge Gonthier a déclaré ce qui suit, au nom de la minorité :

[...] Deuxièmement, toute la procédure devant le tribunal ou la commission d'examen est de type inquisitoire, et non contradictoire. Il n'y a pas de parties à l'instance. Il n'y a pas non plus de fardeau de la preuve. Dans l'intérêt de l'accusé, ce régime protège l'intégrité des rapports professionnels en cause. Il permet une meilleure évaluation de l'état de l'accusé, de sorte que puisse être rendue la décision qui répond le mieux à ses besoins, y compris sa réinsertion sociale, et qui est la moins sévère et la moins privative de liberté tout en assurant la protection du public.

[8]                La décision de la Section de première instance de la Commission nationale des libérations conditionnelles est susceptible d'appel devant la Section d'appel. La Section d'appel doit être convaincue que la décision attaquée ne peut « raisonnablement être fondée en droit » , avant d'ordonner la mise en liberté immédiate d'un contrevenant. C'est la décision de la Section d'appel qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire. Cette situation inhabituelle indique qu'il y a lieu de faire preuve de prudence dans l'application des règles habituelles de droit administratif. Comme le juge Décary l'a déclaré dans Cartier c. Canada (Procureur général), précité, aux paragraphes 6 à 10 :

6               La Section d'appel est une créature hybride. Elle entend l' « appel » du délinquant et l'alinéa 147(4)d) lui permet d'infirmer ou de modifier la décision qu'a rendue la Commission à l'encontre de ce dernier. C'est là un pouvoir associé à un appel. Cependant, les motifs d'appel énumérés au paragraphe 147(1) sont essentiellement ceux associés au contrôle judiciaire et le paragraphe 147(4) emploie l'expression « au terme de la révision » (mon soulignement). Qui plus est, l'alinéa 147(5)a) vient réduire considérablement le pouvoir d'intervention de la Section d'appel, et du même coup renforcer considérablement le statut de la décision de la Commission, quand il exige de la Section d'appel qu'elle soit « convaincue » , avant de rendre une décision « qui entraîne la libération immédiate du délinquant » , que :

[. . .] la décision visée par l'appel ne pouvait raisonnablement être fondée en droit, en vertu d'une politique de la Commission ou sur les renseignements dont celle-ci disposait au moment de l'examen du cas.

7              L'alinéa 147(5)a) est troublant, dans la mesure où il dicte une norme de contrôle qui ne s'applique, à toutes fins utiles, que lorsque la Section d'appel, en application de l'alinéa 147(4)d), infirme la décision de la Commission et permet la libération du délinquant. Quelle norme faut-il appliquer, comme en l'espèce, lorsque la Section d'appel confirme la décision de la Commission en application de l'alinéa 147(4)a)?

8               L'alinéa 147(5)a) semble indiquer une intention du législateur de privilégier la décision de la Commission, bref de refuser la libération d'office dès que cette décision est raisonnablement fondée en droit et en fait. La Commission a droit à l'erreur, si cette erreur est raisonnable. La Section d'appel n'intervient que si l'erreur, de droit ou de fait, est déraisonnable. Je serais porté à croire qu'une erreur de droit de la Commission relativement à son degré de « conviction » quant à l'évaluation du risque d'une mise en liberté--une erreur qui est alléguée en l'espèce--serait une erreur déraisonnable par définition car elle touche la fonction même de la Commission.

9              Si la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité lorsque la Section d'appel infirme la décision de la Commission, il me paraît improbable que le législateur ait voulu que la norme soit différente lorsque la Section d'appel confirme. Je crois que le législateur, encore que maladroitement, n'a fait que s'assurer à l'alinéa 147(5)a) que la Section d'appel soit en tout temps guidée par la norme de raisonnabilité.

10            La situation inusitée dans laquelle se trouve la Section d'appel rend nécessaire une certaine prudence dans l'application des règles habituelles du droit administratif. Le juge est théoriquement saisi d'une demande de contrôle judiciaire relative à la décision de la Section d'appel, mais lorsque celle-ci confirme la décision de la Commission, il est en réalité appelé à s'assurer, ultimement, de la légalité de cette dernière.

[9]                En l'espèce, la Section d'appel a confirmé la décision de la Commission de ne pas autoriser la libération d'office.

[10]            Le demandeur a soulevé cinq questions dans son mémoire et a défendu plus vigoureusement l'une d'entre elles, la question B, dans ses arguments présentés oralement. Voici ces questions :

A.                  La norme de contrôle est-elle celle de la décision correcte, de la décision raisonnable simpliciter ou de la décision manifestement déraisonnable?

B.                  L'obligation d'agir de façon équitable dans un système inquisitoire oblige-t-elle la Commission à traiter les parties qui donnent des renseignements sur un pied d'égalité, lorsqu'elle les interroge dans le but d'effectuer une enquête équitable et pondérée et qu'aucun motif précis n'exige de les traiter différemment?

C.                  Les renseignements relatifs aux antécédents criminels présentés par l'informateur du SCC étaient-ils suffisamment fiables et convaincants, compte tenu des conditions dont est assortie la détention au paragraphe 132(1) de la LSCMLC?

D.                  Les renseignements relatifs à des déclarations de culpabilité antérieures pour agression sexuelle fournis par l'informateur du SCC étaient-ils pertinents?

E.                   La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a jugé que le demandeur était membre d'une organisation criminelle?

Sur la question A

[11]            L'avocate du défendeur m'informe que la Cour d'appel fédérale est actuellement saisie d'une affaire, Condo c. Canada (Procureur général), C.A.F. A-244-05, dans laquelle la question du degré de retenue dont doit bénéficier la Section d'appel a été soulevée et pourrait fort bien être tranchée. L'avocate du défendeur mentionne qu'aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire, le défendeur accepterait l'application de l'une ou l'autre norme, à savoir celle de la décision raisonnable simpliciter ou celle de la décision manifestement déraisonnable. Cela étant, je suis disposé à procéder en appliquant aux questions de fait ou aux questions mixtes de fait et de droit la norme de la décision raisonnable simpliciter. Bien entendu, comme la Cour suprême du Canada l'a déclaré dans l'arrêt Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 37, « [...] la norme de révision de la décision correcte s'applique à l'égard des questions de droit » .

Sur la question B

[12]            Le demandeur soutient que la Commissions est un organisme de nature inquisitoire et qu'elle est donc tenue, en raison de son obligation d'équité, d'agir de façon agressive comme si elle représentait les deux parties, y compris le demandeur. Il soutient donc que, lorsque la Commission entrevoit la possibilité de mettre en doute ou d'atténuer l'effet d'une preuve factuelle, elle doit faire enquête sur ce point et procéder, lorsque cela est approprié, à un contre-interrogatoire.

[13]            À titre d'exemple, le demandeur soutient qu'elle aurait dû contester la preuve selon laquelle le demandeur aurait été incarcéré en Russie pour voies de fait, au motif qu'il existait d'autres éléments de preuve indiquant qu'au cours de la même période, un collègue du demandeur l'avait rencontré dans la rue en Russie, que le demandeur avait été hospitalisé et qu'il s'était marié. Le demandeur soutient que l'agent de libération conditionnelle, qui était la seule personne, hormis le demandeur, à témoigner devant la Commission, aurait dû être interrogé sur la fiabilité des éléments de preuve relatifs à la prétendue incarcération du demandeur. Il est évident que l'agent ne pouvait pas avoir une connaissance personnelle des événements survenus en Russie et qu'il aurait donc dû être interrogé sur la fiabilité de ces éléments de preuve; voilà ce que soutient le demandeur.

[14]            Le demandeur n'a pas contesté quoi que ce soit devant la Commission lorsque cette question a été entendue et il n'a pas demandé à la Commission de poser des questions de ce genre à l'agent. Le demandeur n'a pas soulevé cette question auprès de la Section d'appel. Il semble que cette question ait été formulée pour la première fois aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire; la Cour accepte de l'examiner, mais les questions de ce genre qui n'ont pas été soulevées antérieurement suscitent un certain scepticisme.

[15]            Le rôle de la Commission et du Service correctionnel du Canada (le SCC) est exposé dans la LSCMLC, notamment aux paragraphes 23(1), 24(1), 25(1), à l'alinéa 101b) et au paragraphe 129(4), qui énoncent :

23. (1) Le Service doit, dans les meilleurs délais après la condamnation ou le transfèrement d'une personne au pénitencier, prendre toutes mesures possibles pour obtenir :

23. (1) When a person is sentenced, committed or transferred to penitentiary, the Service shall take all reasonable steps to obtain, as soon as is practicable,

a) les renseignements pertinents concernant l'infraction en cause;

a) relevant information about the offence;

b) les renseignements personnels pertinents, notamment les antécédents sociaux, économiques et criminels, y compris comme jeune contrevenant;

b) relevant information about the person's personal history, including the person's social, economic, criminal and young-offender history;

c) les motifs donnés par le tribunal ayant prononcé la condamnation, infligé la peine ou ordonné la détention -- ou par le tribunal d'appel -- en ce qui touche la peine ou la détention, ainsi que les recommandations afférentes en l'espèce;

c) any reasons and recommendations relating to the sentencing or committal that are given or made by

(i) the court that convicts, sentences or commits the person, and

(ii) any court that hears an appeal from the conviction, sentence or committal;

d) les rapports remis au tribunal concernant la condamnation, la peine ou l'incarcération;

d) any reports relevant to the conviction, sentence or committal that are submitted to a court mentioned in subparagraph (c)(i) or (ii); and

e) tous autres renseignements concernant l'exécution de la peine ou de la détention, notamment les renseignements obtenus de la victime, la déclaration de la victime quant aux conséquences de l'infraction et la transcription des observations du juge qui a prononcé la peine relativement à l'admissibilité à la libération conditionnelle.

e) any other information relevant to administering the sentence or committal, including existing information from the victim, the victim impact statement and the transcript of any comments made by the sentencing judge regarding parole eligibility.

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24. (1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu'il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

24. (1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

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25. (1) Aux moments opportuns, le Service est tenu de communiquer à la Commission nationale des libérations conditionnelles, aux gouvernements provinciaux, aux commissions provinciales de libération conditionnelle, à la police et à tout organisme agréé par le Service en matière de surveillance de délinquants les renseignements pertinents dont il dispose soit pour prendre la décision de les mettre en liberté soit pour leur surveillance.

25. (1) The Service shall give, at the appropriate times, to the National Parole Board, provincial governments, provincial parole boards, police, and any body authorized by the Service to supervise offenders, all information under its control that is relevant to release decision-making or to the supervision or surveillance of offenders.

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101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l'exécution de leur mandat par les principes qui suivent :

b) elles doivent tenir compte de toute l'information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;

101. The principles that shall guide the Board and the provincial parole boards in achieving the purpose of conditional release are

b) that parole boards take into consideration all available information that is relevant to a case, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, any other information from the trial or the sentencing hearing, information and assessments provided by correctional authorities, and information obtained from victims and the offender;

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129 (4) À la demande de la Commission, le Service fait le nécessaire pour lui transmettre tous renseignements supplémentaires utiles concernant les cas déférés aux termes du paragraphe (2) ou (3).

129(4) At the request of the Board, the Service shall take all reasonable steps to provide the Board with any additional information that is relevant to a case referred pursuant to subsection (2) or (3).

[16]            Une copie non officielle d'un passage de la transcription des débats, y compris la déposition de l'agent et du demandeur, contenant des questions et des invitations à poser des questions, a été fournie. On a demandé au demandeur : [traduction] « Voulez-vous poser des questions? » L'agent a fait le point pour la Commission sur le dossier du demandeur. Son incarcération en Russie n'a fait l'objet de discussion dans aucune des transcriptions présentées en preuve. Le demandeur n'avait pas de questions à poser. La Commission a ensuite interrogé le demandeur et voilà l'échange qui a eu lieu au sujet de son incarcération en Russie :

[traduction]

Le membre de la Commission

Q: Qu'avez-vous à dire au sujet des allégations qui se trouve au dossier selon lesquelles vous avez été déclaré coupable en Russie de « comportement brutal » pour lequel vous avez reçu une peine de deux ans?

M. Yaari

R : Non, ce n'est pas exact.

Le membre de la Commission

Q : C'est sans doute un genre de comportement agressif, selon la traduction des documents figurant au dossier, n'est-ce pas?

M. Yaari

R : Je n'ai jamais, jamais agressé qui que ce soit.

[17]            Le demandeur n'a pas nié qu'il avait été incarcéré; il a uniquement nié avoir commis une agression.

[18]            Le législateur a créé un mécanisme pour l'examen des demandes de libération d'office, un « droit aléatoire » . Le SCC est chargé de fournir les éléments de preuve pertinents et la Commission tient compte de tous les éléments de preuve disponibles se rapportant au dossier. Le demandeur a eu la possibilité de témoigner, y compris de répondre aux questions posées par la Commission et a eu lui-même la possibilité de poser des questions. Le fait que ce soit la Commission, et non pas un autre avocat, qui ait interrogé l'agent et le demandeur ne veut pas dire que les principes fondamentaux de l'équité procédurale n'ont pas été respectés. La Commission a traité équitablement et sur un pied d'égalité les éléments de preuve et les personnes. En outre, la Section d'appel a conclu que le demandeur avait eu une audience équitable. Ni la Commission, ni la Section d'appel n'ont commis d'erreur susceptible de révision.

Sur la question C

[19]            Le paragraphe 132(1) de la LSCLC, reproduit plus haut, contient une liste des facteurs dont la Commission doit tenir compte lorsqu'elle examine une demande de libération d'office. Ces différents facteurs n'ont pas tous la même importance dans une affaire donnée. Ils sont destinés à guider la Commission lorsque celle-ci est appelée à décider si la libération d'office est appropriée, compte tenu des circonstances d'une affaire donnée.

[20]            La Commission a conclu, [traduction] « après avoir examiné les facteurs établis par la loi » , que le demandeur devait être détenu. La Section d'appel a estimé [traduction] « [...] que la Commission avait procédé de façon équitable à l'évaluation des risques conformément aux facteurs applicables en matière de détention » . La Cour estime, en se fondant sur le dossier, qu'aucune erreur susceptible de révision n'a été commise.

La preuve additionnelle

[21]            Au cours de l'audience relative à la présente demande, l'avocat du demandeur a demandé oralement à la Cour l'autorisation de présenter une preuve additionnelle composée d'un affidavit émanant d'un membre du personnel du bureau de l'avocat auquel certains documents étaient joints à titre de pièces. L'avocat du demandeur a déclaré avoir mentionné à l'avocate du défendeur plusieurs mois auparavant qu'il souhaitait verser ces éléments de preuve au dossier. Cependant, l'avocat du demandeur n'a pas déposé, ni signifié de requête en vue d'obtenir l'autorisation de présenter ces documents et il n'a pas été en mesure de fournir une explication raisonnable de son omission. J'ai autorisé le dépôt de cet affidavit, avec réticence, principalement pour éviter toute allégation de préjugé ou tout autre argument de ce genre dans le cas où la présente affaire donnerait lieu à un appel, sous réserve de la force probante qu'il me paraît approprié d'attribuer à ces éléments de preuve et de la possibilité d'exclure certains éléments, après examen.

[22]            Ces éléments de preuve comprennent un affidavit déposé par un membre du personnel du bureau de l'avocat du demandeur auquel sont joints des rapports d'Interpol datés des 12 mars 2005, 18 mars 2005 et 30 mars 2005, qui sont donc postérieurs à la décision de la Commission et à celle de la Section d'appel. Le rapport du 12 mars énonce que le service Interpol à Moscou faisait savoir que le demandeur [traduction] « ne figurait pas dans leurs dossiers criminels et n'était pas recherché dans leur pays » . Le rapport du 18 mars énonce notamment que le demandeur [traduction] « fait l'objet d'une enquête pour une participation à un meurtre » . Le rapport du 30 mars énonce que le service Interpol de Moscou informait que le demandeur [traduction] « n'était pas recherché dans notre pays » et que l'enquête criminelle au sujet de la disparition d'un ressortissant français [traduction] « était suspendue » . L'avocat du demandeur soutient que ces éléments contredisent la preuve présentée à la Commission qui comprenait un rapport Interpol antérieur, lequel faisait état, notamment, de ce qui suit :

[TRADUCTION] Nous possédons les renseignements suivants dans nos dossiers criminels concernant les sujets que vous avez mentionnés dans votre demande transmise par radio :

1.                Yaari F/N Alexander alias Podlesny S/O Serguei, né le 14/08/59 à Magadan (Russie), a les antécédents criminels suivants :

-                   29/07/1977 vol, deux ans de prison

-                   22/11/1977 viol, dix ans de prison. Mis en liberté conditionnelle en janvier

-                   22/06/83 comportement brutal, trois ans et six mois de prison

[23]            Cette preuve additionnelle ne touche aucunement le présent contrôle judiciaire. Premièrement, même si elle avait été présentée à la Commission au moment de ses délibérations, cette nouvelle preuve ne mentionne pas que le demandeur n'a pas été incarcéré en Russie à un moment donné. Au mieux, elle pourrait justifier que l'on demande des explications supplémentaires à Interpol. Lorsque le demandeur a présenté cette preuve, il n'a pas essayé de fournir des explications ou ses propres éléments de preuve à ce sujet. Deuxièmement, ces renseignements ont été transmis après que la Commission et la Section d'appel ont rendu leur décision. La présente instance est un contrôle, et non pas un appel, et elle n'est pas le prolongement de l'instance entamée devant la Commission.

[24]            J'en conclus que cette preuve additionnelle n'intéresse pas la présente demande de contrôle judiciaire et que, même si c'était le cas, elle n'aurait aucune force probante ou une force probante très faible.

Sur la question D

[25]            Comme cela est mentionné à propos de la question C, la Commission est tenue de prendre en compte un certain nombre de critères énumérés au paragraphe 132(1), notamment l'existence de renseignements établissant des « impulsions sexuelles » selon le sous-alinéa (1)a)(iii). La Commission a le droit de se fonder sur des éléments de preuve, même du ouï-dire, pour prendre sa décision. Comme pour la question C, la Commission a tenu compte de tous les critères, sans en privilégier un en particulier. La Section d'appel a confirmé la décision de la Commission. Aucune erreur susceptible de révision n'a été commise.

Sur la question E

[26]            Cette question concerne des allégations [traduction] d' « appartenance à une organisation criminelle » . La Commission déclare dans sa décision :

[TRADUCTION] « Vous avez nié en particulier [...] toute appartenance au groupe Caucus qui est reconnu comme la faction de la mafia russe dans la région de Toronto; »

La Section d'appel déclare dans ses motifs :

[TRADUCTION] Quant à votre participation aux activités d'un groupe du crime organisé à Toronto ayant des liens avec la mafia russe, nous constatons qu'il existe suffisamment de renseignements pertinents et fiables vous liant à un tel groupe (voir le rapport d'enquête du 25 janvier 1999 de l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé de la GRC et l'évaluation en vue d'une décision datée du 8 janvier 2004).

[27]            Le demandeur invoque la décision de la Cour fédérale Coscia c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 225 pour affirmer qu'il n'est pas possible de traiter quelqu'un, de façon directe ou indirecte, comme un membre d'une « organisation criminelle » , tant que cette personne n'a pas été déclarée coupable. Le demandeur n'a jamais été déclaré coupable d'une telle infraction.

[28]            Ce principe n'est pas applicable ici. La décision Coscia a fait l'objet d'un appel et dans sa décision du 14 avril 2005, sous la référence 2005 CAF 132, la Cour d'appel fédérale a déclaré que la conclusion du juge de première instance sur ce point était « erronée » .

[29]            De plus, la décision Coscia et la décision sur laquelle la Cour fédérale a fondé ses conclusions, DeLuca c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 261, étaient des affaires de contrôle judiciaire de décisions en matière de libération conditionnelle qui portaient sur l'expression « un acte de gangstérisme, au sens de l'article 2 du Code criminel » , dont parle le sous-alinéa 125(1)a)(vi).

[30]            En l'espèce, il s'agit d'une décision de la Commission concernant l'éventuelle mise en liberté d'un détenu à l'expiration de la durée légale, aux termes du paragraphe 132(1) de la LSCLC. Cet article ne fait pas directement référence à une « organisation criminelle » mais invite plutôt la Commission à examiner plus largement « le risque que le délinquant commette [...] une infraction de nature à causer la mort ou un dommage grave à une autre personne » . L'alinéa c) exige que la Commission prenne en compte l'existence de renseignements sûrs indiquant que le demandeur projette de commettre une telle infraction. Les alinéas a) à d) sont des facteurs dont la Commission devrait tenir compte dans ses décisions globales. La possibilité que l'intéressé ait des liens avec un groupe est un aspect que la Commission peut prendre en considération, qu'il s'agisse ou non d'une « organisation criminelle » au sens du Code criminel. Le fait qu'il y ait eu ou non une déclaration de culpabilité à ce sujet n'est pas pertinent à l'égard de ces facteurs.

[31]            Le demandeur n'a pas établi que la Commission avait commis une erreur susceptible de révision, ni que la Section d'appel avait commis une telle erreur, même en appliquant le critère de la décision raisonnable simpliciter. De plus, il n'y a pas eu à l'égard du demandeur violation de la justice naturelle ou de l'équité procédurale au cours du processus.

[32]            La présente demande sera rejetée avec dépens en faveur du défendeur, que j'établis au montant de 2 500 $.

« Roger T. Hughes »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 3 octobre 2005

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1969-04

INTITULÉ :                                        ALEX YAARI

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 21 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HUGHES

DATE DES MOTIFS :                       LE 3 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS :

Brian A. Callender                                 POUR LE DEMANDEUR

R. Jeff Anderson                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brian A. Callender                                POUR LE DEMANDEUR

Kingston (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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