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Date : 20220118


Dossier : IMM-1118-21

Référence : 2022 CF 58

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2022

En présence de l’honorable madame la juge Roussel

ENTRE :

MIGUEL ANGEL FRAGOSO VELAZQUEZ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Contexte

[1] Le demandeur, Miguel Angel Fragoso Velazquez, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 26 janvier 2021 par la Section d’appel des réfugiés [SAR], qui confirme le rejet de sa demande d’asile par la Section de la protection des réfugiés [SPR].

[2] Le demandeur est citoyen du Mexique. Il allègue que le 2 février 2018, alors qu’il retourne à la maison, il est attaqué par cinq (5) individus, qui affirment le surveiller depuis longtemps, savoir où il habite et étudie, en plus de connaitre le nom de ses parents. Le 26 avril 2018, il est séquestré dans une voiture par deux (2) individus, dont l’un d’entre eux était présent lors de l’événement du 2 février 2018. Le demandeur est menacé de mort, avant de se voir remettre un sac portant le logo d’un cartel mexicain rempli de drogue. Il doit en vendre le contenu et recruter d’autres personnes, à défaut de quoi lui et sa famille en subiront les conséquences. Une fois seul, il se débarrasse du sac, refusant d’être mêlé à de telles activités. Le lendemain, une fusillade a lieu dans sa ville. Ses parents décident de l’envoyer vivre chez ses oncles dans une autre municipalité le 10 mai 2018. Le 5 juin 2018, il retourne vivre chez ses parents et le 13 juin 2018, une personne cagoulée se présente chez lui. Cette personne exige de l’argent en échange de sa protection. Le 24 juin 2018, le demandeur quitte le Mexique en direction du Canada et dépose une demande d’asile.

[3] Le 14 novembre 2019, la SPR rejette sa demande d’asile. Elle juge le demandeur non crédible en raison de contradictions importantes entre son formulaire de fondement de demande d’asile [FDA], son témoignage à l’audience et la preuve documentaire. De plus, elle estime que le comportement du demandeur dans les mois précédant son départ du Mexique est incompatible avec le risque allégué dans sa demande d’asile. Enfin, elle n’accorde aucune valeur probante à la preuve documentaire soumise par le demandeur.

[4] En appel devant la SAR, le demandeur plaide qu’il y a eu des manquements à l’équité procédurale dans le déroulement de l’audience. Il soutient de plus que la SPR s’est fondée sur des aspects secondaires dans l’analyse générale de sa crédibilité.

[5] La SAR rejette l’appel et confirme la décision de la SPR. Elle estime d’abord qu’il n’y a pas eu de manquements à l’équité procédurale. Elle conclut ensuite que même si la SPR a erré à certains égards, son analyse générale de la crédibilité du demandeur reste correcte.

[6] Devant cette Cour, le demandeur soutient que la SAR a mal évalué les manquements allégués à l’équité procédurale. Il fait également valoir que l’analyse de sa crédibilité et de ses éléments de preuve est déraisonnable.

II. Analyse

[7] La norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à la conclusion tirée par la SAR selon laquelle il n’y a pas eu de manquements à l’équité procédurale devant la SPR. Il ne s’agit pas en l’espèce de déterminer si la SAR a violé l’équité procédurale, mais plutôt d’établir s’il a eu un manquement devant la SPR (Chaudhry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 520 au para 24; Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1103 au para 25; Abuzeid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 34 au para 12). Cette même norme s’applique également aux décisions de la SAR portant sur la crédibilité et l’évaluation de la preuve (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 143 [Vavilov]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 au para 35; Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 au para 4 (CAF) (QL)).

[8] Lorsque la norme du caractère raisonnable s’applique, la Cour s’intéresse « à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Vavilov au para 83). Elle doit se demander si « la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov au para 99). Enfin, il « incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov au para 100). Elle doit convaincre la Cour que la décision souffre de lacunes graves qui sont « suffisamment capitale[s] ou importante[s] pour rendre cette dernière déraisonnable » (Vavilov au para 100).

A. Équité procédurale

[9] Devant la SAR, le demandeur a fait valoir que la SPR avait tenté, tout au long de l’audience, d’influencer lui et son conseil. Il alléguait, à titre d’exemples, que : (1) la SPR a corrigé son conseil en lui indiquant qu’il était erroné de parler des agents « de persécution », alors qu’il s’agissait plutôt des agents « de préjudice »; (2) la SPR a laissé sous-entendre que son conseil témoignait à sa place, alors qu’il donnait plutôt des clarifications; (3) la SPR est intervenue à plusieurs reprises lors de l’interrogatoire mené par son conseil, le coupant et ne lui permettant pas de poser des questions; et (4) les nombreuses interventions de la SPR lors des observations du conseil ont coupé la cadence de ses arguments. Le demandeur soutenait que la SPR avait violé l’équité procédurale en agissant de la sorte.

[10] Dans ses motifs, la SAR affirme avoir écouté l’enregistrement de l’audience devant la SPR. Elle constate que la SPR exerçait un grand contrôle sur sa salle d’audience et que les faits allégués par le demandeur ont tous eu lieu. Cependant, elle ajoute que même si la SPR a rappelé au conseil du demandeur qu’elle avait déjà posé les mêmes questions, elle l’a néanmoins laissé poursuivre son interrogatoire. Quant aux interruptions de la SPR lors des observations du conseil, la SAR estime que celles-ci ont été faites afin de saisir chacun des mots du conseil, qui a lui-même reconnu lors de ses observations qu’il avait un fort accent lorsqu’il s’exprimait en français.

[11] S’appuyant sur l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817, la SAR reconnait que la SPR a pris beaucoup de place durant l’audience. Elle considère toutefois qu’il ressort de l’enregistrement que la SPR a permis au demandeur et à son conseil de présenter leurs allégations et leurs observations. La SAR ajoute que les interventions de la SPR avaient pour objectif d’éclaircir le récit du demandeur et de l’informer de ses préoccupations face aux contradictions et omissions relevées. Bien qu’elle n’encourage pas l’attitude adoptée par la SPR lors du déroulement de l’audience, la SAR conclut que le demandeur a eu la possibilité de présenter les allégations au soutien de sa demande d’asile, et qu’il n’y a donc pas eu de manquements à l’équité procédurale.

[12] Devant cette Cour, le demandeur réitère essentiellement les mêmes arguments qu’il a soulevés en appel. Il a toutefois soumis un affidavit supplémentaire avec certains extraits de l’enregistrement de l’audience. Il reproche notamment à la SAR d’avoir conclu à l’absence de manquements à l’équité procédurale, tout en reconnaissant la véracité des faits allégués dans son mémoire d’appel. De plus, il soutient qu’il est erroné pour la SAR d’indiquer que la SPR a laissé son conseil poursuivre ses questions. En effet, ce dernier a dû retirer une de ses questions, privant ainsi le demandeur de la possibilité de clarifier ses propos. Enfin, le demandeur conteste la référence au « fort accent » de son conseil pour expliquer certains problèmes de communication.

[13] Après avoir écouté l’enregistrement de l’audience devant la SPR, la Cour ne peut souscrire aux arguments du demandeur. La SPR a d’abord questionné le demandeur pendant près de deux (2) heures sur ses allégations. Tout au long du témoignage du demandeur, la SPR lui a posé des questions ouvertes et a cherché à éclaircir son témoignage ainsi que son récit. Elle l’a informé de ses préoccupations face aux contradictions et omissions relevées et lui a permis de fournir des explications. Le fait d’interroger un demandeur d’asile afin de clarifier ses éléments de preuve ou de mettre à l’épreuve sa crédibilité ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale (Thelusma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 612 au para 26; Moualek c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 539 aux para 54 et 55).

[14] Il est vrai que la SPR a précisé au conseil du demandeur, lors de ses observations, qu’il était question en l’instance d’un agent de préjudice et non d’un agent de persécution. Il faut toutefois examiner le contexte dans lequel cette intervention a eu lieu. Le conseil venait d’affirmer que la demande d’asile était fondée uniquement sur l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. La Cour ne considère pas que cet échange soulève un problème d’équité procédurale.

[15] En ce qui a trait aux autres interventions de la SPR lors des observations du conseil, l’enregistrement démontre que la SPR cherchait à prendre en note tous les arguments du demandeur. Lorsque le conseil allait trop vite ou qu’elle ne comprenait pas un mot, la SPR lui demandait de répéter. La Cour estime que les interventions de la SPR étaient raisonnables.

[16] Enfin, l’enregistrement démontre en effet que le conseil du demandeur a retiré une de ses questions alors qu’il interrogeait le demandeur. Le conseil du demandeur lui avait demandé de lui raconter « mot par mot » ce que ses agresseurs lui avaient dit le 26 avril 2018. La SPR est alors intervenue pour lui souligner qu’elle avait déjà posé, à plusieurs reprises et sous différentes formes, cette question au demandeur. Le conseil a indiqué qu’il cherchait à clarifier une contradiction, ce à quoi la SPR a répondu qu’il ne fallait pas reposer les mêmes questions ou faire répéter au demandeur son témoignage. Le conseil a par la suite indiqué que, pour les fins de l’enregistrement, il n’était pas en train de faire répéter le témoignage, mais qu’il allait néanmoins retirer sa question. La SPR a alors répondu qu’elle ne nuisait pas à ses questions, mais que si le demandeur avait déjà eu l’occasion de témoigner sur ce point, il n’était pas pertinent de poser les mêmes questions à nouveau. Après avoir réitéré qu’il était plutôt question de clarifier une contradiction, le conseil a répété qu’il retirait sa question.

[17] En demandant de répéter mot pour mot ce que les agresseurs du demandeur lui avaient dit, il était raisonnable pour la SPR de juger que le conseil posait les mêmes questions et qu’il cherchait à ce que le demandeur répète son témoignage. Or, cette Cour a reconnu qu’il est tout à fait justifié pour un décideur de restreindre des témoignages répétitifs (Almoqaiad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 160 au para 18 [Almoqaiad]; Svecz c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 3 au para 43; Chelaru c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1535 au para 29). Le simple fait d’interrompre un demandeur d’asile lorsqu’approprié ne constitue pas une erreur susceptible de révision (Almoqaiad au para 18).

[18] Ayant écouté cet échange, la Cour estime que le conseil aurait pu reformuler sa question afin qu’elle soit plus précise. De plus, la Cour note que le demandeur n’a pas élaboré, ni devant la SAR ou cette Cour, ce que son conseil cherchait exactement à clarifier, la réponse qu’il aurait donnée ou comment celle-ci aurait pu avoir un impact sur la décision rendue. La Cour suppose que la clarification que souhaitait apporter le conseil du demandeur visait le fait que le demandeur avait omis de mentionner, dans son témoignage, les menaces faites à sa famille le 26 avril 2018. Cependant, si tel était le cas, la SAR a donné raison au demandeur en établissant que la SPR avait fait preuve de zèle sur cette question et n’avait pas rendu une conclusion correcte. La Cour estime que cet argument ne pourrait être retenu, la SAR ayant conclu en faveur du demandeur sur ce point.

[19] La question que devait trancher la SAR était celle de savoir si le demandeur s’était vu offrir la possibilité de présenter entièrement et équitablement sa position. Elle a jugé que c’était le cas. Le demandeur n’a pas convaincu la Cour que cette conclusion est déraisonnable.

B. Analyse de la crédibilité et évaluation des éléments de preuve

[20] Le demandeur soutient d’abord que la SAR a erré en reconnaissant, d’une part, que la SPR avait tiré une conclusion négative sur le fait d’avoir omis dans son témoignage de préciser les menaces faites à sa famille et, d’autre part, en ne jugeant pas que cette erreur était suffisante pour infirmer la décision rendue. Il reproche également à la SAR d’avoir reconnu que les contradictions entre son témoignage et la lettre de sa petite amie ne portaient pas sur un élément central de la demande d’asile, mais d’avoir néanmoins analysé « à la loupe » ses réponses pour justifier que le résultat reste le même.

[21] La Cour ne peut souscrire à ces arguments.

[22] La SAR explique clairement pourquoi elle considère que l’erreur de la SPR n’est pas déterminante. Elle indique être plutôt préoccupée par le comportement du demandeur à la suite de l’événement du 26 avril 2018 et l’absence de représailles de la part des individus qui l’ont menacé. À cet égard, elle explique que le demandeur a témoigné, en début d’audience, qu’il connaissait l’ampleur des activités criminelles du cartel et son niveau de dangerosité en raison de leur désir de vengeance. La SAR note également que le demandeur a allégué avoir jeté un sac rempli de drogue appartenant au cartel. Malgré les représailles possibles, le demandeur affirme être resté à son domicile parce qu’il voulait être près de ses parents, avec qui il se sentait en sécurité. Il a reconnu n’avoir pris aucune mesure de sécurité spécifique durant cette période et avoir continué à voir ses amis. Il a témoigné que le cartel lui avait donné environ un mois pour vendre la drogue. Par contre, le demandeur a affirmé que le cartel n’était jamais venu réclamer l’argent. La SAR est d’avis que le fait que le demandeur soit retourné vivre dans le même quartier uniquement parce qu’il souhaitait passer du temps avec ses parents et se trouvait davantage en sécurité, alors que ses agresseurs l’avaient pourtant avisé qu’il était surveillé depuis longtemps et qu’ils savaient où il étudiait et vivait, est incompatible avec le comportement d’une personne qui craint pour sa vie. La Cour estime cette conclusion raisonnable compte tenu du témoignage du demandeur.

[23] Quant à la lettre de la petite amie du demandeur, la SAR ne reconnait pas qu’une erreur a été commise par la SPR. Elle convient plutôt qu’il ne s’agit pas d’un fait touchant le cœur de la demande d’asile. Cependant, elle reconnait qu’il y a bien une contradiction entre le témoignage du demandeur et la lettre. De plus, elle note que, lorsque le demandeur a été confronté à cette contradiction, ce dernier a ajusté son témoignage. L’argument du demandeur ne démontre pas en quoi la conclusion de la SAR est déraisonnable. Même s’il s’agit d’un élément secondaire, il n’en demeure pas moins qu’il y avait contradiction et que celle-ci pouvait raisonnablement miner la crédibilité du demandeur.

[24] Le demandeur critique ensuite la conclusion de la SAR relative à la contradiction entre ce qu’il a allégué lors de son témoignage et ce qu’il a déclaré dans son formulaire de FDA, dans lequel il a indiqué ne pas avoir été en mesure de voir ses agresseurs le 2 février 2018. Lors de son témoignage, le demandeur a affirmé avoir vu leur visage et a ajouté qu’ils avaient tous les cheveux noirs, que l’un d’entre eux portait une barbe alors qu’un autre avait une moustache. Comme la SPR, la SAR juge non satisfaisante l’explication du demandeur que, en raison de sa peur, il ne se souvenait pas bien de ce qui s’était passé et qu’avec le temps, il avait pu se détendre. La SAR est d’avis que la contradiction touche un point central du récit du demandeur, soit l’événement où ses problèmes auraient commencé, et qu’il est donc raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur puisse témoigner clairement avoir vu ou non ses agresseurs. Elle conclut que cette contradiction mine grandement la crédibilité du demandeur.

[25] La Cour estime cette conclusion raisonnable. Si le demandeur s’est effectivement souvenu plus tard qu’il avait vu le visage de ses agresseurs, il aurait pu corriger son formulaire de FDA. Il l’a d’ailleurs fait pour la fusillade du 27 avril 2018. C’est seulement lorsque la SPR lui a demandé d’expliquer la contradiction qu’il a offert cette explication. Il était tout à fait raisonnable pour la SAR de conclure qu’il s’agissait d’une contradiction importante sur un point central de son récit.

[26] Le demandeur reproche à la SAR de s’être trompée en soulignant qu’il avait de nouveau indiqué dans son mémoire ne pas avoir vu ses agresseurs. Même si c’est le cas, la Cour ne considère pas que cette erreur soit déterminante en raison de la contradiction sur un point central entre le formulaire de FDA et le témoignage du demandeur.

[27] Le demandeur reproche également à la SAR d’avoir omis de prendre en compte qu’il avait 19 ans au moment des faits et qu’il dépendait de ses parents, avant de conclure que son comportement était incompatible avec le risque allégué. Cette critique est mal fondée. Il ressort clairement des motifs de la SAR qu’elle a bel et bien tenu compte de son profil, considérant à la fois son âge et sa relation avec ses parents. Toutefois, la SAR pouvait raisonnablement juger que l’âge du demandeur ne pouvait servir de justification quant à son comportement incompatible avec l’ensemble de ses allégations.

[28] Les derniers points soulevés par le demandeur visent le rejet de certains de ses éléments de preuve.

[29] En ce qui concerne le certificat médical, le demandeur reproche à la SAR de ne pas lui avoir accordé de valeur probante, alors qu’il y n’avait aucun élément permettant de douter de son authenticité. Selon lui, la SAR a erré en ne retenant pas que le certificat médical corroborait qu’il avait eu des blessures le jour même où il aurait été attaqué le 2 février 2018. Il ajoute qu’un certificat médical ne fera jamais état de la source de blessures.

[30] La SAR ne remet pas en question l’authenticité du certificat. Elle explique plutôt pourquoi le certificat médical ne pallie pas au manque de crédibilité du demandeur. En plus de noter que le document ne fait pas état de la provenance des blessures, elle souligne que la nature des blessures n’y est pas précisée et que le document mentionne seulement que le demandeur doit appliquer de la glace, qu’il doit prendre des capsules et appliquer de la crème. La SAR ajoute que le fait que le demandeur ait consulté un médecin le 3 février n’établit pas de manière probante qu’il aurait été victime d’une attaque par un cartel le 2 février 2018.

[31] Après examen du certificat médical, la Cour estime que la SAR pouvait raisonnablement être d’accord avec la décision de la SPR de ne pas lui accorder de valeur probante, d’autant plus que le certificat est fondé sur une conclusion négative de crédibilité, soit l’événement du 2 février 2018. Or, il est bien établi qu’une conclusion défavorable de crédibilité peut être applicable aux éléments de preuve pertinents soumis par un demandeur (Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 271 au para 22; Alizadehvakili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 165 au para 34; Lawal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 558 au para 22).

[32] Dans son mémoire supplémentaire, le demandeur semble également laisser entendre que la SAR a jugé la lettre de sa petite amie non-authentique. Il n’en a toutefois jamais été question. Tel que mentionné ci-haut, la SAR a plutôt relevé une contradiction puisque la lettre indique que le demandeur aurait revu sa petite amie après février 2018, alors qu’il a témoigné le contraire devant la SPR.

[33] Quant à la lettre de la voisine, celle-ci fait allusion à un élément qui n’est pas central à la demande d’asile, puisque le demandeur n’était pas personnellement visé par l’incident du 27 avril 2018.

[34] La Cour estime que l’ensemble de ces arguments constitue essentiellement une invitation par le demandeur à réévaluer sa preuve. Or, il est bien établi que les conclusions relatives à la crédibilité d’un demandeur d’asile et l’évaluation de la preuve commandent un degré élevé de retenue de la part de cette Cour. En l’espèce, la SAR a procédé à sa propre analyse du dossier et a écouté l’enregistrement de l’audience. Sa conclusion sur l’absence de crédibilité du demandeur repose sur l’ensemble du dossier. Bien que le demandeur ne soit pas d’accord avec les conclusions de la SAR et celles de la SPR, il ne revient pas à cette Cour de réévaluer et de soupeser la preuve de nouveau pour en arriver à une conclusion qui lui serait favorable (Vavilov au para 125; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59).

[35] Pour conclure, la Cour estime que, lorsque les motifs de la SAR sont interprétés de manière globale et contextuelle, ils possèdent les caractéristiques d’une décision raisonnable (Vavilov aux para 97, 99).

[36] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Aucune question de portée générale n’a été soumise aux fins de certification et la Cour est d’avis que cette cause n’en soulève aucune.


JUGEMENT au dossier IMM-1118-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée; et

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1118-21

INTITULÉ :

MIGUEL ANGEL FRAGOSO VELAZQUEZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 JANVIER 2022

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JANVIER 2022

COMPARUTIONS :

Rachel Bourbeau-Ratté

Pour LE DEMANDEUR

Caroline Doyon

Pour LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Alfredo Garcia

Montréal (Québec)

Pour LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour LE DÉFENDEUR

 

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