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     Date : 19980525

     Dossier : IMM-4170-97

Ottawa (Ontario) le 25 mai 1998

En présence de M. le juge Pinard

Entre :

     PHIN VAN NGUYEN,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire visant l'avis du ministre en date du 18 juillet 1997, par lequel il a été décidé que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada, est rejetée.


YVON PINARD

JUGE

Traduction certifiée conforme :

Christiane Delon, LL.L.


     Date : 19980525

     Dossier : IMM-4170-97

Entre :

     PHIN VAN NGUYEN,

     demandeur,

     - et -

    

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de l'avis du ministre en date du 10 juillet 1997, par lequel il a été décidé que, conformément au paragraphe 70(5) et à l'alinéa 46.01(1)e)(iv) de la Loi sur l'immigration (la " Loi "), le demandeur constitue un danger pour le public au Canada.

[2]      Le demandeur s'élève contre le fait qu'un rapport de l'agent Eric Wickberg, du Coordinated Law Enforcement Unit de la province de Colombie-Britannique (le rapport du CLEU) a été remis au ministre lorsqu'il s'est agi, pour celui-ci, de rendre un avis de dangerosité au titre du paragraphe 70(5) et de l'alinéa 46.01(1)e)(iv) de la Loi. Il conteste les allégations contenues dans le rapport du CLEU, rapport qui est, d'après lui, rempli de ouï-dire et de témoignages qui sont faux ou trompeurs et auxquels le ministre n'aurait dû attribuer aucun poids.

[3]      L'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada (M.C.I.) c. Williams, [1997] 2 F.C. 646 (autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada refusée le 16 octobre 1997) a établi une norme très stricte en matière de contrôle judiciaire d'un avis de dangerosité rendu par le ministre, ainsi qu'il en ressort de la page 664 :

         [. . .] ces décisions subjectives ne peuvent pas être examinées par les tribunaux, sauf pour des motifs comme la mauvaise foi du décideur, une erreur de droit ou la prise en considération de facteurs dénués de pertinence. En outre, lorsque la Cour est saisie du dossier qui, selon une preuve non contestée, a été soumis au décideur, et que rien ne permet de conclure le contraire, celle-ci doit présumer que le décideur a agi de bonne foi en tenant compte de ce dossier [notes de bas de page non reprises]                 

[4]      Le rapport préparatoire à l'avis du ministre comprend, sous le titre, " facteurs de dangerosité ", le résumé suivant :

         [Traduction]                 
         L'intéressé a été déclaré coupable d'une très grave infraction criminelle. Il a été déclaré coupable de faits de séquestration et aurait pu se voir imposer une peine d'emprisonnement de dix ans. En l'espèce, le juge l'a condamné à neuf mois de prison bien qu'il ait fait un an et demi de détention en attente de son procès.                 
         Dans les observations qu'il a présentées, l'agent Eric Wickberg, fait valoir que [traduction] " Cet individu, et ceux qui agissent sous sa direction, constituent un grave danger pour la communauté vietnamienne, et pour l'ensemble de la population de la Colombie-Britannique ".                 
         La police possède, sur l'intéressé, un dossier volumineux.                 

[5]      Rien ne s'opposait, d'après moi, à ce que le rapport du CLEU soit transmis au ministre lorsqu'il s'est agi pour lui de rendre un avis de dangerosité. Étant donné que ces éléments ont été également portés à connaissance du demandeur, il n'a pu y avoir, en l'occurrence, aucune prise en compte abusive de " preuves extrinsèques " telles que celles qui ont été évoquées dans le cadre des affaires Noppers c. Canada (M.C.I.) (1997), 136 F.T.R. 176; Kim c. Canada (M.C.I.) (1997), 127 F.T.R. 181; Shah c. M.C.I. (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.) et Clarke c. Canada (M.C.I.) (1997), 139 F.T.R. 74. D'ailleurs, en l'espèce, le demandeur a eu la possibilité, avant même que le ministre n'émette un avis de dangerosité, de présenter ses observations concernant les preuves versées à son dossier, mais il ne l'a pas fait.

[6]      D'ailleurs, rien n'indique que, en émettant l'avis de dangerosité visant le demandeur, la personne désignée par le ministre ait agi de mauvaise foi, commis une erreur de droit ou se soit fondée sur des considérations non pertinentes. Je trouve convaincant l'argument développé par le défendeur lorsqu'il fait valoir que le ministre ou son délégué n'était aucunement tenu de prendre seulement en compte les preuves démontrées au-delà d'un doute raisonnable, et qu'en fait il est simplement exigé de la décision qu'elle soit " la formulation d'un avis de bonne foi basé sur les probabilités perçues par le ministre au moyen d'un examen des documents pertinents et sur une évaluation de l'acceptabilité du risque probable " (voir Williams , page 678). Il est vrai que le rapport du CLEU contenait des allégations concernant des faits dont le demandeur n'avait ni été déclaré coupable, ni même accusé. Il convient cependant de rappeler que ces allégations sont parfaitement compatibles avec l'acte de violence dont il a été déclaré coupable, qu'elles ressortent d'une enquête approfondie, et qu'elles n'ont pas été réfutées devant le ministre. Selon l'arrêt Williams, précité, la bonne foi du ministre se présume. Il y a donc lieu de présumer que le ministre a accordé le poids qu'il convenait au rapport du CLEU.

[7]      Quoi qu'il en soit, étant donné que le demandeur a été déclaré coupable d'un crime de violence, j'estime que même en l'absence du rapport du CLEU, suffisamment d'éléments justifiaient un avis de dangerosité. Les circonstances du crime en question sont exposées de manière détaillée dans le rapport de l'avocat de la Couronne et de l'agent du procureur général de la Colombie-Britannique, rapport qui, lui aussi, a été transmis au ministre avant même que ne soit rendu l'avis de dangerosité.

[8]      Et enfin, en ce qui concerne l'argument développé par le demandeur sur le fait que le ministre n'a pas exposé les motifs de sa décision, l'arrêt Williams, précité, a établi très nettement qu'il n'incombe aucunement au ministre de motiver, dans ce contexte, ses avis de dangerosité.

[9]      Pour l'ensemble de ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[10]      Cette affaire ne soulève aucune question grave de portée générale justifiant la certification.


YVON PINARD

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 mai 1998

Traduction certifiée conforme :

Christiane Delon, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :

INTITULÉ DE LA CAUSE :

IMM-4170-97

PHIN VAN NGUYEN c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 6 MAI 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE PINARD

DATE :      LE 25 MAI 1998

ONT COMPARU :

Me Jay Solomon      POUR LE DEMANDEUR

Me Larissa Easson      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Solomon & Cikes      POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

George Thompson      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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